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Bonjour, aujourd’hui, je vais continuer cette introduction à la philosophie en répondant à la question : qu’est-ce que l’éthique ?
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Si vous avez écouté le premier épisode de ce podcast, vous savez déjà que l’éthique est une partie de la philosophie qui s’intéresse aux comportements des individus en société et s’interroge sur ce qui est bien ou mal, juste ou injuste.
Mais que fait-on lorsque l’on fait de l’éthique en philosophie ?
Pour bien comprendre, il faut d’abord avoir en tête que le terme éthique en français (ou morale, j’y reviendrai) peut avoir deux sens très différents :
L’éthique en philosophie, c’est d’abord une discipline qui réfléchit sur les principes, les règles et les normes qu’il faudrait suivre. Et qui va donc se demander que faut-il faire ? Que doit-on faire dans telle ou telle situation ? Et comment justifier rationnellement que l’on choisisse de faire ceci plutôt que cela ? Par exemple : Faut-il ne jamais mentir ? Ou bien peut-on parfois le faire et pourquoi ?
L’éthique en ce sens, c’est donc d’abord une réflexion sur ce qui doit être fait ou pas.
Mais, l’éthique ou la morale en français peut également désigner l’ensemble des règles et normes que l’on doit suivre dans un pays ou une culture spécifique. En ce sens, le terme renvoie à quelque chose de beaucoup plus descriptif : voilà comment il faut se comporter ici et il n’est nullement question de réfléchir sur le pourquoi de ces règles.
C’est à cause de cette ambiguïté du terme qu’il y a parfois une confusion dans l’esprit de mes interlocuteurs lorsqu’en tant que professeur de philosophie, je dis que je fais de l’éthique ou de la philosophie morale avec mes élèves.
Lorsque je dis cela, certains pourraient penser que j’enseigne la morale à mes élèves, c’est-à-dire ce qu’il faut faire ou ne pas faire aujourd’hui dans la société française, comme cela a pu être le cas, il y a longtemps dans l’éducation.
Mais, en réalité, ça n’est pas du tout cela que nous faisons en philosophie. Dans le cours de philosophie, faire de l’éthique cela signifie réfléchir aux raisons pour lesquelles on adopte certaines règles de conduite ou certains devoirs. Le but n’est donc pas de transmettre des règles à suivre sans réfléchir, mais au contraire d’aider les élèves à être autonomes et à déterminer pourquoi ils suivent telle règle de conduite ou non.
Deuxième point terminologique qu’il faut préciser pour bien commencer : y a-t-il une différence entre l’éthique et la morale ? Cette question pourrait faire l’objet de longs développements, mais je vais tâcher d’aller au plus simple.
Il est possible de considérer que les deux termes ont un sens similaire si l’on part de l’étymologie. Le terme éthique vient du grec ethos qui signifie l’habitude, la coutume ou le caractère. Le terme morale quant à lui vient du latin « mos » « mores » qui signifie l’habitude, la tradition, les mœurs. En d’autres termes, ces deux mots sont très proches et l’on pourrait dire que l’on désigne la même discipline lorsque l’on dit que l’on fait de la philosophie morale ou de l’éthique.
Néanmoins, si l’on observe les usages et la manière dont en France on utilise ces deux mots, on peut observer une différence intéressante.
En effet, le terme morale en français a une connotation beaucoup plus religieuse que le terme Ethique qui fait davantage penser à des philosophies eudémonistes, c’est-à-dire des philosophies qui ne cherchent pas seulement à déterminer ce qu’il faut faire pour bien agir, mais surtout ce qu’il faut faire pour être heureux. Donc des philosophies qui cherchent ce qu’il faut faire ou être pour avoir une bonne vie. On peut ainsi penser à l’Ethique d’Aristote, à l’éthique d’Epicure ou encore à l’Ethique Stoïcienne. Qui bien évidemment ne sont pas d’accord sur ce qu’est le bonheur et sur la manière de l’atteindre, j’y reviendrai.
Si l’on en croit Ernst Gunter Schumacher, cette différence d’usage entre les termes éthique et morale s’explique par les rapports difficiles des philosophes à la religion en France. Certains auraient alors préféré utiliser le terme éthique plutôt que morale afin d’insister sur le fait que cette discipline « l’éthique » cherche à déterminer ce qu’il est bien ou bon de faire de manière purement rationnelle sans se laisser influencer par des dogmes religieux.
Bien, voilà pour ces précisions terminologiques.
Maintenant : qu’est-ce que faire de l’éthique ?
