Exemples d'introduction philosophique

Exemples d’introduction de dissertation en philosophie

Afin que vous compreniez mieux comment réaliser une bonne introduction de dissertation, je vous montre ici plusieurs exemples d’introduction de dissertation en philosophie sur des sujets différents, vous pouvez voir la méthode en VIDEO ici. Pour davantage d’information sur la méthode à suivre vous pouvez regarder cet article sur la manière de réussir son accroche, et ces deux autres articles sur la problématique et la méthode de l’introduction de manière plus générale.

Je vous rappelle que votre introduction de dissertation en philosophie doit comporter une accroche, un rappel du sujet, une problématique comprenant une définition des termes du sujet et une annonce de plan.

Pour plus de clarté, je précise à chaque fois entre parenthèses à quel élément de la méthode les différents passages de l’introduction correspondent. Par ailleurs, vous trouverez dans le sujet 1, un exemple d’accroche utilisant un exemple, et dans les sujets 2 et 3, des exemples d’accroches utilisant plutôt des citations.

Sujet 1 : Introduction philosophique : Avons-nous le devoir de faire le bonheur des autres ?

Dans le film « Into the Wild », le héro Christopher, s’enfuit pour partir vivre seule dans la nature. Il essaie, ainsi, d’échapper à l’influence de ses parents qui veulent pourtant son bonheur. Christopher rejette le mode de vie de ses parents, et pense, au contraire, être heureux en se détachant des choses matériels et en s’éloignant de la société. Ce faisant, on peut en déduire qu’il est souvent difficile de savoir ce qui rendra heureux un individu. Or, si nous ne savons pas réellement ce qui les rendra heureux, comment pourrait-on avoir le devoir de faire le bonheur des autres ? Et pourtant n’avons nous pas l’obligation, de leur donner au moins le minimum pour être heureux ? (Accroche qui montre le problème c’est-à-dire que la réponse au sujet n’est pas évidente). Avons-nous alors le devoir de faire le bonheur des autres ? (Rappel du sujet). A première vue, nous pourrions penser que nous avons effectivement le devoir de faire le bonheur des autres, car ce serait une obligation morale d’agir de manière à aider les autres à atteindre un état de satisfaction durable et global. En effet, rendre les autres heureux semble être une bonne chose et quelque chose que l’on peut rationnellement souhaiter. (Première réponse au sujet) Mais, n’est-ce alors pas vouloir imposer aux autres une certaine manière d’être heureux ? En prétendant faire le bonheur des autres, ne risque-t-on pas, au contraire, de faire son malheur ? Dans ce sens, dire que nous avons l’obligation de rendre les autres heureux pourrait être difficile à défendre car comment avoir le devoir de rendre les autres heureux si nous ne pouvons savoir ce qui les rendra effectivement tel ? (Deuxième réponse qui montre que la réponse au sujet n’est pas évidente). Dans un premier temps, nous verrons

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Sujet 2 : Prendre son temps, est-ce le perdre ?

« Nous n’avons pas reçu une vie brève, nous l’avons faite telle ». Sénèque dans De la Brièveté de la vie, remarque ainsi que les hommes qui se plaignent d’avoir une vie courte sont, en réalité, responsables de cela, car ce sont eux qui en perdant leur temps la rendent courte. Pourtant, si les hommes perdent leur temps selon lui, ça n’est pas parce qu’ils prendraient trop leur temps, mais parce qu’ils ne réfléchissent pas à la meilleur manière d’user de ce temps. Ils peuvent très bien s’agiter sans cesse et être fort occupés tout en perdant leur temps car ils ne l’utilisent à rien de significatif. (Accroche) Alors, prendre son temps, est-ce le perdre ? (Rappel du sujet) A première vue, si par prendre son temps, on entend faire les choses avec lenteur, alors prendre son temps, cela pourrait signifier le perdre car c’est oublier alors que nous sommes des êtres mortels et que notre temps est limité. Le temps est une chose trop précieuse pour que l’on n’y fasse pas attention. Celui qui est lent perd alors son temps. (Première réponse un peu naïve qui repose sur une première définition de prendre son temps – première partie de la problématique) Mais, ne pourrait-on, au contraire, défendre l’idée que prendre son temps c’est au contraire bien en user ? Est-ce nécessairement parce que l’on agit vite et que l’on fait beaucoup de choses dans sa journée que l’on utilise bien son temps ? Nous pourrions, au contraire, remarquer que si nous occupons nos journées à des actions sans réel but alors nous perdons tout autant notre temps. Prendre son temps cela pourrait donc être, prendre possession de son temps en sachant précisément à quoi on l’utilise et pourquoi. (Deuxième réponse qui repose sur une deuxième signification possible de « prendre son temps » et montre que la réponse au sujet n’est pas évidentedeuxième partie de la problématique). Dans un premier temps, nous verrons que prendre son temps cela peut signifier le perdre, si nous sommes inconscients du caractère précieux du temps. Puis nous nous demanderons dans quelle mesure néanmoins prendre son temps et l’utiliser de manière réfléchie, ça n’est pas, au contraire, bien user de son temps. Enfin, nous envisagerons que quelque soit notre façon de vivre, il est inéluctable de perdre son temps dans la mesure où le temps est quelque chose qui nous échappe fondamentalement. (Annonce du plan)

Sujet 3 : Faut-il craindre la mort ?

« Il faut donc être sot pour dire avoir peur de la mort, non pas parce qu’elle serait un événement pénible, mais parce qu’on tremble en l’attendant. » Selon Epicure dans la Lettre à Ménécée, il n’est pas raisonnable de craindre la mort, car il définit la mort comme « absence de sensation ». De ce fait, la mort ne nous fait pas souffrir puisqu’elle est absence de sensation, en revanche si nous craignons la mort de notre vivant, alors nous souffrons par avance inutilement. Nous pourrions pourtant remarquer que si la mort ne fait pas souffrir, le fait de mourir peut être douloureux. (Accroche qui montre que le sujet pose un problème) Faut-il alors craindre la mort ? (Rappel du sujet) A première vue, craindre la mort pourrait être utile pour nous car la crainte de la mort peut nous pousser à être plus prudent. Il faudrait alors craindre un minimum la mort pour espérer rester en vie. (Première réponse un peu naïve au sujet). Mais, ne pourrait-on dire, au contraire, qu’il ne faut pas craindre la mort ? En effet, il semble que cela n’a pas réellement de sens et d’utilité de craindre quelque chose qui arrivera de toute façon et de se gâcher la vie à l’anticiper. (Deuxième réponse qui montre que la réponse n’est pas évidente et pose donc un problème) Nous allons donc nous demander s’il faut craindre la mort. Dans un premier temps nous verrons qu’il ne faut pas craindre la mort car elle n’est pas un malheur. Puis, nous verrons qu’il y a néanmoins des avantages à craindre la mort. Enfin, nous nous demanderons si craindre la mort n’est pas un non sens car cela nous empêche de bien vivre. (Annonce du plan)

J’espère que ces différents exemples d’introduction de dissertation en philosophie, vous auront aidé à comprendre ce que doit être une introduction de dissertation en philosophie.

▶️ Si vous voulez aller plus loin vous pouvez également regarder cet exemple d’introduction de dissertation en vidéo :

La nature - Programme de philosophie

La nature – Philosophie – Terminale

Bienvenue dans cet article dans lequel je vais vous présenter la notion de nature en philosophie qui est une des 17 notions du programme en terminale.

Le terme nature peut avoir plusieurs significations :

On peut définir la nature comme l’ensemble des espaces et des êtres qui n’ont pas été créés ou transformés par l’homme. (ex: une forêt vierge). La nature s’oppose donc à ce qui est artificiel ou culturel.

On peut ainsi dire que la culture c’est ce qui transforme à la fois la nature extérieure à nous, mais également notre nature humaine que nous transformons, par exemple, par l’éducation et l’instruction.

