La liberté en philosophie

La liberté en philosophie

Bienvenue dans cet article, dans lequel je vais vous présenter la notion de liberté en philosophie. La liberté en philosophie peut être comprise de plusieurs manières. Il faut commencer par définir ce que l’on entend par liberté.

Je vais d’abord envisager quelques définitions possibles du terme liberté. Il est important de connaître ces définitions car elles vont vous permettre de bien comprendre les sujets et leurs enjeux. Puis, nous verrons quelques grands problèmes philosophiques sur cette notion.

Communément, quand on parle de liberté, on pense d’abord à la liberté d’action. Être libre en ce sens ce serait : avoir la possibilité de réaliser notre volonté sans contrainte ou obstacle. Je suis libre si rien ne m’empêche d’agir. Ou tout simplement, je suis libre si je ne suis pas en prison.

Mais peut-on en rester là ? Avoir la liberté d’action est-ce vraiment et toujours être libre ?

En effet, celui qui boit beaucoup trop tous les jours, peut-on vraiment dire qu’il est libre ? Ou n’est-il pas plutôt soumis à ses désirs et passions ?

On peut alors envisager une autre conception de la liberté : être libre ce serait être maître de soi-même, c’est-à-dire pouvoir résister à ses impulsions pour faire ce que dicte notre raison et qui est dans notre intérêt. En ce sens, l’alcoolique n’est pas libre car il n’arrive pas à se contrôler, il est soumis à son addiction.

Troisième définition possible de la liberté : être libre, ce n’est pas simplement avoir la possibilité d’agir, mais également avoir la possibilité de choisir ce que l’on va faire.

En d’autres termes, être libre c’est avoir le libre arbitre : c’est-à-dire la capacité de choisir et de décider entre plusieurs choses sans être influencé.

À ce stade, nous avons donc vu trois conceptions possibles de la liberté, je vous les rappelle :

  • la liberté d’action
  • la liberté comme maîtrise de soi
  • et le libre arbitre

À cela, on peut ajouter la liberté entendue comme autonomie.

L’autonomie, c’est la capacité d’un individu à se donner ses propres règles. On dit souvent d’un enfant qu’il n’est pas autonome quand on considère qu’il n’est pas encore capable de savoir ce qui est bon pour lui et doit donc suivre les règles que ses parents lui demandent de suivre.

Enfin, la liberté est également une notion très importante dans le domaine politique.

Trois conceptions de la liberté en philosophie politique

D’abord, il y a la liberté civile : la liberté civile, c’est la capacité de faire tout ce qui est autorisé par les lois. Par exemple, si la loi dit que vous avez le droit d’aller voter, alors si quelqu’un essaie de vous en empêcher, vous pouvez faire appel à la police. En d’autres termes, la liberté civile se traduit pour le citoyen par des droits qui sont garantis par l’État. L’État vous garantit que vous pouvez faire ceci ou cela sans qu’aucun autre individu ne vienne nous en empêcher.

La liberté civile est à opposer à la liberté dite naturelle qui est la capacité de faire absolument tout ce que l’on veut sans aucune limite. Le problème est qu’assez vite, si tout le monde fait absolument tout ce qu’il veut, c’est la loi du plus fort qui règne et même le plus fort ne reste pas très longtemps libre. La liberté naturelle peut donc sembler intéressante et pourtant c’est une illusion.

Enfin, dernier sens possible de la liberté : c’est la liberté politique que l’on peut aussi penser comme une forme d’autonomie politique. Un peuple a la liberté politique quand il se donne ses propres règles, c’est-à-dire qu’il choisit lui-même les lois auxquelles il va obéir. Vous comprenez que le régime qui permet la liberté politique est la démocratie.

Quelques grands problèmes philosophiques sur la liberté en philosophie.

Premier grand problème : Sommes-nous réellement libres ? Ou bien sommes-nous au contraire déterminés ?

Ce problème porte essentiellement sur l’existence du libre arbitre. Avoir le libre arbitre, nous l’avons vu, c’est pouvoir faire des choix sans être influencé en faisant usage de notre volonté et peut-être aussi de notre raison si nous avons réfléchi un minimum avant de faire notre choix.

Mais une telle capacité de choix existe-t-elle réellement ? Peut-on dire que nous faisons des choix rationnels sans être influencé et en optant pour ce qui nous semble le mieux pour nous, par exemple ? Ou bien faut-il admettre qu’en réalité, nos choix sont tout à fait déterminés par notre environnement social, notre famille, nos amis ? Ou encore par nos expériences passées et les traces qu’elles ont laissées dans notre psyché ?

Un fervent défenseur du libre arbitre est le philosophe français du 17e siècle René Descartes qui dit : « La liberté de notre volonté se connaît sans preuve, par la seule expérience que nous en avons. »

En effet, à ses yeux, il est évident que nous sommes libres, car nous ressentons cette liberté quand nous devons prendre une décision. Nous savons qu’il dépend de nous de faire un choix ou un autre et que nous serons responsables de ce choix.

Mais si nous sommes bien conscients que c’est nous qui faisons le choix, pouvons-nous réellement affirmer que nous le faisons librement, c’est-à-dire sans subir l’influence de notre passé ou de notre groupe social, par exemple ?

Au contraire, pour Spinoza, nous ne sommes pas libres, mais nous avons l’illusion d’être libres, car nous sommes conscients des choix que nous faisons et des actions que nous entreprenons, mais pas des causes profondes qui nous ont poussé à faire ces choix.

Deuxième problème classique sur la liberté en philosophie :

A-t-on besoin d’apprendre à être libre ? Ou bien peut-on dire que nous sommes libres spontanément ?

Il est alors question de décider si la liberté est quelque chose qui s’apprend et que l’on peut acquérir ou s’il s’agit de quelque chose d’inné.

Sur cette question, il est possible de s’appuyer sur une thèse de Sartre, qui affirme que l’homme est condamné à être libre. Par là, il veut dire notamment que l’homme ne choisit pas d’être libre ou non car il ne choisit pas de naître. Il est jeté dans le monde sans l’avoir choisi, mais nous dit Sartre, une fois qu’il est au monde, alors il est fondamentalement libre et responsable de ce qu’il devient, quoi qu’il puisse en dire.

À cette thèse de Sartre, on pourrait opposer une thèse défendue par Kant dans « Qu’est-ce que les lumières ? » Pour le philosophe allemand, la liberté n’est pas quelque chose qui va de soi pour les hommes. Au contraire, à ses yeux, la plupart des hommes, bien qu’ayant atteint l’âge adulte, restent des mineurs, c’est-à-dire qu’ils ne se servent pas de leur propre entendement et continuent de suivre sans réfléchir ce que les autorités du moment leur commandent de faire. En ce sens, il faudrait bien que les hommes apprennent à se servir de leur raison et sans cela, ils ne sont pas réellement libres.

Troisième problème philosophique sur la liberté : un homme libre est-il nécessairement heureux ?

Ou en d’autres termes, peut-on affirmer que la liberté nous apportera toujours le bonheur ? Ou bien faut-il au contraire défendre que l’on peut être libre et malheureux ?

Pour traiter ce problème, on peut notamment penser au philosophe grec de l’antiquité, Epicure, pour qui être libre c’est notamment être maître de soi et savoir renoncer à certains désirs qui risquent de causer en nous des souffrances et des douleurs. Alors, à ses yeux, le sage libre est maître de ses désirs et n’est pas soumis à des peurs irrationnelles, ce qui le rend heureux.

Mais si l’on peut admettre que la liberté entendue comme maîtrise de soi nous rend heureux, en est-il de même du libre arbitre ? Si l’on en croit Sartre, cette capacité que nous avons de faire des choix peut aussi produire en nous une grande angoisse car pouvoir faire des choix ne signifie pas être sûr de faire les bons choix. Il n’est pas toujours facile d’être libre, car faire un choix, c’est prendre le risque de se tromper. Nous sommes responsables de ce que nous devenons pour Sartre et cette responsabilité est source d’angoisse.

Enfin, dernier problème que l’on peut se poser sur la liberté en philosophie.

La liberté consiste t-elle à faire tout ce qui nous plaît ?

Ou en d’autres termes, est-ce que les lois auxquelles nous obéissons lorsque nous vivons en société sont des limites à notre liberté ? Ou bien faudrait-il au contraire les voir comme des conditions de notre liberté ?

En effet, si l’on prend la liberté au sens de la liberté naturelle comme la possibilité de faire tout ce que nous voulons, alors effectivement les lois apparaissent comme des limites à cette liberté.

Mais est-ce que la liberté naturelle est une véritable liberté ? Resterions-nous libres très longtemps s’il n’y avait aucune loi et que la loi du plus fort régnait ? Sans doute pas très longtemps, car nous serions rapidement soumis par une puissance plus forte que nous. Cette thèse est notamment défendue par Rousseau dans le Contrat social. À ses yeux, la seule liberté réelle est la liberté civile, c’est-à-dire que nous sommes libres lorsque nous faisons ce qui est permis par les lois, et nous sommes d’autant plus libres dans ce cas que l’État nous garantit qu’aucun autre individu ne viendra nous empêcher de faire ce que nous avons le droit de faire. Par exemple, nous avons le droit de posséder des biens et si quelqu’un vient nous les prendre, nous pouvons faire appel à la police. La loi est donc en réalité une garantie de notre liberté, car elle nous protège de ceux qui voudraient nous soumettre à leur volonté.

Néanmoins, qu’en est-il si les lois auxquelles nous obéissons ne sont pas décidées par le peuple, mais par un roi ou par une minorité d’individus qui détiennent le pouvoir ? Alors, est-ce que les lois ne sont pas effectivement des limites à notre liberté et n’aurions-nous pas le droit, voire même le devoir, de désobéir ? C’est ce que défend le philosophe américain du 19e siècle Henry David Thoreau dans son Essai intitulé De la désobéissance civile.

