La liberté en philosophie

La notion de liberté en philosophie

Bienvenue dans cet article, dans lequel je vais vous présenter la notion de liberté qui est l’une des dix-sept notions du programme de philosophie de terminale. La liberté en philosophie peut être comprise de plusieurs manières. Il faut commencer par définir ce que l’on entend par liberté.

Je vais d’abord envisager quelques définitions possibles du terme liberté. Il est important de connaître ces définitions car elles vont vous permettre de bien comprendre les sujets et leurs enjeux. Puis, nous verrons quelques grands problèmes philosophiques sur cette notion.

Communément, quand on parle de liberté, on pense d’abord à la liberté d’action. Être libre en ce sens ce serait : avoir la possibilité de réaliser notre volonté sans contrainte ou obstacle. Je suis libre si rien ne m’empêche d’agir. Ou tout simplement, je suis libre si je ne suis pas en prison.

Mais peut-on en rester là ? Avoir la liberté d’action est-ce vraiment et toujours être libre ?

En effet, celui qui boit beaucoup trop tous les jours, peut-on vraiment dire qu’il est libre ? Ou n’est-il pas plutôt soumis à ses désirs et passions ?

On peut alors envisager une autre conception de la liberté : être libre ce serait être maître de soi-même, c’est-à-dire pouvoir résister à ses impulsions pour faire ce que dicte notre raison et qui est dans notre intérêt. En ce sens, l’alcoolique n’est pas libre car il n’arrive pas à se contrôler, il est soumis à son addiction.

Troisième définition possible de la liberté : être libre, ce n’est pas simplement avoir la possibilité d’agir, mais également avoir la possibilité de choisir ce que l’on va faire.

En d’autres termes, être libre c’est avoir le libre arbitre : c’est-à-dire la capacité de choisir et de décider entre plusieurs choses sans être influencé.

À ce stade, nous avons donc vu trois conceptions possibles de la liberté, je vous les rappelle :

  • la liberté d’action
  • la liberté comme maîtrise de soi
  • et le libre arbitre

À cela, on peut ajouter la liberté entendue comme autonomie.

L’autonomie, c’est la capacité d’un individu à se donner ses propres règles. On dit souvent d’un enfant qu’il n’est pas autonome quand on considère qu’il n’est pas encore capable de savoir ce qui est bon pour lui et doit donc suivre les règles que ses parents lui demandent de suivre.

Enfin, la liberté est également une notion très importante dans le domaine politique.

Trois conceptions de la liberté en philosophie politique

D’abord, il y a la liberté civile : la liberté civile, c’est la capacité de faire tout ce qui est autorisé par les lois. Par exemple, si la loi dit que vous avez le droit d’aller voter, alors si quelqu’un essaie de vous en empêcher, vous pouvez faire appel à la police. En d’autres termes, la liberté civile se traduit pour le citoyen par des droits qui sont garantis par l’État. L’État vous garantit que vous pouvez faire ceci ou cela sans qu’aucun autre individu ne vienne nous en empêcher.

La liberté civile est à opposer à la liberté dite naturelle qui est la capacité de faire absolument tout ce que l’on veut sans aucune limite. Le problème est qu’assez vite, si tout le monde fait absolument tout ce qu’il veut, c’est la loi du plus fort qui règne et même le plus fort ne reste pas très longtemps libre. La liberté naturelle peut donc sembler intéressante et pourtant c’est une illusion.

Enfin, dernier sens possible de la liberté : c’est la liberté politique que l’on peut aussi penser comme une forme d’autonomie politique. Un peuple a la liberté politique quand il se donne ses propres règles, c’est-à-dire qu’il choisit lui-même les lois auxquelles il va obéir. Vous comprenez que le régime qui permet la liberté politique est la démocratie.

Quelques grands problèmes philosophiques sur la liberté.

Premier grand problème : Sommes-nous réellement libres ? Ou bien sommes-nous au contraire déterminés ?

Ce problème porte essentiellement sur l’existence du libre arbitre. Avoir le libre arbitre, nous l’avons vu, c’est pouvoir faire des choix sans être influencé en faisant usage de notre volonté et peut-être aussi de notre raison si nous avons réfléchi un minimum avant de faire notre choix.

Mais une telle capacité de choix existe-t-elle réellement ? Peut-on dire que nous faisons des choix rationnels sans être influencé et en optant pour ce qui nous semble le mieux pour nous, par exemple ? Ou bien faut-il admettre qu’en réalité, nos choix sont tout à fait déterminés par notre environnement social, notre famille, nos amis ? Ou encore par nos expériences passées et les traces qu’elles ont laissées dans notre psyché ?