La nature d’une chose cela peut aussi signifier ce qui fait qu’elle est ce qu’elle est ou ce qui la définit.

Voilà pour les définitions, j’en profite pour vous rappeler que si vous voulez apprendre à faire une dissertation ou une explication de texte, vous pouvez télécharger tous mes conseils de méthodes via le formulaire en bas de l’article. Vous retrouverez notamment dans cet ebook toutes les définitions à bien connaître pour analyser finement un sujet de dissertation.

Les grands problèmes sur la nature en philosophie

Bien, à présent, quels sont les grands problèmes qui peuvent être posés sur la question de la nature en philosophie ? Je vais vous en donner quelques uns parmi les plus importants avec quelques réponses classiques :

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Une fiche de révision sur le bonheur

Réviser la notion de bonheur – philosophie

Dans cet article, je vais vous présenter la notion de bonheur qui est une des dix-sept notions du programme de philosophie en terminale.

Je vais d’abord faire un point sur la définition du bonheur et les principaux termes proches dont il faut le distinguer. Puis, je vais passer en revue quelques grandes problèmes possibles sur le bonheur. 

Définitions du bonheur en philosophie :

D’une manière générale, on peut définir le bonheur comme un état de satisfaction durable et global. Cet état de satisfaction durable sera à différencier du plaisir qui est un état de satisfaction éphémère en lien avec la satisfaction d’un besoin. Par exemple, si vous mangez du chocolat, cela peut vous faire plaisir, mais ça n’est pas cela qui va vous apporter le bonheur au sens strict.

De même, on peut distinguer le bonheur de la joie, car la joie est plutôt un état de satisfaction intense et éphémère. La joie c’est, par exemple, l’état dans lequel vous êtes quand vous réussissez un examen difficile. Cette explosion de joie est intense et heureusement éphémère car vous seriez très vite totalement épuisé.

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A quoi sert l’art ? La peur dans l’art

A quoi sert l'art ? A quoi bon dépenser tant d'énergie et de moyen pour des choses qui semblent si futiles ? Ou même qui font peur ? Pourquoi donner une telle place à la peur dans l'art ?
Saturne dévorant un de ses fils

A quoi sert l’art ? A quoi bon dépenser tant d’énergie et de moyen pour se faire peur ? Pourquoi donner une telle place à la peur dans l’art ? Et si l’art a une utilité quelle est-elle ? Aristote dans sa Poétique, défend que la première fonction de la tragédie est de faire naître des émotions de peur et de pitié et ce, dans le but de soumettre ces émotions à la purgation.

La peur dans l’art : se faire peur pour exorciser la peur

« Donc la tragédie est l’imitation d’une action de caractère élevée et complète, (…) imitation qui est faite par des personnages en action et non au moyen d’un récit, et qui, suscitant pitié et crainte, opère la purgation propre à pareilles émotions ». Aristote parle, en effet, de catharsis en Grec qui peut signifier purification ou purgation. Les interprétations sur le sens de ce terme de catharsis sont nombreuses, néanmoins l’une des hypothèses les plus solides considère qu’Aristote, fils de médecin, voit dans l’art et notamment dans la tragédie le moyen de susciter la peur et la pitié chez le spectateur dans le but de les aider à contrôler leurs émotions. Aristote insiste, par ailleurs, dans l’Ethique à Nicomaque sur l’importance pour les citoyens d’avoir de justes émotions c’est-à-dire des émotions qui s’expriment pour les bonnes raisons, au bon moment et avec l’intensité qui convient. Or, quel meilleur moyen que l’art pour s’exercer à avoir ces émotions dans les bonnes conditions ? Ainsi, pour Aristote, susciter la peur chez le spectateur est un bon moyen d’éduquer cette émotion et de l’apaiser si elle est excessive. Il y voit également un moyen de purger l’individu, « d’éliminer la substance pathogène ». On voit ici que se faire peur grâce à l’art serait donc une forme de médecine visant à libérer l’individu d’un excès de cette émotion. Cette façon d’envisager l’art et son rôle thérapeutique est également présente des siècles plus tard dans la psychanalyse. 

Avoir peur pour se libérer d’un traumatisme

Les représentants de la psychanalyse, et notamment Freud, voient également une forme de catharsis dans l’art. Mais il faut préciser ce qu’ils entendent par là. Pour eux, la cure psychanalytique a pour objectif d’opérer une catharsis au sens où il s’agit en faisant parler le patient de l’amener à se souvenir d’événements ou de désirs traumatiques refoulés dans l’inconscient. Pour la psychanalyse c’est au moment où le patient se souvient et revit cet événement traumatique qu’il peut en être libéré s’il devient capable d’en parler avec son thérapeute. Un des enjeux de ce processus est donc que le patient puisse verbaliser ce qui s’est passé et ce qu’il a ressenti. Peut-on voir dans l’art un processus similaire ? L’art parce qu’il peut être l’occasion de faire revivre des émotions est-il également un moyen pour les spectateurs de se libérer de traumatismes ? Pour le psychiatre Serge Tisseron, il est effectivement possible de faire ce travail également par le biais des arts que cela soit au théâtre, au cinéma ou devant une oeuvre picturale même s’il y a des différences.

Les représentants de la psychanalyse, et notamment Freud, voient également une forme de catharsis dans l’art. Mais il faut préciser ce qu’ils entendent par là. Pour eux, la cure psychanalytique a pour objectif d’opérer une catharsis au sens où il s’agit en faisant parler le patient de l’amener à se souvenir d’événements ou de désirs traumatiques refoulés dans l’inconscient. Pour la psychanalyse c’est au moment où le patient se souvient et revit cet événement traumatique qu’il peut en être libéré s’il devient capable d’en parler avec son thérapeute. Un des enjeux de ce processus est donc que le patient puisse verbaliser ce qui s’est passé et ce qu’il a ressenti. Peut-on voir dans l’art un processus similaire ? L’art parce qu’il peut être l’occasion de faire revivre des émotions est-il également un moyen pour les spectateurs de se libérer de traumatismes ? Pour le psychiatre Serge Tisseron, il est effectivement possible de faire ce travail également par le biais des arts que cela soit au théâtre, au cinéma ou devant une oeuvre picturale même s’il y a des différences.

De même, si l’art peut être un moyen de revivre des événements traumatiques particuliers, il est intéressant de remarquer que la représentation de certaines grandes peurs revient de manière très récurrente dans l’art à toutes les époques. C’est le cas, par exemple, de la peur d’être mangé.

Une peur ancestrale : le cannibalisme

La peur d’être mangé par l’autre hante l’humanité depuis la nuit des temps. Les ogres et autres créatures anthropophages peuplent les mythologies, les contes, les récits des premiers voyageurs et les oeuvres d’art. Certains artistes aiment représenter des ogres ou des êtres humains dévorants ou s’apprêtant à dévorer leur enfant. On peut penser ici au tableau de Francisco Goya, Saturne dévorant un de ses fils, ou encore à la sculpture Ugolin et ses fils de Jean-Baptiste Carpeaux qui représente Ugolin enfermé dans une tour avec ses fils, condamné à y mourir de faim et qui commence à se manger les doigts. La légende dit qu’Ugolin serait mort en dernier après avoir mangé les corps de ses enfants morts. Nul doute que de tels récits ou représentations sont propres à susciter chez le spectateur un certain effroi. Mais pourquoi le cannibalisme produit-il chez l’homme à la fois répulsion et curiosité ? Comment expliquer le succès d’exposition comme « Tous cannibales » à Paris en 2011 ? 