Voilà pour cet article, j’espère qu’il vous aidera à mieux comprendre la notion de liberté en philosophie et les différents problèmes qu’elle peut poser. Pour retrouver tous les cours par notions, vous pouvez vous rendre sur cette page. Pour une présentation du programme en vidéos, c’est ici.

Ethique stoïcienne

L’éthique du stoïcisme

Le stoïcisme est une école philosophique fondée à Athènes par Zénon de Citium vers l’an 300 avant Jésus-Christ. Cette école va s’appeler l’Ecole du Portique car son fondateur enseigne sous un portique. Je vais m’intéresser plus particulièrement ici à l’éthique du stoïcisme.

Marc Aurèle : L’empereur philosophe

« Pour moi, je fais ce qui est mon devoir. Les autres choses ne me tracassent point, car ce sont, ou des objets inanimés, ou des êtres dépourvus de raison, ou des gens égarés et ne sachant pas leur chemin » Marc Aurèle, Pensées pour moi-même, XXII

« Passe à travers la vie sans violence, l’âme pleine de joie, même si tous les hommes poussent contre toi les clameurs qu’ils voudront, même si les fauves déchirent les morceaux de cette pâte que tu épaissis autour de toi » Marc Aurèle, Pensées pour moi-même, LXVIII

Ethique du stoïcisme pour Sénèque :

Sénèque, un philosophe romain (4 av. J.-C.-65 apr.) originaire de Cordoue en Espagne, est une figure emblématique du stoïcisme romain. Cette doctrine philosophique, qui a vu le jour au IVe siècle avant J.-C. en Grèce, a été importée à Rome, notamment grâce à Cicéron. Sénèque était un politicien habile et un penseur renommé qui s’est créé une réputation et une renommée. Il est devenu le précepteur, puis l’éminence grise de l’empereur sanguinaire Néron, ce qui a fait de lui un homme riche et puissant. Cependant, sa richesse considérable a jeté un discrédit sur ses théories philosophiques, en particulier sur ses idées concernant l’argent, la pauvreté et les honneurs.

Bien que Sénèque ne traite jamais directement de questions économiques, il développe une philosophie morale dont l’un des piliers majeurs est la relation à l’argent et à la matérialité. Le stoïcisme propose de considérer la richesse avec indifférence. Selon cette doctrine, il est essentiel d’être indifférent à l’argent car la fortune et la pauvreté sont soumises au hasard.

« le souverain bien, c’est une âme qui méprise les événements extérieurs et se réjouit par la vertu », Sénèque, La Vie heureuse

« les flots de l’adversité ne transforment point une âme courageuse, elle demeure la même et donne aux événements sa propre teinte ; car elle est plus forte que les accidents extérieurs », Sénèque, De la Providence

« Cette liberté consiste à ne craindre ni les hommes ni les dieux ; à fuir toute action honteuse, et tout excès ; à jouir d’un pouvoir illimité sur soi-même. C’est un avantage inappréciable d’être maître de soi. », Sénèque, Lettres à Lucilius, LXXV

Epictète :

Épictète (v. 50-125), ancien esclave, est devenu l’une des principales figures du stoïcisme. Après avoir été banni par Domitien, il a trouvé refuge à Nicopolis, où il a enseigné. Connu pour son intransigeance morale et son style d’enseignement unique, Épictète a encouragé une philosophie pratique qui visait à retrouver une harmonie avec la nature. Ses notes de cours, rassemblées dans les « Entretiens » et le « Manuel », ont été prises par l’un de ses disciples et ont contribué à la diffusion de sa pensée. Épictète a établi une distinction fondamentale dans l’éthique du stoïcisme entre ce qui dépend de nous et ce qui ne dépend pas de nous, un concept qui a eu une grande influence sur le stoïcisme. Il a également souligné l’importance de la liberté véritable pour atteindre le bonheur et l’adéquation avec le monde.

Epictète, Manuel, I :

1.— Parmi les choses qui existent, certaines dépendent de nous, d’autres non. De nous, dépendent la pensée, l’impulsion, le désir, l’aversion, bref, tout ce en quoi c’est nous qui agissons ; ne dépendent pas de nous le corps, l’argent, la réputation, les charges publiques, tout ce en quoi ce n’est pas nous qui agissons.

2.— Ce qui dépend de nous est libre naturellement, ne connaît ni obstacles ni entraves ; ce qui n’en dépend pas est faible, esclave, exposé aux obstacles et nous est étranger.

3.— Donc, rappelle-toi que si tu tiens pour libre ce qui est naturellement esclave et pour un bien propre ce qui t’est étranger, tu vivras contrarié, chagriné, tourmenté ; tu en voudras aux hommes comme aux dieux ; mais si tu ne juges tien que ce qui l’est vraiment — et tout le reste étranger —, jamais personne ne saura te contraindre ni te barrer la route ; tu ne t’en prendras à personne, n’accuseras personne, ne feras jamais rien contre ton gré, personne ne pourra te faire de mal et tu n’auras pas d’ennemi puisqu’on ne t’obligera jamais à rien qui pour toi soit mauvais.

5.— Donc, dès qu’une image viendra te troubler l’esprit, pense à te dire : « Tu n’es qu’image, et non la réalité dont tu as l’apparence. » Puis, examine-la et soumets-la à l’épreuve des lois qui règlent ta vie : avant tout, vois si cette réalité dépend de nous ou n’en dépend pas ; et si elle ne dépend pas de nous, sois prêt à dire : « Cela ne me regarde pas. »

III

Pour tout objet qui t’attire, te sert ou te plaît, représente-toi bien ce qu’il est, en commençant par les choses les plus petites. Si tu aimes un pot de terre, dis-toi : « J’aime un pot de terre. » S’il se casse, tu n’en feras pas une maladie. En serrant dans tes bras ton enfant ou ta femme, dis-toi : « J’embrasse un être humain. » S’ils viennent à mourir, tu n’en seras pas autrement bouleversé.

V

Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, mais les jugements qu’ils portent sur ces choses […] Le jugement que nous portons sur la mort en la déclarant redoutable, c’est cela qui est redoutable. Lorsque donc nous sommes traversés, troublés, chagrinés, ne nous en prenons jamais à un autre, mais à nous-même, c’est-à-dire à nos jugements propres.

VIII

N’attends pas que les événements arrivent comme tu le souhaites ; décide de vouloir ce qui arrive et tu seras heureux.

Pour en savoir davantage sur le stoïcisme et l’éthique du stoïcisme, vous pouvez consulter cet article : Qu’est-ce que le stoïcisme ? ou consulter ma chaîne youtube en cliquant ici.

méthode de l'explication de texte en philosophie

La méthode de l’explication de texte philosophique

Comment réussir votre explication de texte ? Je vous explique dans cet article quelles sont les différentes étapes de la méthode de l’explication de texte en philosophie.

Réussir l’introduction de son explication de texte

Pour bien commencer son explication de texte en philosophie, il faut d’abord prendre conscience qu’un texte de philosophie n’est pas un texte que l’on va comprendre immédiatement et simplement. Il va donc être nécessaire de le lire plusieurs fois d’abord, puis de s’arrêter précisément sur chaque phrase ou chaque expression pour en expliquer le sens.

Les premières lectures du texte vont d’abord permettre d’identifier le thème du texte, c’est-à-dire que vous devez chercher de quoi parle ce texte en général. Très souvent le thème du texte correspond à une des 17 notions du programme de philosophie. Vous pouvez ainsi avoir un texte dont le thème est « la liberté ».

Méthode de l'explication de texte

Il faut ensuite chercher la thèse du texte c’est-à-dire l’affirmation centrale de l’auteur dans le texte. L’enjeu est ici de trouver que ce l’auteur défend à propos du thème. Par exemple, si le thème est « la différence entre l’homme et l’animal », la thèse du texte pourrait être « l’homme est un être doué de raison et de langage contrairement à l’animal ». La recherche de la thèse est un point très important de la méthode de l’explication de texte en philosophie.

Formuler le problème du texte

Une fois que vous avez identifié la thèse du texte, il faut trouver le problème auquel l’auteur répond dans ce texte. Le problème n’est donc pas le plus souvent formulé dans le texte lui-même. Il faut imaginer le problème que s’est posé l’auteur avant d’écrire son texte. Une bonne manière de trouver le problème du sujet peut consister à prendre la thèse du texte et à chercher la thèse adverse. Par exemple, si la thèse du texte est : « l’homme est constamment tourné vers le passé ou le futur », la thèse adverse est : « l’homme est tourné vers le présent ». Une fois que vous avez identifié thèse et antithèse vous pouvez formuler le problème sous forme d’alternative. Par exemple : « l’auteur s’est demandé si les hommes étaient plutôt tourné vers le futur et le passé ou bien vers le présent ».

Faire le plan du texte

Enfin, pour finir le travail au brouillon il faut découper le texte, c’est-à-dire identifier différentes parties dans le texte et justifier ce découpage en précisant ce que l’auteur y fait à chaque fois. Il peut par exemple, formuler sa thèse, développer un argument, proposer un exemple, formuler la thèse de l’opinion commune et y répondre etc.

