Aujourd’hui, je vais traiter d’une objection que l’on me fait souvent quand je dis qu’en philosophie, nous parlons de morale.
Quand j’annonce ce sujet, il arrive parfois que l’on me dise : « ça n’est pas une question qui m’intéresse car finalement chacun a la sienne ! ». Et, par là, la personne sous-entend souvent que puisque chacun a la sienne, il n’y a pas lieu d’en débattre ou de réfléchir à la question. Il serait donc possible de dire légitimement : « A chacun sa morale ! »
La morale serait finalement une question de préférence personnelle.
Ce qui peut s’entendre, d’ailleurs, cela correspond à ce que l’on appelle en philosophie le relativisme moral. Quelqu’un de relativiste en matière de morale va défendre effectivement qu’il n’y a pas de critères objectifs de la morale sur lesquels on pourrait s’entendre car nos avis en matière de bien et de mal dépendent de notre sensibilité, de nos expériences, de notre vision du monde, etc.
Cela signifie que, tout comme nos goûts et nos préférences en matière de petits-déjeuners, ce qui est bien ou mal dépend des points de vue. Et, c’est bien connu « des goûts et des couleurs, on ne discute pas ».
Mais, si je suis tout à fait d’accord quand il s’agit de nourriture ; par exemple, je conçois très bien que l’on puisse aimer manger des escargots au beurre persillés même si, pour ma part, la seule odeur de ces choses suffit à me rendre malade ; cela me paraît beaucoup plus difficile à défendre quand on parle du bien et du mal. Certes, le relativisme a le mérite de nous inviter à la tolérance, mais est-ce que cela ne nous amène pas à être parfois trop tolérant ?

Imaginez qu’un ami au détour d’une conversation, vous raconte comment il aide sa sœur en gardant ses enfants de temps en temps : « Cela ne me coûte pas trop, avoue-t-il, j’ai trouvé le truc, comme ils sont souvent fort agités, je leur donne un quart de somnifère chacun et je les enferme au grenier. J’ai la paix pour l’après-midi ! »
Il me semble qu’on pourrait légitimement être scandalisé par ce récit et affirmer que ce que fait cet ami est vraiment « mal ». Et imaginez que l’ami ne comprenne pas notre indignation : « Oh, tu en fais toute une histoire, au moins, ils ont fait leur sieste ! ». Ne chercheriez-vous pas à lui démontrer qu’agir de la sorte c’est mal agir et n’auriez-vous pas des arguments ?
Qu’en pensez-vous ?
Il semble que dans bien des cas, nous allons être scandalisés et plus ou moins d’accord pour dire que c’est mal quand une action ne respecte pas une autre personne, qu’elle la fait visiblement souffrir ou la met en danger.
Mais au nom de quoi allons-nous dire que c’est mal ? Ou, en d’autres termes, sur quoi se fondent nos jugements moraux ?
C’est là que la philosophie morale intervient. La question que de nombreux philosophes posent est : quelle est l’origine de nos croyances sur le bien et le mal ?
Faut-il envisager comme le fait Rousseau que c’est notre pitié naturelle, c’est-à-dire, pour Rousseau, notre répugnance à voir souffrir autrui, qui nous incline à dire « c’est mal » ou « c’est bien » ? La morale serait alors de l’ordre du sentiment.
Ou bien, faut-il défendre que c’est notre raison qui nous permet de déterminer ce qui est bien ou mal ? On pourrait alors, avec Kant, défendre une morale déontologique qui s’appuie sur de grands principes que nous donne la raison. Une action ou décision serait alors absolument mauvaise si elle contrevient à certains principes que Kant nomme des impératifs catégoriques. On pourrait sans doute défendre que l’on ne peut pas vouloir rationnellement que tous les adultes de ce monde donnent des somnifères aux enfants pour avoir la paix.
A moins, qu’il ne faille plutôt utiliser notre raison pour déterminer quelle action ou décision fera le bonheur du plus grand nombre ? Ainsi, pour les utilitaristes, ce sont plutôt les conséquences qu’il faut prendre en compte pour décider ce qui est bien ou mal et pas tellement des principes immuables.
Je vous ai ici brossé rapidement quelques-unes des positions philosophiques les plus connues sur la morale. Je reviendrai sur chacune de ces positions dans un prochain article. Vous voyez que si ces philosophes sont d’accord pour dire que la morale n’est pas relative, ils ne sont pas d’accord sur les critères que nous allons mettre en avant pour justifier nos jugements moraux.
J’espère que cet article vous donnera à réfléchir ! Si vous voulez retrouver davantage d’articles sur la question de la morale, vous pouvez aller consulter cette page où je traite d’autres sujets, je présente également quelques grands problèmes classiques en philosophie morale dans cette vidéo sur ma chaîne.
A bientôt et n’hésitez pas à m’écrire en dessous ce que cela vous inspire !