Ethique stoïcienne

L’éthique du stoïcisme

Le stoïcisme est une école philosophique fondée à Athènes par Zénon de Citium vers l’an 300 avant Jésus-Christ. Cette école va s’appeler l’Ecole du Portique car son fondateur enseigne sous un portique. Je vais m’intéresser plus particulièrement ici à l’éthique du stoïcisme.

Marc Aurèle : L’empereur philosophe

« Pour moi, je fais ce qui est mon devoir. Les autres choses ne me tracassent point, car ce sont, ou des objets inanimés, ou des êtres dépourvus de raison, ou des gens égarés et ne sachant pas leur chemin » Marc Aurèle, Pensées pour moi-même, XXII

« Passe à travers la vie sans violence, l’âme pleine de joie, même si tous les hommes poussent contre toi les clameurs qu’ils voudront, même si les fauves déchirent les morceaux de cette pâte que tu épaissis autour de toi » Marc Aurèle, Pensées pour moi-même, LXVIII

Ethique du stoïcisme pour Sénèque :

Sénèque, un philosophe romain (4 av. J.-C.-65 apr.) originaire de Cordoue en Espagne, est une figure emblématique du stoïcisme romain. Cette doctrine philosophique, qui a vu le jour au IVe siècle avant J.-C. en Grèce, a été importée à Rome, notamment grâce à Cicéron. Sénèque était un politicien habile et un penseur renommé qui s’est créé une réputation et une renommée. Il est devenu le précepteur, puis l’éminence grise de l’empereur sanguinaire Néron, ce qui a fait de lui un homme riche et puissant. Cependant, sa richesse considérable a jeté un discrédit sur ses théories philosophiques, en particulier sur ses idées concernant l’argent, la pauvreté et les honneurs.

Bien que Sénèque ne traite jamais directement de questions économiques, il développe une philosophie morale dont l’un des piliers majeurs est la relation à l’argent et à la matérialité. Le stoïcisme propose de considérer la richesse avec indifférence. Selon cette doctrine, il est essentiel d’être indifférent à l’argent car la fortune et la pauvreté sont soumises au hasard.

« le souverain bien, c’est une âme qui méprise les événements extérieurs et se réjouit par la vertu », Sénèque, La Vie heureuse

« les flots de l’adversité ne transforment point une âme courageuse, elle demeure la même et donne aux événements sa propre teinte ; car elle est plus forte que les accidents extérieurs », Sénèque, De la Providence

« Cette liberté consiste à ne craindre ni les hommes ni les dieux ; à fuir toute action honteuse, et tout excès ; à jouir d’un pouvoir illimité sur soi-même. C’est un avantage inappréciable d’être maître de soi. », Sénèque, Lettres à Lucilius, LXXV

Epictète :

Épictète (v. 50-125), ancien esclave, est devenu l’une des principales figures du stoïcisme. Après avoir été banni par Domitien, il a trouvé refuge à Nicopolis, où il a enseigné. Connu pour son intransigeance morale et son style d’enseignement unique, Épictète a encouragé une philosophie pratique qui visait à retrouver une harmonie avec la nature. Ses notes de cours, rassemblées dans les « Entretiens » et le « Manuel », ont été prises par l’un de ses disciples et ont contribué à la diffusion de sa pensée. Épictète a établi une distinction fondamentale dans l’éthique du stoïcisme entre ce qui dépend de nous et ce qui ne dépend pas de nous, un concept qui a eu une grande influence sur le stoïcisme. Il a également souligné l’importance de la liberté véritable pour atteindre le bonheur et l’adéquation avec le monde.

Epictète, Manuel, I :

1.— Parmi les choses qui existent, certaines dépendent de nous, d’autres non. De nous, dépendent la pensée, l’impulsion, le désir, l’aversion, bref, tout ce en quoi c’est nous qui agissons ; ne dépendent pas de nous le corps, l’argent, la réputation, les charges publiques, tout ce en quoi ce n’est pas nous qui agissons.

2.— Ce qui dépend de nous est libre naturellement, ne connaît ni obstacles ni entraves ; ce qui n’en dépend pas est faible, esclave, exposé aux obstacles et nous est étranger.

