Hédonisme

Philosophie : qu’est-ce que l’hédonisme ?

L’hédonisme est une doctrine philosophique et morale qui affirme que la recherche du plaisir et l’évitement de la souffrance sont les buts de l’existence humaine. Cette conception peut sembler naturelle, car notre corps cherche spontanément le plaisir et évite la douleur. Pourtant, les philosophes hédonistes ont souvent eu une mauvaise réputation et étaient considérés comme des philosophes de moindre envergure tant on considérait que la philosophie devait aller avec une forme d’austérité. Pourtant, hédonisme et austérité ne s’opposent pas toujours et cette philosophie est plus complexe qu’on ne le croit souvent.

Le père de l’hédonisme : Aristippe de Cyrène

La paternité de l’hédonisme est attribuée à Aristippe de Cyrène, un philosophe grec de l’antiquité et fondateur de l’école cyrénaïque. Sa philosophie consiste en la recherche active de la jouissance pour trouver le bonheur. Aristippe cherche la jouissance et les plaisirs de manière positive, de manière calculée et rationnelle, afin de maximiser les plaisirs et minimiser les déplaisirs. Pour lui, aucun plaisir n’est à proscrire tant qu’il n’entraîne pas de conséquences désagréables. Il soulignait également l’importance de la maîtrise de soi, affirmant que même si l’on doit savourer les plaisirs, il faut rester maître de ses désirs pour ne pas devenir esclave de ceux-ci.

En revanche, chez Calliclès, un personnage du Gorgias de Platon – dont on ne sait pas s’il a réellement existé ou s’il est une création littéraire de Platon -, le plaisir réside dans la satisfaction de tous les désirs, quels qu’ils soient. Selon Calliclès, la véritable nature de l’humanité réside dans la poursuite du plaisir et le rejet des conventions sociales qui contraignent cette quête. Il soutient que les lois et les normes morales sont des constructions artificielles imposées par les faibles pour contrôler les forts, et que la vie la plus épanouie est celle où les désirs sont pleinement satisfaits sans restriction.

L’hédonisme d’Épicure :

L’hédonisme d’Épicure est une philosophie qui se concentre sur la recherche du plaisir, mais diffère sensiblement de celle des autres hédonistes. Pour Épicure, le plaisir véritable et durable réside non pas dans la satisfaction de tous les désirs, mais dans l’atteinte de la tranquillité de l’âme (ataraxie) et l’absence de douleur. Il propose une vie simple et vertueuse, où l’on cherche à satisfaire les désirs naturels et nécessaires, comme la nourriture et l’amitié, tout en évitant les désirs vains et illimités qui mènent à l’insatisfaction et à l’anxiété. Épicure valorise également la réflexion philosophique comme moyen de comprendre le monde et de vaincre les peurs, particulièrement celle des dieux et de la mort, qui troublent la paix intérieure. Si vous voulez aller plus loin sur la philosophie d’Epicure, j’ai fait une vidéo sur sa conception du bonheur ici.

Jeremy Bentham : un hédonisme utilitariste

Bentham, philosophe anglais du 19e siècle, défend lui un hédonisme utilitariste. Selon Bentham, l’action morale est celle qui maximise le bonheur du plus grand nombre. Il propose ainsi le « principe d’utilité », qui mesure les conséquences des actions en termes de « quantité » de plaisir ou de souffrance qu’elles génèrent. Son approche met l’accent sur le fait de penser aux conséquences de nos actions pour déterminer ce qui est moralement juste, en cherchant toujours à maximiser le bien-être collectif. Cette approche utilitariste a eu une influence considérable en philosophie morale et politique car elle propose une méthode apparemment rationnelle et quantifiable pour évaluer la moralité des actions, ce qui la rend attrayante pour ceux qui cherchent une éthique « scientifique ».

Cependant, la théorie de Bentham a aussi fait l’objet de nombreuses critiques. Certains philosophes ont souligné la difficulté de réellement quantifier et comparer les plaisirs et les souffrances. D’autres ont défendu que l’utilitarisme pourrait justifier des actions moralement répréhensibles si elles maximisaient le bonheur du plus grand nombre, au détriment d’une minorité.

John Stuart Mill, disciple de Bentham, a par la suite cherché à affiner la théorie utilitariste en introduisant une distinction qualitative entre les plaisirs, certains étant considérés comme « supérieurs » à d’autres. Il a également mis l’accent sur l’importance des droits individuels et de la liberté, cherchant ainsi à répondre à certaines critiques adressées à la théorie de Bentham. J’ai écrit un article sur Mill ici si vous voulez en savoir davantage.

Malgré ses limites, l’utilitarisme reste une théorie éthique influente, notamment dans les domaines de l’économie du bien-être et des politiques publiques.

Un hédoniste contemporain : Michel Onfray

Michel Onfray est un philosophe contemporain français qui défend une forme d’hédonisme qu’il qualifie d’hédonisme ascétique. Contre la conception d’un hédonisme qui consiste uniquement à rechercher le plaisir immédiat, il défend une approche plus réfléchie et équilibrée. Pour lui, l’hédonisme ne se limite pas aux plaisirs corporels, mais inclut aussi l’épanouissement intellectuel et spirituel. Onfray encourage ses lecteurs à cultiver une sensibilité aux plaisirs simples et authentiques de l’existence. Cela peut inclure l’appréciation de la beauté naturelle, la joie d’une conversation stimulante, ou le contentement trouvé dans la création artistique. En parallèle, il souligne l’importance de nourrir l’esprit par la connaissance, l’exploration des arts et de la culture, et le développement de relations humaines significatives.

Onfray s’oppose directement aux excès de la société de consommation moderne. Il critique vivement la tendance à rechercher le plaisir à travers l’accumulation de biens matériels ou la satisfaction de désirs artificiellement créés par la publicité et le marketing. Selon lui, ces comportements dénaturent le concept même de plaisir et éloignent les individus d’une vie véritablement épanouissante.

Cette approche philosophique s’inscrit dans la tradition épicurienne, tout en l’adaptant au contexte contemporain. Comme Épicure, Onfray valorise l’amitié, la simplicité et la recherche de l’ataraxie (absence de troubles). Cependant, il actualise ces concepts pour répondre aux défis spécifiques de notre époque, marquée par la surconsommation et la surcharge d’informations.