Exemple d’une introduction d’explication de texte

Pour plus de clarté je précise les différents éléments de l’introduction entre parenthèses avant :

(Présentation du texte) Dans ce texte de Pascal, extrait des Pensées, il est question de (thème du texte, ici deux notions) notre rapport au temps et des effets de ce rapport au temps sur notre bonheur. (Formulation du problème auquel le texte répond sous forme d’alternative) Pascal s’est demandé si la tendance des hommes à se focaliser le plus souvent sur le passé et sur le futur les rend plutôt heureux ou plutôt malheureux. (Formulation de la thèse c’est-à-dire de la réponse que fait l’auteur au problème dans ce texte) Dans ce texte, Pascal défend l’idée selon laquelle nous avons tendance à toujours nous tourner vers le futur (pour espérer) et vers le passé (pour regretter ce que nous avons fait ou ce que nous avons perdu) et ainsi à ne jamais vivre pleinement au présent ce qui nous rend finalement malheureux. (Formulation du plan du texte en insistant sur ce que fait l’auteur dans ce passage d’un point de vue argumentatif) Dans la première partie du texte des lignes 1 à 6, l’auteur énonce sa thèse selon laquelle les hommes ont tendance à ne pas s’intéresser au présent mais uniquement au futur et au passé. Puis dans une deuxième partie des lignes 6 à 10, il donne de raisons qui selon lui justifient que les hommes se détournent du présent. Enfin des lignes 10 à la fin, il donne d’abord un argument de fait pour justifier sa thèse puis il énonce la deuxième partie de sa thèse selon laquelle cette tendance que nous avons à nous détourner du présent nous rend malheureux.

Réussir le développement de son explication de texte

Expliquer et non répéter le texte : Le problème que rencontrent beaucoup d’étudiants quand ils font une explication de texte de philosophie est qu’ils ont tendance à seulement répéter le texte. Nous allons donc voir comment expliquer réellement le texte.

Alors que faire pour vraiment expliquer le texte ?

Pour bien expliquer le texte, vous devez réaliser 4 opérations :

  • Clarifier le texte
  • Expliciter la construction du texte
  • Justifier ce que dit l’auteur/le défendre
  • Faire une objection

Afin que vous compreniez bien ces 4 opérations, je vais les expliquer en montrant que chacune d’elle peut correspondre à un métier.

Clarifier le texte : Le prof

D’abord, il vous faut incarner un professeur qui essaie de rendre le texte le plus clair possible pour ses élèves. Concrètement cela signifie que vous devez montrer que vous avez compris le sens de la phrase ou de l’expression que vous expliquez.

Plusieurs choses à faire pour cela :

Si c’est une phrase un peu difficile à comprendre (comme cela peut être souvent le cas dans un texte de philosophie), vous avez le droit de faire de la bonne paraphrase, c’est-à-dire reformuler le passage de manière plus claire.

Il ne faut surtout pas en rester là néanmoins, il est également très important de définir les termes importants du texte et c’est absolument nécessaire si ce sont des notions du programme comme temps, bonheur etc.

Enfin, il est bienvenu afin de rendre le texte plus clair et de montrer que vous l’avez bien compris de prendre des exemples pour illustrer ce que dit l’auteur.

Mettre en évidence la construction du texte : L’architecte

Quand vous expliquez un texte de philosophie, un des objectifs est de faire ressortir clairement ce que fait l’auteur, c’est-à-dire la manière dont il construit son argumentation afin de justifier la validité de sa thèse.

Il faut envisager un texte de philosophie comme une construction. Le but du texte est de soutenir la thèse (le toit), pour cela l’auteur utilise des arguments, des définitions, des exemples etc…

Vous devez donc être capable de voir et révéler le plan du texte. Il est donc très important de préciser régulièrement à quel élément du texte nous avons affaire ici. Est-ce la thèse, un exemple, un premier argument, l’opinion commune ou sa réfutation ? Il s’agit essentiellement de montrer comment chaque élément du texte permet à l’auteur d’avancer dans la défense de sa thèse.

Dans l’exemple d’explication de texte de philosophie à la fin de cet article, cette opération est notée : (construction du texte)

Il faut avoir en tête qu’un texte de philosophie est comme un temple Grec. Le but de l’auteur est de défendre une thèse c’est-à-dire une idée qui n’est pas évidente et qui doit être justifiée. Pour cela, l’auteur doit construire son texte en donnant des arguments pour justifier sa thèse, ce sont les colonnes qui soutiennent le toit du temple. Il doit également définir ce dont il parler c’est le socle nécessaire sur lequel s’appuient les arguments.

Justifier ce que dit l’auteur : L’avocat

Il faut ensuite montrer pourquoi l’auteur affirme ce qu’il affirme, c’est-à-dire justifier, argumenter ses propos, montrer pourquoi il a raison de dire ce qu’il dit et donc en quelque sorte prendre sa défense face à des objections éventuelles (là, on est sûr de ne pas faire de paraphrase, mais il faut veiller à ne pas trop s’éloigner du texte). Pour ce faire, vous avez besoin de pouvoir mobiliser des connaissances acquises en cours.

Vous pouvez même formuler une éventuelle objection et montrer comment l’auteur y répond déjà dans son texte. Les passages qui correspondent à cette opération sont suivis de (justification) dans l’exemple rédigé ci-dessous.

Remarque : Vous devez d’abord avoir bien compris le texte et cherché à défendre les propos de l’auteur avant de passer à l’opération suivante.

Faire une objection : le scientifique

Une fois que vous avez bien clarifié le passage et que vous avez cherché à le justifier alors il est possible de faire une objection.

Vous devez alors incarner un scientifique qui pose des questions et vérifie tout ce qu’on lui dit car il doute.

Vous avez la possibilité de faire un paragraphe d’objection qui peut être appuyé sur la référence à un autre auteur qui soutient une thèse ou une argumentation différente. Il n’est pas nécessaire de faire une objection dans chaque partie, mais il est nécessaire qu’il y ait au moins une objection dans tout le devoir. Bien entendu, cette objection doit être argumentée et il faut absolument éviter de dire que l’auteur n’a rien compris, ou se contredit, car cela montre en général que c’est l’étudiant qui n’a pas compris le texte.

Exemple de développement d’explication de texte

Je vous montre dans l’exemple suivant, comment il est possible de réaliser une explication de texte de philosophie en suivant les quatre opérations. Pour chaque opération différente, je précise de quelle opération il s’agit juste après entre parenthèses et en gras. Il s’agit de l’explication du début du texte seulement.

Dans ce texte, Pascal commence par énoncer sa thèse (construction du texte), il nous dit “nous ne tenons jamais au temps présent” c’est-à-dire que l’homme ne vit pas le moment présent mais regarde le futur ou le passé (Clarifier-reformulation). Ici par temps, on peut entendre le temps objectif c’est-à-dire la durée qui est mesurée par l’horloge ou la montre de la même manière pour tous (Clarifier-définition). Le temps présent est le temps où nous sommes en train de vivre, car c’est en réalité le seul qui existe objectivement (Clarifier-définition). En effet, le passé n’existe plus et le futur n’existe pas encore si ce n’est dans notre esprit (Clarifier-définition). Ainsi, on peut observer que nombre de voyageurs passent beaucoup de temps à prendre des photos de leurs voyages au lieu de profiter des paysages directement. Ils semblent plus préoccupés par le fait de garder des souvenirs du passé plutôt que de vivre pleinement au présent (Clarifier-Exemple). Ensuite l’auteur remarque que nous considérons le futur avec espoir et nous voulons qu’il arrive plus vite. Il semble dire implicitement que nous ne sommes pas satisfaits du présent et que donc nous voulons que le futur arrive. Il remarque qu’ils veulent hâter le futur, or il est impossible de faire venir le futur plus vite objectivement (Justification). Et si l’on considère le temps subjectif c’est-à-dire le temps vécu et que nous percevons singulièrement, alors regarder le futur ne le fait pas passer plus vite, au contraire il faudrait s’amuser au présent et y vivre pleinement pour que le futur arrive plus vite (Justification). De même, selon lui, nous avons tendance à vouloir retenir le passé car nous regrettons qu’il disparaisse, peut-être pensons que nous étions mieux dans le passé (Clarifier). Les nostalgiques ont ainsi ce regret du passé et ils ne sont pas très heureux au présent. Ainsi, dans Midnight in Paris de Woody Allen, le personnage principal déménage à Paris et il n’est pas heureux dans le présent car il considère le 19e siècle à Paris comme l’âge d’or de la culture humaine. Un événement fantastique a lieu et il se trouve conduit dans le passé et à cette époque il rencontre une femme qui, elle, est nostalgique de la Belle époque. Elle ne se trouve alors pas bien dans l’époque où elle est et qu’admire tant le personnage principal. (Clarifier-Exemple) On voit donc que souvent les hommes ont tendance à ne pas se satisfaire de leur époque même si elle est de valeur et à vouloir le passé sans vivre dans le moment présent. L’auteur a donc montré que nous ne vivons pas bien au présent et espérons le futur ou regrettons le passé (construction du texte).

Voilà, j’espère que cette méthode de l’explication de texte en philosophie vous aidera à réussir vos explications. Pour plus de détails, n’hésitez pas à télécharger ma méthode complète ou à regarder mes vidéos sur la méthode de l’explication de texte.

Exemples d'introduction philosophique

Exemples d’introduction de dissertation en philosophie

Afin que vous compreniez mieux comment réaliser une bonne introduction de dissertation, je vous montre ici plusieurs exemples d’introduction de dissertation en philosophie sur des sujets différents, vous pouvez voir la méthode en VIDEO ici. Pour davantage d’information sur la méthode à suivre vous pouvez regarder cet article sur la manière de réussir son accroche, et ces deux autres articles sur la problématique et la méthode de l’introduction de manière plus générale.

Je vous rappelle que votre introduction de dissertation en philosophie doit comporter une accroche, un rappel du sujet, une problématique comprenant une définition des termes du sujet et une annonce de plan.

Pour plus de clarté, je précise à chaque fois entre parenthèses à quel élément de la méthode les différents passages de l’introduction correspondent. Par ailleurs, vous trouverez dans le sujet 1, un exemple d’accroche utilisant un exemple, et dans les sujets 2 et 3, des exemples d’accroches utilisant plutôt des citations.

