L’État en philosophie

La notion d’État – programme de philosophie

Bienvenue dans cet article, dans lequel nous allons parler de la notion d’État en philosophie.

Je vais d’abord faire un point sur la définition que l’on peut donner de l’État. Puis, je reviendrai sur les grands problèmes classiques qui se posent sur la notion d’État en mentionnant quelques auteurs intéressants à connaître sur cette notion.

Aujourd’hui on peut définir l’État comme l’ensemble des institutions politiques, juridiques, militaires, administratives et économiques qui organisent une société sur un territoire donné.

C’est une autorité souveraine qui s’exerce sur un peuple particulier. Cette autorité est dite souveraine car l’État exerce un pouvoir sur le peuple et n’est lui-même soumis à aucune autorité supérieure. Il n’y a rien au dessus de l’État. Même quand un État rejoint l’Union européenne par exemple, il peut décider ensuite de ne pas appliquer ces décisions ou même de quitter cette union. C’est ce qu’a choisi de faire l’État anglais avec le Brexit.

Enfin, l’État est un pouvoir dit institutionnalisé, cela signifie que le pouvoir de l’État est détaché de ceux qui exercent concrètement le pouvoir. L’État existe et existera même si le roi ou le Président change.

C’est donc un pouvoir permanent. c’est cette permanence du pouvoir de l’État qu’exprime la formule « le roi est mort, vive le roi ! »

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A présent voici quelques grandes questions philosophiques sur la notion d’État :

– Premier sujet : L’État restreint-il la liberté individuelle ?

L’État en tant qu’il exerce une autorité sur le peuple par l’intermédiaire de lois est-il une limite à la liberté individuelle ? Ou au contraire, est-il une condition de cette liberté individuelle ?

En d’autres termes, serions-nous davantage libres s’il n’y avait pas de loi ? A cette question, le philosophe libéral Locke, répond sans ambiguité :

 » Il est certain que la fin d’une loi n’est pas d’abolir ou de restreindre la liberté mais de la préserver et de l’augmenter. (…) Car la liberté consiste à n’être pas exposé à la contrainte et à la violence des autres ; ce qui ne peut se trouver là ou il n’y a pas de loi.

En effet, pour Locke, l’Etat est crée pour faire en sorte que la vie, la liberté et la propriété de chaque individu soit protégée. En l’absence d’Etat et de lois, chaque individu risquerait d’être soumis par un autre dès lors qu’il est plus fort que lui. Ce serait le règne de la loi du plus fort et dans cette condition s’il nous arrive d’être libre nous ne le restons pas longtemps.

Mais, si l’Etat apparait comme une condition de la liberté individuelle, ne peut-il pas aussi être un danger pour cette liberté ? Que dire d’un Etat qui aurait à sa tête un despote  gouvernant seul et exerçant un pouvoir absolu ?

Ne représenterait-il pas alors plutôt un danger pour la liberté individuelle ?

Sur cette question,  vous pouvez vous intéresser notamment à Montesquieu, qui est un philosophe français du 18e siècle. Il est notamment connu pour avoir écrit De l’esprit des lois, œuvre dans laquelle il réfléchit notamment aux raisons qui expliquent la corruption des régimes politiques c’est-à-dire par exemple comment une démocratie peut dégénérer en despotisme.

Pour Montesquieu, il n’est pas réaliste d’attendre que le souverain quel qu’il soit, soit toujours moral et toujours honnête. Les êtres humains sont ainsi fait que lorsqu’ils ont le pouvoir, il leur est difficile de rester intègre. Montesquieu développe ainsi cette idée, aujourd’hui bien connue, selon laquelle le pouvoir corrompt.

Il dit ainsi : « C’est une expérience éternelle que tout homme qui a du pouvoir est porté à en abuser »

Alors, pour s’assurer que le souverain ne soit pas tenté d’abuser de son pouvoir, il faut mettre en place des règles qui vont limiter son pouvoir. C’est ce que Montesquieu appelle la séparation des pouvoirs. Principe qui est devenu un fondement de nos démocraties contemporaines. Selon ce principe, il est nécessaire afin que le régime ne dégénère pas en despotisme que les pouvoirs (exécutifs, législatifs et judiciaires) restent séparés, c’est-à-dire qu’ils ne doivent pas être aux mains des mêmes personnes.

