Réussir son accroche de dissertation de philosophie

Episode 5 : Comment faire une bonne accroche de dissertation de philosophie

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Une mauvaise façon de commencer une introduction est sans doute de commencer par une liste de définitions des termes du sujet. Commencer à définir les termes du sujet est évidemment nécessaire dans l’introduction. Néanmoins il est beaucoup habile et intéressant d’utiliser ces définitions pour justifier des réponses possibles au sujet. Je vous renvoie sur cette question au troisième épisode de ce podcast où j’ai expliqué comment analyser le sujet et formuler la problématique dans l’introduction de votre dissertation.

Une autre erreur courante consiste à faire une accroche qui introduit la notion générale du sujet mais pas ce sujet en particulier. Par exemple, si vous avez un sujet tel que « Le bonheur dépend-il de nous ? », si vous faites une accroche qui parle simplement du bonheur ou qui définit le bonheur sans répondre au sujet précisément alors vous n’introduisez pas vraiment ce sujet mais la notion de bonheur en général.

Pour que votre accroche introduise vraiment le sujet qui vous est donné, il faut qu’elle permette d’entrevoir une première réponse au sujet. Si on prend le sujet « le bonheur dépend il de nous ? »,  votre accroche peut consister en un exemple qui vous permet de faire une première hypothèse. Par exemple que le bonheur dépend de nous.

C’est encore mieux si après cette première réponse rapide vous pouvez commencer à montrer le problème et en émettant un doute sur cette première réponse. Par exemple en posant une question qui suggère que la thèse adverse pourrait également être défendue.

Deux manières différentes de faire une bonne accroche pour votre introduction de philosophie.

– Une 1er façon consiste à utiliser une citation. Il est déconseillé d’utiliser des auteurs dans l’introduction car l’introduction est plutôt le moment où vous devez définir les termes et montrer le problème du sujet de manière générale. Néanmoins, il y a une exception à cette règle, vous pouvez utiliser un auteur en accroche en le citant puis en expliquant la citation afin de montrer comment elle pourrait répondre au sujet.

Cette façon de faire est la plus difficile car il est assez rare surtout quand le programme est très varié d’avoir exactement la citation qui va coller au sujet. Cela implique d’avoir appris des citations par coeur et le risque va être de vouloir absolument utiliser une des citations connues même si elle ne correspond pas exactement au sujet. Il est donc préférable de vraiment s’assurer que votre citation peut être une réponse au sujet et si tel n’est pas le cas, envisagez plutôt d’utiliser un exemple. Commencer son devoir par une citation hors sujet est plutôt contreproductif.

Pour que cela soit bien clair, je vais vous donner un exemple d’accroche avec une citation sur le sujet « Le bonheur dépend-il de nous ? » : « Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, ce sont les jugements qu’ils portent sur les choses ». Epictète,stoïcien né en 50 après J-C, défend ici que ce qui affecte les hommes et peut les rendre malheureux, ce ne sont finalement pas les événements eux-mêmes, mais la manière dont ils jugent ces événements. Ce faisant, il semble défendre que le bonheur est bien quelque chose qui dépend de nous, puisqu’il dépend de nos jugements. Mais peut-on réellement défendre que notre bonheur dépend seulement de nos jugement sur les événements et sur notre vie ?

L’accroche permet ici de donner une première réponse au sujet et elle introduit le problème en esquissant une objection dans un deuxième temps. A la suite de cela, vous pouvez rappeler le sujet et formuler la problématique puis énoncer votre plan.

– La 2e façon de faire une accroche consiste à utiliser un exemple et à montrer en quoi il permet de donner une première réponse au sujet. Cet exemple peut être un exemple de la vie quotidienne mais évidement des exemples plus recherchés seront valorisés. Vous pouvez par exemple prendre des exemples littéraires si le sujet porte sur la liberté, la morale, le bonheur… ou des exemples plus politiques sur les sujets portant sur l’Etat ou la justice et le droit. Des exemples plus scientifiques seront valorisés si le sujet porte sur la Vérité ou sur les sciences.

Si on compare l’accroche citation et l’accroche exemple, l’accroche exemple est sans doute une manière plus simple de procéder, car si vous n’avez pas d’exemple il est toujours possible d’en inventer un. L’essentiel est de prendre un exemple qui vous permet de donner une première réponse au sujet puis d’envisager une objection afin de montrer que le sujet va faire débat. En d’autres termes qu’il pose un problème qu’il vous faudra discuter pendant tout votre devoir.

Pour finir je vais vous donner un exemple d’accroche utilisant un exemple avec le sujet « La recherche du bonheur peut-elle être un devoir ? » :

Dans la tragédie Le Cid de Corneille, le personnage principal Don Rodrigue est face à un dilemme : choisir entre son devoir de sauvegarder l’honneur de sa famille et le fait de poursuivre son bonheur. Il choisit finalement de faire son devoir en tuant le père de Chimène mais renonce alors à son bonheur. Nous pouvons remarquer que dans Cette histoire, rechercher le bonheur n’est pas un devoir et même qu’au contraire faire son devoir va être plutôt un obstacle à la recherche du bonheur. Pourtant, faut-il toujours opposer la recherche du bonheur et le devoir ?

Voilà pour cet épisode sur l’accroche de dissertation de philosophie, j’espère qu’il vous aidera à bien commencer votre dissertation, si vous voulez davantage de précisions ou d’exemples, je vous invite à aller lire mon article sur l’accroche sur mon blog apprendre la philosophie.

Très bonne journée à vous

Episode 4 : Comment construire son plan de dissertation en philosophie

Dans ce nouvel épisode consacré à la méthodologie, je vais vous expliquer comment construire votre plan de dissertation en philosophie. Dans le précédent épisode, nous avons vu comment analyser le sujet et formuler la problématique. Cette étape est importante car si vous avez bien formulé la problématique, vous avez déjà un début de plan. 

En effet, en montrant le problème du sujet, c’est-à-dire en montrant qu’il y a au moins deux réponses qui s’opposent sur ce sujet, vous avez déjà la première et la deuxième partie de votre plan. Par exemple, sur le sujet « le bonheur est-il un idéal inaccessible ? », vous pouvez d’abord défendre dans une première partie qu’effectivement le bonheur semble difficilement accessible. Puis dans une seconde partie, vous développerez une argumentation qui défendra au contraire que le bonheur est bien un idéal accessible. Vous commencerez alors un plan de dissertation que l’on nomme plan dialectique.

Alors qu’est-ce qu’un plan dialectique ? Et avec quoi ne faut-il pas le confondre ?

Le principe du plan dialectique est que votre devoir doit être organisé comme un débat. Votre plan va alors prendre la forme suivante : thèse/antithèse/thèse. Cela signifie que par exemple si le sujet est « Faut-il rechercher le bonheur ? », votre première partie doit répondre soit oui, il faut rechercher le bonheur, soit non il ne faut pas recherche le bonheur. Et si votre première partie défend plutôt oui, alors la deuxième partie doit s’y opposer et défendre plutôt que non. Enfin si vous avez défendu le non en deuxième partie, votre troisième partie devrai plutôt s’y opposer et défendre que oui.

Il est aujourd’hui déconseillé de faire une synthèse en troisième partie, car cela entraîne très souvent des troisièmes parties peu intéressantes où l’étudiant finit sur un « peut-être que oui, peut-être que non ». Or, le but de la dissertation est tout de même d’arriver à une réponse argumentée relativement solide. En d’autres termes, il faut que vous preniez position sur le sujet dans un sens ou dans un autre. Le correcteur doit pouvoir dire à la fin si vous avez répondu plutôt oui ou plutôt non au sujet.