Selon le sociologue Mondher Kilani, auteur de « Du goût de l’autre. Fragments d’un discours cannibale », cela tient sans doute au fait que le cannibalisme est vu comme un stade primitif de l’humanité. Le cannibale c’est le sauvage, le non civilisé, l’étranger ou l’autre dont on soupçonne qu’il est un primitif. Le sociologue raconte un fait amusant à cet égard, certains autochtones qu’il a rencontrés en Afrique le considéraient lui-même comme un anthropophage, preuve que cette peur d’être mangé par l’autre est très largement partagée. Dans notre imaginaire d’Européen, le cannibalisme est une pratique qui apparaît comme bestiale et inhumaine. Alors pourquoi représenter des actes de cannibalisme ? Pourquoi aller voir des oeuvres qui montrent des actes de cannibalisme ? Du point de vue l’artiste, on peut faire l’hypothèse qu’ainsi il exorcise une peur en l’exprimant et en la partageant avec le spectateur. Le spectateur, quant à lui, pourrait également apaiser cette peur inconsciente en la ressentant et en mettant des mots dessus. L’art, ici, pourrait donc bien être envisagé comme une forme de thérapie.

En effet, le spectateur qui regarde un film ou une pièce de théâtre, s’identifie au personnage et, ce faisant, il ressent également de la peur si le personnage a peur. Il est alors possible que le spectacle provoque le retour à la conscience d’émotions, de pensées ou d’images qui étaient inconscientes. En ce sens, l’art peut avoir le même rôle cathartique d’une thérapie, à ceci près, que le spectacle n’est pas toujours suivi d’un moment où l’on parle de ce que l’on a ressenti. C’est pourquoi, pour le psychiatre, le fait de revivre une peur par le biais d’une oeuvre d’art ne peut être véritablement libérateur que si cela est suivi d’un moment d’échange avec des amis ou un groupe de proches. A cet égard, on pourrait interpréter le film Utoya d’Erik Poppe comme s’inscrivant dans cette démarche. Par la forme très réaliste qu’il prend, le film ne cherche pas à idéaliser des personnages ou à réfléchir sur les raisons de l’acte Anders Behring Breivik. Il s’agit plutôt de conduire le spectateur a faire l’expérience pour ainsi dire brute de cette peur au plus près. On a reproché au réalisateur de livrer le spectateur sans recul à la peur et à la violence. Mais, si l’art a notamment pour fonction de faire naître des émotions, et notamment de faire ressentir la peur, on peut considérer que voir ce film et en parler ensuite est une manière pour les Norvégiens de dépasser le traumatisme collectif que ce massacre a entrainé. Alors nous pouvons envisager ici que se faire peur et parler de cette peur participe d’une thérapie collective.

Pour davantage d’éléments de cours, vous pouvez visiter la page Cours de philosophie.

Sigmund Freud : L’hypothèse de l’inconscient

Sigmund Freud, neurologue autrichien fondateur de la psychanalyse, fait l’hypothèse de l’Inconscient à la fin du XIXe siècle.

Sigmund Freud, neurologue autrichien fondateur de la psychanalyse, fait l’hypothèse de l’Inconscient à la fin du XIXe siècle. Il fait ainsi l’hypothèse qu’une partie de l’esprit humaine reste inconsciente et que tout être humain, qu’il soit sain ou malade, a des désirs et pensées qui sont refoulées dans l’Inconscient si ceux-ci sont en contradiction avec la morale ou émotionnellement choquants.

Il s’agirait donc d’une partie de l’esprit humain qui resterait secrète pour le l’individu lui-même.

Freud en vient à faire cette hypothèse en essayant de soigner des patients atteints d’hystérie. En effet, ces patients souffrent de troubles physiques tels que cécité, tremblement des membres, paralysie des membres, insensibilité sans que l’on puisse trouver une cause physique à leurs troubles. C’est pourquoi à l’époque où Freud commence ses recherches les personnes atteintes d’hystérie (hommes ou femmes) sont généralement considérées comme des simulatrices. Freud fait alors l’hypothèse que les troubles physiques de ces patients sont bien réels mais qu’ils ont des causes psychologiques et non physiques. C’est ce qu’il appelle des névroses c’est-à-dire que le patient souffre de troubles physiques qui ont une cause psychologique. En l’occurrence, il explique les troubles physiques par l’existence d’un conflit psychique important chez le patient. Il s’agit, selon lui, d’un conflit inconscient entre des désirs ou chocs refoulés qui veulent se manifester à la conscience et le Surmoi c’est-à-dire le censeur moral du Sujet, qui repousse ces désirs dans l’inconscient. On peut donc considérer que ces pensées et désirs sont des secrets que le patient cache aux autres voire dont il n’a lui même pas conscience.

En effet, au début de ses travaux, Freud pense que les troubles du patient sont causés par des secrets que le patient cache intentionnellement.

« (…) il s’agit surtout pour moi de deviner le secret du patient et de le lui lancer au visage. Il est généralement obligé de renoncer à le nier ». (S. Freud (1895), Psychothérapie de l’hystérie, in Études sur l’hystérie, Paris, PUF, 1981)

Sigmund Freud et la psychanalyse :

La démarche du médecin consiste alors à faire parler le patient afin qu’il trahisse en partie  son secret. Le médecin peut alors deviner le secret et obliger le patient à l’admettre ce qui, selon Sigmund Freud,  guérirait les troubles car en faisant revenir à la conscience puis revivre au patient ce qu’il a refoulé, il sera alors capable de l’accepter. Freud conçoit donc dans un premier temps le travail du médecin comme une lutte pour faire dire au patient le secret qu’il cache.

« Dès le début, je soupçonnais que Fräulen Elisabeth devait connaître les motifs de sa maladie, donc qu’elle renfermait dans son conscient non point un corps étranger, mais seulement un secret » (Freud S et Breuer J., 1895, Etudes sur l’hystérie, Paris, P.U.F., 2000). Il admettra s’être trompé ensuite sur ce point.

Freud admettra ensuite s’être trompé sur ce point et fera au contraire l’hypothèse que certains secrets sont inconscients pour le patient lui-même. Or, ce serait précisément ces secrets inconscients qui en cherchant à revenir à la conscience seraient, selon lui, cause des troubles physiques du patient. En effet, le secret n’arrivant pas à se manifester et étant à nouveau refoulé dans l’inconscient par le Surmoi, réussirait néanmoins à se manifester mais de manière physique en occasionnant les troubles que Freud dépeint dans ses études sur l’hystérie. Freud en vient donc à distinguer deux types de secrets, d’une part les secrets interpersonnels c’est-à-dire les secrets que le sujet connaît mais qu’il ne partage pas avec autrui et, d’autre part, les secrets intrapsychiques ou inconscient que le Sujet ignore lui-même. 

« Chez un névropathe, il y a un secret pour sa propre conscience ; chez le criminel, il n’y a de secret que pour vous ; chez le premier existe une ignorance réelle (…) ; chez le dernier il n’y a qu’une simulation de l’ignorance ». (Freud S., 1906, « La Psychanalyse et l’établissement des faits en matière judiciaire par une méthode diagnostique », in Essais de Psychanalyse appliquée, Paris, Gallimard, 1976)

Freud distingue, par ailleurs, le cas des patients malades qui ont des troubles physiques importants et le cas des individus sains qui ont eux aussi des manifestations inconscientes qui prennent la forme d’actes manqués, de lapsus ou qui se manifestent dans les rêves. Il se donne alors pour objectif lors de la cure psychanalytique de lire « le sens secret » de ces manifestations de l’inconscient qui sont un révélateur de « la pensée secrète » de celui qui les effectue. La cure psychanalytique consiste alors à faire beaucoup parler le patient afin qu’il finisse par laisser son inconscient s’exprimer dans ses paroles. Le rôle du psychanalyste consiste alors à relever les paroles particulièrement significatives du patient et à lui poser des questions sur ce qui lui semble être une manifestation de l’inconscient. Le patient peut alors être conduit par le psychanalyste à reprendre conscience des événements, désirs ou pensées qu’il a refoulé et se trouvera ainsi libéré du conflit psychique, ce qui fera cesser les troubles physiques.

Par la suite, Freud insistera sur l’idée que la levée des secrets ne doit pas nécessairement passer par la parole car l’inconscient se manifeste aussi très largement par le corps.