– Deuxième sujet : Peut-il y avoir une société sans État ?

Ou en d’autres termes, les êtres humains peuvent-ils vivre ensemble pacifiquement sans qu’un État exerce sur eux une autorité ?

Sur cette question Hobbes, philosophe anglais du 17e siècle répondra catégoriquement non. A ses yeux, en l’absence d’État, il n’y a pas de vie en société possible, mais seulement une « guerre de chacun contre chacun ».

Dans l’hypothétique état de nature, même si la majorité des hommes sont rationnels, il y a une minorité irrationnelle qui attaque les autres et va ce faisant conduire chaque individu à craindre pour sa vie et à attaquer les autres. La constitution d’un État qui assure la sécurité apparaît alors comme absolument nécessaire pour que les hommes puissent vivre ensemble et ce, même si une fois édifié, cet État peut représenter un danger pour l’individu s’il abuse de son pouvoir.

Mais cette idée que l’État serait finalement un mal nécessaire n’est-elle pas une idée défendue par la classe dominante afin de garder le contrôle sur le reste de la société ? L’anarchiste russe du 19e siècle Bakounine défend ainsi que l’État est toujours contrôlé par la classe dominante de la société qui s’en sert pour servir ses intérêts et exploiter les classes inférieures. A ses yeux, tant que l’État subsiste, ceux qui sont à sa tête abuseront du pouvoir.

Or, pour lui, l’idée qu’il doit toujours y avoir un État n’est pas vraie. Il doit y avoir un ordre et une organisation, à n’en pas douter, et c’est en ce sens que l’anarchie contrairement à ce que l’on pense souvent n’est pas le chaos. Mais, pour Bakounine, cet ordre doit être assuré à une échelle plus petite que l’État. Il propose ainsi d’organiser la société en fédération. Pour lui, chaque individu doit appartenir à une commune ou à une association et ces groupes doivent interagir entre eux et s’organiser au maximum de manière horizontal.

Troisième sujet : L’obéissance à l’État est-elle toujours une obligation ?

Ou en d’autres termes, faut-il toujours obéir à l’État et aux lois si celui ci édicte des lois injustes par exemple ? Ne peut-on pas et même ne doit on pas désobéir si la loi nous apparaît contraire au bien ?

A cela Spinoza répond qu’il faut toujours obéir à l’État car même si parfois certaines lois sont injustes, cela fait courir beaucoup trop de risques à la société et donc aux individus si chacun commence à juger du juste et de l’injuste par lui-même.

Pour justifier cette thèse Spinoza avance entre autres deux arguments :

– D’abord, l’État garantit la paix et la sécurité aux individus, ils doivent donc éviter de remettre en question les lois de l’État car c’est parce que les lois sont respectées par la majorité qu’ils sont en sécurité. Ils risquent de perdre cette sécurité en fragilisant l’État.

– Deuxième argument :  Pour Spinoza, les hommes doivent admettre qu’ils sont aussi des êtres de sentiment et qu’il y a donc très souvent des décisions qu’ils prennent poussés par des sentiments plutôt que par leur raison. Ils doivent donc s’abstenir de décider tout seul.

Spinoza dit ainsi :

« On ne saurait concevoir que chaque citoyen soit autorisé à interpréter les décisions ou lois nationales. Sinon, chacun s’érigerait ainsi en arbitre de sa propre conduite. » Spinoza, Traité politique

A cette thèse de Spinoza, on peut opposer celle de Thoreau, philosophe américain du 19e siècle qui dans « De la désobéissance civile » écrit :

« La seule obligation que j’ai le droit d’adopter c’est d’agir à tout moment selon ce qui me paraît juste » Thoreau, La désobéissance civile

Selon lui, il est légitime de commettre des actions illégales non violentes afin de protester contre une loi injuste. Il affirme la primauté de la conscience morale sur la loi de l’État c’est-à-dire que si la loi est injuste et si le citoyen juge en conscience qu’elle l’est alors il a le devoir d’y désobéir. Il est l’inventeur du concept de « désobéissance civile »: la désobéissance devient, selon lui, un devoir moral lorsque la loi est injuste ou immorale, car obéir serait une manière de cautionner cette loi. C’est ce qu’il fait notamment avec l’esclavage. Il accueille des esclaves en fuite chez lui et en aide quelques-uns alors que les autorités de son pays pourchassent les esclaves en fuite et demandent aux citoyens de les dénoncer.