3.— Donc, rappelle-toi que si tu tiens pour libre ce qui est naturellement esclave et pour un bien propre ce qui t’est étranger, tu vivras contrarié, chagriné, tourmenté ; tu en voudras aux hommes comme aux dieux ; mais si tu ne juges tien que ce qui l’est vraiment — et tout le reste étranger —, jamais personne ne saura te contraindre ni te barrer la route ; tu ne t’en prendras à personne, n’accuseras personne, ne feras jamais rien contre ton gré, personne ne pourra te faire de mal et tu n’auras pas d’ennemi puisqu’on ne t’obligera jamais à rien qui pour toi soit mauvais.

5.— Donc, dès qu’une image viendra te troubler l’esprit, pense à te dire : « Tu n’es qu’image, et non la réalité dont tu as l’apparence. » Puis, examine-la et soumets-la à l’épreuve des lois qui règlent ta vie : avant tout, vois si cette réalité dépend de nous ou n’en dépend pas ; et si elle ne dépend pas de nous, sois prêt à dire : « Cela ne me regarde pas. »

III

Pour tout objet qui t’attire, te sert ou te plaît, représente-toi bien ce qu’il est, en commençant par les choses les plus petites. Si tu aimes un pot de terre, dis-toi : « J’aime un pot de terre. » S’il se casse, tu n’en feras pas une maladie. En serrant dans tes bras ton enfant ou ta femme, dis-toi : « J’embrasse un être humain. » S’ils viennent à mourir, tu n’en seras pas autrement bouleversé.

V

Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, mais les jugements qu’ils portent sur ces choses […] Le jugement que nous portons sur la mort en la déclarant redoutable, c’est cela qui est redoutable. Lorsque donc nous sommes traversés, troublés, chagrinés, ne nous en prenons jamais à un autre, mais à nous-même, c’est-à-dire à nos jugements propres.

VIII

N’attends pas que les événements arrivent comme tu le souhaites ; décide de vouloir ce qui arrive et tu seras heureux.

Pour en savoir davantage sur le stoïcisme et l’éthique du stoïcisme, vous pouvez consulter cet article : Qu’est-ce que le stoïcisme ? ou consulter ma chaîne youtube en cliquant ici.

le stoïcisme

Qu’est-ce que le stoïcisme ?

Le stoïcisme est une école philosophique fondée à Athènes par Zénon de Citium vers l’an 300 avant Jésus-Christ. Cette école va s’appeler l’Ecole du Portique car son fondateur enseigne sous un portique c’est-à-dire une sorte de voûte. Cette philosophie va se répandre petit à petit pour devenir très populaire à Rome à partir du 1er siècle après Jésus-Christ.

Le stoïcisme

Le stoïcisme est alors une philosophie qui concerne toutes les couches sociales puisque l’on compte des empereurs stoïciens comme Marc Aurèle, mais également un esclave stoïcien bien connu: Epictète. La philosophie stoïcienne développe des idées dans les domaines de la physique, de la logique et de la morale. Ils s’intéressent donc notamment à la manière de bien vivre. Leur but est d’atteindre la sagesse, et par voie de conséquence le bonheur. C’est à ce domaine de la morale stoïcienne que je vais m’intéresser plus particulièrement ici.

En quoi consiste la morale stoïcienne ?

Pour bien comprendre le stoïcisme, il faut d’abord avoir en tête que les stoïciens pensent qu’il n’y a pas de hasard ou de contingence, tout est nécessaire, tout est écrit à l’avance. Cela réduit donc très considérablement la liberté humaine, car les hommes sont, à leurs yeux, pris dans des enchaînements de causes-conséquences et ne peuvent être cause complète. Cela signifie qu’ils ne peuvent pas faire surgir un événement ou une décision à partir de leur seule volonté. Pourquoi cela ? Car un être humain ne se détermine pas à partir de rien, même si nous faisons des choix, ces choix nous les faisons en nous basant sur nos expériences passées, nos connaissances, la situation présente etc… En d’autres termes, il y a dans nos histoires des choses qui causent au moins en partie nos décisions. Le stoïcien Chrysippe prend un exemple pour expliquer ce point. Supposons une pierre qui se trouve tout au fond de la mer, une pierre par définition peut être brisée, c’est une possibilité. Pourtant dans les circonstances présentes, on peut dire qu’il est impossible qu’elle soit brisée car l’eau amortit les chocs. De même, si nous disons qu’il est possible que la bataille n’ait pas lieu car il est possible que le général refuse de se battre, c’est parce que nous ignorons les circonstances dans lesquelles se trouve le général. En réalité, tout comme la pierre au fond de l’eau, dans ces circonstances, il n’est pas possible que le général décide autre chose que de commencer la bataille. Les êtres humains, pour les stoïciens, sont grandement influencés dans leurs actions par une multitude de facteurs qu’ils ne contrôlent pas, leur liberté est donc très limitée. Pourtant, il reste une part de liberté. Nous ne choisissons pas ce qui nous arrive ou ce que nous faisons, mais nous choisissons la manière dont nous vivons ce qui nous arrive et la manière dont nous faisons les choses.