La notion de conscience en philosophie

La notion de conscience en philosophie

Bienvenue dans cet article, dans lequel je vais vous présenter la notion de conscience, qui est une des dix-sept notions du programme de philosophie en terminale. Je vais d’abord faire un point sur les définitions possibles du terme conscience. Puis, je vais passer en revue quelques grands problèmes possibles concernant la notion de conscience.

D’abord, nous allons partir de l’étymologie : la conscience vient du latin « cum scientia » qui signifie « avec savoir » ou « avec science ». Faire quelque chose consciemment, par exemple, c’est donc agir en sachant qu’on agit. C’est important car il y a beaucoup de choses que nous faisons sans en avoir conscience.

À partir de là, on peut distinguer trois types de conscience :

Il y a d’abord la conscience perceptive qui consiste à être en état d’éveil, réceptif aux informations concernant notre corps et le monde qui nous entoure. Exemple : j’ai conscience que le chat est entré dans la pièce.

Ensuite, il y a la conscience réflexive, c’est la connaissance que nous avons de nous-mêmes quand nous nous prenons comme objet de perception. Elle repose sur la capacité à réfléchir sur nous-mêmes, sur notre vie intérieure, à s’analyser soi-même, à se poser des questions (ex : Je sais que je suis en train de faire quelque chose. Je sais que je crois en quelque chose…). Plus communément, on l’appelle également conscience de soi.

Enfin, la notion de conscience morale désigne la connaissance que nous avons du bien et du mal, et notre capacité à juger une action selon des critères moraux.

Voilà pour les définitions, j’en profite pour vous rappeler que si vous voulez apprendre à faire une dissertation ou une explication de texte, vous pouvez télécharger tous mes conseils de méthode via le lien juste en dessous de cette vidéo. Vous pourrez également y télécharger 17 fiches de révisions sur le programme de philosophie en terminale.

Bien, à présent, quels sont les grands problèmes philosophiques qui peuvent être posés sur la question de la conscience ? Je vais vous en donner quelques-uns parmi les plus importants avec quelques réponses classiques.

Premier sujet : La conscience de soi est-elle une connaissance de soi ?

Ce sujet me donne l’occasion de mentionner un point important : dans un certain nombre de sujets où la notion de conscience apparaît, il sera nécessaire de mobiliser une autre notion qui lui est liée : celle d’inconscient. C’est le cas ici. Et vous allez voir pourquoi.

Sur ce sujet, on peut d’abord penser à l’histoire de Descartes, qui raconte au début du « Discours de la méthode » comment il a décidé de remettre en question tout ce qu’il pensait être vrai jusque-là. Après avoir constaté qu’il lui arrivait de croire être dans le vrai alors même qu’il se trompait, il décide de douter méthodiquement d’absolument tout afin de repartir sur le chemin de la connaissance avec des bases saines. En d’autres termes, il se force à douter de tout. Il doute alors du monde extérieur, il doute de l’existence de son corps, il doute même des mathématiques. Finalement, la seule chose qui résiste à ce doute méthodique, c’est que même s’il se trompe, cette erreur est encore une pensée et cela il ne peut pas en douter. Le fait qu’il pense est donc une certitude indubitable. Il peut donc affirmer avec certitude qu’il est une chose qui pense et que s’il pense alors il existe. Ce qui donne la fameuse formule du « Discours de la méthode » : « Je pense donc je suis ». Quel rapport avec la conscience me direz-vous ? Eh bien, pour Descartes, c’est la conscience réflexive que nous avons de nous-mêmes, c’est notre capacité à nous prendre nous-mêmes comme objet d’observation et à étudier aussi bien notre corps que nos pensées qui nous permet de nous connaître et d’avoir nos premières certitudes sur ce que nous sommes réellement. On pourrait alors dire que la conscience de soi permet une connaissance de soi.

Pour autant, peut-on parler d’une connaissance effective et complète de soi ? Il faudrait pour cela que nous soyons parfaitement transparents à nous-mêmes, c’est-à-dire que notre conscience de nous-mêmes n’ait aucune limite. Mais, est-ce le cas ?

Freud, médecin autrichien, fondateur de la psychanalyse, fait ainsi l’hypothèse qu’une partie de l’esprit humain reste inconsciente et que tout être humain, qu’il soit sain ou malade, a des désirs, pensées, chocs qui sont refoulés dans l’inconscient si ceux-ci sont en contradiction avec la morale ou émotionnellement intolérables. Il s’agirait donc d’une partie de l’esprit humain qui resterait secrète pour le Sujet lui-même. Cette hypothèse de Freud fait scandale et provoque le rejet d’une grande partie des médecins de son époque car elle remet en question l’idée que les êtres humains sont capables de maîtriser leurs pensées. Avec l’hypothèse de l’inconscient, il faut admettre que nous ne sommes pas totalement maîtres de notre esprit, une partie nous échappe et nous ne sommes pas conscients de tout. Il est donc difficile d’avoir une connaissance complète de soi. Vous voyez qu’il est important de lier la notion de conscience avec la notion d’inconscient.

Deuxième sujet sur la notion de conscience : Suis-je ce que j’ai conscience d’être ?

Ce sujet pose la question de notre identité et de son rapport avec la conscience. Puis-je réellement dire que je suis ce dont j’ai conscience d’être ? Ai-je une conscience claire de mon identité ? Ou bien, au contraire, existe-t-il des aspects de mon être qui m’échappent à moi-même ou à ma conscience ?

Sur cette question, Locke défend que ce qui fait notre identité, ce qui nous permet de savoir qui nous sommes, c’est notre conscience et notre mémoire. En effet, si je sais qui je suis, c’est parce qu’à chaque instant de ma vie, il y a cette conscience, ce « Je » qui accompagne toutes mes expériences et leur donne une unité. C’est à moi (au « Je ») qu’il arrive ceci ou cela au cours de ma vie. Et si je peux dire que c’est la même personne (moi) qui a vécu ceci ou cela, c’est parce que ce « Je » n’a pas changé. Mon « Je », c’est-à-dire ma conscience, est toujours là.