« Celui qui a des yeux pour voir et des oreilles pour entendre constate que les mortels ne peuvent cacher aucun secret. Celui dont les lèvres se taisent bavarde avec le bout des doigts ; il se trahit par tous les pores. C’est pourquoi la tâche de rendre conscientes les parties les plus dissimulées de l’âme est parfaitement réalisable ». (Freud S., 1905, « Fragments d’une analyse d’hystérie : Dora », in Cinq psychanalyses, P.U.F., 1999)

En définitive, Freud a montré que les secrets contenus dans l’Inconscient du Sujet pouvaient causer des troubles et pathologies importantes. Il participe ainsi à l’idée que garder certains secrets peut être nocif pour l’individu et qu’il est préférable de se libérer de ces secrets afin d’être en meilleur santé. Dans le cas présent, pour se libérer d’un trauma ou d’un désir refoulé, l’individu doit suivre une psychanalyse afin de reprendre conscience de ce qu’il a inconsciemment refoulé.

Pour davantage de contenus sur le thème de l’inconscient, vous pouvez consulter la page Cours de philosophie.

Texte de Sigmund Freud :

On nous conteste de tous côtés le droit d’admettre un psychique inconscient et de travailler scientifiquement avec cette hypothèse. Nous pouvons répondre à cela que l’hypothèse de l’inconscient est nécessaire et légitime, et que nous possédons de multiples preuves de l’existence de l’inconscient. Elle est nécessaire, parce que les données de la conscience sont extrêmement lacunaires ; aussi bien chez l’homme sain que chez le malade, et il se produit fréquemment des actes psychiques qui, pour être expliqués, présupposent d’autres actes qui, eux, ne bénéficient pas du témoignage de la conscience. Ces actes ne sont pas seulement les actes manqués et les rêves, chez l’homme sain, et tout ce qu’on appelle symptômes psychiques et phénomènes compulsionnels chez le malade ; notre expérience quotidienne la plus personnelle nous met en présence d’idées qui nous viennent sans que nous en connaissions l’origine, et de résultats de pensée dont l’élaboration nous est demeurée cachée. Tous ces actes conscients demeurent incohérents et incompréhensibles si nous nous obstinons à prétendre qu’il faut bien percevoir par la conscience tout ce qui se passe en nous en fait d’actes psychiques ; mais ils s’ordonnent dans un ensemble dont on peut montrer la cohérence, si nous interpolons les actes inconscients inférés. Or, nous trouvons dans ce gain de sens et de cohérence une raison, pleinement justifiée, d’aller au-delà de l’expérience immédiate. Et s’il s’avère de plus que nous pouvons fonder sur l’hypothèse de l’inconscient une pratique couronnée de succès, par laquelle nous influençons, conformément à un but donné, le cours de processus conscients, nous aurons acquis, avec ce succès, une preuve incontestablement de l’existence de ce dont nous avons fait l’hypothèse. L’on doit donc se ranger à l’avis que ce n’est qu’au prix d’une prétention intenable que l’on peut exiger que tout ce qui se produit dans le domaine psychique doive aussi être connu de la conscience.

Sigmund Freud, Métapsychologie, §1.

Henri Bergson : le bonheur ou la joie de s’accomplir ?

Quand on parle du bonheur, on a communément tendance à l’envisager comme un état de satisfaction stable et durable qu’aucune peine de ne viendrait gâcher. Le problème qui se pose pourrait alors être : cet état est-il vraiment atteignable ? C’est la question que peuvent par exemple se poser Kant ou encore Epicure. Mais une autre question peut être posée : le bonheur est-il vraiment ce que nous recherchons le plus ? Ou encore est-ce qu’être constamment satisfait est réellement ce que nous recherchons ? Henri Bergson, dans L’Energie spirituelle, semble défendre une autre proposition.

A ses yeux, il faut plutôt rechercher la joie que le bonheur. Qu’entend-il par « joie » ? La joie est, selon lui, un sentiment d’intense satisfaction qu’un être humain ressent quand il parvient à s’augmenter lui-même ou encore à créer quelque chose ou quelqu’un dont il est fier. Henri Bergson fait du sentiment de joie un signe que nous avons réussi à progresser et à nous améliorer. Or quand nous nous améliorons, on peut considérer que nous nous créons nous-mêmes soit parce que par exemple nous développons nos compétences soit parce que nous devenons le créateur d’une oeuvre, d’une entreprise etc …Nous voyons donc que pour Bergson ce qui est peut-être plus important que la satisfaction constante c’est la progression. Nous devons progresser pour atteindre la joie. Or, est-il réellement possible de progresser sans jamais souffrir ?

L’effort est nécessaire pour atteindre la joie

Pour Bergson ça n’est qu’en faisant des efforts que nous nous accomplissons. L’effort est pénible, mais il est aussi très précieux car il nous amène à nous dépasser. Selon lui, nous ressentons une joie intense quand nous réussissons quelque chose qui nous à demandé beaucoup d’efforts. La joie est un état profond qui survient lorsque l’individu parvient à surmonter des épreuves. Elle est le signe que l’individu est capable de se dépasser lui-même dans un élan créateur qui lui a donné l’énergie de transformer le monde et de se transformer. Nous voyons ici qu’Henri Bergson est loin de défendre l’idée qu’il faudrait rechercher un bonheur constant et durable, au contraire, il semble défendre que le seul sentiment qui nous donne une véritable satisfaction est la joie, mais c’est un sentiment qui est éphémère. En ce sens, on pourrait défendre que le bonheur n’est pas accessible à l’être humain mais que la joie l’est.

Texte d’Henri Bergson :

« L’effort est pénible, mais il est aussi précieux, plus pré­cieux encore que l’œuvre où il aboutit, parce que, grâce à lui, on a tiré de soi plus qu’il n’y avait, on s’est haussé au-dessus de soi-même. […] Les philosophes qui ont spéculé sur la signification de la vie et sur la destinée de l’homme n’ont pas assez remarqué que la nature a pris la peine de nous renseigner là-dessus elle-même. Elle nous avertit par un signe précis que notre destination est atteinte. Ce signe est la joie. Je dis la joie, je ne dis pas le plaisir. Le plaisir n’est qu’un artifice imaginé par la nature pour obtenir de l’être vivant la conservation de la vie ; il n’indique pas la direction où la vie est lancée. Mais la joie annonce toujours que la vie a réussi, qu’elle a gagné du terrain, qu’elle a remporté une victoire : toute grande joie a un accent triomphal. Or, si nous tenons compte de cette indication et si nous suivons cette nouvelle ligne de faits, nous trouvons que partout où il y a joie, il y a création : plus riche est la création, plus profonde est la joie. La mère qui regarde son enfant est joyeuse, parce qu’elle a conscience de l’avoir créé, phy­siquement et moralement. Le commerçant qui développe ses affaires, le chef d’usine qui voit prospérer son industrie, est-il joyeux en —raison de l’argent qu’il gagne et de la notoriété qu’il acquiert ? Richesse et considération entrent évidemment pour beaucoup dans la satisfaction qu’il ressent, mais elles lui apportent des plaisirs plutôt que de la joie, et ce qu’il goûte de joie vraie est le sentiment d’avoir monté une entreprise qui marche, d’avoir appelé quelque chose à la vie. Prenez des joies exceptionnelles, celle de l’artiste qui a réalisé sa pensée, celle du savant qui a découvert ou inventé. […]  Si donc, dans tous les domaines, le triomphe de la vie est la création, ne devons-nous pas supposer que la vie humaine a sa raison d’être dans une création qui peut, à la différence de celle de l’artiste et du savant, se poursuivre à tout moment chez tous les hommes : la création de soi par soi, l’agrandissement de la personnalité par un effort qui tire beaucoup de peu, quelque chose de rien, et ajoute sans cesse à ce qu’il y avait de richesse dans le monde ? »

Bergson, L’Énergie spirituelle, « La conscience et la vie »

Emmanuel Kant : Qu’est-ce que les Lumières ?