Un fervent défenseur du libre arbitre est le philosophe français du 17e siècle René Descartes qui dit : « La liberté de notre volonté se connaît sans preuve, par la seule expérience que nous en avons. »

En effet, à ses yeux, il est évident que nous sommes libres, car nous ressentons cette liberté quand nous devons prendre une décision. Nous savons qu’il dépend de nous de faire un choix ou un autre et que nous serons responsables de ce choix.

Mais si nous sommes bien conscients que c’est nous qui faisons le choix, pouvons-nous réellement affirmer que nous le faisons librement, c’est-à-dire sans subir l’influence de notre passé ou de notre groupe social, par exemple ?

Au contraire, pour Spinoza, nous ne sommes pas libres, mais nous avons l’illusion d’être libres, car nous sommes conscients des choix que nous faisons et des actions que nous entreprenons, mais pas des causes profondes qui nous ont poussé à faire ces choix.

Deuxième problème classique sur la liberté :

A-t-on besoin d’apprendre à être libre ? Ou bien peut-on dire que nous sommes libres spontanément ?

Il est alors question de décider si la liberté est quelque chose qui s’apprend et que l’on peut acquérir ou s’il s’agit de quelque chose d’inné.

Sur cette question, il est possible de s’appuyer sur une thèse de Sartre, qui affirme que l’homme est condamné à être libre. Par là, il veut dire notamment que l’homme ne choisit pas d’être libre ou non car il ne choisit pas de naître. Il est jeté dans le monde sans l’avoir choisi, mais nous dit Sartre, une fois qu’il est au monde, alors il est fondamentalement libre et responsable de ce qu’il devient, quoi qu’il puisse en dire.

À cette thèse de Sartre, on pourrait opposer une thèse défendue par Kant dans « Qu’est-ce que les lumières ? » Pour le philosophe allemand, la liberté n’est pas quelque chose qui va de soi pour les hommes. Au contraire, à ses yeux, la plupart des hommes, bien qu’ayant atteint l’âge adulte, restent des mineurs, c’est-à-dire qu’ils ne se servent pas de leur propre entendement et continuent de suivre sans réfléchir ce que les autorités du moment leur commandent de faire. En ce sens, il faudrait bien que les hommes apprennent à se servir de leur raison et sans cela, ils ne sont pas réellement libres.

Troisième problème philosophique sur la liberté : un homme libre est-il nécessairement heureux ?

Ou en d’autres termes, peut-on affirmer que la liberté nous apportera toujours le bonheur ? Ou bien faut-il au contraire défendre que l’on peut être libre et malheureux ?

Pour traiter ce problème, on peut notamment penser au philosophe grec de l’antiquité, Epicure, pour qui être libre c’est notamment être maître de soi et savoir renoncer à certains désirs qui risquent de causer en nous des souffrances et des douleurs. Alors, à ses yeux, le sage libre est maître de ses désirs et n’est pas soumis à des peurs irrationnelles, ce qui le rend heureux.

Mais si l’on peut admettre que la liberté entendue comme maîtrise de soi nous rend heureux, en est-il de même du libre arbitre ? Si l’on en croit Sartre, cette capacité que nous avons de faire des choix peut aussi produire en nous une grande angoisse car pouvoir faire des choix ne signifie pas être sûr de faire les bons choix. Il n’est pas toujours facile d’être libre, car faire un choix, c’est prendre le risque de se tromper. Nous sommes responsables de ce que nous devenons pour Sartre et cette responsabilité est source d’angoisse.

La liberté consiste t-elle à faire tout ce qui nous plaît ?

Ou en d’autres termes, est-ce que les lois auxquelles nous obéissons lorsque nous vivons en société sont des limites à notre liberté ? Ou bien faudrait-il au contraire les voir comme des conditions de notre liberté ?

En effet, si l’on prend la liberté au sens de la liberté naturelle comme la possibilité de faire tout ce que nous voulons, alors effectivement les lois apparaissent comme des limites à cette liberté.

Mais est-ce que la liberté naturelle est une véritable liberté ? Resterions-nous libres très longtemps s’il n’y avait aucune loi et que la loi du plus fort régnait ? Sans doute pas très longtemps, car nous serions rapidement soumis par une puissance plus forte que nous. Cette thèse est notamment défendue par Rousseau dans le Contrat social. À ses yeux, la seule liberté réelle est la liberté civile, c’est-à-dire que nous sommes libres lorsque nous faisons ce qui est permis par les lois, et nous sommes d’autant plus libres dans ce cas que l’État nous garantit qu’aucun autre individu ne viendra nous empêcher de faire ce que nous avons le droit de faire. Par exemple, nous avons le droit de posséder des biens et si quelqu’un vient nous les prendre, nous pouvons faire appel à la police. La loi est donc en réalité une garantie de notre liberté, car elle nous protège de ceux qui voudraient nous soumettre à leur volonté.