Néanmoins, pour Locke, la seule conscience n’est pas suffisante pour que j’ai une identité ; il faut également que je me souvienne des différentes choses que j’ai vécues consciemment. ((C’est le problème que rencontre le héros du film « Memento » de Christopher Nolan. Comment savoir qui l’on est si l’on oublie tout ? Léonard, le héros du film, qui cherche l’assassin de sa femme, souffre d’amnésie. Il écrit tout sur des papiers et se fait tatouer les choses les plus importantes sur le corps pour s’en souvenir.))

En ce sens, on pourrait dire que pour Locke, je suis bien ce dont j’ai conscience d’être, car précisément, c’est parce que nous sommes conscients de nous-mêmes, de ce que nous faisons et que nous nous en souvenons, que nous avons une identité. Néanmoins, dire que nous sommes ce dont nous avons conscience d’être n’est-ce pas oublier un peu vite que notre conscience est très limitée et que, finalement, beaucoup de choses qui ont lieu en nous sont avant tout inconscientes ?

Sur cette question, le philosophe français Bergson montre qu’en réalité, beaucoup de nos pensées et actions échappent à notre conscience. Il défend ainsi dans « L’Énergie spirituelle » que les moments où nous sommes pleinement conscients de nos pensées et de nos actions sont finalement peu nombreux. Il s’agit, par exemple, des moments où nous avons un choix important à faire et où notre conscience est pleinement focalisée sur les conséquences et les enjeux de ce choix. Il s’agit également, selon lui, des moments où nous devons apprendre quelque chose de nouveau. En effet, comme c’est nouveau, nous devons faire attention et nous concentrer. Nous sommes alors pleinement conscients. On peut prendre comme exemple de cela l’apprentissage de la conduite. Apprendre à conduire une voiture est en général une expérience très fatigante car nous devons justement faire attention à tout, rien n’est encore automatique, rien ne se fait tout seul et coordonner les mouvements des pieds et des bras tout en faisant attention à ce qui se passe autour n’est pas une chose facile au début.

Mais justement, dit Bergson, assez rapidement, quand nos actions et pensées deviennent habituelles, c’est notre inconscient qui prend le relais et cela devient automatique. Nous faisons les choses sans presque y penser, c’est-à-dire sans solliciter notre conscience. On comprend alors que pour Bergson, une grande partie de ce que nous faisons et pensons dans notre vie se fait inconsciemment. Peut-on alors encore dire que nous avons pleinement conscience de ce que nous sommes ?

Troisième sujet : La conscience de ce que nous sommes est-elle un obstacle au bonheur ?

En effet, si être conscient c’est avoir connaissance de ce que nous sommes et notamment de nos caractéristiques d’être humain, limité et mortel, n’est-ce pas plutôt un obstacle au bonheur ? Pascal écrit ainsi dans les « Pensées » : « Mais quand j’ai pensé de plus près, et qu’après avoir trouvé la cause de tous nos malheurs, j’ai voulu en découvrir la raison, j’ai trouvé qu’il y en a une, bien effective, qui consiste dans le malheur naturel de notre condition faible et mortelle, et si misérable que rien ne peut nous consoler, lorsque nous y pensons de plus près. »

En ce sens, pour Pascal, la conscience que nous avons de nous-mêmes est plutôt propre à nous rendre malheureux, car notre mort inéluctable est difficile à accepter.

Et pourtant, nous pourrions au contraire défendre qu’avoir conscience de ce que nous sommes, c’est aussi potentiellement savoir comment nous fonctionnons, quels sont nos penchants, nos tendances, et ainsi pouvoir réfléchir à un moyen de nous rendre plus libres et heureux. On pourrait alors dire avec Épictète qu’avoir conscience de ce que nous sommes, et donc par exemple de ce qui dépend de nous ou non, serait une condition du bonheur.

En effet, selon Épictète, pour être heureux et libre, il faut être conscient de ce qui dépend de nous et de ce qui n’en dépend pas. Car si nous pensons avoir le contrôle sur ce qui, en réalité, ne dépend pas de nous, alors nous allons nécessairement échouer et donc nous sentir impuissants et malheureux. Par exemple, celui qui veut absolument que l’on dise du bien de lui sera malheureux car ce que les autres disent ou pensent ne dépend pas de lui. De même, celui qui souhaiterait ne pas vieillir échouera nécessairement, car ici encore cela ne dépend pas de lui. Pour Épictète, il faut donc focaliser nos actions sur ce qui dépend de nous. Alors seulement, nos actions pourront avoir des résultats positifs et nous pourrons être satisfaits de ce que nous avons accompli. Parmi ces choses qui dépendent de nous, il y a évidemment nos pensées et nos représentations. C’est en maîtrisant nos pensées que nous pouvons rester impassibles et donc, selon lui, rester libres et heureux. Encore faut-il le savoir.

Voilà pour cet article, j’espère qu’il vous permettra de mieux cerner les grandes questions que vous allez rencontrer sur la notion de conscience. Pour davantage de cours de philosophie, rendez-vous sur cette page ici.

Si vous préférez découvrir les notions en vidéo, vous pouvez le faire en cliquant ici.

Très bonne journée à vous !

langage philosophie

Le langage en philosophie – Cours de philosophie

Dans cet article, je vais vous présenter la notion de langage qui est une des dix-sept notions du programme de philosophie en terminale. Je vais d’abord faire un point sur la manière dont on peut définir cette notion. Puis, je vais passer en revue quelques grandes questions possibles sur le langage en montrant comment on pourrait y répondre à l’aide d’auteurs classiques.

On peut définir le langage comme un système de signes ou ensemble de signes que l’on utilise pour communiquer ou exprimer des idées, des informations, des sentiments…

Mais qu’est-ce qu’un signe ?

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Ferdinand de Saussure, linguiste suisse, montre qu’un signe est constitué de deux éléments complémentaires. Pour qu’il y ait un signe il faut, d’une part, un signifié et, d’autre part, un signifiant.

Le signifié c’est l’idée que nous avons en tête. Par exemple l’idée de chat ou de table.

Le signifiant c’est la forme sensible ou l’aspect matériel qui renvoie au signifié. Par exemple, le mot « chat » écrit sur le tableau, ou l’ensemble de son qui donne chat ou encore le geste qui renvoie à l’idée de chat en langue des signes.

