Thoreau : Peut-on désobéir aux lois ?

Thoreau écrit De la désobéissance civile qui est considéré aujourd'hui comme un des ouvrages fondateurs du concept de désobéissance civile.

Henry David Thoreau est connu pour être parti vivre durant deux ans et deux mois dans la forêt de son ami Emerson. Son oeuvre Walden ou la vie dans les bois est un récit de son séjour dans la nature, il en fait l’éloge et défend les bienfaits de la simplicité pour atteindre le bonheur. Il savoure sa liberté et tient à la conserver, mais il s’est aussi intéressé à la vie des autres et consacre une partie de sa vie à la défense de leurs droits. Il combat pour la liberté de tous les êtres humains et en particulier des esclaves.

Thoreau écrit De la désobéissance civile paru en 1849 qui est considéré aujourd’hui comme un des ouvrages fondateurs du concept de désobéissance civile. Thoreau a, en effet, au cours de sa vie, pratiqué de nombreuses fois la désobéissance. A l’âge de 29 ans, il refuse de payer ses impôts pour protester contre la politique esclavagiste et belliciste des Etats-Unis. La somme est ridicule, mais comme il s’agit pour lui d’une question de morale, il refuse de payer et est jeté en prison.

Selon lui, les citoyens sont avant tout des êtres humains, c’est-à-dire que le fait qu’ils vivent en société en se soumettant à des lois, ne signifie pas qu’ils peuvent accepter de se soumettre à des lois injustes. Ainsi, pour lui, si la loi est injuste et si le citoyen juge en conscience qu’elle l’est alors il a le devoir d’y désobéir. C’est ce qu’il fait notamment avec l’esclavage. Il accueille des esclaves en fuite chez lui et en aide quelques-uns alors que les autorités de son pays pourchassent les esclaves et demandent aux citoyens de les dénoncer.

Thoreau pense qu’un seul citoyen par son refus de respecter la loi peut être un grain de sable qui va dérégler le système entier et cela est encore plus vrai si un grand nombre de citoyens se mettent à désobéir. Selon lui, si le citoyen juge une loi injuste, il ne doit pas y obéir quand même en attendant de pouvoir la changer, mais doit y désobéir immédiatement. Pour lui, il y a peu de chance que le citoyen arrive à changer la loi par le dialogue ou le seul militantisme, en revanche s’il désobéit il peut bloquer le gouvernement.

Texte de Thoreau :

« Le citoyen doit-il un seul instant, dans quelque mesure que ce soit, abandonner sa conscience au législateur ? Pourquoi, alors, chacun aurait-il une conscience ? Je pense que nous devons d’abord être des hommes, des sujets ensuite. Le respect de la loi vient après celui du droit. La seule obligation que j’aie le droit d’adopter, c’est d’agir à tout moment selon ce qui me paraît juste (…).

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La masse des hommes sert l’Etat de la sorte, pas en tant qu’hommes, mais comme des machines, avec leurs corps. Ils forment l’armée de métier, ainsi que la milice, les geôliers, policiers, posse comitatus, etc. Dans la plupart des cas, il n’existe aucun libre exercice du jugement ou du sens moral ; mais ils se mettent au niveau du bois, de la terre et des pierres ; et l’on pourrait réaliser des hommes de bois qui rempliraient aussi bien cette fonction. Ils ne méritent pas plus de respect que des épouvantails ou un étron. Ils ont la même valeur que des chevaux ou des chiens. Pourtant, ce sont de tels êtres qu’on juge communément de bons citoyens. D’autres – comme la plupart des législateurs, politiciens, juristes, ministres ou fonctionnaires – servent l’Etat surtout avec leur tête ; et, comme ils font rarement la moindre distinction morale, ils risquent tout autant de servir le Diable, sans en avoir l’intention, que Dieu. Un tout petit nombre – héros, patriotes, martyrs, réformateurs au sens fort, des hommes enfin, servent l’Etat avec leur conscience aussi et lui résistent nécessairement pour l’essentiel ; il les traite souvent en ennemis.

Il existe des lois injustes : consentirons-nous à leur obéir ? Tenterons-nous de les amender en leur obéissant jusqu’à ce que nous soyons arrivés à nos fins – ou les transgresserons-nous tout de suite ? En général, les hommes, sous un gouvernement comme le nôtre, croient de leur devoir d’attendre que la majorité se soit rendue à leurs raisons. Ils croient que s’ils résistaient, le remède serait pire que le mal. […]

Une minorité ne peut rien tant qu’elle se conforme à la majorité ; ce n’est même pas alors une minorité. Mais elle est irrésistible lorsqu’elle fait obstruction de tout son poids. S’il n’est d’autre alternative que celle-ci : garder tous les justes en prison ou bien abandonner la guerre et l’esclavage, l’État n’hésitera pas à choisir. Si un millier d’hommes devaient s’abstenir de payer leurs impôts cette année, ce ne serait pas une initiative aussi brutale et sanglante que celle qui consisterait à les régler, et à permettre ainsi à l’État de commettre des violences et de verser le sang innocent. Cela définit, en fait, une révolution pacifique, dans la mesure où pareille chose est possible.

Si le percepteur ou quelque autre fonctionnaire me demande, comme ce fut le cas : « Mais que dois-je faire ? », je lui réponds : « Si vous voulez vraiment faire quelque chose, démissionnez ! » Quand le sujet a refusé obéissance et que le fonctionnaire démissionne, alors la révolution est accomplie. »

Thoreau, La désobéissance civile, 1849.

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