Néanmoins, qu’en est-il si les lois auxquelles nous obéissons ne sont pas décidées par le peuple, mais par un roi ou par une minorité d’individus qui détiennent le pouvoir ? Alors, est-ce que les lois ne sont pas effectivement des limites à notre liberté et n’aurions-nous pas le droit, voire même le devoir, de désobéir ? C’est ce que défend le philosophe américain du 19e siècle Henry David Thoreau dans son Essai intitulé De la désobéissance civile.

Voilà pour cet article, j’espère qu’il vous aidera à mieux comprendre la notion de liberté et les différents problèmes qu’elle peut poser. Pour retrouver tous les cours par notions, vous pouvez vous rendre sur cette page. Pour une présentation du programme en vidéos, c’est ici.

Citation de Sartre

Episode 6 : Citation de Sartre : Nous sommes condamnés à la liberté

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Dans ce nouvel épisode, je vais vous expliquer une citation de Sartre sur le thème de la liberté extraite de son oeuvre l’Etre et le Néant.

Selon Sartre, je cite « Nous sommes une liberté qui choisit mais nous ne choisissons pas d’être libres : nous sommes condamnés à la liberté ». Autrement dit, l’homme est fondamentalement libre, c’est-à-dire choix et il ne peut pas ne pas choisir. Aux yeux de Sartre, la liberté constitue la condition de l’homme à laquelle il ne peut pas échapper c’est pourquoi il dit que « l’homme est condamnée à être libre » car il ne choisit pas de naître mais une fois au monde, il ne peut pas ne pas choisir. En effet, même refuser de choisir est un choix. Donc paradoxalement pour Sartre, nous ne choisissons pas d’être libre. Néanmoins, est-il évident que nous soyons libres ? Ne sommes-nous pas au contraire déterminés par des facteurs biologiques, psychologiques ou sociologiques ?

Selon Sartre, l’homme fait nécessairement des choix dans sa vie c’est pourquoi il est condamné à être libre et ce sont ses choix qui le définissent c’est-à-dire qui donnent un sens, une direction à sa vie. Il exclut ainsi l’idée que l’homme aurait un destin décidé par un Dieu qui aurait ainsi déterminé son essence (sa définition) avant qu’il ne vienne au monde. Sartre pense qu’il n’y a pas de Dieu et que de ce fait l’homme est seul et peut se définir lui-même, en d’autres termes, personne n’a pensé sa vie avant lui. C’est pourquoi il dit que l’homme est un projet, il décide de comment il va évoluer, de ce qu’il va devenir. C’est pourquoi selon Sartre, chez l’homme je cite « l’existence précède l’essence ». L’homme n’est pas comme un objet qui va d’abord être pensé par l’artisan pour ensuite être réalisé. Dans le cas de l’homme, il existe avant d’avoir une définition stricte et c’est ce qu’il fait dans sa vie qui va ensuite permettre de dire ce qu’il a été.

Sartre s’oppose à la thèse du déterminisme selon laquelle nous serions pris et tous nos choix et actions avec, dans des chaines de causes à effets. Si bien qu’en réalité ce que nous pensons être nos choix seraient en fait causés par des expériences ou événements passés . Il s’oppose à ceux qui nous disent impuissants car nous ne pourrions pas nous changer, car nous ne pourrions pas échapper à notre classe, à notre famille, à notre passé, vaincre nos désirs, ou changer nos habitudes.

En effet, selon Sartre, nous croyons que certaines choses sont des obstacles, qu’elles nous limitent, nos origine, nos expériences passées, notre biologie, mais, en réalité, ce ne sont des limites à notre liberté que parce que nous avons choisi des les voir comme telle. Il prend l’exemple du rocher : un rocher n’est pas en soi un obstacle : je cite « Le coefficient d’adversité des choses, en particulier, ne saurait être un argument contre notre liberté, car c’est par nous, c’est-à-dire par la position préalable d’une fin (d’un but), que surgit ce coefficient d’adversité. Tel rocher, qui manifeste une résistance profonde si je veux le déplacer, sera, au contraire une aide précieuse si je veux l’escalader pour contempler le paysage ». Que veut-il dire par là ? Ce qui fait que telle ou telle circonstance est un obstacle c’est le but que nous visons. En fonction de l’objectif c’est un obstacle ou une aide. Selon Sartre, nous ne sommes pas déterminés par ce qui nous arrive ou notre passé parce que c’est nous qui décidons du sens que nous allons donner à un événement en fonction du but visé. Nous pouvons considérer nos origines comme un obstacle mais aussi choisir de les voir comme un atout ou d’en faire un atout selon notre objectif.