Le stoïcisme prône la vertu comme perfection

La morale stoïcienne découle donc de cette idée que tout est nécessaire. Car si tout est nécessaire alors ce qui importe ça n’est donc plus le chemin que nous parcourons mais la manière dont nous le parcourons. Or, nous pouvons le parcourir en étant malheureux et soumis aux événements ou bien en cherchant constamment à bien faire ce qui dépend de nous, tout en acceptant ce qui ne peut être changé.

Pour le stoïcisme, la valeur d’une action ne vient pas de son résultat car ce résultat ne dépend pas seulement de nous, mais de l’attitude de celui qui agit. Si nous faisons quelque chose en visant le bien et en y mettant toutes nos forces, alors même si nous échouons, nous pouvons dire que nous avons bien agi. D’ailleurs, nous pourrons être satisfait d’avoir bien agi et cela peut nous permettre d’atteindre le bonheur.

Le bonheur ne vient pas de l’argent, du statut social ou du plaisir, mais de la vertu

Le bonheur vient-il de l’argent ou du statut social ?

Les stoïciens remarquent que si les richesses peuvent être utiles, elles ne garantissent pas pour autant le bonheur. Il est possible d’être très riche mais constamment anxieux à cause même de cet argent. Le statut social peut nous aider à être heureux, mais il peut aussi nous attirer des jalousies, de la convoitise. La santé semble un bien nécessaire au bonheur, et pourtant, elle n’est pas suffisante et des humains en très bonne santé sont malheureux, alors que d’autres en mauvaise santé sont heureux. Qu’en déduisent les stoïciens ? La seule chose qui nous rendra toujours heureux c’est la satisfaction que nous ressentons quand nous avons conscience d’avoir bien agi, d’avoir agi en visant le bien, avec une certaine perfection. Ce que les stoïciens nomment la vertu.

Stoïcisme : comment alors atteindre et rester dans l’excellence ?

Pour les stoïciens, nous ne pouvons agir parfaitement en visant le bien qu’en n’étant pas constamment soumis aux événements plus ou moins difficiles ou aux actions des autres. Le sage n’est plus sage quand il se met en colère parce qu’il a été insulté. En faisant, cela il risque d’agir mal et dans le même temps, il n’est plus libre car il se laisse déterminer par celui qui l’a insulté. De même, il n’est plus heureux car la colère et le ressentiment ne sont pas des sentiments agréables. On peut même penser qu’il s’en voudra de s’être laissé emporté.

Pour le stoïcisme, le sage est donc celui qui fortifie son esprit afin de devenir semblable à une citadelle imprenable, ou encore à un roc battu par la tempête, mais qui reste tout à fait immobile et calme. Le sage est impassible, il ne se laisse pas atteindre par ce qui arrive autour de lui et continue à agir en visant le bien.

Mais comment atteindre ce calme ? Epictète dit ainsi « ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, ce sont les jugements qu’ils portent sur les choses ». Il veut dire par là que ce ne sont pas tellement les événements ou ce qui nous arrive qui nous mettent en colère ou nous rendent triste, mais la manière dont nous percevons ces événements.

Il faut contrôler ses représentations pour le stoïcisme.

Il faut donc travailler sur les représentations que nous avons des choses jusqu’à ce qu’elles ne provoquent plus en nous de réactions émotionnelles excessives. Une des manières de procéder pour les stoïciens consiste à définir clairement la chose qui provoque en nous colère, peur, etc… Si nous réagissons excessivement, si nous sommes inquiets c’est parce que nous ne connaissons pas réellement cette chose qui nous fait peur et nous laissons abuser par les apparences. Cela nous semble dangereux donc nous avons peur. Ainsi, pour les stoïcien, celui qui ne réfléchit pas et entend l’orage, va dire « ce son est effrayant », et il en déduira rapidement et sans réfléchir « ce son est signe de danger ». Or, au contraire, le sage stoïcien ne se laisse pas contrôler par sa première représentation. Il a cherché à comprendre la nature des choses et donc il sait que le tonnerre est simplement un frottement de deux nuages. Il sait également dans quelles situations l’orage peut être dangereux et quand il n’a rien à craindre. Il évitera simplement de se tenir sous un arbre isolé pendant l’orage.