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Donc, vous l’avez compris, pour qu’il y ait réellement un signe, il faut qu’un signifiant (par exemple le mot « chat ») renvoie dans votre esprit à une idée correspondante. (l’idée de chat)

Si vous ne savez pas à quelle idée (ou signifié) le signifiant renvoie alors vous ne comprenez pas ce que votre interlocuteur essaie de vous dire. Par exemple si votre interlocuteur est allemand est vous parle de « Katze » ce signifiant fait signe pour vous vers l’idée ou signifié chat si et seulement si vous avez l’idée de chat et vous savez que ce signifiant « Katze » renvoie à l’idée de chat.

Imaginons que vous disiez quelque chose d’inintelligible en français du genre « dedulou ». Ceci n’est pas un signe car même s’il y a un élément matériel (quelque chose d’écrit ou un ensemble de sons) cela ne renvoie pas à une idée ou signifié dans votre esprit. Cela ne fait donc pas signe.

Mais, et j’en viens à la deuxième définition importante, il est très possible que cette ensemble de son « dédulou » ne soit pas un signe en français mais qu’il en soit un dans une autre langue.

Une langue c’est un système de signes propre à une communauté spécifique. Les humains ont tous un système de signes, mais ils n’ont pas le même. Ils ont des langues différentes.

Enfin, quand on use de la parole, c’est que l’on utilise une langue ponctuellement.

Quels sont les grands problèmes en philosophie qui peuvent être posés sur la question du langage ?   

– Premier sujet très classique : « Peut-on penser sans langage ? »

Petit rappel méthodologique au passage : sur ce sujet il y a trois éléments à définir lors de l’analyse du sujet.

  • « Langage » évidement, que j’ai déjà défini.
  • Le verbe, et ici plus précisément la forme en « Peut-on », est intéressante, j’en parlerai un peu après.
  • Mais surtout ici vous ne devez pas oublier de vous interroger sur le sens du verbe « penser » car en fonction du sens que vous donnez à ce terme la réponse au sujet peut être très différente.

Qu’est-ce que penser ? Si vous l’envisagez au sens large penser c’est avoir une activité psychique. Descartes définit la  pensée comme « tout ce que ce qui se fait en nous de telle sorte que nous l’apercevons immédiatement en nous-mêmes ».

Alors, selon cette définition de Descartes, « penser », cela peut désigner toutes sortes d’activités psychiques comme avoir une idée, un sentiment, un doute, une volonté, une intuition ou encore une émotion qui serait accompagné de conscience. Donc, si on prend « penser » en ce sens, il va être plutôt facile de défendre que l’on peut penser sans langage.

En revanche, si vous prenez plutôt la définition de Platon qui va dire que la pensée c’est « le dialogue de l’âme avec elle-même » alors, en ce sens, il va être difficile de réellement penser ou dialoguer sans langage car pour dialoguer il faut des mots.

Voilà maintenant comment peut-on répondre à cette question ?

Une première manière de répondre pourrait être de dire avec Locke qu’il est effectivement possible de penser sans langage, car finalement le langage est essentiellement un moyen de communication.

Locke, philosophe anglais du 17e siècle, défend ainsi dans l’Essai sur l’entendement humain que les mots ne font qu’exprimer ou rendre publique des pensées qui existent déjà dans notre esprit. Le langage n’ajouterait rien à la pensée et ne jouerait aucun rôle dans sa formation. Ce serait en ce sens seulement un moyen.

A cette première thèse, on pourrait opposer la thèse de Hegel, philosophe allemand du 18e-19e siècle, qui au contraire défend qu’on ne peut penser sans langage car le langage est nécessaire pour former la pensée.

Hegel écrit ainsi : « C’est dans les mots que nous pensons. Nous n’avons conscience de nos pensées déterminées et réelles que lorsque nous leur donnons la forme objective, que nous les différencions de notre intériorité, et par suite nous les marquons d’une forme externe ».

On comprend ainsi que selon Hegel, Il n’y a pas de pensée sans mot car c’est le mot qui nous permet de clarifier notre pensée.

Ainsi le fait de ne pas réussir à formuler ses idées ne signifierait alors pas que nous manquons de mots mais que notre pensée est encore mal formée. Si nous cherchons nos mots c’est que l’idée n’est pas clairement formée.

Hegel s’oppose à l’idée qu’il y aurait une pensée ineffable c’est-à-dire qu’on ne pourrait pas dire ou nommer. Pour lui, la pensée qui ne trouve pas de mots est confuse et n’est pas encore à proprement parler une pensée.

Pour illustrer cette thèse, on peut penser au roman 1984 de George Orwell. Dans ce roman, Orwell dépeint une société soumise à un État totalitaire qui cherche à priver les individus de toute liberté. Or, précisément pour leur retirer toute liberté, le parti a décidé la création d’une nouvelle langue soi-disant simplifiée appelée « Novlangue ».

La thèse derrière la création de cette nouvelle langue est que si l’on fait disparaître certains mots (évidemment des mots plutôt subversifs comme liberté, justice ou encore révolte) en les regroupant sous un même mot commun, dans le roman il s’agit du terme « crimepensée », alors il sera peu à peu impossible d’avoir la moindre réflexion sur la liberté et la justice car il sera impossible d’en parler clairement.

Il serait alors nécessaire d’avoir des mots distincts pour pouvoir réellement penser certaines idées. Voilà pour ce premier sujet sur le langage en philosophie.

– Deuxième sujet sur le langage :  » Peut-on tout dire ? »

Ici, vous avez un sujet en « Peut-on » où les deux sens possibles du verbe vont être exploitables. En effet, on pourra à la fois traiter « Est-il possible » de tout dire ? et « A-t-on le droit ou est-ce bien de tout dire ?

Donc, dans un cas, on posera la question de la possibilité ; dans l’autre, on posera plutôt une question éthique : du type, est-ce bien de toujours tout dire ?

Bergson, philosophe français du 19e-20e siècle, montre pour sa part que le langage a des limites et qu’il ne nous permet pas réellement de tout dire.

Il dit ainsi :

« Nous ne voyons pas les choses mêmes; nous nous bornons, le plus souvent, à lire des étiquettes collées sur elles. » Bergson, Le Rire

En effet, pour Bergson, le langage, parce qu’il a d’abord pour fonction de communiquer des informations, utilise des idées générales.

Par exemple, si je parle de ma colère, de mon amour ou de ma tristesse, il s’agit toujours d’un ressenti singulier qui peut être très différent de la colère d’une autre personne ou même de ma tristesse d’il y a 15 jours. Pourtant, je vais utiliser le même mot générique pour me faire comprendre. Je vais dire « je suis en colère ».