Dans cet opuscule, Emmanuel Kant définit le progrès des Lumières. Selon lui, accéder aux Lumières c'est réussir à penser par soi-même.

Dans cet opuscule, Emmanuel Kant définit le progrès des Lumières. Selon lui, accéder aux Lumières c’est réussir à penser par soi-même. On pourrait croire que penser par soi-même est chose aisée, mais Kant explique au contraire que c’est une chose fort difficile et que peu de personnes réussissent à faire. Or, si l’on ne pense pas par soi-même, cela signifie que l’on pense par les autres ou en suivant les autres.

Les hommes ont tendance à rester « mineurs »

Emmanuel Kant explique les Lumières à partir de la distinction entre la minorité et la majorité : c’est « la sortie de l’homme de sa minorité dont il est lui-même responsable ». La minorité et la majorité ont un sens juridique, en France un mineur a moins de 18 ans et un majeur plus de 18 ans. Mais, ici, Kant prend mineur et majeur dans un sens un peu différent. La minorité c’est « l’incapacité de se servir de son entendement (pouvoir de penser) sans la direction d’autrui » qui doit être distinguée de la bêtise (privation de faculté). Ainsi, on peut très bien avoir plus de 18 ans et rester mineur selon Emmanuel Kant, si l’on continue à suivre seulement ce que l’on nous dit de faire sans penser par nous-mêmes. La devise des lumières est empruntée au poète Horace : « Sapere aude » : « ose savoir », ou « ose te servir de ton propre entendement ». Etre majeur intellectuellement, c’est donc faire usage de ses facultés intellectuelles pour prendre ses propres décisions sans suivre constamment les règles d’un autre. Ce que Kant qualifie d’hétéronomie, être hétéronome c’est recevoir ses lois (nomos) d’un autre (hétéro). Au contraire être autonome c’est recevoir ses lois ou règles (nomos) de soi-même (auto).

Selon Emmanuel Kant, penser par soi-même demande efforts et courage

Le courage est nécessaire pour passer de l’hétéronomie à l’autonomie de la pensée car les deux principales causes de la minorité selon Emmanuel Kant sont « la paresse et la lâcheté ». Selon lui, beaucoup d’hommes sont paresseux et refusent de faire des efforts. Ils préfèrent se laisser guider par facilité. Le mineur est donc celui qui se met sous tutelle par facilité. Cela signifie par exemple que nous allons préférer suivre de prétendus experts plutôt que de chercher à savoir pour prendre nos décisions. La paresse est donc la première cause et la lâcheté est la deuxième. En effet, il faut du courage pour penser par soi-même car bien sûr on va alors commencer par se tromper. Comme un enfant qui apprend à marcher commence par tomber, se relève, tombe à nouveau et recommence. De même, penser par soi-même c’est prendre le risque de se tromper et ne pouvoir en vouloir qu’à soi-même. Il peut alors être plus confortable de suivre les conseils des autres car en cas d’erreurs il est possible de dire que c’est de leur faute. Il faut donc du courage pour entreprendre de penser par soi-même.

Ces deux obstacles au progrès des Lumières (paresse et lâcheté) sont intégrés à un cercle vicieux qui rend très difficile et exceptionnel la sortie de la minorité. En effet, les tuteurs (prêtres, hommes politiques, chef, etc) ont intérêt à ce que les hommes restent mineurs car ainsi ils peuvent les diriger à leur guise, et dans le même temps, les mineurs eux-mêmes trouvent confortable de le rester. C’est pourquoi il est finalement très difficile de sortir de l’état de minorité.

Selon Emmanuel Kant, il est difficile de s’affranchir seul, c’est pourquoi il pense que la propagation des lumières se fera grâce à quelques hommes éclairés qui se sont affranchis. Cela suppose que ces hommes éclairés puissent s’exprimer. La liberté d’expression est la condition d’accès aux Lumières. Mais il faut penser des limites à cette liberté d’expression pour ne pas menacer la paix civile et l’ordre et retomber dans le règne de la violence. C’est pourquoi Kant va proposer une solution nuancée et subtile qui va concilier l’obéissance civile et le droit illimité à la critique. Il s’oppose tant à ceux qui veulent reconnaître un droit de résistance qu’à ceux qui prônent l’absence de tout raisonnement critique. Cette conciliation se fait grâce à la distinction entre l’usage public de la raison et l’usage privé de la raison.

Deux usages de la raison selon Emmanuel Kant

  • L’usage public de la raison : c’est l’usage fait en tant que savant pour le public éclairé ou à éclairer. Le savant, pour Kant n’est pas l’érudit mais l’homme éclairé qui pense par lui-même et qui contribue à la diffusion des Lumières. L’usage public de la raison doit être totalement libre car quand on pense en tant qu’être raisonnable pour toute la communauté d’êtres raisonnables, on peut dénoncer les injustices et les abus. Il présuppose donc l’universalité de la raison présente en chaque homme.
  • l’usage privé de la raison : c’est celui qui se fait dans l’exercice d’une fonction sociale (son travail par exemple). Il doit être limité. Le citoyen n’est alors qu’un rouage de la machine. La comparaison du fonctionnement de la société avec celui de la machine souligne la nécessité de la coopération de tous les éléments à des fins communes. Chacun doit remplir la fonction qui lui est imposée par un supérieur. C’est à la condition d’obéir passivement, que l’on peut agir ensemble en vue du tout comme s’il y avait une seule volonté. Si cet usage est limité et non pas supprimé, c’est parce que la raison est nécessaire à l’exécutant pour appliquer correctement l’ordre. S’il doit user de sa raison pour trouver les moyens les plus adaptés à la fin, elle ne doit en aucun cas lui servir à contester la légitimité de l’ordre. « Là il n’est donc pas permis de raisonner ; il s’agit d’obéir » afin d’empêcher tout  scrupule qui ferait naître un doute sur la conduite à tenir et serait source de conflit potentiel entre la conscience morale et l’ordre reçu.

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La liberté d’expression est nécessaire pour penser véritablement :

« A la liberté de penser s’oppose, en premier lieu, la contrainte civile. On dit, il est vrai, que la liberté de parler ou d’écrire peut nous être ôtée par une puissance supérieure, mais non pas la liberté de penser. Mais penserions-nous beaucoup, et penserions-nous bien, si nous ne pensions pas pour ainsi dire en commun avec d’autres, qui nous font part de leurs pensées et auxquels nous communiquons les nôtres ? Aussi bien, l’on peut dire que cette puissance extérieure qui enlève aux hommes la liberté de communiquer publiquement leurs pensées, leur ôte également la liberté de penser — l’unique trésor qui nous reste encore en dépit de toutes les charges civiles et qui peut seul apporter un remède à tous les maux qui s’attachent à cette condition. », Kant, Qu’est-ce que s’orienter dans la pensée, 1786

Texte d’Emmanuel Kant : Début de Qu’est-ce que les Lumières ? (1784)

« Les «Lumières» se définissent comme la sortie de l’homme hors de l’état de tutelle dont il est lui-même responsable. L’état de tutelle est l’incapacité de se servir de son entendement sans être dirigé par un autre. Elle est due à notre propre faute lorsqu’elle résulte non pas d’une insuffisance de l’entendement, mais d’un manque de résolution et de courage pour s’en servir sans être dirigé par un autre. Sapere aude! Aie le courage de te servir de ton propre entendement! Telle est la devise des Lumières.