Par ailleurs, il faut vous assurer que chacune de vos parties réponde au sujet dans son intégralité et éviter le plan thématique qui justement risque de ne pas répondre au sujet. Le pire consiste à découper le sujet selon les différentes notions du sujet et à les traiter séparément dans les parties. Par exemple, sur le sujet « un homme libre est-il nécessairement heureux ? » où il y a deux grandes notions du programme la liberté et le bonheur, si vous faites : Première partie le bonheur, deuxième partie la liberté, troisième partie le bonheur et la liberté, alors vos deux premières parties sont hors sujet car elles ne répondent pas au sujet. En effet, expliquer ce qu’est le bonheur dans une première partie ne répond pas à la question de savoir si un homme libre est nécessairement heureux.

Donc point très important, chacune de vos parties doit répondre au sujet de manière claire sinon vous risquez de faire un hors sujet.

Alors comment construire son plan de dissertation concrètement ?

Je vais vous donner d’abord une méthode à suivre si vous êtes totalement débutant en philosophie. Disons que c’est un bon point de départ si vous êtes en terminale. Le but est de construire un plan qui fasse thèse/antithèse/thèse : si je simplifie cela signifie que vous devez arriver à quelque chose comme oui/non/oui ou non/oui/non. Il faut alors que vous commenciez par déterminer quelle est la position que vous voulez défendre pour finir c’est-à-dire en troisième partie car vous allez construire votre plan en fonction de cela. La thèse que vous défendez en troisième partie doit être celle qui vous semble la plus juste.

Une fois que vous avez déterminé la réponse que vous voulez défendre pour finir, il vous faut construire vos parties 1 et 2 en conséquences. Si vous voulez finir en défendant non alors votre deuxième partie devra défendre le oui et la première le non.

Il y a  deux cas de figures possibles :

– soit vous n’avez pas d’avis particulier sur le sujet et ne voulez pas défendre une thèse en particulier, alors vous allez simplement vous demandez pour quelle réponse au sujet vous avez le plus d’arguments. Par exemple, si vous avez d’avantage d’arguments pour défendre que le bonheur est inaccessible alors vous ferez un plan en Non/oui/Non. Vous veillerez évidemment à ce que les arguments les plus forts soient dans la troisième partie car ce sont ceux qui ont résisté aux objections de la deuxième partie.

– soit vous voulez défendre une réponse en particulier, alors vous allez organiser votre plan de manière à finir en troisième partie par la réponse que vous voulez défendre. Ceci car dans un discours ou une argumentation, les éléments qui arrivent en dernier sont souvent les plus forts et ceux qui vont rester en mémoire. Dans ce cas, si vous voulez finir par la thèse selon laquelle le bonheur est bien un idéal accessible, alors vous allez faire un plan en Oui/Non/Oui.

A présent je vais vous expliquer comment faire une très bonne troisième partie. Chose que vous pourriez arriver à faire avec un peu de pratique de la philosophie et qui correspond à un niveau plus confirmé.

Il y a plusieurs façons de faire une bonne troisième partie dans un plan de dissertation. Le mieux est de faire en sorte que la troisième partie apporte réellement quelque chose et fasse progresser l’argumentation ou la définition des termes du sujet. Une façon de faire encore facile consiste à s’appuyer sur un élément secondaire du sujet comme l’adverbe. Par exemple, si le sujet est : « un homme libre est-il nécessairement heureux ? » alors vous pouvez vous appuyer sur le « nécessairement » pour montrer qu’un homme libre peut souvent être heureux mais pas nécessairement.

Néanmoins les deux formes de troisième partie les plus habiles sont les suivantes :

– 1er façon de faire : Faire une troisième partie en s’appuyant sur une distinction conceptuelle. Qu’est-ce que c’est ? Dans votre devoir, vous devez gagner en précision dans la définition des termes du sujet et notamment distinguer de plus en plus le terme principal des autres termes qui semblent d’abord proches mais n’ont cependant pas exactement le même sens. Par exemple, si vous avez le terme bonheur dans le sujet, les termes proches sont plaisir et joie. Ainsi, si le sujet est « le bonheur est-il un idéal inaccessible ? », vous pourriez faire une troisième partie qui défend que le bonheur entendu comme état de satisfaction durable et global est sans doute inaccessible, mais que ça n’est peut-être pas le cas de la joie entendue comme état de satisfaction plus éphémère et plus intense ressenti lorsque l’on réussit quelque chose qui a demandé des efforts. Vous pourriez alors finir en défendant que le bonheur est inaccessible mais pas la joie.

– 2e façon de faire : Faire une troisième partie en « dépassant » le sujet. Il n’est pas rare d’entendre que la troisième partie doit opérer un dépassement du sujet. Qu’est-ce que cela veut dire ? Cela signifie, par exemple, que l’on va montrer qu’il y a peut-être une manière plus satisfaisante et intéressante de poser le problème. Le risque néanmoins ici est de changer complètement le sujet et de faire un hors sujet. Faire une troisième partie de ce type demande donc une très bonne compréhension du sujet.

Comment faire pour éviter un hors sujet dans votre plan de dissertation ?

D’abord, il faut être conscient que cette forme de troisième partie ne sera pas toujours possible ou ne conviendra pas toujours à la direction qu’a prise votre argumentation. Ne cherchez donc pas à faire ainsi à toute force. Souvent, une bonne manière de dépasser le sujet consiste à reposer le sujet non pas en terme de possibilité mais en terme de légitimité ou de valeur. Par exemple, si le sujet est « Peut-on échapper au temps ? », après avoir fait les deux premières parties en traitant de la possibilité ou non d’échapper au temps, vous pouvez en troisième partie, vous demandez si la question ne serait pas plutôt de savoir s’il est souhaitable de vouloir échapper au temps.  est-ce légitime ? est-ce bien ? Alors votre troisième partie défendra par exemple que même s’il était possible d’échapper au temps ce n’est peut-être pas souhaitable. 

Voilà pour cet épisode j’espère qu’il vous aidera à bien réussir votre plan de dissertation, si vous voulez davantage de précisions je vous invite à aller lire mes articles qui traitent de la méthode de la dissertation sur le site apprendre la philosophie.

Très bonne journée à vous

Ricoeur : Notre identité est une fiction

Selon Ricoeur, il y a lieu de se demander dans quelles mesures nous ne sommes pas les auteurs de notre identité à la manière d'un écrivain.

Si finalement notre identité dépend de notre conscience et de ce dont nous nous souvenons comme le dit Locke, alors il y a lieu de se demander dans quelles mesures nous ne sommes pas les auteurs de notre identité à la manière d’un écrivain. C’est ce que défend Paul Ricoeur dans Soi-même comme un autre.

En effet, notre mémoire est partielle, nous ne nous souvenons pas de tout ce qui nous arrive et même nous pouvons choisir d’oublier certaines choses si cela ne nous convient pas ou si nous ne nous identifions pas à ces actes ou événements. Par exemple, j’ai pu manquer de prudence mais je ne me définis pas comme imprudente donc je vais avoir tendance à occulter ces actions imprudentes de ma mémoire.

C’est pourquoi Paul Ricoeur, philosophe du 20e siècle, parle d’une identité narrative. Selon lui, mon moi, mon identité n’existe que dans la mesure où je m’en fais le récit et en fais le récit aux autres. Le moi n’est pas quelque chose qui existerait déjà dont je devrais prendre connaissance, c’est moi qui le crée parce que je fais deux choses qui sont propre à la narration. De quoi s’agit-il ?

Selon Ricoeur, notre identité est une histoire

En effet, selon Ricoeur, quand nous voulons dire qui nous sommes, ou quand nous nous demandons qui nous sommes, nous allons, sélectionner certains souvenirs, certaines expériences qui nous semblent significatives. Nous le faisons nécessairement car, d’une part, nous ne nous souvenons pas de tout, d’autre part, même dans ce dont nous nous souvenons il faut choisir car il y a trop de souvenirs pour que cela fasse un tout cohérent.