Or, pour Bergson, et c’est pour cela qu’il parle d’étiquettes, ce mot colère que j’utilise ne me permet pas de faire clairement comprendre à l’autre la singularité de mon ressenti. C’est en ce sens qu’on peut dire qu’il n’est pas possible de tout dire. Comment dire un ressenti singulier avec des mots par nature généraux ?

De même, si je parle de mon chien ou de mon bateau, ce sont pour l’autre des idées générales, il comprend « en gros » ce dont je parle, mais en utilisant ce mot, je ne dis rien de tout ce que ce chien ou ce bateau ont de singulier et de vraiment différents des autres pour moi.

Bergson montre ainsi que le langage a des limites et exprime souvent mal notre pensée, car pour être compris, nous devons sacrifier une bonne partie de ce que nos idées ou sentiments ont de singulier.

Néanmoins, on pourrait s’opposer à cette  thèse  en défendant que si les mots sont effectivement généraux, lors d’une conversation nous pouvons utiliser d’autres mots pour préciser ce que nous voulons dire.

Par exemple, dire « je suis en colère » peut effectivement sembler générique, mais cela peut conduire à un échange où des détails spécifiques peuvent être ajoutés, permettant ainsi de mieux saisir la singularité de mon émotion.

De  plus, on pourrait défendre à nouveau avec Hegel que si nous avons le sentiment de ne pas réussir à dire certaines choses,  même en précisant et développant nos pensées longuement c’est peut-être parce que nos idées sont confuses. Alors on pourrait défendre qu’il nous est possible de dire tout ce que nous pensons clairement.

Enfin, nous pourrions finalement défendre que quand bien même il serait possible de tout dire, il n’est peut-être pas souhaitable ou bien de le faire toujours.

Benjamin Constant, philosophe français du 18e-19e siècle, défend ainsi qu’il n’est pas toujours de notre devoir de dire la vérité. Selon lui, parfois, il faudrait même ne rien dire, voire mentir.

Vous l’avez compris la question sous-jacente ici est : Faut-il toujours dire la vérité ? Benjamin Constant défend sur ce point que même s’il est généralement mal de mentir, cela devient finalement un devoir si la personne qui nous interroge à de mauvaises intentions.

Faudrait-il dire la vérité à un assassin qui cherche une personne qui s’est réfugiée chez nous ? par exemple

Sans doute pas, car pour Benjamin Constant, « nul homme n’a droit à la vérité qui nuit à autrui. »

– Troisième sujet sur le langage : « Que peuvent les mots ? »

Ici c’est un sujet difficile et assez technique car c’est un sujet ouvert. C’est-à-dire que vous ne pouvez pas simplement répondre par oui ou par non. Il faut alors proposer des réponses et idéalement il faut que ces réponses s’opposent afin qu’il y ait un réel problème dans votre dissertation.

Ici, vous pourriez défendre avec Aristote que les mots permettent aux hommes de débattre, s’entendre et pourquoi pas de vivre en harmonie.

Aristote développe une philosophie finaliste. À ses yeux, chaque être par nature a une fin (un but) et la nature ne fait rien en vain. L’homme a donc par nature pour fin d’être un animal politique, c’est-à-dire qu’il est à la fois un être sensible animé par le désir, mais également un être rationnel qui possède le logos (la raison ou le discours) dans le but de pouvoir organiser la cité. L’homme est donc dit « politique » parce qu’il peut discuter du juste et de l’injuste, du bien et du mal afin de trouver un accord avec les autres. Cette capacité de débattre, et parfois de trouver un accord, est une condition nécessaire à l’instauration d’une vie en commun harmonieuse, et notamment à l’instauration d’une démocratie, car cela nécessite débat et possibilité d’accord par les mots.

A cela, on pourrait opposer, la thèse d’Hannah Arendt qui défend dans La Crise de la Culture, que le pouvoir des mots dépend de la place de celui qui parle dans la hiérarchie sociale. En ce sens, les mots en eux-mêmes n’auraient pas réellement de pouvoir, mais ce serait plutôt la hiérarchie sociale et donc celui qui les utilise qui leur donnerait du pouvoir. Avoir de l’autorité ce serait obtenir l’obéissance de l’autre sans violence et sans persuasion, simplement parce qu’il reconnaît que ma place supérieure dans la hiérarchie sociale est légitime

Voilà pour cet article, j’espère qu’il vous permettra de mieux cerner les grandes questions que vous allez rencontrer sur la notion de langage en philosophie.

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Qu'est-ce que la philosophie ?

Qu’est-ce que la philosophie ?

Qu’est-ce que la philosophie ou plutôt qu’est-ce que faire de la philosophie ? Souvent les élèves qui découvrent la philosophie en terminal ont des présupposés sur la philosophie. Il s’agirait d’une matière plutôt ennuyeuse pratiquée par des gens un peu « perchés » dont on se demande à quoi elle pourrait bien servir dans la vie. On sous-entend alors souvent qu’elle pourrait bien ne servir à rien !

Alors qu’est-ce que la philosophie et à quoi peut-elle bien servir ?

Parce que oui, je pense que la philosophie est non seulement une discipline passionnante mais également qu’elle peut être utile. A mes yeux, la philosophie est un chemin vers la connaissance de soi et du monde. En faisant de la philosophie, vous allez vous interroger sur l’être humain :

  • Quelle est sa nature ?
  • Peut-on réellement parler d’une nature humaine ?
  • Quelles sont ses facultés ?
  • De quoi parle-t-on quand on parle de conscience ou d’inconscient ?
  • La conscience de soi que l’on attribut à l’homme, n’est-elle pas quelque chose que possèdent aussi certains animaux ?
  • Peut-on dire de l’être humain qu’il est libre ou au contraire déterminés ?

En faisant de la philosophie vous allez aussi vous interroger sur le monde et sur les rapports que nous entretenons avec lui :

  • L’être humain est-il à part dans la nature ?
  • Doit-il chercher à la maîtriser ou plutôt la respecter ?

