Dans cet article, je vais vous présenter la notion de temps en philosophie qui est une des 17 notions du programme de terminale.
Je vais d’abord faire un point sur la définition ou les définitions possibles du temps en philosophie. Puis, je vais passer en revue plusieurs grands problèmes classiques sur le temps en mentionnant quelques auteurs intéressants à connaître sur cette notion.
Une notion difficile à définir
Le temps est une de ces notions en philosophie qui pose problème dès la définition car il est difficile de dire ce qu’est le temps.
Comme le dit Saint Augustin : « Qu’est-ce donc que le temps ? Si personne ne me demande ce qu’est le temps, je sais ce qu’il est ; et si on me le demande et que je veuille l’expliquer, je ne le sais plus ».
On peut néanmoins commencer par cette définition imparfaite : le temps est la dimension dans laquelle se produit le changement. Si la petite pouce dans le jardin est devenue une belle fleur c’est que du temps s’est écoulé.
Quand nous parlons du temps nous pensons souvent au temps de la montre, le temps s’écoule uniformément minute après minute, seconde après seconde. Cette vision du temps correspond à ce que l’on appelle en philosophie le temps objectif. Le temps objectif : c’est le temps qui nous permet de mesurer le changement avec nos montres (heures, minutes, secondes). Il est uniforme, il s’écoule à la même vitesse pour tout le monde.
Blaise Pascal est un philosophe français du 17e siècle connu pour ses Pensées. Cette œuvre est une œuvre posthume compilée par ses éditeurs à partir de fragments de réflexions et de notes de lectures de Pascal. Il voulait écrire un livre faisant l’apologie du christianisme. Les Pensées parlent donc de religion, mais pas seulement elles sont également une réflexion sur la condition humaine. Pascal remarque que les hommes sont très souvent incapables de rester seuls avec leurs pensées.
Être inactif, rester seul dans une chambre, les laissent en proie à des pensées négatives car alors ils s’interrogent sur leur existence. Ils prennent consciences de leur nature mortelle, s’interrogent sur le sens de leur vie, s’inquiètent de la souffrance et de la mort. Cela les pousse à une certaine mélancolie. C’est pourquoi, selon Pascal, les hommes ont tendance à chercher à s’occuper pour ne pas penser à leur condition de mortel. C’est ce qu’il appelle le divertissement qu’il faut entendre en un sens large. Le mot divertissement vient du verbe latin divertere qui signifie « détourner ».
Les hommes ont donc tendance à détourner leurs pensées et leur regard de leur condition mortelle en s’occupant ou se divertissant. Cela peut être aller au cinéma, jouer, voir des amis, mais également travailler, étudier, tout ce qui nous permet de ne pas penser à la mort et à notre vie. Ce divertissement nous permet d’être heureux car sans cela nous serions constamment déprimés.
Mais en réalité, pour Pascal, c’est une fausse solution car c’est une illusion éphémère. En nous divertissant, nous ne faisons que chercher à oublier, nous nous activons, mais dès que nous avons fini notre activité, l’angoisse revient et il nous faut à nouveau autre chose pour ne pas y penser. C’est pourquoi Pascal qui est un fervent chrétien conseille plutôt de se tourner vers Dieu car la foi en Dieu est le seul moyen d’assurer son salut.
Textes de Pascal sur le divertissement
« Rien n’est si insupportable à l’homme que d’être dans un plein repos, sans passions, sans affaire, sans divertissement, sans application. Il sent alors son néant, son abandon, son insuffisance, sa dépendance, son impuissance, son vide. Incontinent il sortira du fond de son âme l’ennui, la noirceur, la tristesse, le chagrin, le dépit, le désespoir. »
« j’ai dit souvent que tout le malheur des hommes vient d’une seule chose, qui est de ne savoir pas demeurer en repos dans une chambre. »
« Les hommes n’ayant pu guérir la mort, la misère, l’ignorance, ils se sont avisés pour se rendre heureux de n’y point penser.»
« S’il est sans divertissement et qu’on le laisse considérer et faire réflexion sur ce qu’il est, cette félicité languissante ne le soutiendra point. Il tombera par nécessité dans les vues qui le menacent des révoltes qui peuvent arriver et enfin de la mort et des maladies, qui sont inévitables. De sorte que s’il est sans ce qu’on appelle divertissement le voilà malheureux, et plus malheureux que le moindre de ses sujets et qui se divertit. De là vient que le jeu et la conversation des femmes, la guerre, les grands emplois sont si recherchés.
Ce n’est pas qu’il y a en effet du bonheur, ni qu’on s’imagine que la vraie béatitude soit d’avoir l’argent qu’on peut gagner au jeu ou dans le lièvre qu’on court, on n’en voudrait pas s’il était offert. Ce n’est pas cet usage mol et paisible et qui nous laisse penser à notre malheureuse condition qu’on recherche ni les dangers de la guerre ni la peine des emplois, mais c’est le tracas qui nous détourne d’y penser et nous divertit. »
« Ainsi les divertissements qui font le bonheur des hommes ne sont pas seulement bas ; ils sont encore faux et trompeurs ; c’est à dire qu’ils ont pour objet des fantômes et des illusions, qui seraient incapables d’occuper l’esprit de l’homme, s’il n’avait perdu le sentiment et le goût du vrai bien, et s’il n’était rempli de bassesse, de vanité, de légèreté, d’orgueil, et d’une infinité d’autres vices : et ils ne nous soulagent dans nos misères, qu’en nous causant une misère plus réelle, et plus effective. Car c’est ce qui nous empêche principalement de songer à nous, et qui nous fait perdre insensiblement le temps. Sans cela nous serions dans l’ennui, et cet ennui nous porterait à chercher quelque moyen plus solide d’en sortir. Mais le divertissement nous trompe, nous amuse, et nous fait arriver insensiblement à la mort »
« Les hommes n’ayant pu guérir la mort, la misère, l’ignorance, se sont avisés, pour se rendre heureux, de n’y point penser : c’est tout ce qu’ils ont pu inventer pour se consoler de tant de maux. Mais c’est une consolation bien misérable, puis qu’elle va non pas à guérir le mal, mais à le cacher simplement pour un peu de temps, et qu’en le cachant elle fait qu’on ne pense pas à le guérir véritablement. Ainsi par un étrange renversement de la nature de l’homme, il se trouve que l’ennui qui est son mal le plus sensible est en quelque sorte son plus grand bien, parce qu’il peut contribuer plus que toute chose à lui faire chercher sa véritable guérison ; et que le divertissement qu’il regarde comme son plus grand bien est en effet son plus grand mal, parce qu’il l’éloigne plus que toute chose de chercher le remède à ses maux. Et l’un et l’autre est une preuve admirable de la misère, et de la corruption de l’homme, et en même temps de sa grandeur ; puisque l’homme ne s’ennuie de tout, et ne cherche cette multitude d’occupations que parce qu’il a l’idée du bonheur qu’il a perdu ; lequel ne trouvant pas en soi, il le cherche inutilement dans les choses extérieures, sans se pouvoir jamais contenter, parce qu’il n’est ni dans nous, ni dans les créatures, mais en Dieu seul. »