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Locke se demande notamment ce qui fait l'identité personnelle d'un individu. Est-ce son corps ? Aujourd'hui, peut-on considérer que ce qui fait l'identité d'un être humain c'est sa carte d'identité ou ses données biométriques ?

Locke : Qu’est-ce qui fait mon identité ?

Locke se demande notamment ce qui fait l’identité personnelle d’un individu. Est-ce son corps ? Aujourd’hui, peut-on considérer que ce qui fait l’identité d’un être humain c’est sa carte d’identité ou ses données biométriques ? Suis-je encore la même personne si je n’ai plus aucun souvenir ?

Pour Locke, il faut distinguer l' »homme » et la « personne », par l’homme, il entend dans le texte ci-dessous, le tout organisé, le corps. Même si un individu perd la mémoire, il reste le même homme c’est-à-dire le même ensemble de parties organisées. Mais est-il encore la même personne ? Aux yeux de Locke, ce qui fait l’identité d’une personne n’est pas de l’ordre du physique. Pour qu’une personne ait une identité et dise « Je », il faut qu’elle ait d’abord conscience d’elle-même et conscience d’être la même personne qui a vécu ces diverses expériences dans le passé. La conscience qui étymologiquement vient du latin « cum scientia » signifiant avec savoir, est pour Locke ce qui rend possible l’identité car sans cela nous ne saurions même pas qu’il existe un « Je » qui vit une succession d’expériences.

La première condition pour que l’on puisse parler de l’identité d’une personne est donc la conscience. La deuxième condition est la mémoire, car si nous ne nous souvenions pas du passé alors nous ne serions qu’une pure conscience qui fait des expériences et porte son attention sur telle ou telle chose, sans qu’aucune de ces expériences ne laissent une trace sur nous. Ainsi, pour Locke, ce qui fait notre identité c’est nos souvenirs, ce sont les souvenirs que nous avons de nos expériences. Alors, on peut considérer que quelqu’un qui perd la mémoire perd du même coup son identité. Locke envisage même que si nos esprits pouvaient changer de corps alors nous serions la même personne dans un corps différent.

Les conséquences de cette thèse peuvent être importantes car cela signifie que quelqu’un qui devient fou et ne se souvient pas de ce qu’il a fait, ne peut être tenu pour responsable de ses actes car en un sens, ça n’est pas lui qui les a commis. Il n’était pas clairement conscient à ce moment là et il n’en a aucun souvenir. Cette thèse de Locke peut notamment être intéressante pour traiter du sujet « Peut-on ne pas être soi-même ? »

Texte de Locke :

Supposé que je perde entièrement le souvenir de quelques parties de ma vie, sans qu’il soit possible de le rappeler, de sorte que je n’en aurai peut-être jamais aucune connaissance ; ne suis-je pourtant pas la même personne qui a fait ces actions, qui a eu ces pensées, desquelles j’ai eu une fois en moi-même le sentiment positif, quoique je les aie oubliées présentement ? Je réponds à cela que nous devons prendre garde à quoi ce mot « je » est appliqué dans cette occasion. Il est visible que dans ce cas, il ne désigne pas autre choses que l’homme. Et comme on présume que le même homme est la même personne, on suppose aisément qu’ici le mot « je » signifie aussi la même personne. Mais s’il est possible à un même homme d’avoir en différents temps une conscience distincte et incommunicable, il est hors de doute que le même homme doit constituer différentes personnes en différents temps, et il paraît par des déclarations solennelles que c’est là le sentiment du genre humain. Car les lois humaines ne punissent pas l’homme fou pour les actions que fait l’homme de sens rassis [l’homme calme], ni l’homme de sens rassis pour ce qu’a fait l’homme fou, par où elles en font deux personnes. Ce qu’on peut expliquer en quelque sorte par une façon de parler dont on se sert communément en français, quand on dit, un tel n’est plus le même [one is not himself], ou il est hors de lui-même [beside himself]. Expressions qui donnent à entendre en quelque manière que ceux qui s’en servent présentement, ou du moins qui s’en sont servis au commencement, ont cru que le soi était changé, que ce soi, dis-je, qui constitue la même personne, n’était plus dans le même homme.

  John LOCKE, Essai sur l’entendement humain, Livre 2, ch. 27, § 20. (1690)