Et vous l’avez compris la philosophie c’est avant tout une démarche une manière de questionner ce qui est et ce qui est dit. Faire de la philosophie c’est d’abord remettre en question ce qui semble évident, c’est douter de ce que l’on appelle l’opinion commune pour ensuite essayer de trouver des réponses en utilisant sa raison. Cela suppose de chercher à voir le monde différemment, de ne pas s’arrêter aux a priori pour élaborer des connaissances solides. Cette démarche n’est pas toujours aisée cela va demander de se questionner de réfléchir mais si vous commencez à avancer sur ce chemin, si vous êtes curieux et avide de comprendre alors faire de la philosophie vous apportera bien des satisfactions.

Les origines de la philosophie

Pour commencer cette définition, je vais revenir aux origines de la philosophie. Le mot philosophie vient de la Grèce antique. Si on décompose, le terme philo vient du verbe Philein : aimer, rechercher et sophia qui signifie la sagesse. La philosophie, ce serait donc l’amour ou la recherche de la sagesse.

Mais qu’est-ce que la sagesse me direz-vous ?

Il y a deux façons bien distinctes de comprendre ce terme. Dans l’Antiquité, notamment il y avait des écoles de philosophie, l’école stoïtienne par exemple, qui enseignaient comment bien vivre, comment être heureux et libre en suivant certaines règles certains préceptes de vie. Ces philosophies développaient alors une forme de sagesse pour bien vivre, ce qu’on pourrait appeler aujourd’hui une philosophie de vie.

Nous nous intéresserons à ces philosophies mais ça n’est pas en ce sens-là que je vais prendre philosophie dans un premier temps car chercher la sagesse cela peut aussi signifier simplement se poser des questions sur le monde et essayer d’y répondre en utilisant sa raison, chercher à élaborer des connaissance. Socrate au 5e siècle avant Jésus-Christ pratiquait ainsi la philosophie en posant des questions difficiles à ses interlocuteurs, son but était alors de les pousser à remettre en question leurs opinions et préjugés. Il cherchait à les faire douter afin qu’il commence à chercher effectivement la vérité. Socrate était en effet convaincu qu’on ne peut pas commencer à chercher la vérité si on est déjà persuadé de la détenir. Cette démarche de Socrate peut être considérée comme emblématique. Les philosophes posent des questions d’ordre général dans tous les domaines, doutent et essaient ensuite d’y répondre par des arguments en donnant des preuves et en utilisant la logique. C’est en ce sens qu’ils cherchent à élaborer des connaissances. Mais dans ce cas quelle

La philosophie et les sciences

Mais dans ce cas quelle différence faire entre la philosophie et les sciences me direz-vous ?

Et bien dans l’Antiquité et pendant très longtemps, il n’y avait pas de différence. Lorsque les premiers philosophes utilisaient le mot philosophie, cela désignait pour eux l’étude et la recherche sur absolument tous les sujets. Aristote a ainsi écrit sur des sujets aussi variés que la biologie, la physique, la métaphysique, la logique, la poétique, la politique, la rhétorique, l’éthique et cetera.

Toutes ces disciplines étaient alors considérées comme appartenant au champ de la philosophie. Ça n’est que plus récemment que ces différents domaines de connaissance ont commencé à être envisagés comme des disciplines distinctes avec des objets de recherche et des méthodes bien spécifiques. C’est le cas notamment de la physique, de la biologie, des mathématiques et de l’astronomie qui sont devenues des sciences et se sont donc détachés de la philosophie. Ce sont, à présent, des disciplines qui suivent des méthodes très précises pour vérifier ou réfuter leurs hypothèses. Mais dans tous les domaines où il n’est pas possible d’appliquer un protocole scientifique pour obtenir une réponse objective, on peut encore faire de la philosophie.

Cela déconcerte souvent mes élèves qui me disent mais pourquoi diable sommes-nous en train de parler d’économie, de politique de psychologie ou de linguistique dans ce cours ? C’est que la philosophie pose des questions et élabore des raisonnements sur absolument tous les domaines où l’on ne peut pas faire une démonstration scientifique pour établir la vérité. Les questions qu’elle peut aborder sont donc extrêmement vastes et variées et pour tout vous dire c’est quelque chose qui personnellement m’a beaucoup plu dès le début avec la philosophie.

Alors de quoi allons-nous parler ?

Nous allons parler de liberté, de travail, de langage, de technique, d’esprit, de conscience et d’inconscient, du temps qui passe, du bonheur, de la politique et de la justice. Nous allons parler de devoir moral, de religion, de la nature, du réel, des animaux, de la vérité et bien d’autres choses encore. Mais, surtout, nous allons d’abord poser des questions, de grandes questions !

L’une des premières très classique pourrait être :

  • Que suis-je ?
  • Ai-je une âme ?
  • Y a-t-il quelque chose d’immatériel en moi qui survivra après ma mort ?

Ces questions appartiennent à une des branches de la philosophie que l’on appelle la métaphysique et qui traite de ce qui existe indépendamment de la connaissance que nous pouvons en avoir. D’autres questions pourraient être :

  • Comment dois-je vivre ?
  • Qu’est-ce que bien vivre ?
  • Comment vivre libre et heureux ?

Ces questions appartiennent à la branche de la philosophie que l’on nomme l‘éthique.

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Une autre question pourrait être encore :

  • Puis-je être sûr que ce que je vois est réel ?
  • Et si je n’en suis pas sûr : comment déterminer ce qui est vrai ?
  • Comment en être sûr ?

Nous ferons alors de l’épistémologie qui est une partie de la philosophie qui s’intéresse à la connaissance, aux sciences et à la vérité.

Mais surtout une fois toutes ces questions posées, nous allons chercher à y répondre en formulant des raisonnement et en utilisant la logique. Pour cela, il faudra étudier des thèses et des raisonnements, envisager des objections, douter de nos certitudes, accepter d’envisager des thèses qui peut-être nous dérangent. Vous ne serez sans doute pas toujours d’accord avec les idées que je vais vous présenter et c’est très bien, je ne serai souvent pas d’accord non plus ! Mais pour faire de la philosophie il est important justement d’étudier les idées qui ne sont pas les nôtres, d’envisager qu’elles puissent être vraies, de douter de ce que nous pensons, nous, être vrai pour finalement sortir de cette réflexion soit confortés dans nos convictions soit en ayant complètement changés d’avis et alors nous aurons réellement fait de la philosophie.

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Qu’est-ce que la philosophie ?