Nous avons bien vu pourquoi, selon Sartre, nous sommes libres, mais pourquoi dire que nous sommes condamnés à l’être ? Cela semble plutôt pénible et négatif. Pour Sartre, notre liberté est absolue et c’est aussi une situation difficile. En effet, si nous sommes libres, cela signifie également que nous sommes totalement responsables de ce que nous devenons. Nous ne pouvons pas nous abriter derrière des excuses, dire que nous avons été déterminé… De ce fait, nous pouvons ressentir de l’angoisse quand nous avons à faire des choix car être libre ne signifie pas que nous n’allons pas nous tromper, au contraire. Comment être sûr de faire le bon choix quand on n’est pas omniscient ? La liberté peut donc aller de pair avec la peur de se tromper et l’angoisse ressentie face à notre immense responsabilité.

Néanmoins, nous pouvons parfois oublier notre liberté, ne plus la sentir car nous n’avons, par exemple, pas le sentiment de faire des choix importants ou de prendre des risques. C’est pourquoi Sartre dit : « Jamais nous n’avons été aussi libres que sous l’occupation allemande ». Cela semble paradoxal car dans cette situation, les français avaient perdu beaucoup de liberté et devaient subir des contraintes nombreuses. Mais dans le même temps, les choix qu’ils faisaient avaient davantage d’importance et étaient davantage ressentis car un choix pouvait leur coûter la vie. Selon Sartre, C’est dans des situations extrêmes que l’homme prend le plus intensément conscience de ses choix et donc de sa liberté.

Voilà pour cet épisode j’espère qu’il vous aura aidé à mieux comprendre cette citation de Sartre, si vous voulez plus de précision ou si vous voulez apprendre à réussir votre dissertation, vous pouvez demander ma méthode juste en dessous.

Sartre : « L’homme est condamné à être libre »

Selon Sartre, l’homme est fondamentalement libre, c'est-à-dire choix et il ne peut pas ne pas choisir, même refuser de choisir est un choix.

Sartre a une thèse sur la liberté qui semble d’abord paradoxale : « Nous sommes une liberté qui choisit mais nous ne choisissons pas d’être libres : nous sommes condamnés à la liberté ». Autrement dit, l’homme est fondamentalement libre, c’est-à-dire choix et il ne peut pas ne pas choisir. Aux yeux de Sartre, la liberté constitue la condition de l’homme à laquelle il ne peut pas échapper c’est pourquoi il dit que « l’homme est condamnée à être libre » car il ne choisit pas de naître mais une fois au monde, il ne peut pas ne pas choisir. En effet, même refuser de choisir est un choix. Donc paradoxalement pour Sartre, nous ne choisissons pas d’être libre. Mais est-il évident que nous soyons libres ? Ne sommes-nous pas au contraire déterminés par des facteurs biologiques, psychologiques ou sociologiques ?

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Sartre : « chez l’homme l’existence précède l’essence ».

Selon Sartre, l’homme fait nécessairement des choix dans sa vie et ce sont ses choix qui le définissent c’est-à-dire qui donnent un sens, une direction à sa vie. Il exclut ainsi l’idée que l’homme aurait un destin décidé par un Dieu qui aurait ainsi déterminé son essence (sa définition) avant qu’il ne vienne au monde. Sartre pense qu’il n’y a pas de Dieu et que de ce fait l’homme est seul et peut se définir lui-même, personne n’a pensé sa vie avant lui. C’est pourquoi il dit que l’homme est un projet, il décide de comment il va évoluer, de ce qu’il va devenir. C’est pourquoi pour l’homme « l’existence précède l’essence ». L’homme n’est pas comme un objet qui va d’abord être pensé par l’artisan pour ensuite être réalisé. Dans le cas de l’homme, il existe avant d’avoir une définition stricte et c’est ce qu’il fait dans sa vie qui va ensuite permettre de dire ce qu’il a été.

Contre la thèse du déterminisme

Sartre s’oppose à la thèse du déterminisme. Il s’oppose à ceux qui nous disent impuissants car nous ne pourrions pas nous changer, car nous ne pourrions pas échapper à notre classe, à notre famille, à notre passé ou vaincre nos désirs, ou changer nos habitudes. L’homme semble être fait par les circonstances plutôt que se faire si l’on accepte tous ces déterminismes.