De même, pour le stoïcisme, la mort n’est pas à craindre, il s’agit simplement d’un désassemblage d’éléments. L’homme est un composé de chair, de souffle et d’une faculté de jugement. La mort n’est ni un bien, ni un mal, elle fait partie du cycle de la vie. Marc Aurèle conseille donc pour ne pas avoir peur de la mort de revenir à sa définition la plus stricte. La mort est une transformation, un phénomène strictement naturel qui n’est pas mauvaise et est même nécessaire pour que de nouveaux assemblages de parties puissent se faire. Pour lui, la peur de la mort naît parce que l’on imagine une disparition totale de notre être, mais ça n’est pas ce qui se produit, la mort n’est qu’un réassemblage d’éléments dans un ordre différent.

Distinguer ce qui dépend de nous et ce qui n’en dépend pas.

Une autre manière de rester calme et donc libre et heureux pour le stoïcisme, consiste à bien faire la différence entre ce qui dépend de nous et ce qui n’en dépend pas. Pourquoi est-ce important ? Parce que si nous pensons avoir le contrôle sur ce qui, en réalité, ne dépend pas de nous alors nous allons nécessairement échouer et donc nous sentir impuissants et malheureux. Par exemple, celui qui veut absolument que l’on dise du bien de lui sera malheureux car ce que les autres disent ne dépend pas de lui. De même, celui qui voudrait ne pas vieillir, échouera nécessairement, car ici encore cela ne dépend pas de lui. Pour les stoïciens, il faut donc focaliser nos actions sur ce qui dépend de nous. Alors seulement, nos actions pourront avoir des résultats positifs et nous pourrons être satisfaits de ce que nous avons accompli. Parmi ces choses qui dépendent de nous, il y a évidemment nos pensées et nos représentations. C’est en maîtrisant nos pensées que nous pouvons rester impassible et donc rester libre et heureux.

Pour davantage de contenu sur le bonheur, vous pouvez consulter cette page.

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Episode 12 : Sénèque : Peut-on maîtriser le temps ?

dans cet épisode nous allons expliquer la citation de Sénèque extraite de de la briéveté de la vie.

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Bonjour, bienvenue dans ce nouveau podcast d’Apprendre la philosophie, dans cet épisode je vais expliquer la citation de Sénèque extraite de De la brièveté de la vie. « Nous n’avons point reçu une vie brève, nous l’avons faite telle ». Cette thèse de Sénèque pourrait notamment être intéressante sur un sujet comme « Peut-on maîtriser le temps ? »

Sénèque est un philosophe latin né en -4 av. J-C et mort en 65 ap. J-C. Il appartient à l’école stoïcienne fondée par Zénon de Citium. Il a écrit notamment Des Bienfaits, De la brièveté de la vie, De la clémence, Lettres à Lucilius, De la tranquillité de l’âme et De la vie heureuse. De la Brièveté de la vie date de 49 ap. J-C environ. Sénèque écrit alors au préfet Paulinus. Il s’agit d’une oeuvre sur la manière de se réapproprier le temps qui semble nous échapper et sur le sens que l’on donne à sa vie.

Le titre peut laisser penser que Sénèque énonce une évidence : la vie est brève. Mais c’est précisément le contraire que va défendre Sénèque. « Nous n’avons point reçu une vie brève, nous l’avons faite telle » dit-il. Pour lui, notre vie est brève ou non en fonction de la manière dont nous vivons. Soit nous arrivons à maitriser le temps que nous avons et alors ce temps est suffisant, soit nous ne le maitrisons pas et alors notre vie nous semble effectivement brève. L’enjeu est donc de savoir ce que nous faisons de notre temps. Sénèque critique notamment la manière de vivre des « gens occupés » qui dilapident leur temps et s’activent sans cesse sans réelle raison, tout en ignorant que leur temps est compté. Pour ces personnes là, la vie est effectivement brève, mais c’est parce qu’ils perdent beaucoup de leur temps. Sénèque considère que ça n’est pas parce qu’on est sans cesse occupé ou que l’on agit beaucoup que l’on utilise bien son temps. On peut très bien s’agiter beaucoup et pourtant perdre son temps car on ne fait rien qui a du sens pour nous.

