La non-violence selon Gandhi

Gandhi et la non violence

Pour Gandhi, être non-violent est une nécessité car il considère qu’être violent sert finalement le mal ou en d’autres termes encourage la violence des opposants et leur donne des raisons d’être à leur tour violent.

L’attitude de Gandhi est intéressante car on associe généralement la radicalité définie comme le fait d’aller jusqu’au bout des conséquences de ses choix ou principes, à une forme de violence, car aller jusqu’au bout paraît extrême et que l’on associe un peu vite extrême et violent. Or, précisément Gandhi est radical de manière non-violente. Il défend un idéal de justice et veut le faire de manière non-violente car il pense que la violence ne fait qu’entraîner davantage de violence. Il est alors radical dans la mesure où il se dit prêt à désobéir à la loi de manière non-violente et donc à accepter la peine encourue pour sa désobéissance. On peut alors considérer qu’il va jusqu’au bout de ses principes puisqu’il accepte en un sens de se sacrifier pour rester non violent et défendre son idéal. Il renonce à se rebeller violemment contre ce qui est pourtant injuste à ses yeux.

En étant radical, c’est-à-dire en désobéissant tout en acceptant la peine encourue pour cette désobéissance, il adopte une position de résistance pacifique qui met ceux qui doivent le juger devant leurs responsabilités. Ils ne peuvent alors pas justifier sa condamnation par ses actions violentes et doivent le condamner parce qu’ils le considèrent comme une réelle menace pour la société et parce que ses idées sont mauvaises. On peut alors considérer que la radicalité non violente sert l’action révolutionnaire car en faisant cela Gandhi peut amener les autres à réfléchir au bien fondé du système et à la réelle justesse des lois qu’ils doivent appliquer. En faisant cela, il entend éveiller les consciences ce qui est nécessaire pour qu’un réel changement de système ait lieu.

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Texte de Gandhi :

« Le plus grand malheur, c’est que les Anglais et leurs associés indiens qui administrent le pays ignorent qu’ils commettent le crime dont je viens de parler. J’en ai la conviction, nombre de fonctionnaires anglais en Inde croient de bonne foi que le Gouvernement qu’ils représentent est un des meilleurs qui existent et que l’Inde progresse sûrement, si elle progresse lentement. Ils ignorent qu’un système subtil, mais efficace, de terrorisme et un déploiement organisé de forces d’une part, et la privation de tout moyen de défense d’autre part ont émasculé le peuple et l’ont conduit à la dissimulation (…)

Le paragraphe 124* du Code pénal d’après lequel j’ai le bonheur d’être accusé est au premier rang de ceux qui tendent à supprimer la liberté du citoyen. La loi ne peut donner ou régler l’affection. Si l’on n’a pas d’affection pour un homme ou pour un système, on doit être libre d’exprimer sa désaffection dans toute sa force, du moment qu’on n’a pas l’intention de se montrer violent ou d’inciter à la violence (….)

Je suis d’ailleurs convaincu d’avoir rendu service à l’Inde et à l’Angleterre, en leur montrant comment la non-coopération pouvait les faire sortir de l’existence contre nature menée par toutes deux. Àmon humble avis, la non-coopération avec le mal est un devoir tout autant que la coopération avec le bien. Seulement, autrefois, la non-coopération consistait délibérément à user de violence envers celui qui faisait le mal. J’ai voulu montrer à mes compatriotes que la non-coopération violente ne faisait qu’augmenter le mal et, le mal ne se maintenant que par la violence, qu’il fallait, si nous ne voulions pas encourager le mal, nous abstenir de toute violence.

La non-violence demande qu’on se soumette volontairement à la peine encourue pour ne pas avoir coopéré avec le mal. Je suis donc ici prêt à me soumettre d’un cœur joyeux au châtiment le plus sévère qui puisse m’être infligé pour ce qui est selon la loi un crime délibéré et qui me paraît à moi le premier devoir du citoyen. Juge, vous n’avez pas le droit, il vous faut démissionner et cesser ainsi de vous associer au mal si vous considérez que la loi que vous êtes chargé d’administrer est mauvaise et qu’en réalité je suis innocent, ou m’infliger la peine la plus sévère si vous croyez que le système et la loi que vous devez appliquer sont bons pour le peuple et que mon activité par conséquent est pernicieuse pour le bien public.»