Sujet 1 : Introduction philosophique : Avons-nous le devoir de faire le bonheur des autres ?

Dans le film « Into the Wild », le héro Christopher, s’enfuit pour partir vivre seule dans la nature. Il essaie, ainsi, d’échapper à l’influence de ses parents qui veulent pourtant son bonheur. Christopher rejette le mode de vie de ses parents, et pense, au contraire, être heureux en se détachant des choses matériels et en s’éloignant de la société. Ce faisant, on peut en déduire qu’il est souvent difficile de savoir ce qui rendra heureux un individu. Or, si nous ne savons pas réellement ce qui les rendra heureux, comment pourrait-on avoir le devoir de faire le bonheur des autres ? Et pourtant n’avons nous pas l’obligation, de leur donner au moins le minimum pour être heureux ? (Accroche qui montre le problème c’est-à-dire que la réponse au sujet n’est pas évidente). Avons-nous alors le devoir de faire le bonheur des autres ? (Rappel du sujet). A première vue, nous pourrions penser que nous avons effectivement le devoir de faire le bonheur des autres, car ce serait une obligation morale d’agir de manière à aider les autres à atteindre un état de satisfaction durable et global. En effet, rendre les autres heureux semble être une bonne chose et quelque chose que l’on peut rationnellement souhaiter. (Première réponse au sujet) Mais, n’est-ce alors pas vouloir imposer aux autres une certaine manière d’être heureux ? En prétendant faire le bonheur des autres, ne risque-t-on pas, au contraire, de faire son malheur ? Dans ce sens, dire que nous avons l’obligation de rendre les autres heureux pourrait être difficile à défendre car comment avoir le devoir de rendre les autres heureux si nous ne pouvons savoir ce qui les rendra effectivement tel ? (Deuxième réponse qui montre que la réponse au sujet n’est pas évidente). Dans un premier temps, nous verrons

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Sujet 2 : Prendre son temps, est-ce le perdre ?

« Nous n’avons pas reçu une vie brève, nous l’avons faite telle ». Sénèque dans De la Brièveté de la vie, remarque ainsi que les hommes qui se plaignent d’avoir une vie courte sont, en réalité, responsables de cela, car ce sont eux qui en perdant leur temps la rendent courte. Pourtant, si les hommes perdent leur temps selon lui, ça n’est pas parce qu’ils prendraient trop leur temps, mais parce qu’ils ne réfléchissent pas à la meilleur manière d’user de ce temps. Ils peuvent très bien s’agiter sans cesse et être fort occupés tout en perdant leur temps car ils ne l’utilisent à rien de significatif. (Accroche) Alors, prendre son temps, est-ce le perdre ? (Rappel du sujet) A première vue, si par prendre son temps, on entend faire les choses avec lenteur, alors prendre son temps, cela pourrait signifier le perdre car c’est oublier alors que nous sommes des êtres mortels et que notre temps est limité. Le temps est une chose trop précieuse pour que l’on n’y fasse pas attention. Celui qui est lent perd alors son temps. (Première réponse un peu naïve qui repose sur une première définition de prendre son temps – première partie de la problématique) Mais, ne pourrait-on, au contraire, défendre l’idée que prendre son temps c’est au contraire bien en user ? Est-ce nécessairement parce que l’on agit vite et que l’on fait beaucoup de choses dans sa journée que l’on utilise bien son temps ? Nous pourrions, au contraire, remarquer que si nous occupons nos journées à des actions sans réel but alors nous perdons tout autant notre temps. Prendre son temps cela pourrait donc être, prendre possession de son temps en sachant précisément à quoi on l’utilise et pourquoi. (Deuxième réponse qui repose sur une deuxième signification possible de « prendre son temps » et montre que la réponse au sujet n’est pas évidentedeuxième partie de la problématique). Dans un premier temps, nous verrons que prendre son temps cela peut signifier le perdre, si nous sommes inconscients du caractère précieux du temps. Puis nous nous demanderons dans quelle mesure néanmoins prendre son temps et l’utiliser de manière réfléchie, ça n’est pas, au contraire, bien user de son temps. Enfin, nous envisagerons que quelque soit notre façon de vivre, il est inéluctable de perdre son temps dans la mesure où le temps est quelque chose qui nous échappe fondamentalement. (Annonce du plan)

Sujet 3 : Faut-il craindre la mort ?

« Il faut donc être sot pour dire avoir peur de la mort, non pas parce qu’elle serait un événement pénible, mais parce qu’on tremble en l’attendant. » Selon Epicure dans la Lettre à Ménécée, il n’est pas raisonnable de craindre la mort, car il définit la mort comme « absence de sensation ». De ce fait, la mort ne nous fait pas souffrir puisqu’elle est absence de sensation, en revanche si nous craignons la mort de notre vivant, alors nous souffrons par avance inutilement. Nous pourrions pourtant remarquer que si la mort ne fait pas souffrir, le fait de mourir peut être douloureux. (Accroche qui montre que le sujet pose un problème) Faut-il alors craindre la mort ? (Rappel du sujet) A première vue, craindre la mort pourrait être utile pour nous car la crainte de la mort peut nous pousser à être plus prudent. Il faudrait alors craindre un minimum la mort pour espérer rester en vie. (Première réponse un peu naïve au sujet). Mais, ne pourrait-on dire, au contraire, qu’il ne faut pas craindre la mort ? En effet, il semble que cela n’a pas réellement de sens et d’utilité de craindre quelque chose qui arrivera de toute façon et de se gâcher la vie à l’anticiper. (Deuxième réponse qui montre que la réponse n’est pas évidente et pose donc un problème) Nous allons donc nous demander s’il faut craindre la mort. Dans un premier temps nous verrons qu’il ne faut pas craindre la mort car elle n’est pas un malheur. Puis, nous verrons qu’il y a néanmoins des avantages à craindre la mort. Enfin, nous nous demanderons si craindre la mort n’est pas un non sens car cela nous empêche de bien vivre. (Annonce du plan)

J’espère que ces différents exemples d’introduction de dissertation en philosophie, vous auront aidé à comprendre ce que doit être une introduction de dissertation en philosophie.

▶️ Si vous voulez aller plus loin vous pouvez également regarder cet exemple d’introduction de dissertation en vidéo :

Réussir son introduction en philosophie

Comment réussir son introduction de dissertation en philosophie ?

L’introduction de dissertation en philosophie est un élément très important. D’une part, car c’est de votre introduction que va découler la pertinence de votre plan, d’autre part, car vous devez y réussir deux des trois opérations que tout bon apprenti philosophe doit maitriser : la conceptualisation et la problématisation.

Tout d’abord, il vous faudra faire une accroche.

Vous avez deux possibilités pour l’accroche de l’introduction en philosophie. Soit vous avez une citation qui colle bien au sujet. Attention, il n’est pas utile et même contre productif de mettre une citation qui ne colle pas au sujet ou pas directement à ce sujet. Soit vous prenez un exemple concret, politique, juridique, littéraire ou même du quotidien, qui vous permet d’introduire le problème du sujet. Le but est de montrer d’emblée que le sujet pose une question intéressante à propos de laquelle on va effectivement devoir débattre. Il faut donc que votre exemple montre le plus possible que la réponse au sujet n’est pas évidente et que nous allons pouvoir opposer des arguments sur cette question. Pour aller plus loin sur la réalisation de l’accroche, je vous conseille cet article :

Ensuite, grâce à l’accroche, vous avez justifié la pertinence du sujet en montrant qu’il faisait effectivement débat, c’est donc le moment de rappeler le sujet. Vous pouvez le répéter tout simplement sans chercher à le reformuler. Reformuler le sujet peut être un exercice intéressant, néanmoins il est aussi hautement risqué car vous risquez ainsi de mal le reformuler et donc de le changer ou de le réduire ce qui vous conduira au hors sujet ou à un traitement seulement partiel du sujet. Je vous conseille donc de ne pas vous y essayer au moins dans un premier temps.

Une fois que vous avez fait l’accroche et répété le sujet les choses sérieuses commencent. Il faut rédiger la problématique tout en conceptualisant c’est-à-dire en définissant les termes du sujet.

Rédiger une problématique dans l’introduction de dissertation en philosophie

Le but de la problématique en philosophie est de montrer que le sujet qui est donné fait effectivement débat et que cela va donc justifier d’en débattre pendant tout votre devoir. Il s’agit donc de montrer que des thèses (réponses au sujet argumentées) vont s’opposer sur ce sujet. Pour ce faire, vous ne devez pas simplement formuler une question comme cela peut être le cas dans une dissertation d’histoire ou de littérature, car le sujet est déjà une question en philosophie. Je vous conseille donc de commencer par formuler une première réponse au sujet qui peut correspondre à l’opinion commune (réponse que la majorité ferait a priori sans y avoir réfléchi beaucoup).

Exemple sur le sujet  » Etre libre, est-ce faire ce que l’on désire ? » :

A première vue, il semble qu’être libre c’est bien faire ce que l’on désire car si être libre c’est avoir la possibilité de faire ce que je veux quand je le veux (première définition de liberté) alors il semble que quand je fais ce que j’imagine être bon pour moi (première définition de désir), je suis libre.

En faisant cela, vous avez formulé une première réponse au sujet tout en commençant à définir les termes du sujet. Vous avez alors réalisé la première partie de la problématique. A présent pour qu’il y ait vraiment problème ou débat, il faut formuler une objection ou thèse adverse. La suite de la problématique peut donc prendre cette forme :

Mais, céder sans cesse à ses désirs, est-ce vraiment être libre ? En effet, nous pourrions au contraire défendre qu’être libre c’est plutôt être autonome c’est-à-dire capable de se donner ses propres règles (2e définition possible de liberté). Alors, céder toujours à ses désirs ce serait sans doute ne pas être capable de suivre toujours nos règles et donc ne pas être libre.