Deux erreurs humaines selon Sénèque

Sénèque, dans De la Brièveté de la vie, commence par regretter deux erreurs humaines très courantes. D’abord les hommes ont tendance à considérer que la nature leur donne une vie trop courte. Pour Sénèque c’est une folie de se plaindre d’avoir reçu trop peu de temps et d’accabler l’injuste nature car ce temps que la nature nous donne ne dépend pas de nous. Il est donc vain de vouloir changer cela et de s’en plaindre. Pour les stoïciens, il est inutile de vouloir que les choses arrivent comme nous le désirons, dans les domaines où cela ne dépend pas de nous, il faut vouloir ce qui arrive.

Sénèque relève ensuite une deuxième erreur. Les hommes se plaignent d’avoir reçu une vie courte mais, en réalité, ils vivent comme s’ils étaient immortels, c’est-à-dire qu’ils dilapident leur temps comme s’il n’était pas précieux. Il va alors énumérer les façons diverses dont les hommes peuvent perdre leur temps, cela va de celui qui perd son temps en s’abrutissant par l’alcool ou la nourriture, à celui qui uniquement soucieux du regard des autres cherche à réussir à leurs yeux à tous prix sans réaliser quoi que ce soit de vraiment important pour lui-même. Perdre son temps pour Sénèque, cela peut donc être par exemple, s’inquiéter constamment de sa beauté ou de celle des autres, chose qui de toute façon ne dure pas, ou encore éparpiller ses actions dans différents projets sans jamais se fixer sur un et l’amener à terme.

Vivre et non simplement exister

Comment alors bien vivre ? Pour Sénèque mener une vie véritable consiste à entreprendre des actions qui ne sont pas gratuites et irréfléchies, mais au contraire réfléchies et conscientes. Des actions que nous avons donc réellement choisies et qui sont maîtrisées au sens où nous savons pourquoi nous les faisons et elles sont importantes pour nous. C’est ainsi que l’homme peut réellement vivre au lieu de simplement « passer du temps ».

La métaphore du bateau qui se laisse emporter est ici éclairante. Si ce bateau sans direction se laisse emporter et tourne sans cesse en rond, pourra-t-on dire qu’il a beaucoup navigué ? On pourrait dire qu’il a navigué longtemps, mais pas beaucoup navigué car il n’est arrivé nul part.

De même, pour Sénèque, un individu qui n’a pas de projet précis, vagabonde sans cesse ou perd son temps, devient peut-être une personne âgé, mais, pour autant, on ne peut pas dire qu’il a beaucoup vécu. Seul celui qui utilise son temps intelligemment a beaucoup vécu.

Par ailleurs, cette métaphore illustre bien aussi le côté néfaste des passions qui nous détournent de nos projets réfléchis : plus il y a eu de vent ( le vent est alors symbole des passions qui peuvent nous emporter), moins le bateau a pu accomplir sa fonction, sa mission. Il importe donc de retenir la distinction de cet ouvrage entre vivre et passer du temps. « Rien n’est moins le fait d’un homme occupé que de vivre » dit Sénèque car si ce à quoi il s’occupe, il ne l’a pas réellement choisi de manière éclairé alors en réalité il s’agite et perd son temps.

Voilà pour cet épisode j’espère qu’il vous aura aidé à comprendre un peu la pensée de Sénèque sur le temps, si vous voulez davantage de contenu sur le thème du temps, je vous invite à vous rendre sur la page Cours de Philosophie.

Très bonne journée à vous

Sénèque citations sur l’existence

Sénèque citations sur l’existence

« Il n’est pas vrai que nous ayons peu de temps, mais nous en avons déjà beaucoup perdu. La vie est assez longue, et elle serait bien suffisante pour l’accomplissement de nos principales fonctions, si, dans son ensemble, elle était organisée comme il faut. » De la Brièveté de la vie

De la Brièveté de la vie :

« Nous n’avons pas reçu une vie brève, nous l’avons faite telle ». De la Brièveté de la vie

Sénèque dans cette oeuvre prend le contre pied de l’opinion commune selon laquelle la vie des hommes serait courte. A ses yeux, elle n’est pas réellement courte et cela n’a de toute façon pas de sens de s’en plaindre. En revanche, les hommes rendent leur vie courte en usant mal de leur temps et en se laissant distraire par des occupations sans intérêts.