Or, selon Sartre, nous croyons que certaines choses sont des obstacles, qu’elles nous limitent, nos origine, nos expériences passées, notre biologie, mais, en réalité, ce ne sont des limites à notre liberté que parce que nous avons choisi des les voir comme telle. Il prend l’exemple du rocher : un rocher n’est pas en soi un obstacle : « Le coefficient d’adversité des choses, en particulier, ne saurait être un argument contre notre liberté, car c’est par nous, c’est-à-dire par la position préalable d’une fin (d’un but), que surgit ce coefficient d’adversité. Tel rocher, qui manifeste une résistance profonde si je veux le déplacer, sera, au contraire une aide précieuse si je veux l’escalader pour contempler le paysage ». Que veut-il dire par là ? Ce qui fait que telle ou telle circonstance est un obstacle c’est le but que nous visons. En fonction de l’objectif c’est un obstacle ou une aide. Selon Sartre, nous ne sommes pas déterminés par ce qui nous arrive ou notre passé parce que c’est nous qui décidons du sens que nous allons donner à un événement. Nous pouvons considérer nos origines comme un obstacle mais aussi choisir de les voir comme un atout ou d’en faire un atout selon la fin visée.

Etre libre rend-il heureux ?

Pour Sartre, notre liberté est absolue et c’est aussi une situation difficile. En effet, si nous sommes libres, cela signifie également que nous sommes totalement responsables de ce que nous devenons. Nous ne pouvons pas nous abriter derrière des excuses, dire que nous avons été déterminé… De ce fait, nous pouvons ressentir de l’angoisse quand nous avons à faire des choix car être libre ne signifie pas que nous n’allons pas nous tromper, au contraire. Comment être sûr de faire le bon choix quand on n’est pas omniscient ? La liberté peut donc aller de pair avec la peur de se tromper et l’angoisse ressentie face à notre immense responsabilité.

Néanmoins, nous pouvons parfois oublier notre liberté, ne plus la sentir car nous n’avons, par exemple, pas le sentiment de faire des choix importants ou de prendre des risques. C’est pourquoi Sartre dit : « Jamais nous n’avons été plus libres que sous l’occupation allemande ». Cela semble paradoxal car dans cette situation, les français avaient perdu beaucoup de liberté et devaient subir des contraintes nombreuses. Mais dans le même temps, les choix qu’ils faisaient avaient davantage d’importance et étaient davantage ressentis car un choix pouvait leur coûter la vie. C’est dans des situations extrêmes que l’homme prend le plus intensément conscience de ses choix et donc de sa liberté.

L’homme est condamné à inventer l’homme selon Sartre

Sartre élargit la responsabilité humaine à un niveau collectif : « l’homme est condamné à chaque instant à inventer l’homme ». L’homme n’est pas seulement responsable de son être mais aussi de l’humanité en général. En choisissant, je donne non seulement consistance à ce que je suis mais j’invente l’homme. Mon choix n’est pas seulement personnel, il n’engage pas seulement ma propre personne mais l’humanité entière. Quand je choisis, je crée l’homme que je veux être mais aussi l’homme en général tel que je crois qu’il doit être et par mon exemple je montre que l’homme peut être ainsi et donne l’idée à d’autres de me suivre et de m’imiter.

Texte de Sartre :

Dostoïevski avait écrit : « Si Dieu n’existait pas, tout serait permis. » C’est là le point de départ de l’existentialisme. En effet, tout est permis si Dieu n’existe pas, et par conséquent l’homme est délaissé, parce qu’il ne trouve ni en lui, ni hors de lui une possibilité de s’accrocher. Il ne trouve d’abord pas d’excuses. Si, en effet, l’existence précède l’essence, on ne pourra jamais expliquer par référence à une nature humaine donnée et figée ; autrement dit il n’y a pas de déterminisme, l’homme est libre, l’homme est liberté. Si d’autre part, Dieu n’existe pas, nous ne trouvons pas en face de nous des valeurs ou des ordres qui légitiment notre conduite. Ainsi, nous n’avons ni derrière nous, ni devant nous, dans le domaine lumineux des valeurs, des justifications ou des excuses. C’est ce que j’exprimerai en disant que l’homme est condamné à être libre. Condamné, parce qu’il ne s’est pas créé lui-même, et par ailleurs cependant libre, parce qu’une fois jeté dans le monde, il est responsable de tout ce qu’il fait.

Jean-Paul Sartre, L’existentialisme est un humanisme, 1946.