La deuxième chose que nous faisons, consiste à donner une unité à ces souvenirs. Nous avons même sans doute sélectionné nos souvenirs en vue de leur donner une cohérence et une unité. Ainsi, si je m’identifie à quelqu’un de courageux, je vais sélectionner tout ce qui dans ma mémoire va dans le sens de cette idée. De même, si je me considère comme nul en maths, je vais retrouver tous les souvenirs qui me confirmeront que j’ai toujours été nul en maths. Mais il est vraisemblable que faisant cela j’occulte d’autres expériences qui pourraient ne pas aller dans le sens de cette histoire que je me raconte.

Sommes-nous prisonniers de notre passé ?

Il est courant d’envisager notre passé comme quelque chose qui nous détermine car certains événements ou circonstances auraient eu une influence déterminante sur notre vie et sur la personne que nous sommes au présent. Mais la thèse de Ricoeur nous permet d’envisager une autre réponse à cette question. Nous pourrions, en effet, considérer au contraire que ça n’est pas mon passé qui me détermine mais mon présent qui détermine mon passé. Car, c’est moi aujourd’hui qui fait une relecture de mon passé afin qu’il soit cohérent avec le présent. Alors, si je pense aujourd’hui que je n’ai jamais eu de chance, je vais pouvoir retrouver dans ma mémoire tous les souvenirs qui confirment cette idée et il y a en forcément. Cela ne signifie pas que c’est la réalité. C’est simplement l’histoire que je me raconte, l’identité narrative qui est la mienne aujourd’hui.

Texte de Ricoeur :

Ricoeur répond à des objections à sa thèse :

 » Qu’en est-il, d’abord, du rapport entre auteur, narrateur et personnage, dont les rôles et les discours sont bien distincts au plan de la fiction ? Quand je m’interprète dans les  termes d’un récit de vie, suis-je à la fois les trois, comme dans le récit auto-biographique  ? Narrateur et personnage, sans doute, mais d’une vie dont, à la différence des êtres de fiction, je ne suis pas l’auteur, mais au plus, selon le mot d’Aristote, le coauteur […]
Il faut que la vie soit rassemblée pour qu’elle puisse se placer sous la visée de la vraie  vie. Si ma vie ne peut être saisie comme une totalité singulière, je ne pourrai jamais  souhaiter qu’elle soit réussie, accomplie. Or, rien dans la vie réelle n’a valeur de  commencement narratif ; la mémoire se perd dans les brumes de la petite enfance ; ma naissance et, à plus forte raison, l’acte par lequel j’ai été conçu appartiennent plus à l’histoire des autres, en l’occurrence celle de mes parents, qu’à moi-même. Quant à ma mort,  elle ne sera  racontée que dans le récit de ceux qui me survivront ; je suis toujours vers ma mort, ce qui exclut que je la saisisse comme fin narrative.
   A cette difficulté fondamentale s’en joint une autre, qui n’est pas sans rapport avec la précédente ; sur le parcours connu de ma vie, je peux tracer plusieurs itinéraires, tramer plusieurs intrigues, bref raconter plusieurs histoires, dans la mesure où, à chacune, manque le critère de la conclusion, ce « sense of an ending » sur lequel Kermode insiste tant.
Allons plus loin: alors que chaque roman déploie un monde du texte qui lui est propre, sans que l’on puisse le plus souvent mettre en rapport les intrigues en quelque sorte  incommensurables de plusieurs oeuvres (à l’exception peut-être de certaines séries comme  celles des romans de générations : Buddenbrook de Thomas Mann, des Hommes de bonne volonté de Jules Romains sur le modèle du bout-à-bout des histoires des patriarches dans la Bible), les histoires vécues des uns sont enchevêtrées  dans les histoires des autres. Des tranches entières de ma vie font partie de l’histoire de  la vie des autres, de mes parents, de mes amis, de mes compagnons de travail et de loisir.  Ce que nous avons dit plus haut des pratiques, des relations d’apprentissage, de coopération  et  de compétition qu’elles comportent, vérifie cet enchevêtrement de l’histoire de chacun dans l’histoire de nombreux autres […]
Tous ces arguments sont parfaitement recevables : équivocité de la notion d’auteur; inachèvement « narratif » de la vie ; enchevêtrement des histoires de vie les unes dans les  autres ; inclusion des récits de vie dans une dialectique de remémoration et d’anticipation. Ils ne me semblent pas, toutefois, susceptibles de mettre hors jeu la notion même  d’application de la fiction à la vie. Les objections ne valent que contre une conception  naïve de la mimèsis, celle même que mettent en scène certaines fictions à l’intérieur de la  fiction, tels le premier Don Quichotte ou Madame Bovary. Elles sont moins à réfuter qu’à  intégrer à une intelligence plus subtile, plus dialectique, de l’appropriation. C’est dans  le cadre de la lutte, évoquée plus haut, entre  le texte et le lecteur qu’il faut replacer  les objections précédentes. Équivocité de la position d’auteur ? Mais ne doit-elle pas être  préservée plutôt que résolue ? En faisant le récit d’une vie dont je ne suis pas l’auteur quant à l’existence, je m’en fais le coauteur quant au sens. Bien plus, ce n’est ni un hasard ni un abus si, en sens inverse, maints philosophes stoïciens ont interprété la vie  elle-même, la vie vécue, comme la tenue d’un rôle dans une pièce que nous n’avons pas écrite  et dont l’auteur, par conséquent, recule au-delà du rôle.

 L’enchevêtrement des histoires de vie les unes dans les autres est-il rebelle à l’intelligence narrative que nourrit la littérature ? Ne trouve-t-il pas plutôt dans l’enchâssement d’un récit dans l’autre, dont la littérature donne maints exemples, un modèle d’intelligibilité’? Et chaque histoire fictive, en faisant affronter en son sein les destins différents de protagonistes multiples, n’offret-elle pas des modèles d’interaction où l’enchevêtrement est clarifié par la compétition des programmes narratifs ?
La dernière objection repose sur une méprise qu’il n’est pas toujours facile de déjouer. On croit volontiers que le récit littéraire, parce qu’il est rétrospectif, ne peut instruire qu’une méditation sur la partie passée de notre vie. Or le récit littéraire n’est rétrospectif qu’en un sens bien précis : c’est seulement aux yeux du narrateur que les faits racontés paraissent s’être déroulés autrefois. Le passé de narration n’est que le quasi-passé de la voix narrative’. Or, parmi les faits racontés à un temps du passé, prennent place des projets, des attentes, des anticipations, par quoi les protagonistes du récit sont orientés vers leur avenir mortel : en témoignent les dernières pages puissamment prospectives de la Recherche, déjà évoquée plus haut au titre de la clôture ouverte du récit de fiction. Autrement dit, le récit raconte aussi le souci. En un sens, il ne raconte que le souci. C’est pourquoi il n’y a pas d’absurdité à parler de l’unité narrative d’une vie, sous le signe de récits qui enseignent à articuler narrativement rétrospection et prospection.
Il résulte de cette discussion que récits littéraires et histoires de vie, loin de s’exclure, se complètent, en dépit ou à la faveur de leur contraste. Cette dialectique nous rappelle que le récit fait partie de la vie avant de s’exiler de la vie dans l’écriture ; il fait retour à la vie selon les voies multiples de l’appropriation et au prix des tensions inexpugnables que l’on vient de dire ».

Paul Ricoeur, Le soi et l’identité narrative in Soi-même comme un autre, (1990)

Voilà pour cet épisode j'espère qu'il vous aidera à bien commencer votre dissertation de philosophie

Episode 3 : Bien commencer sa dissertation de philosophie

Dans ce troisième épisode consacré à la méthodologie, je vais vous donner quatre étapes à suivre pour bien commencer votre dissertation de philosophie.