Paresse et lâcheté sont les causes qui expliquent qu’un si grand nombre d’hommes, alors que la nature les a affranchis depuis longtemps de toute tutelle étrangère, restent cependant volontiers, leur vie durant, mineurs; et qu’il soit si facile à d’autres de les diriger. Il est si commode d’être mineur. Si j’ai un livre pour me tenir lieu d’entendement, un directeur pour ma conscience, un médecin pour mon régime… je n’ai pas besoin de me fatiguer moi-même. Je n’ai pas besoin de penser, pourvu que je puisse payer; d’autres se chargeront à ma place de ce travail fastidieux. Et si la plupart des hommes finit par considérer comme dangereux le pas – en soi pénible – qui conduit à la majorité, c’est que s’emploient à une telle conception leurs bienveillants tuteurs, ceux-là mêmes qui se chargent de les surveiller. Après avoir rendu stupide le bétail domestique et soigneusement pris garde que ces paisibles créatures ne puissent faire un pas hors du parc où ils les ont enfermés, ils leur montrent ensuite le danger qu’il y aurait à marcher seuls. Or le danger n’est sans doute pas si grand, car après quelques chutes ils finiraient bien par apprendre à marcher, mais de tels accidents rendent timorés et font généralement reculer devant toute nouvelle tentative.

Il est donc difficile pour l’individu de s’arracher tout seul à la tutelle, devenue pour lui presque un état naturel. Il y a même pris goût, et il se montre incapable, pour le moment, de se servir de son propre entendement, parce qu’on ne l’a jamais laissé s’y essayer. Préceptes et formules – ces instruments mécaniques d’un usage ou, plutôt, d’un mauvais usage raisonnable de ses dons naturels – sont les entraves qui perpétuent la minorité. Celui qui s’en débarrasserait ne franchirait pourtant le fossé le plus étroit qu’avec maladresse, puisqu’il n’aurait pas l’habitude d’une pareille liberté de mouvement. Aussi n’y a-t-il que peu d’hommes pour avoir réussi à se dégager de leur tutelle en exerçant eux-mêmes leur esprit, et à avancer tout de même d’un pas assuré.

En revanche, la possibilité qu’un public s’éclaire lui-même est plus réelle; cela est même à peu près inévitable, pourvu qu’on lui en laisse la liberté. Car il y aura toujours, même parmi les tuteurs attitrés de la masse, quelques hommes qui pensent par eux-mêmes et qui, après s’être personnellement débarrassé du joug de la minorité, répandront autour d’eux un état d’esprit où la valeur de chaque homme et sa vocation à penser par soi-même seront estimées raisonnablement. Il faut cependant compter avec une restriction; c’est que le public, placé auparavant sous ce joug par les tuteurs attitrés, force ces derniers à y rester eux-mêmes, influencé alors par d’autres, incapables, quant à eux, de parvenir aux lumières. Preuve d’à quel point il est dommageable d’inculquer des préjugés, puisqu’ils finissent par se retourner contre ceux qui, contemporains ou passés, en furent les auteurs. C’est pourquoi un public ne peut accéder que lentement aux lumières. Une révolution entraînera peut-être le rejet du despotisme personnel et de l’oppression cupide et autoritaire, mais jamais une véritable réforme de la manière de penser. Au contraire, de nouveaux préjugés surgiront, qui domineront la grande masse irréfléchie tout autant que les anciens.

Or, pour répandre ces lumières, il n’est besoin de rien d’autre que de la liberté; de fait, de sa plus inoffensive manifestation, à savoir l’usage public de sa raison et ce, dans tous les domaines. Mais j’entends crier de tous côtés: «Ne raisonnez pas!». Le militaire dit: «Ne raisonnez pas, faites vos exercices!». Le percepteur: «Ne raisonnez pas, payez!». Le prêtre: «Ne raisonnez pas, croyez!». (Il n’y a qu’un seul maître au monde qui dise: «Raisonnez autant que vous voudrez et sur tout ce que vous voudrez, mais obéissez!») Dans tous ces cas il y a limitation de la liberté. Mais quelle limitation fait obstacle aux lumières? Et quelle autre ne le fait pas, voire les favorise peut-être? Je réponds: l’usage public de notre raison doit toujours être libre, et lui seul peut répandre les lumières parmi les hommes; mais son usage privé peut souvent être étroitement limité, sans pour autant gêner sensiblement le progrès des lumières. J’entends par «usage public de notre raison» celui que l’on fait comme savant devant le public qui lit. J’appelle «usage privé» celui qu’on a le droit de faire alors qu’on occupe telle ou telle fonction civile. »

Marx : Le travail rend-il heureux ?

Pour Marx, le travail n'est pas une mauvaise chose en soi, il reconnait même que c'est quelque chose qui distingue les hommes des animaux.

Pour Marx, le travail n’est pas une mauvaise chose en soi, il reconnait même que c’est quelque chose qui distingue les hommes des animaux. Un travail qui permet à l’humain de développer et d’utiliser ses facultés humaines comme sa raison, son imagination ou son libre arbitre est un travail qui améliore l’homme ou du moins qui lui permet d’être réellement humain.

Le problème vient du type de travail et des conditions de travail qui sont données aux êtres humains. Marx écrit au 19e siècle au moment de la révolution industrielle notamment et il critique le travail à l’usine ou à la chaîne car il s’agit d’un travail qui déshumanise l’homme.

Marx parle d’aliénation du travail

Selon Marx, l’homme est mutilé par la division des tâches excessive c’est-à-dire s’il est amené à effectuer dans son travail un très petit nombres de tâches ou de mouvements de manière répétitive et mécanique. Or, cette spécialisation des tâches ne fait que s’accentuer. On est d’abord passé de l’artisanat où un artisan réalise un objet du début à la fin, à la manufacture où le travailleur ne fait plus qu’un ou deux éléments de l’objet final. Cette progression de la division des tâches culmine avec le travail à la chaîne où le travailleur effectue un seul geste répétitif entouré de machines qui amènent à lui l’objet. La tâche est de plus en plus simple, les gestes de plus en plus décomposés et mécaniques. L’homme est alors intégré à la machine et il perd ici son humanité.

C’est alors que Marx parle d’aliénation du travail car alors l’homme devient « autre ». Le terme aliénation est construit à partir du latin alienus qui signifie l’autre ou l’étranger. Alors être aliéné ou subir une aliénation c’est devenir étranger à soi-même. Pour Marx, dès lors que le travailleur ne peut plus développer et épanouir ses capacités proprement humaines telles que l’imagination, la raison, le libre arbitre, dans son travail , alors il devient une machine. Cette forme de travail rend l’homme tel un automate, il le rend stupide. On voit un bon exemple de cette folie que le travail à la chaîne produit dans les Temps modernes de Charlie Chaplin.

Le travailleur est dépossédé du fruit de son travail

Par ailleurs, comme les tâches à effectuer son de plus en plus standardisées et répétitives, le travailleur ne se sent plus l’auteur de son ouvrage, il perd la satisfaction de son travail car il n’en a fait qu’une infime partie et n’y a pas mis de créativité ou d’habileté particulière. C’est pourquoi Marx dit que l’ouvrier est également dépossédé du fruit de son travail. Il n’en tire plus de fierté d’une part et d’autre part, il n’en est plus le propriétaire. En effet, les propriétaires du résultat de son travail sont ceux qui possèdent les moyens de production c’est-à-dire les machines et le capital.

Le travailleur est alors pour finir exploité car comme son travail est peu qualifié et demande peu d’expertise, il est rémunéré un minimum c’est-à-dire selon Marx, juste assez pour qu’il puisse reconstituer sa force de travail et retourner au travail le lendemain. L’ouvrier touche alors juste assez pour avoir un toit et se nourrir. C’est pourquoi, selon Marx, tout ce qui faisait l’humanité du travailleur disparaît. Il est réduit à l’état animal non seulement pendant son travail qu’il subit mais aussi dans sa vie hors de son travail qui se réduit pour une bonne part à être la reconstitution de sa force de travail.

La valeur d’échange du travail diminue car il requiert de moins en moins de compétence et le produit du travail est tellement morcelé que le travailleur ne peut plus ni y imprimer quoi que ce soit de lui-même, ni s’y reconnaître. Non seulement il ne l’humanise plus mais il l’abrutit. Il n’est plus une manifestation de la vie mais un simple moyen d’existence, un travail forcé que l’on fait uniquement pour gagner sa vie.