Ainsi, vous défendez d’abord qu’être libre c’est bien faire ce que l’on désire puis qu’en réalité ça n’est peut-être pas si évident que cela. Vous avez donc montré le problème tout en donnant de premières définitions de liberté et de désir.

Pour aller plus loin sur la formulation de la problématique, je vous conseille cet article

Il ne vous reste ensuite qu’à formuler votre plan. Il doit être en trois parties et doit être dialectique c’est-à-dire que vos différentes parties doivent s’opposer. La 1er partie doit s’opposer à la 2e et la 2e à la 3e pour suivre une forme de plan comme thèse/antithèse/thèse.

Exemple d’introduction produite par une élève sur le sujet : « La conscience de ce que nous sommes peut-elle faire obstacle à notre bonheur ? »

“L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature, mais c’est un roseau pensant”. Pascal défend ici que l’homme est fragile et misérable, c’est pourquoi c’est un roseau fragile, mais en même temps c’est un roseau pensant qui a une certaine conscience de ce qu’il est, et notamment de sa fragilité.  On pourrait donc dire ici que la conscience de l’homme d’être fragile peut être un obstacle à son bonheur. Il s’agit donc de se demander si la conscience de ce que nous sommes peut réellement faire obstacle à notre bonheur ? A première vue, nous pourrions considérer que la conscience de ce que nous sommes peut effectivement être un obstacle à notre bonheur car si être conscient c’est avoir le savoir que nous sommes des êtres mortels alors cette conscience peut nous empêcher d’atteindre un état de satisfaction durable. Mais, nous pourrions au contraire considérer que la conscience que nous avons de nous-mêmes nous permet de nous connaître, puisque nous nous prenons comme objet d’étude, et alors nous permet de déterminer ce qui nous rendra réellement heureux en comprenant nos mécanismes. Nous verrons dans un premier temps qu’il faut d’abord envisager la conscience comme un moyen qui permet d’accéder au bonheur en nous faisant sortir de l’illusion. Puis, nous verrons que notre conscience de nous-mêmes peut nous rendre plus conscient de notre condition mortelle, ce qui produit de l’angoisse. Enfin, nous envisagerons que notre conscience de notre durée de vie limitée peut nous pousser à donner un sens à notre vie, ce qui nous rendra plus heureux.

Il est essentiel de réussir sa problématique en philosophie

Comment faire une bonne problématique en philosophie ?

La problématique en philosophie est essentielle pour au moins deux raisons. D’abord, une des premières choses qu’il faut apprendre à faire en philosophie c’est remettre en question l’opinion commune c’est-à-dire la réponse qui pourrait sembler évidente, si on n’y a pas tellement réfléchi. La problématique fait cela justement, le but est de montrer que le sujet pose un véritable problème et que donc des thèses vont s’affronter sur ce sujet.

Ensuite la problématique est essentielle car c’est autour de la problématique que vous allez pouvoir construire un plan cohérent ensuite et éviter le hors sujet.

Souvent, les élèves en philosophie pensent qu’une problématique est une simple question comme ils ont pu l’apprendre en littérature ou en histoire-géo. Mais, à la différence de ces matières, en philosophie le sujet est déjà une question. Vous pouvez avoir par exemple : « Un homme libre est-il nécessairement heureux ? ».

Comment formuler une problématique sans simplement répéter le sujet ?

 La solution envisagée parfois consiste à reformuler le sujet, mais c’est une solution dangereuse car le risque est alors de mal reformuler le sujet et ainsi de le réduire ou pire de le changer complètement. Vous tombez alors dans le pire que l’on puisse faire en dissertation : le hors sujet.

La deuxième solution que je recommande consiste à formuler la problématique sous la forme d’une alternative thèse/antithèse. En effet, l’objectif est de montrer qu’il y a un problème et que des thèses argumentées s’opposent. On peut donc par exemple formuler la problématique ainsi :

« A première vue, (thèse 1) il semble bien qu’un homme libre est nécessairement heureux car si être libre c’est avoir la possibilité de faire ce que l’on souhaite alors on peut dire que la liberté nous permet d’atteindre un état de satisfaction global et durable. Mais, (thèse 2) ne pourrait-on dire au contraire qu’un homme libre n’atteint pas toujours le bonheur car nous pouvons très bien être libre de faire des choix et pourtant faire de mauvais choix qui vont nous conduire au malheur. »

Vous l’aurez compris, la problématique doit donc prendre la forme d’un paragraphe dans lequel vous envisagez une première réponse possible (thèse 1) et un argument, puis une deuxième réponse (thèse 2) et son argument. Ce faisant, vous montrez bien que la réponse au sujet n’est pas évidente et que ce sujet pose un véritable problème dont il va falloir débattre dans la suite de votre devoir.

Deux points importants pour faire une bonne problématique

Il faut, d’une part, que chacune de vos thèses dans la problématique soit justifiée par un argument. Vous remarquerez que dans mon exemple chaque thèse est suivie par un « car ». Il n’est pas suffisant d’affirmer une thèse il faut justifier cette thèse.

D’autre part, il est adroit de justifier vos thèses en utilisant des arguments qui vont vous permettre dans le même temps de commencer à définir les termes du sujet. On appelle cela des arguments définition. Il s’agit de justifier notre réponse en montrant  qu’elle est justifiée par la définition des termes du sujet.

Prenons le début de la problématique ci-dessous :

« A première vue, (thèse 1) il semble bien qu’un homme libre est nécessairement heureux car si être libre c’est avoir la possibilité de faire ce que l’on souhaite (définition de la liberté comme liberté d’action) alors on peut dire que la liberté nous permet d’atteindre un état de satisfaction global et durable (définition du bonheur).

La première réponse au sujet est donc justifiée par une définition possible de la liberté comme liberté d’action. Cette façon de faire permet de formuler une problématique solide tout en évitant de simplement plaquer les définitions des termes du sujet au début de votre introduction comme s’il s’agissait de décorations. Ici, vous les intégrez en partie dans la problématique, elles sont donc immédiatement utiles.

Autre Exemples de problématiques :

Sujet : « L’obéissance est-elle incompatible avec la liberté ? »

A première vue [opinion commune], nous pourrions dire que l’obéissance est bien incompatible avec la liberté, car celui qui se plie à un ordre [définition d’obéissance] ne se détermine pas par lui-même, il n’agit donc pas tel qu’il le veut [définition liberté d’action] et il ne choisit pas entre une chose et son contraire [définition de la liberté comme libre arbitre]. On peut donc dire qu’il n’exerce pas son libre arbitre. Mais [remise en question de l’opinion commune], obéir n’est-ce pas toujours choisir d’obéir ? En effet, obéir n’est-ce pas reconnaître qu’un ordre est justifié et choisir de s’y plier [liberté comme libre arbitre] ? Nous pourrions donc dire au contraire que l’obéissance est compatible avec la liberté car obéir ça n’est pas toujours se soumettre [distinction entre deux termes qui semblent proches mais à distinguer], on ne cède pas à une force physique, on choisit d’obéir.

Sujet : « Etre libre, est ce faire ce que l’on désire ? « 

A première vue, nous pourrions dire qu’être libre c’est faire ce que l’on désire, car être libre cela signifie d’abord ne pas être contraint par qui que ce soit, c’est-à-dire ne pas être empêché physiquement d’agir [une première définition de la liberté]. Or, si nous ne sommes pas contraints nous pouvons suivre nos désirs. Mais, sommes-nous libres quand nous cédons à nos désirs ? La liberté n’est-elle pas aussi dans la loi que l’on se prescrit à soi-même ? [ définition de la liberté comme autonomie] En ce sens, céder à nos désirs qui sont des impulsions spontanées et irréfléchies [définition du désir] n’est ce pas être esclave de ses désirs ?

Qu’est-ce que l’éthique en philosophie ?

Qu’est-ce que l’éthique en philosophie ?

Bonjour, aujourd’hui, je vais continuer cette introduction à la philosophie en répondant à la question : qu’est-ce que l’éthique ?

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Si vous avez écouté le premier épisode de ce podcast, vous savez déjà que l’éthique est une partie de la philosophie qui s’intéresse aux comportements des individus en société et s’interroge sur ce qui est bien ou mal, juste ou injuste.

Mais que fait-on lorsque l’on fait de l’éthique en philosophie ?

Pour bien comprendre, il faut d’abord avoir en tête que le terme éthique en français (ou morale, j’y reviendrai) peut avoir deux sens très différents :

L’éthique en philosophie, c’est d’abord une discipline qui réfléchit sur les principes, les règles et les normes qu’il faudrait suivre. Et qui va donc se demander que faut-il faire ? Que doit-on faire dans telle ou telle situation ? Et comment justifier rationnellement que l’on choisisse de faire ceci plutôt que cela ? Par exemple : Faut-il ne jamais mentir ? Ou bien peut-on parfois le faire et pourquoi ?

L’éthique en ce sens, c’est donc d’abord une réflexion sur ce qui doit être fait ou pas.

Mais, l’éthique ou la morale en français peut également désigner l’ensemble des règles et normes que l’on doit suivre dans un pays ou une culture spécifique. En ce sens, le terme renvoie à quelque chose de beaucoup plus descriptif : voilà comment il faut se comporter ici et il n’est nullement question de réfléchir sur le pourquoi de ces règles.

C’est à cause de cette ambiguïté du terme qu’il y a parfois une confusion dans l’esprit de mes interlocuteurs lorsqu’en tant que professeur de philosophie, je dis que je fais de l’éthique ou de la philosophie morale avec mes élèves.