Je pense que l’on peut identifier 4 manières relativement distinctes de faire de l’éthique en philosophie :
D’abord : on peut faire de l‘histoire de la philosophie, c’est-à-dire que l’on va s’intéresser à des théories philosophiques ou à des écoles de pensée qui nous conseillent d’agir de telle ou telle manière si nous souhaitons être heureux ou encore bien vivre. Ces pensées peuvent être intéressantes car elles contiennent notamment des thèses et des arguments qui peuvent nourrir notre propre réflexion. On peut ainsi parler de l’épicurisme, du stoïcisme ou de l’éthique d’Aristote.
Ensuite : on va faire de l’éthique normative, c’est-à-dire que l’on va s’intéresser à nos principes moraux, à nos règles de conduite et se demander pour quelle raison nous pensons qu’il est plus juste de faire ceci plutôt que cela.
Car, bien évidemment, faire de l’éthique c’est aussi être confronté à des dilemmes moraux. S’il était toujours facile de déterminer ce qui est bien ou le meilleur choix à faire, on n’aurait pas besoin de faire de l’éthique !
Par exemple, on pourra se demander : Faut-il ne jamais mentir par principe ? Ou bien peut-on envisager qu’il est parfois souhaitable de le faire si l’on prend en compte les conséquences ?
Autre question très souvent scénarisée : Peut-il être juste de torturer un être humain si cela permet de sauver 20 personnes ? Faut-il s’y opposer au nom de principes moraux ou bien faut-il considérer que la torture est la meilleure chose à faire car la bonne chose à faire, c’est ce qui rend heureux le plus grand nombre de personnes ? Ici donc les 20 personnes.
Dans ces deux exemples, j’ai essayé d’esquisser une opposition classique entre deux des trois grandes théories morales qui s’opposent le plus souvent en éthique. Ces théories morales concurrentes sont le déontologisme ou éthique déontologique (qui pour le dire rapidement détermine ce qui est bien en fonction du devoir et de principes a priori), le conséquentialisme ou éthique conséquentialiste (qui détermine ce qu’il faut faire en fonction des conséquences) et l’éthique des vertus qui s’intéresse davantage à la qualité morale de l’acte ou de la personne qui l’accomplit.
Ces théories morales sont concurrentes car elles vont nous donner des raisons différentes de justifier nos actions et souvent nous pousser à faire des choix différents.
Faire de l’éthique appliquée
Une fois que l’on a fait de l’éthique normative, que l’on a réfléchi sur les raisons de nos choix moraux, on va pouvoir essayer d’appliquer ces théories dans des domaines particuliers. C’est ce que l’on appelle faire de l’éthique appliquée.
On parle alors, par exemple, de bioéthique quand on s’interroge sur le bien-fondé des avancées en matière de biologie et de médecine. Les questions liées à la fin de vie sont des questions de bioéthique, mais on peut également penser aux recherches sur les embryons humains. Est-ce bien de faire de telles recherches et jusqu’à quel stade ?
Mais on parle également d’éthique de l’environnement, d’éthique animale, d’éthique de l’Intelligence artificielle et plus récemment encore d’éthique des algorithmes. Est-il souhaitable qu’il y ait dans nos rues des voitures autonomes par exemple ? Et si l’on admettait que c’est souhaitable : Comment une voiture autonome doit-elle être programmée ? Quel choix est-elle supposée faire en cas d’accidents ? Si elle ne peut pas éviter tout le monde, faut-il la programmer pour qu’elle préfère percuter une personne plutôt que trois ? Et si elle doit choisir entre un enfant et une personne âgée ?
Bien donc vous le voyez dans tous ces domaines de nombreuses questions éthiques se posent et les évolutions de la médecine, de la technique ou encore de l’état de la planète ne cessent de susciter de nouveaux problèmes moraux.
Faire de la méta-éthique :
Qu’est-ce que cela me direz-vous ? Quand on fait de la méta-éthique, on ne cherche pas à savoir ce que l’on devrait faire pour agir bien ou ce qu’est une vie bonne, mais on réfléchit sur l’éthique elle-même, sur ses concepts, sur ses fondements, sur sa valeur. Une question classique de méta-éthique serait par exemple : Y a-t-il une vérité en morale ? Ou encore Y a-t-il des jugements moraux universels ? Et en méta-éthique, on peut également se demander : qu’est-ce que le bien ? Qu’est-ce que le juste ? Ou encore qu’est-ce que l’éthique ?
Donc, vous l’avez compris, actuellement, nous sommes en pleine méta-éthique !
Voilà pour cet article, j’espère que vous avez à présent une idée un peu plus claire de ce que c’est que de faire de la philosophie morale. Si vous avez envie d’en savoir davantage, n’hésitez pas à vous inscrire à ma newsletter en cliquant ici et je vous dis à bientôt pour de nouvelles questions philosophiques.