Il s’agit des différentes étapes à suivre au brouillon pour réaliser votre introduction de dissertation et votre plan.  Tout d’abord première étape, il faut analyser le sujet et définir les termes.  Analyser un sujet c’est le découper en partie. Par exemple, si vous avez le sujet : « un homme libre est-il nécessairement heureux ? »

Il va falloir définir les termes qui renvoient aux grandes notions du programme, ici libre et donc liberté, mais également « heureux » qui renvoie à la notion de bonheur.  Pour chacune de ces notions vous avez normalement plusieurs définitions dans votre cours. Je vous renvoie sur ce point à cet article sur les définitions essentielles du programme.

La liberté peut par exemple être prise au sens de libre arbitre c’est alors la capacité de choisir entre une chose ou une autre. Mais vous pouvez également penser à la liberté d’action ou encore à l’autonomie qui est la capacité de se donner ses propres règles.

De même, pour le bonheur vous pouvez avoir plusieurs définitions. La plus générale peut être la suivante : le bonheur est un état de satisfaction durable et global qui provient d’un jugement sur notre existence en générale. Mais vous pourriez également envisager la définition d’Epicure qui définit le bonheur comme une absence de douleurs et de troubles dans l’âme. Avoir ces définitions est important car elles vont vous permettre de justifier vos thèses et d’argumenter comme nous allons le voir ensuite.

Par ailleurs, il va être important de distinguer ces notions d’autres notions qui leur sont proches mais ne sont pas exactement semblables. Par exemple, il faudra au cours de votre devoir faire la différence entre le bonheur et la joie ou encore le bonheur et le plaisir. Dans une dissertation de philosophie, vous devez garder à l’esprit que le but est de préciser clairement de quoi vous parlez et donc de préciser les définitions.

Cette étape est très importante pour réussir sa dissertation de philosophie.

Bien définir les termes et envisager les différents sens possibles de ces termes va vous permettre déjà d’envisager les différentes réponses possibles au sujet.

vous allez avoir plusieurs définitions possibles qui parfois s’opposent complètement ou sont très différentes. C’est ce travail d’analyse qui va vous permettre de formuler la problématique et ensuite de construire un plan.

(Etape 2) Il vous faut formuler la problématique.

Comment faire ?

Et Comment formuler une problématique sans simplement répéter le sujet ? car il ne vous aura pas échappé que le sujet de philosophie est déjà une question. Il ne s’agit donc pas comme en lettres ou en histoire géo de transformer une phrase en question, là vous avez déjà une question.

Alors comment faire ? La solution envisagée parfois consiste à reformuler le sujet, mais c’est une solution dangereuse car le risque est alors de mal reformuler le sujet et ainsi de le réduire ou pire de le changer complètement. Vous courrez alors le risque de faire un hors sujet.

La deuxième solution que je recommande consiste à formuler la problématique sous la forme d’une alternative thèse/antithèse argumentée. En effet, l’objectif est de montrer qu’il y a un problème c’est-à-dire des thèses ou réponses argumentées s’opposent. Il faut montrer que la réponse au sujet n’est pas évidente et qu’elle va faire débat. On peut donc par exemple formuler la problématique ainsi :

« A première vue, il semble bien qu’un homme libre est nécessairement heureux (c’est la 1er thèse) car si être libre c’est avoir la possibilité de faire tout ce que l’on souhaite alors on peut penser que la liberté nous permettra d’agir de manière à atteindre le bonheur c’est-à-dire un état de satisfaction global et durable . Mais, (2e thèse) ne pourrait-on dire au contraire qu’un homme libre n’atteint pas toujours le bonheur car nous pouvons très bien être libre de faire des choix et pourtant faire de mauvais choix qui vont nous conduire au malheur. »

Vous l’aurez compris, la problématique doit donc prendre la forme d’un paragraphe dans lequel vous envisagez une première réponse possible (thèse 1) et un argument, puis une deuxième réponse (thèse 2) et son argument. Ce faisant, vous montrez bien que la réponse au sujet n’est pas évidente et que ce sujet pose un véritable problème dont il va falloir débattre dans la suite de votre dissertation de philosophie.

Je reviens à présent sur Deux points importants pour faire une bonne problématique

Il faut, d’une part, que chacune de vos thèses dans la problématique soit justifiée par un argument. Vous remarquerez que dans mon exemple chaque thèse est suivie par un « car ». Il n’est pas suffisant d’affirmer une thèse il faut justifier cette thèse.

D’autre part, il est adroit de justifier vos thèses en utilisant certaines des définitions que vous avez trouvé dans l’étape 1, au moment de l’analyse du sujet. On peut appeler cela des arguments définition. Il s’agit de donner un argument en faveur de votre réponse en montrant qu’elle est justifiée par une définition possible de bonheur ou de liberté.

Prenons le début de la problématique ci-dessous :

« A première vue, (thèse 1) il semble bien qu’un homme libre est nécessairement heureux car si être libre c’est avoir la possibilité de faire ce que l’on souhaite (1er définition plutôt naïve de la liberté comme liberté d’action) alors on peut penser que la liberté nous permettra d’agir de manière à atteindre le bonheur c’est-à-dire un état de satisfaction global et durable (je définis le bonheur pour finir ce premier moment de la problématique).

La première réponse au sujet est donc justifiée par une définition possible de la liberté comme liberté d’action. Cette façon de faire permet de formuler une problématique solide tout en évitant de simplement plaquer les définitions des termes du sujet au début de votre introduction comme s’il s’agissait de décorations. Ici, vous les intégrez en partie dans la problématique, elles sont donc immédiatement utiles.

Voilà pour cet épisode j’espère qu’il vous aidera à bien commencer votre dissertation de philosophie.

Locke se demande notamment ce qui fait l'identité personnelle d'un individu. Est-ce son corps ? Aujourd'hui, peut-on considérer que ce qui fait l'identité d'un être humain c'est sa carte d'identité ou ses données biométriques ?

Locke : Qu’est-ce qui fait mon identité ?

Locke se demande notamment ce qui fait l’identité personnelle d’un individu. Est-ce son corps ? Aujourd’hui, peut-on considérer que ce qui fait l’identité d’un être humain c’est sa carte d’identité ou ses données biométriques ? Suis-je encore la même personne si je n’ai plus aucun souvenir ?

Pour Locke, il faut distinguer l' »homme » et la « personne », par l’homme, il entend dans le texte ci-dessous, le tout organisé, le corps. Même si un individu perd la mémoire, il reste le même homme c’est-à-dire le même ensemble de parties organisées. Mais est-il encore la même personne ? Aux yeux de Locke, ce qui fait l’identité d’une personne n’est pas de l’ordre du physique. Pour qu’une personne ait une identité et dise « Je », il faut qu’elle ait d’abord conscience d’elle-même et conscience d’être la même personne qui a vécu ces diverses expériences dans le passé. La conscience qui étymologiquement vient du latin « cum scientia » signifiant avec savoir, est pour Locke ce qui rend possible l’identité car sans cela nous ne saurions même pas qu’il existe un « Je » qui vit une succession d’expériences.

La première condition pour que l’on puisse parler de l’identité d’une personne est donc la conscience. La deuxième condition est la mémoire, car si nous ne nous souvenions pas du passé alors nous ne serions qu’une pure conscience qui fait des expériences et porte son attention sur telle ou telle chose, sans qu’aucune de ces expériences ne laissent une trace sur nous. Ainsi, pour Locke, ce qui fait notre identité c’est nos souvenirs, ce sont les souvenirs que nous avons de nos expériences. Alors, on peut considérer que quelqu’un qui perd la mémoire perd du même coup son identité. Locke envisage même que si nos esprits pouvaient changer de corps alors nous serions la même personne dans un corps différent.