Lorsque je dis cela, certains pourraient penser que j’enseigne la morale à mes élèves, c’est-à-dire ce qu’il faut faire ou ne pas faire aujourd’hui dans la société française, comme cela a pu être le cas, il y a longtemps dans l’éducation.

Mais, en réalité, ça n’est pas du tout cela que nous faisons en philosophie. Dans le cours de philosophie, faire de l’éthique cela signifie réfléchir aux raisons pour lesquelles on adopte certaines règles de conduite ou certains devoirs. Le but n’est donc pas de transmettre des règles à suivre sans réfléchir, mais au contraire d’aider les élèves à être autonomes et à déterminer pourquoi ils suivent telle règle de conduite ou non.

Deuxième point terminologique qu’il faut préciser pour bien commencer : y a-t-il une différence entre l’éthique et la morale ? Cette question pourrait faire l’objet de longs développements, mais je vais tâcher d’aller au plus simple.

Il est possible de considérer que les deux termes ont un sens similaire si l’on part de l’étymologie. Le terme éthique vient du grec ethos qui signifie l’habitude, la coutume ou le caractère. Le terme morale quant à lui vient du latin « mos » « mores » qui signifie l’habitude, la tradition, les mœurs. En d’autres termes, ces deux mots sont très proches et l’on pourrait dire que l’on désigne la même discipline lorsque l’on dit que l’on fait de la philosophie morale ou de l’éthique.

Néanmoins, si l’on observe les usages et la manière dont en France on utilise ces deux mots, on peut observer une différence intéressante.

En effet, le terme morale en français a une connotation beaucoup plus religieuse que le terme Ethique qui fait davantage penser à des philosophies eudémonistes, c’est-à-dire des philosophies qui ne cherchent pas seulement à déterminer ce qu’il faut faire pour bien agir, mais surtout ce qu’il faut faire pour être heureux. Donc des philosophies qui cherchent ce qu’il faut faire ou être pour avoir une bonne vie. On peut ainsi penser à l’Ethique d’Aristote, à l’éthique d’Epicure ou encore à l’Ethique Stoïcienne. Qui bien évidemment ne sont pas d’accord sur ce qu’est le bonheur et sur la manière de l’atteindre, j’y reviendrai.

Si l’on en croit Ernst Gunter Schumacher, cette différence d’usage entre les termes éthique et morale s’explique par les rapports difficiles des philosophes à la religion en France. Certains auraient alors préféré utiliser le terme éthique plutôt que morale afin d’insister sur le fait que cette discipline « l’éthique » cherche à déterminer ce qu’il est bien ou bon de faire de manière purement rationnelle sans se laisser influencer par des dogmes religieux.

Bien, voilà pour ces précisions terminologiques.

Maintenant : qu’est-ce que faire de l’éthique ?

Je pense que l’on peut identifier 4 manières relativement distinctes de faire de l’éthique en philosophie :

D’abord : on peut faire de l‘histoire de la philosophie, c’est-à-dire que l’on va s’intéresser à des théories philosophiques ou à des écoles de pensée qui nous conseillent d’agir de telle ou telle manière si nous souhaitons être heureux ou encore bien vivre. Ces pensées peuvent être intéressantes car elles contiennent notamment des thèses et des arguments qui peuvent nourrir notre propre réflexion. On peut ainsi parler de l’épicurisme, du stoïcisme ou de l’éthique d’Aristote.

Ensuite : on va faire de l’éthique normative, c’est-à-dire que l’on va s’intéresser à nos principes moraux, à nos règles de conduite et se demander pour quelle raison nous pensons qu’il est plus juste de faire ceci plutôt que cela.

Car, bien évidemment, faire de l’éthique c’est aussi être confronté à des dilemmes moraux. S’il était toujours facile de déterminer ce qui est bien ou le meilleur choix à faire, on n’aurait pas besoin de faire de l’éthique !

Par exemple, on pourra se demander : Faut-il ne jamais mentir par principe ? Ou bien peut-on envisager qu’il est parfois souhaitable de le faire si l’on prend en compte les conséquences ?

Autre question très souvent scénarisée : Peut-il être juste de torturer un être humain si cela permet de sauver 20 personnes ? Faut-il s’y opposer au nom de principes moraux ou bien faut-il considérer que la torture est la meilleure chose à faire car la bonne chose à faire, c’est ce qui rend heureux le plus grand nombre de personnes ? Ici donc les 20 personnes.

Dans ces deux exemples, j’ai essayé d’esquisser une opposition classique entre deux des trois grandes théories morales qui s’opposent le plus souvent en éthique. Ces théories morales concurrentes sont le déontologisme ou éthique déontologique (qui pour le dire rapidement détermine ce qui est bien en fonction du devoir et de principes a priori), le conséquentialisme ou éthique conséquentialiste (qui détermine ce qu’il faut faire en fonction des conséquences) et l’éthique des vertus qui s’intéresse davantage à la qualité morale de l’acte ou de la personne qui l’accomplit.

Ces théories morales sont concurrentes car elles vont nous donner des raisons différentes de justifier nos actions et souvent nous pousser à faire des choix différents.

Faire de l’éthique appliquée

Une fois que l’on a fait de l’éthique normative, que l’on a réfléchi sur les raisons de nos choix moraux, on va pouvoir essayer d’appliquer ces théories dans des domaines particuliers. C’est ce que l’on appelle faire de l’éthique appliquée.

On parle alors, par exemple, de bioéthique quand on s’interroge sur le bien-fondé des avancées en matière de biologie et de médecine. Les questions liées à la fin de vie sont des questions de bioéthique, mais on peut également penser aux recherches sur les embryons humains. Est-ce bien de faire de telles recherches et jusqu’à quel stade ?

Mais on parle également d’éthique de l’environnement, d’éthique animale, d’éthique de l’Intelligence artificielle et plus récemment encore d’éthique des algorithmes. Est-il souhaitable qu’il y ait dans nos rues des voitures autonomes par exemple ? Et si l’on admettait que c’est souhaitable : Comment une voiture autonome doit-elle être programmée ? Quel choix est-elle supposée faire en cas d’accidents ? Si elle ne peut pas éviter tout le monde, faut-il la programmer pour qu’elle préfère percuter une personne plutôt que trois ? Et si elle doit choisir entre un enfant et une personne âgée ?

Bien donc vous le voyez dans tous ces domaines de nombreuses questions éthiques se posent et les évolutions de la médecine, de la technique ou encore de l’état de la planète ne cessent de susciter de nouveaux problèmes moraux.

Faire de la méta-éthique :

Qu’est-ce que cela me direz-vous ? Quand on fait de la méta-éthique, on ne cherche pas à savoir ce que l’on devrait faire pour agir bien ou ce qu’est une vie bonne, mais on réfléchit sur l’éthique elle-même, sur ses concepts, sur ses fondements, sur sa valeur. Une question classique de méta-éthique serait par exemple : Y a-t-il une vérité en morale ? Ou encore Y a-t-il des jugements moraux universels ? Et en méta-éthique, on peut également se demander : qu’est-ce que le bien ? Qu’est-ce que le juste ? Ou encore qu’est-ce que l’éthique ?

Donc, vous l’avez compris, actuellement, nous sommes en pleine méta-éthique !

Voilà pour cet article, j’espère que vous avez à présent une idée un peu plus claire de ce que c’est que de faire de la philosophie morale. Si vous avez envie d’en savoir davantage, n’hésitez pas à vous inscrire à ma newsletter en cliquant ici et je vous dis à bientôt pour de nouvelles questions philosophiques.

La caverne Platon

Sur l’allégorie de la caverne de Platon

Bonjour, aujourd’hui, je vais vous parler de Platon et d’un de ses textes les plus fameux : l’allégorie de la caverne.

Dans ce texte, extrait de l’œuvre nommée La République, Platon qui fût l’élève de Socrate, prend l’image de la caverne pour nous parler de la condition humaine, de la vérité et également de la vocation de la philosophie.

Platon décrit ainsi la condition humaine :

Les hommes vivent au fond d’une caverne. Ils sont assis pieds, bras et tête enchainés. Ils sont donc contraints de regarder un mur sur lequel des ombres apparaissent. Car, dans leurs dos, se trouvent un feu et des montreurs de marionnettes qui se déplacent devant le feu afin que les hommes puissent voir des ombres danser sur le mur. Ces individus ne sont jamais sorti de la caverne et ne peuvent tourner la tête, ils prennent donc les ombres devant eux pour la réalité.

Comment comprendre ce début de l’allégorie de la caverne ?

La caverne est une métaphore de l’ignorance. Les hommes ne voient pas les choses elles-mêmes, mais seulement des apparences. Ils n’ont pas de réelles connaissances sur le monde, mais seulement des opinions c’est-à-dire de vagues idées sur les choses qui ne sont pas le résultat d’une réflexion.

Pour Platon, nos opinions sont des idées non réfléchies que nous avons simplement parce que c’est ce que tout le monde dit autour de nous ou parce qu’elles nous ont été transmises par notre famille.

Il faut comprendre que pour lui, nous devons nous méfier des informations que nous donnent les sens : ce que l’on voit, ce qui semble vrai, ce que l’on entend sur telle ou telle chose. Tout cela n’est pas réfléchi. La seule manière de sortir de l’ignorance (et ici donc de sortir de la caverne) c’est d’utiliser notre intellect ou notre raison.

Si l’on se fie à ce que l’on voit : le soleil n’est pas plus gros qu’un ballon de basket et la terre est plutôt plate. C’est par la science que nous pouvons prétendre atteindre la vérité.

Si l’on se fie à ce que l’on entend, les femmes conduisent plus mal que les hommes, pourtant ça n’est pas ce que disent les statistiques. 