« Il n’est pas vrai que nous ayons peu de temps, mais nous en avons déjà beaucoup perdu. La vie est assez longue, et elle serait bien suffisante pour l’accomplissement de nos principales fonctions, si, dans son ensemble, elle était organisée comme il faut. » De la Brièveté de la vie

Pour Sénèque, les hommes perdent leur temps trop souvent soit en passant leur temps en boisson, nourriture, excès de toutes sortes, soit en s’inquiétant trop du regard des autres, de leur réputation, soit en papillonnant d’une idée à l’autre sans se fixer sur une seule. Il y a finalement à ses yeux de très nombreuses façons de perdre son temps et il n’y a qu’en réfléchissant précisément à ce que nous voulons réaliser et en ayant conscience que notre temps n’est pas illimité que nous pouvons faire que notre vie soit longue parce que bien employé.

« On ne trouve personne qui veuille partager son argent ; entre combien de gens partage-t-on sa vie ! On est parcimonieux s’il s’agit de garder intact son patrimoine ; mais quand il s’agit de perdre son temps, on est prodigue dans le seul domaine où l’avarice serait honorable. » De la Brièveté de la vie

Sénèque remarque très souvent que les hommes ont tendance à ne pas avoir conscience du caractère précieux du temps. Le temps est la seule chose qu’on ne peut rendre, nous devrions avoir beaucoup plus conscience de sa valeur et moins le gaspiller selon lui.

« Remémore-toi combien de fois tu as été ferme dans tes desseins, combien de journées se sont passées comme tu l’avais décidé, quand tu as disposé de toi-même, quand tu as eu le visage sans passion et l’âme sans crainte, ce qui a été ton oeuvre dans une existence si longue, combien de gens se sont arraché ta vie, sans que tu t’aperçoives de ce que tu perdais, combien de ta vie t’ont dérobé une douleur futile, une joie sotte, un désir avide, un entretien flatteur, combien peu t’est resté de ce qui est tien : et tu comprendras que tu meurs prématurément. »De la Brièveté de la vie

Je vous en dis plus sur De la Brièveté de la vie de Sénèque dans cet article.

Sénèque citations extraites des Lettres à Lucilius :

« Réfléchis bien, demande Sénèque, et tu verras que la majeure partie de l’existence se passe à mal faire, une grande part à ne rien faire, et la totalité à faire tout autre chose que ce qu’il faudrait. » Lettres à Lucilius I

« La fréquentation du monde et de la foule est à bannir ». Lettre 7

« Le dieu nous accorde un lendemain, soyons heureux de le recevoir. On jouit pleinement et avec sécurité de soi-même lorsqu’on attend le lendemain sans inquiétude. Qui, le soir, dit : « J’ai vécu », peut dire le matin : « Je gagne une journée. » Lettre 12

Ici encore, Sénèque considère qu’une manière d’être serein consiste à bien user de son temps de telle manière que l’on puisse dire après chaque journée que nous sommes satisfaits de cette journée. Il considère que les hommes ont trop tendance à voir la mort comme quelque chose de lointain quand ils sont jeunes, mais la mort peut advenir à tout âge.

« Disposons donc chacune de nos journées comme si elle fermait la marche, comme si elle achevait et complétait notre vie ». Lettre 12

« Ce n’est pas de vivre qui est désirable, c’est de vivre bien. Aussi le sage vit autant qu’il le doit, non autant qu’il le peut ». Lettre 70

Sénèque consacre une lettre à la question du suicide. Lui qui nous incite à bien vivre en ne perdant pas notre temps et en le consacrant à projets réfléchis et notamment à la philosophie, il n’est pas question de vivre pour lui en ayant perdu la possibilité de bien vivre. Mieux vaut mettre un terme à cette vie.

« Bien mourir, c’est nous soustraire au danger de mal vivre. » Lettre 70

« Pour un seul moyen d’entrer dans la vie, il y en a mille d’en sortir. […] Le grand motif pour ne pas nous plaindre de la vie, c’est qu’elle ne retient personne. » Lettre 70

« Qui ne sait pas vers quel port il doit tendre n’a pas de vent qui lui soit bon ». Lettre 71

Sénèque pointe ici l’importance de savoir ce que l’on veut faire de nos journées et de notre vie, car celui qui ne sait pas où il veut aller, et ce qu’il veut faire sera toujours conduit par les circonstances et les autres. Ce faisant, il ne peut bien vivre c’est pourquoi le vent ne peut jamais lui être bon s’il n’a pas déterminé rationnellement ce à quoi il veut consacrer sa vie.