Les conséquences de cette thèse peuvent être importantes car cela signifie que quelqu’un qui devient fou et ne se souvient pas de ce qu’il a fait, ne peut être tenu pour responsable de ses actes car en un sens, ça n’est pas lui qui les a commis. Il n’était pas clairement conscient à ce moment là et il n’en a aucun souvenir. Cette thèse de Locke peut notamment être intéressante pour traiter du sujet « Peut-on ne pas être soi-même ? »

Texte de Locke :

Supposé que je perde entièrement le souvenir de quelques parties de ma vie, sans qu’il soit possible de le rappeler, de sorte que je n’en aurai peut-être jamais aucune connaissance ; ne suis-je pourtant pas la même personne qui a fait ces actions, qui a eu ces pensées, desquelles j’ai eu une fois en moi-même le sentiment positif, quoique je les aie oubliées présentement ? Je réponds à cela que nous devons prendre garde à quoi ce mot « je » est appliqué dans cette occasion. Il est visible que dans ce cas, il ne désigne pas autre choses que l’homme. Et comme on présume que le même homme est la même personne, on suppose aisément qu’ici le mot « je » signifie aussi la même personne. Mais s’il est possible à un même homme d’avoir en différents temps une conscience distincte et incommunicable, il est hors de doute que le même homme doit constituer différentes personnes en différents temps, et il paraît par des déclarations solennelles que c’est là le sentiment du genre humain. Car les lois humaines ne punissent pas l’homme fou pour les actions que fait l’homme de sens rassis [l’homme calme], ni l’homme de sens rassis pour ce qu’a fait l’homme fou, par où elles en font deux personnes. Ce qu’on peut expliquer en quelque sorte par une façon de parler dont on se sert communément en français, quand on dit, un tel n’est plus le même [one is not himself], ou il est hors de lui-même [beside himself]. Expressions qui donnent à entendre en quelque manière que ceux qui s’en servent présentement, ou du moins qui s’en sont servis au commencement, ont cru que le soi était changé, que ce soi, dis-je, qui constitue la même personne, n’était plus dans le même homme.

  John LOCKE, Essai sur l’entendement humain, Livre 2, ch. 27, § 20. (1690)

Le langage trahit-il la pensée ?

Bergson : Le langage trahit-il la pensée ?

Selon Bergson, le langage a un défaut important. Certes, il permet de s’exprimer et de communiquer, mais il trahit ce que nous voulons dire.

Selon Bergson, le langage a un défaut important. Certes, il permet de s’exprimer et de communiquer, donc de dévoiler aux autres, en le rendant public, ce qu’il y a de plus personnel et individuel, nos pensées, nos désirs etc. Mais, selon lui, ce n’est néanmoins pas sans transformer, appauvrir, falsifier ce qui est à transmettre.

Loin d’être une indispensable traduction de nos pensées, le langage ne ferait que trahir ce que nous voulons dire véritablement.

Ainsi, selon Bergson, la langue déforme la pensée car elle consiste en un ensemble de mots, donc d’idées générales, qui appauvrissent nécessairement ce que nous voulons dire. Pourquoi peut-il parler d’un appauvrissement ? Car les mots que nous utilisons sont généraux, ils renvoient à une idée générale. Par exemple, le mot « chat » renvoie à une idée générale de chat, un petit mammifère de type félin. Si je parle donc de « mon chat », ce à quoi je pense est très précis, je pense à mon chat singulier avec ses caractéristiques, sa couleur, ses rondeurs … mais je ne dis que « mon chat » mon interlocuteur ne reçoit pas toute la singularité de ce que je mets derrière ces mots, il a simplement à l’esprit une idée générale de chat. De la même façon si je parle de ma colère, de mon amour, de ma tristesse, il s’agit toujours d’un ressenti singulier qui peut être très différent de la colère d’une autre personne ou de ma tristesse d’il y a 15 jours. Pourtant, quand nous parlons nous utilisons un terme générique « colère », « amour », « tristesse » pour qualifier ce que nous ressentons. De ce fait notre interlocuteur comprend vaguement ce que nous ressentons, mais pas précisément. Le langage ne nous permet pas de transmettre la singularité de nos pensées et de nos ressentis.

Selon Bergson, le langage dresse sur notre vie une simplification pratique qui ampute le réel de toute sa complexité et de sa pluralité pour n’en laisser qu’une vision superficielle et générale qui est la négation des choses elles-mêmes.

Pourquoi le langage est-il simplificateur ?

En effet, les différences spécifiques propres à chaque objet ou ressenti sont niées et vouées à être inaperçues en raison d’un impératif pratique qui impose d’en rester à des vues générales. Bergson parle d’impératif pratique parce que le langage n’a pas pour objectif premier de transmettre la singularité de nos pensées ou émotions, son objectif premier est de nous permettre de communiquer, de nous comprendre. Or, pour que nous puissions nous comprendre et parfois nous comprendre vite, il faut que les mots renvoient à des idées simples et comprises de tous. Si je veux prévenir quelqu’un d’un danger imminent, il faut que je puisse le lui dire vite et que cette personne me comprenne vite, sans cela je serai encore en train de préciser ma pensée et le danger sera sur nous. Il y a donc effectivement un objectif pratique du langage c’est-à-dire que le langage sert l’action, il nous permet d’agir et de faire agir les autres rapidement.

Bergson comprend cette fonction du langage mais il regrette que, de ce fait, le langage ne fasse que déposer des « étiquettes sur le monde entier ». Par étiquette, il entend des idées générales collées sur des choses singulières.

Cet argument de Bergson peut être utilisé dans un sujet sur le langage comme « le langage trahit-il la pensée ? » ou encore « Peut-on tout exprimer ? ». Vous pouvez retrouver ce sujet avec quelques autres sujets classés par thème ici.

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Texte de Bergson :

Nous ne voyons pas les choses mêmes; nous nous bornons, le plus souvent, à lire des étiquettes collées sur elles. Cette tendance, issue du besoin, s’est encore accentuée sous l’influence du langage. Car les mots (à l’exception des noms propres) désignent des genres. Le mot, qui ne note de la chose que sa fonction la plus commune et son aspect banal, s’insinue entre elle et nous, et en masquerait la forme à nos yeux si cette forme ne se dissimulait déjà derrière les besoins qui ont créé le mot lui-même.

Et ce ne sont pas seulement les objets extérieurs, ce sont aussi nos propres états d’âme qui se dérobent à nous dans ce qu’ils ont de personnel, d’originellement vécu. Quand nous éprouvons de l’amour ou de la haine, quand nous nous sentons joyeux ou tristes, est-ce bien notre sentiment lui-même qui arrive à notre conscience avec les mille nuances fugitives et les mille résonances profondes qui en font quelque chose d’absolument nôtre ? Nous serions alors tous romanciers, tous poètes, tous musiciens. Mais le plus souvent, nous n’apercevons de notre état d’âme que son déploiement extérieur. Nous ne saisissons de nos sentiments que leur aspect impersonnel, celui que le langage a pu noter une fois pour toutes parce qu’il est à peu près le même, dans les mêmes conditions, pour tous les hommes. Ainsi, jusque dans notre propre individu, l’individualité nous échappe. Nous nous mouvons parmi des généralités et des symboles […], nous vivons dans une zone mitoyenne entre les choses et nous, extérieurement aux choses, extérieurement aussi à nous-mêmes.

Bergson (1859-1941), Le rire.

Sartre : « L’homme est condamné à être libre »

Selon Sartre, l’homme est fondamentalement libre, c'est-à-dire choix et il ne peut pas ne pas choisir, même refuser de choisir est un choix.

Sartre a une thèse sur la liberté qui semble d’abord paradoxale : « Nous sommes une liberté qui choisit mais nous ne choisissons pas d’être libres : nous sommes condamnés à la liberté ». Autrement dit, l’homme est fondamentalement libre, c’est-à-dire choix et il ne peut pas ne pas choisir. Aux yeux de Sartre, la liberté constitue la condition de l’homme à laquelle il ne peut pas échapper c’est pourquoi il dit que « l’homme est condamnée à être libre » car il ne choisit pas de naître mais une fois au monde, il ne peut pas ne pas choisir. En effet, même refuser de choisir est un choix. Donc paradoxalement pour Sartre, nous ne choisissons pas d’être libre. Mais est-il évident que nous soyons libres ? Ne sommes-nous pas au contraire déterminés par des facteurs biologiques, psychologiques ou sociologiques ?