Il est évident que dans ces conditions le travailleur ne peut pas tirer son bonheur de son travail, c’est plutôt le contraire, son travail fait son malheur.

Texte de Marx :

En quoi consiste la dépossession du travail ?

D’abord, dans le fait que le travail est extérieur à l’ouvrier, c’est-à-dire qu’il n’appartient pas à son être ; que, dans son travail, l’ouvrier ne s’affirme pas, mais se nie ; qu’il ne s’y sent pas satisfait, mais malheureux ; qu’il n’y déploie pas une libre énergie physique et intellec­tuelle, mais mortifie son corps et ruine son esprit. C’est pourquoi l’ouvrier n’a le sentiment d’être à soi qu’en dehors du travail; dans le travail, il se sent extérieur à soi-même. Il est lui quand il ne travaille pas et, quand il travaille, il n’est pas lui. Son travail n’est pas volon­taire, mais contraint. Travail forcé, il n’est pas la satisfaction d’un besoin, mais seulement un moyen de satisfaire des besoins en dehors du travail. La nature aliénée du travail apparaît nettement dans le fait que, dès qu’il n’existe pas de contrainte physique ou autre, on fuit le travail comme la peste. Le travail aliéné, le travail dans lequel l’homme se dépossède, est sacrifice de soi, mortification. Enfin, l’ouvrier ressent la nature extérieure du travail par le fait qu’il n’est pas son bien propre, mais celui d’un autre, qu’il ne lui appartient pas, que dans le travail l’ouvrier ne s’appartient pas à lui-même, mais à un autre (…).

On en vient donc à ce résultat que l’homme (l’ouvrier) n’a de spontanéité que dans ses fonctions animales, le manger, le boire et la procréation, peut-être encore dans l’habitat, la parure, etc ; et que, dans ses fonctions humaines, il ne sent plus qu’animalité : ce qui est animal devient humain, et ce qui est humain devient animal.

Karl Marx, Ébauche d’une critique de l’économie politique. (Manuscrit de 1844.)

Réussir son accroche de dissertation de philosophie

Episode 5 : Comment faire une bonne accroche de dissertation de philosophie

Cliquez ici pour l’écouter sur Spotify et sur Itunes.

Une mauvaise façon de commencer une introduction est sans doute de commencer par une liste de définitions des termes du sujet. Commencer à définir les termes du sujet est évidemment nécessaire dans l’introduction. Néanmoins il est beaucoup habile et intéressant d’utiliser ces définitions pour justifier des réponses possibles au sujet. Je vous renvoie sur cette question au troisième épisode de ce podcast où j’ai expliqué comment analyser le sujet et formuler la problématique dans l’introduction de votre dissertation.

Une autre erreur courante consiste à faire une accroche qui introduit la notion générale du sujet mais pas ce sujet en particulier. Par exemple, si vous avez un sujet tel que « Le bonheur dépend-il de nous ? », si vous faites une accroche qui parle simplement du bonheur ou qui définit le bonheur sans répondre au sujet précisément alors vous n’introduisez pas vraiment ce sujet mais la notion de bonheur en général.

Pour que votre accroche introduise vraiment le sujet qui vous est donné, il faut qu’elle permette d’entrevoir une première réponse au sujet. Si on prend le sujet « le bonheur dépend il de nous ? »,  votre accroche peut consister en un exemple qui vous permet de faire une première hypothèse. Par exemple que le bonheur dépend de nous.

C’est encore mieux si après cette première réponse rapide vous pouvez commencer à montrer le problème et en émettant un doute sur cette première réponse. Par exemple en posant une question qui suggère que la thèse adverse pourrait également être défendue.

Deux manières différentes de faire une bonne accroche pour votre introduction de philosophie.

– Une 1er façon consiste à utiliser une citation. Il est déconseillé d’utiliser des auteurs dans l’introduction car l’introduction est plutôt le moment où vous devez définir les termes et montrer le problème du sujet de manière générale. Néanmoins, il y a une exception à cette règle, vous pouvez utiliser un auteur en accroche en le citant puis en expliquant la citation afin de montrer comment elle pourrait répondre au sujet.

Cette façon de faire est la plus difficile car il est assez rare surtout quand le programme est très varié d’avoir exactement la citation qui va coller au sujet. Cela implique d’avoir appris des citations par coeur et le risque va être de vouloir absolument utiliser une des citations connues même si elle ne correspond pas exactement au sujet. Il est donc préférable de vraiment s’assurer que votre citation peut être une réponse au sujet et si tel n’est pas le cas, envisagez plutôt d’utiliser un exemple. Commencer son devoir par une citation hors sujet est plutôt contreproductif.

Pour que cela soit bien clair, je vais vous donner un exemple d’accroche avec une citation sur le sujet « Le bonheur dépend-il de nous ? » : « Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, ce sont les jugements qu’ils portent sur les choses ». Epictète,stoïcien né en 50 après J-C, défend ici que ce qui affecte les hommes et peut les rendre malheureux, ce ne sont finalement pas les événements eux-mêmes, mais la manière dont ils jugent ces événements. Ce faisant, il semble défendre que le bonheur est bien quelque chose qui dépend de nous, puisqu’il dépend de nos jugements. Mais peut-on réellement défendre que notre bonheur dépend seulement de nos jugement sur les événements et sur notre vie ?

L’accroche permet ici de donner une première réponse au sujet et elle introduit le problème en esquissant une objection dans un deuxième temps. A la suite de cela, vous pouvez rappeler le sujet et formuler la problématique puis énoncer votre plan.

– La 2e façon de faire une accroche consiste à utiliser un exemple et à montrer en quoi il permet de donner une première réponse au sujet. Cet exemple peut être un exemple de la vie quotidienne mais évidement des exemples plus recherchés seront valorisés. Vous pouvez par exemple prendre des exemples littéraires si le sujet porte sur la liberté, la morale, le bonheur… ou des exemples plus politiques sur les sujets portant sur l’Etat ou la justice et le droit. Des exemples plus scientifiques seront valorisés si le sujet porte sur la Vérité ou sur les sciences.

Si on compare l’accroche citation et l’accroche exemple, l’accroche exemple est sans doute une manière plus simple de procéder, car si vous n’avez pas d’exemple il est toujours possible d’en inventer un. L’essentiel est de prendre un exemple qui vous permet de donner une première réponse au sujet puis d’envisager une objection afin de montrer que le sujet va faire débat. En d’autres termes qu’il pose un problème qu’il vous faudra discuter pendant tout votre devoir.

Pour finir je vais vous donner un exemple d’accroche utilisant un exemple avec le sujet « La recherche du bonheur peut-elle être un devoir ? » :

Dans la tragédie Le Cid de Corneille, le personnage principal Don Rodrigue est face à un dilemme : choisir entre son devoir de sauvegarder l’honneur de sa famille et le fait de poursuivre son bonheur. Il choisit finalement de faire son devoir en tuant le père de Chimène mais renonce alors à son bonheur. Nous pouvons remarquer que dans Cette histoire, rechercher le bonheur n’est pas un devoir et même qu’au contraire faire son devoir va être plutôt un obstacle à la recherche du bonheur. Pourtant, faut-il toujours opposer la recherche du bonheur et le devoir ?

Voilà pour cet épisode sur l’accroche de dissertation de philosophie, j’espère qu’il vous aidera à bien commencer votre dissertation, si vous voulez davantage de précisions ou d’exemples, je vous invite à aller lire mon article sur l’accroche sur mon blog apprendre la philosophie.

Très bonne journée à vous

Episode 4 : Comment construire son plan de dissertation en philosophie

Dans ce nouvel épisode consacré à la méthodologie, je vais vous expliquer comment construire votre plan de dissertation en philosophie. Dans le précédent épisode, nous avons vu comment analyser le sujet et formuler la problématique. Cette étape est importante car si vous avez bien formulé la problématique, vous avez déjà un début de plan. 