Qu'est-ce que la philosophie ? Que vous soyez amenés à faire de la philosophie au lycée ou juste curieux, cette question vous a sans doute effleurée l'esprit. Afin que vous sachiez un peu à quoi vous attendre je vais tenter de clarifier ce qu'est la philosophie.

Qu’est-ce que la philosophie ? Que vous soyez amenés à faire de la philosophie au lycée ou juste curieux, cette question vous a sans doute effleurée l’esprit. Afin que vous sachiez un peu à quoi vous attendre je vais tenter de clarifier ce qu’est la philosophie.

Souvent les élèves confrontés à la philosophie en terminale, ont des présupposés sur la philosophie. Il s’agirait d’une matière plutôt ennuyeuse pratiquée par des gens un peu « perchés » et dont on se demande à quoi elle sert. On sous-entend alors souvent qu’elle pourrait bien ne servir à rien ! Alors qu’est-ce que la philosophie ? Et à quoi sert-elle ?

Des conceptions différentes selon les philosophes

Définir précisément la philosophie est une entreprise complexe car ceux qui la pratiquent en ont souvent donné des définitions différentes et ont chacun leur conception de la philosophie. Voici quelques exemples :

Aristote : “C’est à bon droit que la philosophie est appelée science de la vérité” Métaphysique

Epicure : “La philosophie n’est pas une science pure et théorique, c’est une règle pratique d’action; bien plus, elle est elle-même une action, une énergie qui procure, par des discours et des raisonnements, la vie bienheureuse” Maximes

Marc-Aurèle : “La philosophie consiste à garder ses démons intérieur  à l’abri des outrages, innocent, supérieur aux plaisirs et aux peines, ne laissant rien au hasard et surtout attendant une mort propice à la pensée” Pensées pour moi-même

Pascal : “Se moquer de la philosophie, c’est vraiment philosopher” Pensées

Descartes : “Ce mot de philosophie signifie l’étude de la sagesse et par la sagesse on entend une parfaite connaissance de toutes les choses que l’homme peut savoir, tant pour la conduite de sa vie que pour la conservation de sa santé et l’invention de tous les arts” Discours de la Méthode

Descartes : “Toute la philosophie est comme un arbre, dont les racines sont la métaphysique, le tronc est la physique, et les branches qui en sortent sont toutes les autres sciences, la médecine, la mécanique et la morale” Discours de la méthode

Kant : “La philosophie est un système de connaissance rationnelle à partir de concepts” Métaphysique des Moeurs

Schopenhauer : “La philosophie naît de notre étonnement au sujet du monde et de notre existence” Le Monde comme Volonté et comme représentation

Une première définition par l’étymologie

Le mot philosophie a une origine grec. Si on décompose le terme, philo vient du verbe philein : aimer, rechercher et sophia signifie la sagesse. La philosophie serait donc l’amour ou la recherche de la sagesse. Mais qu’est-ce que la sagesse ? Que faut-il mettre derrière cette recherche de la sagesse ? S’il est difficile de donner un définition qui vaudrait pour tous les philosophes on peut néanmoins mettre en évidence un point commun. Faire de la philosophie c’est se poser des questions sur le monde et essayer d’y répondre en utilisant sa raison.

Socrate au 5e siècle av J-C pratiquait ainsi la philosophie en posant des questions à ses interlocuteurs. Son but était alors de les pousser à remettre en question leurs opinions et préjugés, il cherchait à les faire douter, afin qu’ils commencent à chercher effectivement la vérité. Vous trouverez davantage de précisions sur la vie et démarche de Socrate dans cet article.

Cette démarche de Socrate peut être considérée comme emblématique. Les philosophes posent des questions d’ordre général dans tous les domaines et essaient ensuite d’y répondre par des arguments, en donnant des preuves ou en utilisant la logique. Sur l’argumentation en philosophie, vous pouvez consulter cet article. En ce sens, ils cherchent à élaborer des connaissances. Mais alors quelle différence faire entre la philosophie et les sciences ?

Qu’est-ce que la philosophie aujourd’hui ?

On peut d’abord remarquer que si certaines questions sont devenues spécifiquement l’affaire des sciences telles que la physique, la biologie, les mathématiques, il reste de nombreux domaines qui ne font pas l’objet d’une science au sens strict et sont l’affaire de la philosophie. Il s’agit par exemple de la philosophie morale, de la philosophie politique ou encore de la philosophie de l’esprit.

De nombreuses questions sont posées par la philosophie qui ne peuvent être réglées par un protocole scientifique. Ce sont d’anciennes questions, comme la question de savoir si les hommes sont libres, ou s’il faut avoir peur de la mort, mais de nouvelles questions apparaissent avec l’essor des technologies et l’évolution de la société. La philosophie va donc poser, par exemple, la question du respect que l’on doit ou non aux animaux et à la nature, ou va encore se demander si nous devons avoir peur du développement des intelligences artificielles.

L’origine de la science et l’épistémologie

Enfin,s’il faut effectivement distinguer la philosophie des sciences dans la mesure où la philosophie ne suit pas une méthode expérimentale particulière pour arriver à une vérité, il est intéressant de remarquer que la philosophie est à l’origine des sciences et que de grands philosophes étaient également des biologistes, des mathématiciens, des physiciens. Les domaines que l’on rattache aujourd’hui aux sciences étaient autrefois des parties de la philosophie et ne s’en sont séparés que parce qu’elles se sont précisées et ont élaboré des méthodes spécifiques.

Par ailleurs, la philosophie réfléchit encore sur les sciences, c’est ce que l’on appelle l’épistémologie. La question n’est alors pas de prouver telle ou telle hypothèse en biologie ou en physique, mais de réfléchir, par exemple, sur le rapport de la théorie scientifique avec la réalité ou sur ce qui fait qu’une science est une science.

Qu’est-ce que la philosophie ? est donc une question relativement complexe, mais si l’on peut tenter une définition, il s’agit d’une activité qui à partir d’un questionnement cherche à élaborer des connaissances en s’appuyant sur la raison dans des domaines où il ne peut pas être fait de démonstrations scientifiques.

Pour aller un peu plus loin en vidéo :

Le bonheur est-il un idéal inaccessible ?

Le bonheur est-il un idéal inaccessible ?