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Sartre : « chez l’homme l’existence précède l’essence ».

Selon Sartre, l’homme fait nécessairement des choix dans sa vie et ce sont ses choix qui le définissent c’est-à-dire qui donnent un sens, une direction à sa vie. Il exclut ainsi l’idée que l’homme aurait un destin décidé par un Dieu qui aurait ainsi déterminé son essence (sa définition) avant qu’il ne vienne au monde. Sartre pense qu’il n’y a pas de Dieu et que de ce fait l’homme est seul et peut se définir lui-même, personne n’a pensé sa vie avant lui. C’est pourquoi il dit que l’homme est un projet, il décide de comment il va évoluer, de ce qu’il va devenir. C’est pourquoi pour l’homme « l’existence précède l’essence ». L’homme n’est pas comme un objet qui va d’abord être pensé par l’artisan pour ensuite être réalisé. Dans le cas de l’homme, il existe avant d’avoir une définition stricte et c’est ce qu’il fait dans sa vie qui va ensuite permettre de dire ce qu’il a été.

Contre la thèse du déterminisme

Sartre s’oppose à la thèse du déterminisme. Il s’oppose à ceux qui nous disent impuissants car nous ne pourrions pas nous changer, car nous ne pourrions pas échapper à notre classe, à notre famille, à notre passé ou vaincre nos désirs, ou changer nos habitudes. L’homme semble être fait par les circonstances plutôt que se faire si l’on accepte tous ces déterminismes.

Or, selon Sartre, nous croyons que certaines choses sont des obstacles, qu’elles nous limitent, nos origine, nos expériences passées, notre biologie, mais, en réalité, ce ne sont des limites à notre liberté que parce que nous avons choisi des les voir comme telle. Il prend l’exemple du rocher : un rocher n’est pas en soi un obstacle : « Le coefficient d’adversité des choses, en particulier, ne saurait être un argument contre notre liberté, car c’est par nous, c’est-à-dire par la position préalable d’une fin (d’un but), que surgit ce coefficient d’adversité. Tel rocher, qui manifeste une résistance profonde si je veux le déplacer, sera, au contraire une aide précieuse si je veux l’escalader pour contempler le paysage ». Que veut-il dire par là ? Ce qui fait que telle ou telle circonstance est un obstacle c’est le but que nous visons. En fonction de l’objectif c’est un obstacle ou une aide. Selon Sartre, nous ne sommes pas déterminés par ce qui nous arrive ou notre passé parce que c’est nous qui décidons du sens que nous allons donner à un événement. Nous pouvons considérer nos origines comme un obstacle mais aussi choisir de les voir comme un atout ou d’en faire un atout selon la fin visée.

Etre libre rend-il heureux ?

Pour Sartre, notre liberté est absolue et c’est aussi une situation difficile. En effet, si nous sommes libres, cela signifie également que nous sommes totalement responsables de ce que nous devenons. Nous ne pouvons pas nous abriter derrière des excuses, dire que nous avons été déterminé… De ce fait, nous pouvons ressentir de l’angoisse quand nous avons à faire des choix car être libre ne signifie pas que nous n’allons pas nous tromper, au contraire. Comment être sûr de faire le bon choix quand on n’est pas omniscient ? La liberté peut donc aller de pair avec la peur de se tromper et l’angoisse ressentie face à notre immense responsabilité.

Néanmoins, nous pouvons parfois oublier notre liberté, ne plus la sentir car nous n’avons, par exemple, pas le sentiment de faire des choix importants ou de prendre des risques. C’est pourquoi Sartre dit : « Jamais nous n’avons été plus libres que sous l’occupation allemande ». Cela semble paradoxal car dans cette situation, les français avaient perdu beaucoup de liberté et devaient subir des contraintes nombreuses. Mais dans le même temps, les choix qu’ils faisaient avaient davantage d’importance et étaient davantage ressentis car un choix pouvait leur coûter la vie. C’est dans des situations extrêmes que l’homme prend le plus intensément conscience de ses choix et donc de sa liberté.

L’homme est condamné à inventer l’homme selon Sartre

Sartre élargit la responsabilité humaine à un niveau collectif : « l’homme est condamné à chaque instant à inventer l’homme ». L’homme n’est pas seulement responsable de son être mais aussi de l’humanité en général. En choisissant, je donne non seulement consistance à ce que je suis mais j’invente l’homme. Mon choix n’est pas seulement personnel, il n’engage pas seulement ma propre personne mais l’humanité entière. Quand je choisis, je crée l’homme que je veux être mais aussi l’homme en général tel que je crois qu’il doit être et par mon exemple je montre que l’homme peut être ainsi et donne l’idée à d’autres de me suivre et de m’imiter.

Texte de Sartre :

Dostoïevski avait écrit : « Si Dieu n’existait pas, tout serait permis. » C’est là le point de départ de l’existentialisme. En effet, tout est permis si Dieu n’existe pas, et par conséquent l’homme est délaissé, parce qu’il ne trouve ni en lui, ni hors de lui une possibilité de s’accrocher. Il ne trouve d’abord pas d’excuses. Si, en effet, l’existence précède l’essence, on ne pourra jamais expliquer par référence à une nature humaine donnée et figée ; autrement dit il n’y a pas de déterminisme, l’homme est libre, l’homme est liberté. Si d’autre part, Dieu n’existe pas, nous ne trouvons pas en face de nous des valeurs ou des ordres qui légitiment notre conduite. Ainsi, nous n’avons ni derrière nous, ni devant nous, dans le domaine lumineux des valeurs, des justifications ou des excuses. C’est ce que j’exprimerai en disant que l’homme est condamné à être libre. Condamné, parce qu’il ne s’est pas créé lui-même, et par ailleurs cependant libre, parce qu’une fois jeté dans le monde, il est responsable de tout ce qu’il fait.

Jean-Paul Sartre, L’existentialisme est un humanisme, 1946.

Explication de texte de philosophie

Comment réussir son explication de texte de philosophie : Podcast 2

Tout d’abord, je vous conseille si vous ne l’avez pas fait d’écouter le premier épisode où j’explique comment bien réussir son introduction. Le problème que rencontrent beaucoup d’étudiants quand ils font une explication de texte de philosophie est qu’ils ont tendance à seulement répéter le texte. Nous allons donc voir comment éviter cet écueil.

Afin de clarifier la méthode, je vais distinguer trois opérations principales que vous devez apprendre à faire pour bien réaliser votre explication de texte de philosophie. Ce sont trois opérations qui permettent d’expliquer véritablement.

L’étape de clarification du texte.

La première chose à faire est de montrer que vous avez compris le sens de la phrase ou de l’expression que vous expliquez. Cela signifie que si c’est une phrase un peu difficile à comprendre (comme cela peut être souvent le cas dans un texte de philosophie), vous avez le droit de faire de la bonne paraphrase, c’est-à-dire reformuler le passage de manière plus claire.

Une bonne manière de faire de la bonne paraphrase est de reformuler ce que dit l’auteur en définissant les termes importants qui apparaissent dans le passage.  Par exemple, si vous avez un texte qui commence ainsi : « La principale raison, selon moi, qui peut nous persuader que les bêtes sont privées de raison, est que »

Vous remarquez au passage que j’ai coupé la phrase. Vous pouvez et même souvent devez ne pas reformuler les phrases en entier quand elles sont trop longues, sans quoi cela ne clarifie rien. Dans le cas d’une phrase longue comme c’est le cas ici puisque Descartes fait une phrase de 11 lignes pour commencer, il faut reformuler des segments de phrases.

Une fois un segment découpé vous devez donc reformuler en définissant les termes importants, ici il faut évidemment définir le terme raison car c’est l’une des 17 notions centrales du programme.