Ainsi pour atteindre la vérité, il ne faut pas se fier aux apparences ou à ce que l’on dit en général, mais réfléchir, user de sa raison et de sciences.

Par ailleurs, dans cette allégorie, les hommes sont enchaînés dans un espace clos, ce qui suggère évidement que les hommes ne sont pas libres. A cela on pourrait objecter qu’en tant que citoyens d’une démocratie, nous avons beaucoup de libertés. A commencer par la liberté de mouvement, d’expression et un certain nombre de droits.

Pourquoi alors dire que nous ne sommes pas libres ?

Platon précise dans son texte je cite « ils sont là depuis leur enfance ». On comprend ici plusieurs choses. D’abord, ce qui les entrave ce sont leurs habitudes. Ils sont habitués à vivre ainsi et l’habitude est quelque chose de très dangereux pour le philosophe car être habitué c’est ne plus questionner, ne plus être curieux, ne plus s’étonner. Or, la capacité à être étonné est le point de départ de la recherche de la vérité. Ils ont une manière de vivre et ne cherche pas à savoir s’il peut en exister une meilleure. Ils sont prisonniers de leurs habitudes.

Ensuite, la période de l’enfance est aussi cette période où l’on a tendance à faire confiance à ceux, plus âgés, qui nous donnent des réponses. Ce faisant, on accepte sans doute bien des choses qui ne sont pas vérifiés ou pas vraies. Mais ces idées influent sur notre comportement et ont des effets sur ce que nous allons faire ou pas. En ce sens, les hommes de la caverne ne sont pas libres, parce qu’ils sont déterminés, c’est-à-dire influencés, à leur insu par les idées et comportements qui sont ceux de leur famille, de leur groupe social et plus largement de la culture à laquelle ils appartiennent.

Enfin, chez Platon, la caverne est aussi la métaphore du corps et le corps, pour Platon, c’est le tombeau de l’âme.

Quelle idée étrange me direz-vous et pourtant. Voilà comment Platon l’explique dans le Phédon, une autre de ses œuvres.

 « tant que nous aurons le corps associé à la raison dans notre recherche et que notre âme sera contaminée par un tel mal, nous n’atteindrons jamais complètement ce que nous désirons et nous disons que l’objet de nos désirs c’est la vérité. Car le corps nous cause mille difficultés par la nécessité où nous sommes de le nourrir ; qu’avec cela des maladies surviennent, nous voilà entravés dans notre chasse au réel. Il nous remplit d’amours, de désirs, de craintes, de chimères de toute sorte, d’innombrables sottises, si bien que, comme on dit, il nous ôte vraiment et réellement toute possibilité de penser. »

Vous le comprenez, pour Platon, le corps parce qu’il nous détourne de la réflexion est un obstacle à la philosophie et donc à notre libération. Car c’est par la pensée, par la réflexion seulement que nous pouvons nous défaire des apparences trompeuses, nous défaire aussi des préjugés et opinions hérités de notre famille ou de la société.

Pouvons-nous alors réellement nous libérer de la caverne ?

Platon dans la suite de l’allégorie raconte que l’un des hommes réussit à se détacher et sort de la caverne. Là il est d’abord ébloui par la vérité, puis prenant conscience que tous vivent dans l’illusion sans saisir la réalité des choses, il entreprend de redescendre dans la caverne pour libérer les autres.

C’est alors que les autres refusent de le croire, le traitent de fou et tentent même de le tuer. On voit communément ici une référence faite par Platon à son maître Socrate qui accusé de corrompre la jeunesse fût condamné à mort et but la ciguë.

Tout comme Socrate dérange et finit par être tué car il veut aider les hommes à sortir de l’ignorance, le philosophe qui redescend dans la caverne est mal accueilli car il est difficile de remettre en question ce que l’on croit être vrai depuis toujours. Il est difficile d’admettre que nous vivons dans l’opinion et pourtant c’est une nécessité pour s’engager sur le chemin de la connaissance.

Pour Platon, la seule manière pour les hommes de sortir de la caverne consiste à prendre conscience qu’ils vivent dans l’illusion puis à utiliser leur raison pour commencer à connaitre les choses telle qu’elles sont réellement et pas telle qu’elles apparaissent si l’on se fie aux sens ou aux opinions des autres.

Voilà pour cet épisode sur l’allégorie de la caverne de Platon, si vous avez envie d’en savoir d’avantage n’hésitez pas à me suivre également sur Instagram ou Youtube.

Texte de l’Allégorie de la caverne :

Maintenant représente toi de la façon que voici l’état de notre nature relativement à l’instruction et à l’ignorance.

  Figure toi des hommes dans une demeure souterraine, en forme de caverne, ayant sur toute sa largeur une entrée ouverte à la lumière; ces hommes sont là depuis leur enfance, les jambes et le cou enchaînés, de sorte qu’ils ne peuvent ni bouger ni voir ailleurs que devant eux, la chaîne les empêchant de tourner la tête; la lumière leur vient d’un feu allumé sur une hauteur, au loin derrière eux; entre le feu et les prisonniers passe une route élevée : imagine que le long de cette route est construit un petit mur, pareil aux cloisons que les montreurs de marionnettes dressent devant eux et au dessus desquelles ils font voir leurs merveilles. Figure toi maintenant le long de ce petit mur des hommes portant des objets de toute sorte, qui dépassent le mur, et des statuettes d’hommes et d’animaux, en pierre en bois et en toute espèce de matière; naturellement parmi ces porteurs, les uns parlent et les autres se taisent.

  Voilà, s’écria Glaucon, un étrange tableau et d’étranges prisonniers.

  Ils nous ressemblent; et d’abord, penses-tu que dans une telle situation ils n’aient jamais vu autre chose d’eux mêmes et de leurs voisins que les ombres projetées par le feu sur la paroi de la caverne qui leur fait face ? 

  Et comment, observa Glaucon, s’ils sont forcés de rester la tête immobile durant toute leur vie

  Et pour les objets qui défilent, n’en est-il pas de même ?

  Sans contredit.

  Si donc ils pouvaient s’entretenir ensemble ne penses-tu pas qu’ils prendraient pour des objets réels les ombres qu’ils verraient ?

  Il y a nécessité.

  Et si la paroi du fond de la prison avait un écho, chaque fois que l’un des porteurs parlerait, croiraient-ils entendre autre chose que l’ombre qui passerait devant eux ?

  Non, par Zeus !

  Assurément de tels hommes n’attribueront de réalité qu’aux ombres des objets fabriqués. Considère maintenant ce qui leur arrivera naturellement si on les délivre de leurs chaînes et qu’on les guérisse de leur ignorance. Qu’on détache l’un de ces prisonniers, qu’on le force à se dresser immédiatement, à tourner le cou, à marcher, à lever les yeux vers la lumière : en faisant tous ces mouvements, il souffrira et l’éblouissement l’empêchera de distinguer ces objets dont tout à l’heure il voyait les ombres. Que crois-tu donc qu’il répondra si quelqu’un lui vient dire qu’il n’a vu jusqu’alors que de vains fantômes, mais qu’à présent, plus près de la réalité et tourné vers des objets plus réels, il voit plus juste ? Si, enfin, en lui montrant chacune des choses qui passent, on l’oblige à force de questions, à dire ce que c’est ? Ne penses-tu pas qu’il sera embarrassé, et que les ombres qu’il voyait tout à l’heure lui paraîtront plus vraies que les objets qu’on lui montre maintenant ? Et si on le force à regarder la lumière elle même, ses yeux n’en seront-ils pas blessés? N’en fuira-t-il pas la vue pour retourner aux choses qu’il peut regarder, et ne croira-t-il pas que ces dernières sont réellement plus distinctes que celles qu’on lui montre?

  Assurément !

  Et si on l’arrache de sa caverne par force, qu’on lui fasse gravir la montée rude et escarpée, et qu’on ne le lâche pas avant de l’avoir traîné jusqu’à la lumière du soleil, ne souffrira-t-il pas vivement, et ne se plaindra-t-il pas de ces violences? Et lorsqu’il sera parvenu à la lumière, pourra-t-il, les yeux tout éblouis par son éclat, distinguer une seule des choses que maintenant nous appelons vraies ?

  Il ne le pourra pas, du moins dès l’abord.

  Il aura je pense besoin d’habitude pour voir les objets de la région supérieure. D’abord, ce seront les ombres qu’il distinguera le plus facilement, puis les images des hommes et des autres objets qui se reflètent dans les eaux, ensuite les objets eux-mêmes. Après cela, il pourra, affrontant la clarté des astres et de la lune, contempler plus facilement pendant la nuit les corps célestes et le ciel lui même, que pendant le jour le soleil et sa lumière. A la fin j’imagine, ce sera le soleil – non ses vaines images réfléchies dans les eaux ou en quelque autre endroit – mais le soleil lui-même à sa vraie place, qu’il pourra voir et contempler tel qu’il est.

  Nécessairement !

  Après cela, il en viendra à conclure au sujet du soleil, que c’est lui qui fait les saisons et les années, qui gouverne tout dans le monde visible, et qui, d’une certaine manière est la cause de tout ce qu’il voyait avec ses compagnons dans la caverne. Or donc, se souvenant de sa première demeure, de la sagesse que l’on y professe, et de ceux qui furent ses compagnons de captivité, ne crois-tu pas qu’il se réjouira du changement et plaindra ces derniers?

  Si, certes.