En effet, en montrant le problème du sujet, c’est-à-dire en montrant qu’il y a au moins deux réponses qui s’opposent sur ce sujet, vous avez déjà la première et la deuxième partie de votre plan. Par exemple, sur le sujet « le bonheur est-il un idéal inaccessible ? », vous pouvez d’abord défendre dans une première partie qu’effectivement le bonheur semble difficilement accessible. Puis dans une seconde partie, vous développerez une argumentation qui défendra au contraire que le bonheur est bien un idéal accessible. Vous commencerez alors un plan de dissertation que l’on nomme plan dialectique.

Alors qu’est-ce qu’un plan dialectique ? Et avec quoi ne faut-il pas le confondre ?

Le principe du plan dialectique est que votre devoir doit être organisé comme un débat. Votre plan va alors prendre la forme suivante : thèse/antithèse/thèse. Cela signifie que par exemple si le sujet est « Faut-il rechercher le bonheur ? », votre première partie doit répondre soit oui, il faut rechercher le bonheur, soit non il ne faut pas recherche le bonheur. Et si votre première partie défend plutôt oui, alors la deuxième partie doit s’y opposer et défendre plutôt que non. Enfin si vous avez défendu le non en deuxième partie, votre troisième partie devrai plutôt s’y opposer et défendre que oui.

Il est aujourd’hui déconseillé de faire une synthèse en troisième partie, car cela entraîne très souvent des troisièmes parties peu intéressantes où l’étudiant finit sur un « peut-être que oui, peut-être que non ». Or, le but de la dissertation est tout de même d’arriver à une réponse argumentée relativement solide. En d’autres termes, il faut que vous preniez position sur le sujet dans un sens ou dans un autre. Le correcteur doit pouvoir dire à la fin si vous avez répondu plutôt oui ou plutôt non au sujet.

Par ailleurs, il faut vous assurer que chacune de vos parties réponde au sujet dans son intégralité et éviter le plan thématique qui justement risque de ne pas répondre au sujet. Le pire consiste à découper le sujet selon les différentes notions du sujet et à les traiter séparément dans les parties. Par exemple, sur le sujet « un homme libre est-il nécessairement heureux ? » où il y a deux grandes notions du programme la liberté et le bonheur, si vous faites : Première partie le bonheur, deuxième partie la liberté, troisième partie le bonheur et la liberté, alors vos deux premières parties sont hors sujet car elles ne répondent pas au sujet. En effet, expliquer ce qu’est le bonheur dans une première partie ne répond pas à la question de savoir si un homme libre est nécessairement heureux.

Donc point très important, chacune de vos parties doit répondre au sujet de manière claire sinon vous risquez de faire un hors sujet.

Alors comment construire son plan de dissertation concrètement ?

Je vais vous donner d’abord une méthode à suivre si vous êtes totalement débutant en philosophie. Disons que c’est un bon point de départ si vous êtes en terminale. Le but est de construire un plan qui fasse thèse/antithèse/thèse : si je simplifie cela signifie que vous devez arriver à quelque chose comme oui/non/oui ou non/oui/non. Il faut alors que vous commenciez par déterminer quelle est la position que vous voulez défendre pour finir c’est-à-dire en troisième partie car vous allez construire votre plan en fonction de cela. La thèse que vous défendez en troisième partie doit être celle qui vous semble la plus juste.

Une fois que vous avez déterminé la réponse que vous voulez défendre pour finir, il vous faut construire vos parties 1 et 2 en conséquences. Si vous voulez finir en défendant non alors votre deuxième partie devra défendre le oui et la première le non.

Il y a  deux cas de figures possibles :

– soit vous n’avez pas d’avis particulier sur le sujet et ne voulez pas défendre une thèse en particulier, alors vous allez simplement vous demandez pour quelle réponse au sujet vous avez le plus d’arguments. Par exemple, si vous avez d’avantage d’arguments pour défendre que le bonheur est inaccessible alors vous ferez un plan en Non/oui/Non. Vous veillerez évidemment à ce que les arguments les plus forts soient dans la troisième partie car ce sont ceux qui ont résisté aux objections de la deuxième partie.

– soit vous voulez défendre une réponse en particulier, alors vous allez organiser votre plan de manière à finir en troisième partie par la réponse que vous voulez défendre. Ceci car dans un discours ou une argumentation, les éléments qui arrivent en dernier sont souvent les plus forts et ceux qui vont rester en mémoire. Dans ce cas, si vous voulez finir par la thèse selon laquelle le bonheur est bien un idéal accessible, alors vous allez faire un plan en Oui/Non/Oui.

A présent je vais vous expliquer comment faire une très bonne troisième partie. Chose que vous pourriez arriver à faire avec un peu de pratique de la philosophie et qui correspond à un niveau plus confirmé.

Il y a plusieurs façons de faire une bonne troisième partie dans un plan de dissertation. Le mieux est de faire en sorte que la troisième partie apporte réellement quelque chose et fasse progresser l’argumentation ou la définition des termes du sujet. Une façon de faire encore facile consiste à s’appuyer sur un élément secondaire du sujet comme l’adverbe. Par exemple, si le sujet est : « un homme libre est-il nécessairement heureux ? » alors vous pouvez vous appuyer sur le « nécessairement » pour montrer qu’un homme libre peut souvent être heureux mais pas nécessairement.

Néanmoins les deux formes de troisième partie les plus habiles sont les suivantes :

– 1er façon de faire : Faire une troisième partie en s’appuyant sur une distinction conceptuelle. Qu’est-ce que c’est ? Dans votre devoir, vous devez gagner en précision dans la définition des termes du sujet et notamment distinguer de plus en plus le terme principal des autres termes qui semblent d’abord proches mais n’ont cependant pas exactement le même sens. Par exemple, si vous avez le terme bonheur dans le sujet, les termes proches sont plaisir et joie. Ainsi, si le sujet est « le bonheur est-il un idéal inaccessible ? », vous pourriez faire une troisième partie qui défend que le bonheur entendu comme état de satisfaction durable et global est sans doute inaccessible, mais que ça n’est peut-être pas le cas de la joie entendue comme état de satisfaction plus éphémère et plus intense ressenti lorsque l’on réussit quelque chose qui a demandé des efforts. Vous pourriez alors finir en défendant que le bonheur est inaccessible mais pas la joie.

– 2e façon de faire : Faire une troisième partie en « dépassant » le sujet. Il n’est pas rare d’entendre que la troisième partie doit opérer un dépassement du sujet. Qu’est-ce que cela veut dire ? Cela signifie, par exemple, que l’on va montrer qu’il y a peut-être une manière plus satisfaisante et intéressante de poser le problème. Le risque néanmoins ici est de changer complètement le sujet et de faire un hors sujet. Faire une troisième partie de ce type demande donc une très bonne compréhension du sujet.

Comment faire pour éviter un hors sujet dans votre plan de dissertation ?

D’abord, il faut être conscient que cette forme de troisième partie ne sera pas toujours possible ou ne conviendra pas toujours à la direction qu’a prise votre argumentation. Ne cherchez donc pas à faire ainsi à toute force. Souvent, une bonne manière de dépasser le sujet consiste à reposer le sujet non pas en terme de possibilité mais en terme de légitimité ou de valeur. Par exemple, si le sujet est « Peut-on échapper au temps ? », après avoir fait les deux premières parties en traitant de la possibilité ou non d’échapper au temps, vous pouvez en troisième partie, vous demandez si la question ne serait pas plutôt de savoir s’il est souhaitable de vouloir échapper au temps.  est-ce légitime ? est-ce bien ? Alors votre troisième partie défendra par exemple que même s’il était possible d’échapper au temps ce n’est peut-être pas souhaitable. 

Voilà pour cet épisode j’espère qu’il vous aidera à bien réussir votre plan de dissertation, si vous voulez davantage de précisions je vous invite à aller lire mes articles qui traitent de la méthode de la dissertation sur le site apprendre la philosophie.

Très bonne journée à vous