Cela peut donner ceci : « dans ce début du texte, Descartes annonce qu’il va donner un argument en faveur de sa thèse selon laquelle les animaux n’ont pas la capacité d’ordonner leurs pensées de manière logique et d’émettre des jugements sur le bien et le mal ». Vous comprenez que j’ai reformulé la phrase en définissant le terme raison. La raison est la capacité d’ordonner ses pensées de manière logique et d’émettre des jugements sur le bien et le mal. Selon Descartes, les animaux sont privés de cette capacité.

Je vous conseille donc de reformuler les différents passages en définissant les termes important. C’est là bien évidement qu’il faut utiliser votre cours puisque vous avez vu dû y voir ces définitions. Toujours dans l’étape de clarification du texte vous pouvez parfois prendre un exemple pour illustrer ce que dit l’auteur. Ainsi vous montrez que vous avez bien compris ce dont il est question.

Deuxième opération à réaliser : mettre en évidence la structure du texte.

Quand vous expliquez un texte de philosophie, un des objectifs est de faire ressortir clairement ce que fait l’auteur, c’est-à-dire la manière dont il construit son argumentation afin de justifier la validité de sa thèse. Il est donc très important de préciser régulièrement à quel élément du texte nous avons affaire ici. Est-ce la thèse, un exemple, un premier argument, une objection, l’opinion commune ou sa réfutation ? Il s’agit essentiellement de montrer comment chaque élément du texte permet à l’auteur d’avancer dans l’argumentation de sa thèse.

Au passage vous pouvez remarquer que j’avais déjà fait cette opération dans l’exemple que j’ai pris juste avant, puisque je disais : « dans ce début du texte, Descartes annonce qu’il va donner un argument en faveur de sa thèse selon laquelle les animaux n’ont pas la capacité d’ordonner leurs pensées de manière logique et d’émettre des jugements sur le bien et le mal ».

Vous comprenez ici que vous pouvez faire ces différentes opérations simultanément.

Dernière opération pour réussir son explication de texte de philosophie : Justifier ce que dit l’auteur

Enfin dernière opération que vous devez réaliser pour bien expliquer. Je vais l’appeler la justification. Vous devez montrer pourquoi l’auteur affirme ce qu’il affirme, c’est-à-dire justifier, argumenter ses propos, montrer pourquoi il a raison de dire ce qu’il dit notamment à l’aide de connaissances acquises en cours.

Il s’agit donc en quelque sorte de prendre sa défense face à des objections éventuelles que l’on pourrait lui faire.  Vous pouvez même formuler une éventuelle objection et montrer comment l’auteur y répond déjà dans son texte.

Enoncer les objections que l’on pourrait lui faire nécessite que vous ayez en tête des éléments de votre cours et que vous connaissiez par exemple la thèse d’un auteur qui ne serait pas d’accord avec l’auteur du texte que vous avez à expliquer.

Trois étapes pour bien réussir son explication de texte de philosophie donc :

– clarifier le texte c’est à dire reformuler les passages du texte en définissant les termes importants et en prenant des exemples

– préciser la structure du texte c’est-à-dire ce que fait l’auteur aux différentes étapes du texte.

– et justifier les propos de l’auteur.

Comment vous organiser pour réussir cela concrètement ? Quelle méthode appliquer ?

Au brouillon normalement vous avez déjà commencé à identifier le thème et la thèse du texte en lisant le texte plusieurs fois. Je vous renvoie pour plus d’explication au premier épisode de ce podcast qui traite de la manière de bien commencer son explication de texte. Une erreur que font beaucoup d’étudiants est qu’ils s’arrêtent là et ne font pas davantage de travail au brouillon. Or c’est dommage car vous avez 4h pour faire votre explication et tout à fait le temps de faire un brouillon plus précis. Cela vous permettra de plus d’avoir sans doute une bien meilleure note.

Donc au brouillon, je vous conseille d’écrire également chaque morceau de phrase en essayant de le reformuler à côté, et en définissant les termes. Vous pouvez commencer par faire cela pour tout le texte en laissant un peu de place en dessous de chaque passage.  Ainsi quand vous avez fini une première reformulation de tout le texte, vous pouvez revenir au début pour préciser ce que fait l’auteur à ce moment là. Ce que j’ai appelé avant la mise en évidence de la structure du texte. (étape 2) Et vous pouvez également ajouter les idées que vous avez pour justifier ce que dit l’auteur. Ce que nous avons du dans l’étape 3.

Dernière remarque, parfois, et surtout si vous expliquez un tout petit passage comme une expression ou un bout de phrase, il ne va pas être pertinent de faire les trois opérations, mais seulement une ou deux.

Attention : vous devez toujours faire l’opération 1 c’est-à-dire reformuler en définissant les termes  Mais parfois l’auteur n’en aura pas assez dit pour que vous puissiez commencer à justifier ce qu’il dit. Donc vous pouvez ne pas faire l’étape de justification. Ou parfois il n’aura pas assez avancé dans son propos par rapport au passage précédent pour que vous puissiez dire qu’il a progressé dans son argumentation en énonçant un nouvel argument, un exemple, une objection etc

Ne vous inquiétez pas donc si vous ne faites pas toutes les opérations pour chaque passage, c’est déjà très bien si vous arrivez à en faire 2. L’important est que sur l’ensemble du texte, on puisse voir que vous reformulez en définissant, précisez la structure du texte et justifiez ce que dit l’auteur.

Schopenhauer : Faut-il rechercher le bonheur ?

Schopenhauer le bonheur ne peut être atteint.

Schopenhauer peut être considéré comme un philosophe plutôt pessimiste quant à notre capacité à être heureux. Paradoxalement, selon lui, c’est notamment parce que nous recherchons constamment le bonheur que nous ne l’atteignons jamais. En d’autres termes, le désir apparaît pour Schopenhauer comme un obstacle au bonheur. Nous allons voir ici ce qu’il répondrait au sujet « Faut-il rechercher le bonheur ? » qui est un sujet de dissertation classique. Pour en savoir plus sur la manière de bien réussir votre problématique et votre introduction de dissertation, c’est dans cet article.

Le désir nous rend constamment insatisfaits

Schopenhauer, inspiré en cela par le bouddhisme, considère que le désir est cause de souffrance et que désirer être heureux nous garantit de ne jamais l’être en réalité. Pourquoi cela ? Car tout désir est inquiétude et manque, si nous désirons quelque chose c’est que nous ne l’avons pas ou craignons de le perdre, alors le désir est souffrance. Selon Schopenhauer, « la vie oscille sans cesse de la souffrance à l’ennui ». Cela signifie que dans notre vie nous sommes constamment soit en train de désirer c’est-à-dire de souffrir pour Schopenhauer, soit en train de nous ennuyer car finalement nous avons tendance à être rapidement lassés de ce que nous avons finalement obtenu. Cet ennui laisse alors place à un nouveau désir qui nous fait souffrir jusqu’à ce qu’il soit satisfait et alors rapidement nous retombons dans l’ennui. C’est ce qu’il explique plus longuement dans le texte ci-dessous.

Texte de Schopenhauer sur le bonheur et le désir

« Tout vouloir procède d’un besoin, c’est-à-dire d’une privation, c’est-à-dire d’une souffrance. La satisfaction y met fin ; mais pour un désir qui est satisfait, dix au moins sont contrariés ; de plus le désir est long et ses exigences tendent à l’infini ; la satisfaction est courte et elle est parcimonieusement mesurée. Mais ce contentement suprême n’est lui-même qu’apparent ; le désir satisfait fait place aussitôt à un nouveau désir ; le premier est une déception reconnue, le second est une déception non encore reconnue. La satisfaction d’aucun souhait ne peut procurer de contentement durable et inaltérable. C’est comme l’aumône qu’on jette à un mendiant : elle lui sauve aujourd’hui la vie pour prolonger sa misère jusqu’à demain. – Tant que notre conscience est remplie par notre volonté, tant que nous sommes asservis à la pulsion du désir, aux espérances et aux craintes continuelles qu’il fait naître, tant que nous sommes sujets du vouloir, il n’y a pour nous ni bonheur durable, ni repos. Poursuivre ou fuir, craindre le malheur ou chercher la jouissance, c’est en réalité tout un ; l’inquiétude d’une volonté toujours exigeante, sous quelque forme qu’elle se manifeste, emplit et trouble sans cesse la conscience ; or sans repos le véritable bonheur est impossible. Ainsi le sujet du vouloir ressemble à Ixion attaché sur une roue qui ne cesse de tourner, aux Danaïdes qui puisent toujours pour emplir leur tonneau, à Tantale éternellement altéré ».