  Et s’ils se décernaient entre eux louanges et honneurs, s’ils avaient des récompenses pour celui qui saisissait de l’oeil le plus vif le passage des ombres, qui se rappelait le mieux celles qui avaient coutume de venir les premières ou les dernières, ou de marcher ensemble, et qui par là était le plus habile à deviner leur apparition, penses-tu que notre homme fût jaloux de ces distinctions, et qu’il portât envie à ceux qui, parmi les prisonniers, sont honorés et puissants? Ou bien comme ce héros d’Homère, ne préférera-t-il pas mille fois n’être qu’un valet de charrue, au service d’un pauvre laboureur, et souffrir tout au monde plutôt que de revenir à ses anciennes illusions de vivre comme il vivait ?

  Je suis de ton avis, dit Glaucon, il préfèrera tout souffrir plutôt que de vivre de cette façon là.

  Imagine encore que cet homme redescende dans la caverne et aille s’asseoir à son ancienne place : n’aura-t-il pas les yeux aveuglés par les ténèbres en venant brusquement du plein soleil? Et s’il lui faut entrer de nouveau en compétition, pour juger ces ombres, avec les prisonniers qui n’ont point quitté leurs chaînes, dans le moment où sa vue est encore confuse et avant que ses yeux ne se soient remis (or l’accoutumance à l’obscurité demandera un temps assez long), n’apprêtera-t-il pas à rire à ses dépens, et ne diront-ils pas qu’étant allé là-haut, il en est revenu avec la vue ruinée, de sorte que ce n’est même pas la peine d’essayer d’y monter? Et si quelqu’un tente de les délier et de les conduire en haut, et qu’ils le puissent tenir en leurs mains et tuer, ne le tueront-ils pas ? 

                                         Platon. La République, Livre VII.

allégorie de la caverne

L’allégorie de la caverne de Platon

Le texte : Platon, La république, Livre III, L’allégorie de la caverne.

Représente-toi de la façon que voici l’état de notre nature relativement à l’instruction et à l’ignorance. Figure-toi des hommes dans une demeure souterraine, en forme de caverne, ayant sur toute sa largeur une entrée ouverte à la lumière. Ces hommes sont là depuis leur enfance, les jambes et le cou enchaînés, de sorte qu’ils ne peuvent bouger ni voir ailleurs que devant eux, la chaîne les empêchant de tourner la tête. La lumière leur vient d’un feu allumé sur une hauteur, au loin derrière eux. Entre le feu et les prisonniers passe une route élevée. Imagine que le long de cette route est construit un petit mur, pareil aux cloisons que les montreurs de marionnettes dressent devant eux, et au-dessus desquelles ils font voir leurs merveilles.

Je vois cela, dit-il

Figure-toi maintenant le long de ce petit mur des hommes portant des objets de toute sorte, qui dépassent le mur, et des statuettes d’hommes et d’animaux, en pierre, en bois et en toute espèce de matière. Naturellement, parmi ces porteurs, les uns parlent et les autres se taisent.

Voilà, s’écria-t-il, un étrange tableau et d’étranges prisonniers.

Ils nous ressemblent, répondis-je. Penses-tu que dans une telle situation ils n’aient jamais vu autre chose d’eux mêmes et de leurs voisins que les ombres projetées par le feu sur la paroi de la caverne qui leur fait face ?

Et comment ? observa-t-il, s’ils sont forcés de rester la tête immobile durant toute leur vie ?

Et pour les objets qui défilent n’en est-il pas de même ?

Sans contredit.

Si donc ils pouvaient s’entretenir ensemble ne penses-tu pas qu’ils prendraient pour des objets réels les ombres qu’ils verraient ?

Il y a nécessité.

Et si la paroi du fond de la prison avait un écho, chaque fois que l’un des porteurs parlerait, croiraient-ils entendre autre chose que l’ombre qui passerait devant eux ?

Non par Zeus, dit-il.

Assurément, repris-je, de tels hommes n’attribueront de réalité qu’aux ombres des objets fabriqués.

C’est de toute nécessité.

Considère maintenant ce qui leur arrivera naturellement si on les délivre de leurs chaînes et qu’on les guérisse de leur ignorance. Qu’on détache l’un de ces prisonniers, qu’on le force à se dresser immédiatement, à tourner le cou, à marcher, à lever les yeux vers la lumière : en faisant tous ces mouvements il souffrira, et l’éblouissement l’empêchera de distinguer ces objets dont tout à l’heure il voyait les ombres. Que crois-tu donc qu’il répondra si quelqu’un lui vient dire qu’il n’a vu jusqu’alors que de vains fantômes, mais qu’à présent, plus près de la réalité et tourné vers des objets plus réels, il voit plus juste ? si, enfin, en lui montrant chacune des choses qui passent, on l’oblige, à force de questions, à dire ce que c’est ? Ne penses-tu pas qu’il sera embarrassé, et que les ombres qu’il voyait tout à l’heure lui paraîtront plus vraies que les objets qu’on lui montre maintenant ?

Les personnes qui ont lu cet article ont aussi luRésumé de l’apologie de Socrate

Beaucoup plus vraies, reconnut-il.

Et si on le force à regarder la lumière elle-même, ses yeux n’en seront-ils pas blessés ? n’en fuira-t-il pas la vue pour retourner aux choses qu’il peut regarder, et ne croira-t-il pas que ces dernières sont réellement plus distinctes que celles qu’on lui montre ?

Assurément.

Et si, reprise-je, on l’arrache de sa caverne, par force, qu’on lui fasse gravir la montée rude et escarpée, et qu’on ne lâche pas avant de l’avoir traîné jusqu’à la lumière du soleil, ne souffrira-t-il pas vivement, et ne se plaindra-t-il pas de ces violences ? Et lorsqu’il sera parvenu à la lumière, pourra-t-il, les yeux tout éblouis par son éclat, distinguer une seule des choses que maintenant nous appelons vraies ?

Il ne le pourra pas, répondit-il; du moins dès l’abord.

Il aura, je pense, besoin d’habitude pour voir les objets de la région supérieure. D’abord ce seront les ombres qu’il distinguera le plus facilement, puis les images des hommes et des autres objets qui se reflètent dans les eaux, ensuite les objets eux-mêmes. Après cela, il pourra, affrontant la clarté des astres et de la lune, contempler plus facilement pendant la nuit les corps célestes et le ciel lui-même, que pendant le jour le soleil et sa lumière.

Sans doute.

A la fin, j’imagine, ce sera le soleil – non ses vaines images réfléchies dans les eaux ou en quelque autre endroit -mais le soleil lui-même à sa vraie place, qu’il pourra voir et contempler tel qu’il est.

Nécessairement, dit-il.

Après cela il en viendra à conclure au sujet du soleil, que c’est lui qui fait les saisons et les années, qui gouverne tout dans le monde visible, et qui, d’une certaine manière, est la cause de tout ce qu’il voyait avec ses compagnons dans la caverne.

Évidemment, c’est à cette conclusion qu’il arrivera.

Or donc, se souvenant de sa première demeure, de la sagesse que l’on y professe, et de ceux qui y furent ses compagnons de captivité, ne crois-tu pas qu’il se réjouira du changement et plaindra ces derniers ?

Si, certes.

Et s’ils se décernaient alors entre aux honneurs et louanges, s’ils avaient des récompenses pour celui qui saisissait de l’oeil le plus vif le passage des ombres, qui se rappelait le mieux celles qui avaient coutume de venir les premières ou les dernières, ou de marcher ensemble, et qui par là était le plus habile à deviner leur apparition, penses-tu que notre homme fût jaloux de ces distinctions, et qu’il portât envie à ceux qui, parmi les prisonniers, sont honorés et puissants ? Ou bien, comme le héros d’Homère, ne préférera-t-il pas mille fois n’être qu’un valet de charrue, au service d’un pauvre laboureur, et de souffrir tout au monde plutôt que de revenir à ses anciennes illusions et vivre comme il vivait ?

Je suis de ton avis, dit-il; il préférera tout souffrir plutôt que de vivre de cette façon là.

Imagine encore que cet homme redescende dans la caverne et aille s’asseoir à son ancienne place : n’aura-t-il pas les yeux aveuglés par les ténèbres en venant brusquement du plein soleil ?

Assurément si, dit-il.

Et s’il lui faut entrer de nouveau en compétition, pour juger ces ombres, avec les prisonniers qui n’ont point quitté leurs chaînes, dans le moment où sa vue est encore confuse et avant que ses yeux se soient remis (or l’accoutumance à l’obscurité demandera un temps assez long), n’apprêtera-t-il pas à rire à ses dépens, et ne diront-ils pas qu’étant allé là-haut il en est revenu avec la vue ruinée, de sorte que ce n’est même pas la peine d’essayer d’y monter ? Et si quelqu’un tente de les délier et de les conduire en haut, et qu’ils le puissent tenir en leurs mains et tuer, ne le tueront-ils pas ?

Sans aucun doute, répondit-il.

Maintenant, mon cher Glaucon, repris-je, il faut appliquer point par point cette image à ce que nous avons dit plus haut, comparer le monde que nous découvre la vue au séjour de la prison, et la lumière du feu qui l’éclaire à la puissance du soleil. Quant à la montée dans la région supérieure et à la contemplation de ses objets, si tu la considères comme l’ascension de l’âme vers le lieu intelligible, tu ne te tromperas pas sur ma pensée, puisque aussi bien tu désires la connaître. Dieu sait si elle est vraie. Pour moi, telle est mon opinion : dans le monde intelligible l’idée du bien est perçue la dernière et avec peine, mais on ne la peut percevoir sans conclure qu’elle est la cause de tout ce qu’il y a de croit et de beau en toutes choses; qu’elle a, dans le monde visible, engendré la lumière et le souverain de la lumière; que, dans le monde intelligible, c’est elle-même qui est souveraine et dispense la vérité et l’intelligence; et qu’il faut la voir pour se conduire avec sagesse dans la vie privée et dans la vie publique.

Platon, La république, Livre III, L’allégorie de la caverne.

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