Gandhi, Extrait de «Les 100 discours qui ont marqué le XXème siècle», choisis et présentés par Hervé Broquet, Catherine Lanneau et Simpon Petermann ». URL : https://bibliobs.nouvelobs.com/documents/20081202.BIB2573/sur-la-non-violence-par-le- mahatma-gandhi.html

Léon Bourgeois contre la méritocratie

Léon Bourgeois peut être considéré comme le chef de fil du mouvement solidariste qui prend forme en France à la fin du 19e siècle. Ces républicains et hommes politiques, cherchent alors à justifier un devoir de solidarité entre les membres d’une même société. Il s’agit de s’opposer au modèle libéral qui s’appuyant sur Darwin considère qu’il est tout à fait normal que les citoyens soient en concurrence et qu’il est très sain pour l’ensemble que s’y trouvent de fortes inégalités. Les solidarites dont Léon Bourgeois commence alors par rappeler que dans la nature la coopération et au moins aussi importante que la concurrence sinon plus importante. L’espèce humaine est une espèce qui prospère parce qu’elle a développé de grandes capacités de coopération, pas parce qu’elle est constamment en concurrence.

L’individu seul serait très faible

A partir de là, Léon Bourgeois met en évidence un autre point : un individu seul ne serait rien, il n’aurait aucune connaissance, aucun pouvoir, aucune science. Chaque individu de la société est donc d’emblée riche de tout ce que la société lui a permis d’avoir. Chaque enfant, aujourd’hui, en France bénéficie d’une éducation qui est possible parce qu’elle repose sur des siècles de connaissances, de recherches scientifiques et techniques, de culture etc … C’est pourquoi, il est possible de dire, selon lui, que chaque individu « naît débiteur de l’association humaine ». Cela signifie que chaque individu a d’emblée une dette envers la société dans laquelle il est né. Peut-on dire que nous avons tous la même dette ? Selon lui, certains ont davantage profité de l’association humaine, ils auront donc une dette plus importante que celui qui a hérité d’handicaps ou qui vient d’un milieu social défavorisé.

Contre l’idée d’un mérite individuel : il n’y a pas de méritocratie

Contrairement aux libéraux, les solidaristes vont donc critiqué l’idée que l’individu devrait sa réussite à ses efforts ou à son mérite uniquement. Ils s’opposent en cela à ce que l’on appelle aujourd’hui la méritocratie. Cela ne signifie pas qu’il n’est pour rien dans sa réussite, mais il doit admettre que la société, sa famille, son éducation, la culture dans laquelle il évolue sont pour beaucoup également dans sa réussite. Il est donc juste qu’il rende un peu de sa réussite à la société pour aider ceux qui ont moins profité des bienfaits de l’association humaine.

Cette thèse solidariste a notamment inspirée plus tard au XXe siècle, la sécurité sociale, le régime des retraites et l’idée d’un impôt sur les revenus. Toutes ces garanties et préceptes de justice sociale sont aujourd’hui menacés par l’idée de méritocratie qui voudrait à nouveau que les individus ne soient que le produit de leurs propres efforts.

Conseil de lecture :

On ne peut le considérer comme un penseur solidariste mais l’idée que la nature n’est pas simplement un lieu de concurrence est une idée très bien expliquée dans ce livre de Pablo Servigne : L’entraide : l’autre loi de la Jungle

méritocratie

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Peut-on parler d’une égalité homme femme dans la famille ?

Peut-on considérer qu'il y a une égalité homme femme dans la famille ?

Peut-on considérer qu’il y a une égalité homme femme dans la famille ? Selon Pierre Bourdieu dans la Domination masculine, nous vivons dans des sociétés organisées sur le principe de la domination masculine, c’est-à-dire que la société est avant tout organisée par, autour et pour l’homme. Cette domination est dite symbolique dans la mesure où il ne s’agit pas d’un pouvoir qui s’exercerait physiquement sous forme de contrainte ou consciemment en requérant un consentement par exemple, mais inconsciemment à travers ce que Bourdieu nomme « l’incorporation de la domination ».

La domination masculine et le pouvoir au sein de la famille.

Selon Bourdieu, l’égalité homme femme n’est pas acquise. Les femmes sont dominées dans la société parce qu’elles sont éduquées d’une manière qui tend à les diminuer, elles font notamment l’apprentissage des « vertus » négatives d’abnégation, de résignation, de silence et de dispositions dites « féminines ». Elles intériorisent cette perception d’elles-mêmes et cela influence ensuite leurs pensées, leurs actions, leurs manières de se comporter et leurs habitudes. Si bien qu’elles adoptent « d’elles-mêmes » des positions subalternes dans leurs familles comme dans leurs vies professionnelles. Ainsi, une femme pourra avoir le sentiment d’avoir une vocation pour prendre soin des enfants ou pour les métiers ayant trait au soin des autres, alors qu’il ne s’agit pas réellement d’un choix, mais plutôt du résultat de l’intégration de la domination masculine.