A.Schopenhauer, Le monde comme volonté et comme représentation(1818), trad.A.Burdeau, éd. PUF,1966, pp.252-253.

Alors faut-il désirer le bonheur ? Si notre désir est d’être heureux, alors nous allons nous dire que nous serons heureux quand nous aurons ce travail ou cette maison ou rencontré la bonne personne… Dans tous les cas, ne reportons le moment d’être heureux à plus tard quand nous aurons ceci ou cela et une fois que nous l’avons, nous n’en sommes plus satisfait et il nous faut encore autre chose pour être heureux. Si bien que finalement désirer le bonheur, espérer atteindre plus tard le bonheur, est un leurre qui nous garantit de ne jamais l’atteindre. Il faudrait sans doute mieux ce satisfaire de ce que nous avons et trouver des raisons d’être heureux aujourd’hui. Mais là encore c’est une chose difficile, selon Schopenhauer, car nous avons tendance à sentir beaucoup plus la douleur que le bonheur.

Nous ne sentons pas le bonheur quand nous l’avons atteint

Selon Schopenhauer, notre organisme est conçu pour sentir la douleur car elle est une alerte qui nous maintient en vie. En revanche, le bonheur passe rapidement inaperçu car il doit plutôt être défini négativement comme une absence de douleur. Cette absence nous ne la remarquons plus très rapidement. C’est pourquoi nous nous rendons souvent compte que nous étions heureux quand nous perdons ce bonheur. Alors la douleur que nous ressentons est d’autant plus grande que nous nous étions habitués à ce bonheur.

« Que notre vie était heureuse, c’est ce dont nous ne nous apercevons qu’au moment où ces jours heureux ont fait place à des jours malheureux. Autant les jouissances augmentent, autant diminue l’aptitude à les goûter : le plaisir devenu habitude n’est plus éprouvé comme tel. Mais par là même grandit la faculté de ressentir la souffrance ; car la disparition d’un plaisir habituel cause une impression douloureuse. Ainsi la possession accroit la mesure de nos besoins, et du même coup la capacité de ressentir la douleur. – Le cours des heures est d’autant plus rapide qu’elles sont agréables, d’autant plus lent qu’elles sont plus pénibles ; car le chagrin, et non le plaisir, est l’élément positif, dont la présence se fait remarquer. De même nous avons conscience du temps dans les moments d’ennui, non dans les instants agréables. Ces deux faits prouvent que la partie la plus heureuse de notre existence est celle où nous la sentons le moins. » SCHOPENHAUER

50 règles de Schopenhauer pour une vie moins pénible.

Schopenhauer considère que le bonheur n’est pas quelque chose que l’on peut atteindre et qu’il est donc vain de le rechercher. En revanche, il pense qu’il est possible de rendre sa vie moins pénible en suivant certaines règles qui nous garantissent de limiter les souffrances que nous infligeons aux autres et à nous-mêmes.

Ces carnets contenaient 50 règles, en voici quelques unes :

Il conseille dans la règle 2 d’éviter d’être jaloux et de susciter la jalousie. « Tu ne seras jamais heureux tant que tu seras torturé par un plus heureux. ». La jalousie est un poison qui nous rend toujours malheureux.

Schopenhauer conseille ensuite de faire ce que nous avons naturellement envie de faire. On ne peut pas longtemps forcer sa nature, mieux vaut se consacrer à un domaine dans lequel nous avons des facilités et un certain enthousiasme. « En effet, de même que les poissons ne sont bien que dans l’eau, l’oiseau seulement dans l’air, la taupe uniquement sous terre, ainsi chaque homme ne se sent bien que dans l’atmosphère appropriée pour lui. ». Règle 3.

Règle 6 : « Faire de bon cœur ce qu’on peut et souffrir de bon cœur ce qu’on doit. »

Règle 8 : « Limiter le cercle de ses relations : on offre ainsi moins de prise au malheur. »

Règle 48 : « Le bonheur appartient à ceux qui se suffisent à eux-mêmes. »

Comment bien commencer son explication de texte philosophique

Podcast 1 : Comment bien commencer son explication de texte philosophique

Le texte dont je parle à la fin et l’introduction de cette explication de texte philosophique.

« Nous ne nous tenons jamais au temps présent. Nous anticipons l’avenir comme trop lent à venir, comme pour hâter son cours ; ou nous rappelons le passé, pour l’arrêter comme trop prompt : si imprudents que nous errons dans les temps qui ne sont pas nôtres, et ne pensons point au seul qui nous appartient : et si vains que nous songeons à ceux qui ne sont rien, et échappons sans réflexion le seul qui subsiste. C’est que le présent, d’ordinaire, nous, blesse. Nous le cachons à notre vue parce qu’il nous afflige et s’il nous est agréable, nous regrettons de le voir échapper. Nous tâchons de le soutenir par l’avenir, et pensons à disposer les choses qui ne sont pas en notre puissance, pour un temps où nous n’avons aucune assurance d’arriver. Que chacun examine ses pensées, il les trouvera toutes occupées au passé et l’avenir. Nous ne pensons presque point au présent ; et, si nous y pensons, ce n’est que pour en prendre la lumière pour disposer de l’avenir. Le présent n’est jamais notre fin : le passé et le présent sont nos moyens ; le seul avenir est notre fin. Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre ; et, nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais. » Pascal, Pensées, Brunschvicg 172 / Lafuma 47.

Exemple d’introduction d’explication de texte philosophique, pour plus de clarté je précise les différents éléments de l’introduction entre parenthèses avant :

(Présentation du texte) Dans ce texte de Pascal, extrait des Pensées, il est question de (thème du texte, ici deux notions) notre rapport au temps et des effets de ce rapport au temps sur notre bonheur. (Formulation du problème auquel le texte répond sous forme d’alternative) Pascal s’est demandé si la tendance des hommes à se focaliser le plus souvent sur le passé et sur le futur les rend plutôt heureux ou plutôt malheureux. (Formulation de la thèse c’est-à-dire de la réponse que fait l’auteur au problème dans ce texte) Dans ce texte, Pascal défend l’idée selon laquelle nous avons tendance à toujours nous tourner vers le futur (pour espérer) et vers le passé (pour regretter ce que nous avons fait ou ce que nous avons perdu) et ainsi à ne jamais vivre pleinement au présent ce qui nous rend finalement malheureux. (Formulation du plan du texte en insistant sur ce que fait l’auteur dans ce passage d’un point de vue argumentatif) Dans la première partie du texte des lignes 1 à 6, l’auteur énonce sa thèse selon laquelle les hommes ont tendance à ne pas s’intéresser au présent mais uniquement au futur et au passé. Puis dans une deuxième partie des lignes 6 à 10, il donne de raisons qui selon lui justifient que les hommes se détournent du présent. Enfin des lignes 10 à la fin, il donne d’abord un argument de fait pour justifier sa thèse puis il énonce la deuxième partie de sa thèse selon laquelle cette tendance que nous avons à nous détourner du présent nous rend malheureux.

Pour plus d’informations sur l’explication de texte, je vous invite à regarder les articles sur l’explication de texte ici.