Qui n’a pas déjà eu le sentiment de vouloir le bonheur, de le rechercher mais sans savoir précisément ce qui le rendrait heureux ? Selon Kant, le bonheur est un idéal inaccessible car c’est une idée indéterminée c’est-à-dire que les hommes ont en général une idée très vague de ce qui pourrait faire leur bonheur si bien qu’ils n’ont aucun plan ni aucune méthode pour y parvenir.

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Pour Kant, le bonheur désigne « un maximum de bien-être dans mon état présent et dans toute ma condition future », le problème étant de déterminer ce qui nous permettra d’atteindre ce maximum de bien-être. Or, la tâche n’est pas simple car, selon lui, il n’y a pas de méthode générale que l’on pourrait appliquer pour être heureux. C’est en ce sens qu’il dit que « le bonheur est un idéal non de la raison, mais de l’imagination », nous n’avons pas de définition précise du bonheur et de la manière dont n’importe quel humain pourrait l’atteindre.

On pourrait lui objecter que pourtant de grandes sagesses comme par exemple le stoïcisme ou l’épicurisme donnent des règles de vie qui ont précisément pour but d’aider les hommes à être plus heureux. Limiter ses désirs et ne pas tomber dans la consommation à outrance n’est-ce pas une règle de vie intéressante quand on souhaite être heureux ?  Contrôler ses pensées et ne plus être négatif n’est-ce pas une bonne manière d’atteindre le bonheur ? A cela Kant répond que ces conseils et ces règles peuvent effectivement participer à nous rendre heureux mais qu’on ne peut pas être absolument sûr que nous serons heureux si nous les suivons car seule l’expérience pourra nous dire ce qui nous rendra réellement heureux.

Le bonheur est difficile à atteindre

En somme, pour Kant, il est très difficile d’atteindre le bonheur avec certitude car même si nous imaginons que quelque chose nous rendra heureux, il se pourrait que dans les faits cela nous procure plutôt de la souffrance.

On peut prendre comme exemple le personnage de Christopher dans le film Into The Wild. Christopher sait très bien ce qu’il ne veut pas, en l’occurrence, vivre dans le même bonheur matérialiste et consumériste que ses parents. Il considère que leur bonheur est une illusion et qu’ils ne sont pas réellement heureux car ils ne font que se conformer à l’idée que la société dans laquelle ils vivent se fait du bonheur et de la réussite. Ils sont donc uniquement préoccupés de renvoyer une image de réussite aux autres.

Mais sait-il pour autant ce qui le rendra heureux ? Il croit le savoir et choisit de partir loin de la société en pleine nature pour trouver le bonheur. Mais finalement il se rend compte que la vie en pleine nature qu’il avait idéalisée n’est pas complètement le bonheur non plus et finalement il meurt empoisonné car il a consommé des baies non comestibles.

L’argument de Kant est donc qu’en réalité l’homme étant un être fini et non omniscient, il ne peut pas prévoir toutes les conséquences qu’auront ses choix. De même, Chris ne pouvait pas prévoir que partir vivre seul dans la nature, le conduirait finalement à la mort.

On ne peut donc pour Kant être absolument sûr d’atteindre le bonheur. Néanmoins, même si l’on admet que nous ne pouvons pas être certains d’atteindre le bonheur, nous pouvons du moins chercher à l’atteindre en suivant les règles de vie qui font le bonheur du plus grand nombre des hommes le plus souvent. Ce que proposent de faire notamment des stoïciens comme Sénèque, Epictète, Marc Aurèle ou d’autres sages comme Epicure.

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Texte de Kant :

«  Le concept de bonheur est un concept si indéterminé, que, malgré le désir qu’a tout homme d’arriver à être heureux, personne ne peut jamais dire en termes précis et cohérents ce que véritablement il désire et il veut. La raison en est que tous les éléments qui font partie du concept du bonheur sont dans leur ensemble empiriques, c’est-à-dire qu’ils doivent être empruntés à l’expérience, et que cependant pour l’idée du bonheur un tout absolu, un maximum de bien-être  dans mon état présent et dans toute ma condition future, est nécessaire. Or il est impossible qu’un être fini, si  perspicace et en même temps si puissant qu’on le suppose, se fasse un concept déterminé de ce qu’il veut ici véritablement. Veut-il la richesse ? Que de soucis, que d’envie, que de pièges ne peut-il pas par là attirer sur sa tête ! Veut-il beaucoup de connaissance et de lumières ? Peut-être cela ne fera-t-il que lui donner un regard plus pénétrant pour lui représenter d’une manière d’autant plus terrible les maux qui jusqu’à présent se dérobent encore  à sa vue et qui sont pourtant inévitables, ou bien que charger de plus de besoins encore ses désirs qu’il a déjà bien assez de peine à satisfaire. Veut-il une longue vie ? Qui lui répond que ce ne serait pas une longue souffrance ?  Veut-il du moins la santé ? Que de fois l’indisposition du corps a détourné d’excès où aurait fait tomber une santé parfaite, etc… Bref, il est incapable de déterminer avec une entière certitude d’après quelque principe ce qui le rendrait véritablement heureux : pour cela il lui faudrait l’omniscience. On ne peut donc pas agir, pour être heureux, d’après des principes déterminés, mais seulement d’après des conseils empiriques, qui recommandent, par exemple, un régime sévère, l’économie, la politesse, la réserve,  etc…,  toutes choses qui, selon les enseignements de l’expérience, contribuent en thèse générale pour la plus grande part au bien être. Il suit de là que les impératifs de la prudence, à parler exactement, ne peuvent commander en rien, c’est-à-dire représenter des actions de manière objective comme pratiquement nécessaires, qu’il faut les tenir plutôt pour des conseils (consilia) que pour des commandements (praecepta) de la raison : le problème qui consiste à déterminer de façon sûre et générale quelle action peut favoriser le bonheur d’un être raisonnable est un problème tout à fait insoluble ; il n’y a donc pas à cet égard d’impératif qui puisse commander, au sens strict du mot, de faire ce qui rend heureux, parce que le bonheur est un idéal non de la raison mais de l’imagination, fondé uniquement sur des principes empiriques, dont on attendrait vainement qu’ils puissent déterminer une action par laquelle serait atteinte la totalité d’une série de conséquences en réalité infinie. »

Kant, Fondements de la métaphysique de mœurs (1785)