Margaret Mead est une anthropologue américaine du XXe siècle, qui a étudié notamment les cultures traditionnelles de l’Océanie et du Sud-est asiatique. Elle s’y intéresse plus particulière à la sexualité et à la question du genre. C’est entre 1931 et 1933 qu’elle s’emploie à comparer trois sociétés de Nouvelle-Guinée : Les Arapesh, les Mundugumor et les Chambuli. Son travail sera publié sous le titre Trois sociétés primitives de Nouvelle-Guinée (1935). En 1963, une nouvelle édition sera publiée regroupant plusieurs textes dont celui-ci, il s’intitule Moeurs et sexualité en Océanie. Dans cet ouvrage, elle tend à montrer que la façon pour les hommes et les femmes de concevoir leur identité dépend grandement de la manière dont la société conçoit le rôle des hommes et des femmes. En d’autres termes, ce que l’on conçoit dans nos sociétés comme « naturellement » féminin ou « naturellement » masculin, n’aurait pas réellement de rapport avec la nature mais plutôt avec l’éducation et les distinctions de genre adoptées par telle ou telle société.
Cela signifie par exemple que si l’on considère que les hommes doivent être forts et brutaux dans une société, ils vont être élevés en accord avec cet idéal. Cela aura pour conséquence que la majorité des hommes de cette société, se considéreront comme des hommes s’ils sont forts et brutaux. Ils seront fiers de cela et veilleront à « être des hommes ».
Margaret Mead en mettant en évidence de profondes différences dans la façon de concevoir le rôle des hommes et des femmes dans les sociétés qu’elle compare, se confronte à un tabou dans la société américaine des années 30. Cette dernière considère alors que les différences entre les hommes et les femmes du point de vue de leurs comportements et de leurs rôles s’expliquent par la nature. Ce qui justifie de cantonner les femmes dans certaines tâches et concoure à leur refuser l’égalité. On voit ainsi que les études de Mead en Océanie ont aussi des conséquences sur la société américaine et donnent des arguments aux théories féministes qui défendront que le genre n’est pas naturelle, mais le résultat d’une construction sociale et qu’il relève donc de l’acquis. C’est parce que telle société élève les garçons et les filles de manière différentes que finalement ils auront à l’âge adulte des comportements, goûts et compétences différentes.
Mead avance cette théorie à partir de son travail de terrain en comparant les différentes sociétés. Selon elle, le modèle des Arapesh, chez lesquels les hommes, tout comme les femmes ont un comportement doux et aimable s’oppose aux Mundugumor, chez qui les hommes comme les femmes sont plutôt agressifs. Elle explique ces différences par la manière dont les bébés sont élevés. Chez les Arapesh, l’enfant qu’il soit fille ou garçon, est soigné par les deux parents et toujours porté près du corps. Les parents ne laissent pas pleurer les enfants et s’en inquiètent. Chez les Mundugumor, au contraire, les bébés sont gardés dans des paniers assez grossiers et loin des parents. Les soins sont réduits au minimum et les enfants sont élevés dans la compétition dès le plus jeune âge. Ce qui explique, à ses yeux, qu’hommes et femmes se montrent agressifs à l’âge adulte. Il est intéressant de noter que dans les deux cas, il n’y a pas de différences importantes dans l’éducation des hommes et des femmes.
La troisième société qu’elle étudie, les Chambuli, représente un modèle plutôt intermédiaire. Les hommes y sont rudes et agressifs, alors que les femmes y montrent du calme et de la douceur. Selon elle, c’est la différence d’éducation entre les garçons et les filles qui expliquent ces différences de comportements à l’âge adulte.
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Texte de Magaret Mead :
« si certaines attitudes que nous considérons comme traditionnellement associées au tempérament féminin – telles que la passivité, la sensibilité, l’amour des enfants – peuvent être typiques des hommes d’une certaine tribu, et, dans une autre, au contraire, être rejetées par la majorité des hommes comme des femmes, nous n’avons plus aucune raison de croire qu’elles sont irrévocablement déterminées par le sexe de l’individu. (…) Il est maintenant permis d’affirmer que les traits de caractère que nous qualifions de masculins ou de féminins sont, pour un grand nombre d’entre eux, sinon en totalité, déterminés par le sexe d’une façon aussi superficielle que le sont les vêtements, les manières ou la coiffure qu’une époque assigne à l’un ou à l’autre sexe (…) Seule la société, pesant de tout son poids sur l’enfant, peut être l’artisan de tels contrastes (…) Nous sommes obligés de conclure que la nature humaine est éminemment malléable, obéit fidèlement aux impulsions que lui communique le corps social »
Margaret Mead, Mœurs et sexualité en Océanie.