Cette domination symbolique va ainsi avoir des effets importants au sein des familles dans la mesure où les épouses vont alors se trouver en situation d’infériorité vis-à-vis de leurs époux. Susan Moller Okin, dans Justice, Genre et Famille, montre notamment que les femmes parce qu’elles ont choisi de s’occuper de leurs familles à temps plein ou ont choisi un métier à faible revenu pour avoir plus de temps, dépendent de leurs conjoints et ne sont donc pas en position de force pour négocier un partage des tâches domestiques plus équitable ou vont hésiter à se séparer d’un conjoint quand bien même serait-il violent, car elles se trouveraient alors sans ressource.

Selon Susan Moller Okin, la famille structurée par le genre, c’est-à-dire composée d’un homme et d’une femme ayant des rôles traditionnellement distincts, est profondément injuste et il est erroné de considérer qu’il n’est pas nécessaire d’y faire régner la justice. L’égalité homme femme est ici inexistante. Cette conception d’une famille idéale cache en réalité, à ses yeux, les rapports de domination qui s’exercent au sein de la famille et empêche une véritable interrogation sur la manière dont on pourrait rendre la famille plus juste.

Moller Okin s’intéresse particulièrement à l’institution du mariage et montre qu’il est à l’origine le plus souvent d’une plus grande vulnérabilité des femmes. En effet, elle montre que les femmes envisagent d’emblée de par leur éducation qu’elles vont être dans le mariage le parent qui s’occupera principalement des enfants, elles font donc moins d’études ou s’orientent vers des métiers spécifiques aux horaires compatibles avec l’éducation d’enfants, ce qui les rend donc par la suite plus dépendantes de leurs conjoints et plus vulnérables car elles n’ont que peu ou pas de revenu. Moller Okin met alors en évidence le cercle vicieux dans lequel sont prises les femmes : au sein de la famille, elles ont le revenu le plus faible, c’est donc tout naturellement qu’elles mettent leur vie professionnelle de côté quand des enfants arrivent, renforçant ainsi le partage traditionnel des tâches qu’elles ne remettent même pas en question puisqu’il semble fait en bonne logique.

Travail rémunéré et travail non rémunéré.

Les injustices dans la famille s’expliquent également par le fait que c’est aux femmes que revient traditionnellement le travail domestique non rémunéré, ce qui nuit à leur indépendance économique et à la reconnaissance de leur rôle social. Or, cette division du travail structurée par le genre dans la famille a des conséquences importantes sur les opportunités de vie des femmes. Selon Christine Delphy, dans L’Ennemi Principal, la famille est un lieu d’oppression pour les femmes dans la mesure où dans nos sociétés patriarcales où l’autorité est détenu par le père, le travail des femmes au sein de la famille est approprié sans contrepartie par les hommes qui en profitent et n’y participent pas. Les femmes sont exploitées, selon elle, car elles effectuent la majorité des tâches domestiques et familiales (ménage, cuisine, soins aux enfants etc) alors que ces tâches ne sont pas considérées comme un réel travail productif et donc pas rémunérées. Au contraire, le travail des femmes au sein de la famille est ignoré et méprisé alors qu’il est absolument essentiel et producteur de richesse.

Dominique Méda, dans Le temps des femmes,montre notamment que si la société a changé dans la mesure où les femmes travaillent beaucoup plus hors de la maison, cela n’a pas eu d’effets sur la division du travail. Une enquête appelée « Emploi du temps » montre ainsi qu’en France au début du XXIe siècle, 80% des tâches domestiques et des soins aux enfants reposent toujours sur les femmes. Ceci car il continue à aller de soi dans la société qu’un certain nombre de tâches incombent aux femmes naturellement, mais également parce que les réformes institutionnelles qui permettraient aux femmes de travailler tout en ayant des enfants n’ont pas été faites. Or, Méda montre que cela a des conséquences importantes sur la vie des femmes. Dans le cas des femmes au foyer, le travail domestique équivaut à un emploi non rémunéré, qui peut les occuper à toute heure, qu’elles ne peuvent pas abandonner, qui n’est absolument pas reconnu socialement et qui les rend dépendantes. Dans le cas des femmes qui travaillent et s’occupent de l’essentiel du travail domestique, cela a nécessairement des conséquences importantes sur leurs carrières professionnelles dans la mesure où elles ont « une double journée ».

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