« Ceux qui convoitent ou méprisent les choses selon qu’elles s’achètent plus ou moins cher, dédaignent la lumière qui ne coûte rien ». Lettre 122

De la colère :

Sénèque citations sur la colère.

« Qui ne ressent pas la colère demeure inébranlable à l’injure.» Sénèque ; De la colère, III

Sénèque en bon stoïcien, voit la colère comme une passion qui nous affecte et nous fait perdre le contrôle. Il faut donc s’en défaire. Se mettre en colère c’est réagir à l’injure ou à l’action d’un autre et le laisser prendre le contrôle de notre esprit et de notre état émotionnel. En ce sens, se mettre en colère c’est perdre le contrôle de soi-même et donc perdre sa liberté. Les autres n’ont pas de prises sur nous si leurs injures ne peuvent nous mettre en colère.

« L’injure est moins dans la manière dont elle est faite que dans celle dont elle est reçue.» Sénèque ; De la colère, III

« Celui qui s’enquiert de tout ce qui s’est dit sur son compte, et qui va exhumant les propos les plus secrets de l’envie, trouble lui-même son repos.» Sénèque ; De la colère, III, 5

« La colère abîme tout, il n’est guère de gens a qui elle n’ait coûté cher.» Sénèque ; De la colère, III, 5

Sénèque : De la brièveté de la vie

Il s'agit d'une oeuvre de Sénèque sur la manière de se réapproprier le temps qui semble nous échapper et sur le sens que l'on donne à sa vie.

Sénèque est un philosophe latin né en -4 av. J-C et mort en 65 ap. J-C. Il appartient à l’école stoïcienne fondée par Zénon de Citium. Il a écrit notamment Des Bienfaits, De la brièveté de la vie, De la clémence, Lettres à Lucilius, De la tranquillité de l’âme et De la vie heureuse.

De la Brièveté de la vie date de 49 ap. J-C environ. Sénèque écrit alors au préfet Paulinus. Il s’agit d’une oeuvre sur la manière de se réapproprier le temps qui semble nous échapper et sur le sens que l’on donne à sa vie.

Le titre peut laisser penser que Sénèque énonce une évidence : la vie est brève. Mais c’est précisément le contraire que va défendre Sénèque. « Nous n’avons point reçu une vie brève, nous l’avons faite telle » dit-il. Pour lui, notre vie est brève ou non en fonction de la manière dont nous vivons. Soit nous arrivons à maitriser le temps que nous avons et alors ce temps est suffisant, soit nous ne le maitrisons pas et alors notre vie nous semble effectivement brève. L’enjeu est donc de savoir ce que nous faisons de notre temps. Sénèque critique notamment la manière de vivre des « gens occupés » qui dilapident leur temps et s’activent sans cesse sans réelle raison, tout en ignorant que leur temps est compté. Pour ces personnes là, la vie est effectivement brève, mais c’est parce qu’ils perdent beaucoup de leur temps.

Deux erreurs humaines

Sénèque commence par regretter deux erreurs humaines très courantes. D’abord les hommes ont tendance à considérer que la nature leur donne une vie trop courte. Pour Sénèque c’est une folie de se plaindre d’avoir reçu trop peu de temps et d’accabler l’injuste nature car ce temps que la nature nous donne ne dépend pas de nous. Il est donc vain de vouloir changer cela et de s’en plaindre. Pour les stoïciens, il est inutile de vouloir que les choses arrivent comme nous le désirons, dans les domaines où cela ne dépend pas de nous, il faut vouloir ce qui arrive.

Sénèque relève ensuite une deuxième erreur. Les hommes se plaignent d’avoir reçu une vie courte mais, en réalité, ils vivent comme s’ils étaient immortels, c’est-à-dire qu’ils dilapident leur temps comme s’il n’était pas précieux. Il va alors énumérer les façons diverses dont les hommes peuvent perdre leur temps, cela va de celui qui perd son temps en s’abrutissant par l’alcool ou la nourriture, à celui qui uniquement soucieux du regard des autres cherche à réussir à leurs yeux à tous prix sans réaliser quoi que ce soit de vraiment important pour lui-même. Perdre son temps pour Sénèque, cela peut donc être par exemple, s’inquiéter constamment de sa beauté ou de celle des autres, chose qui de toute façon ne dure pas, ou encore éparpiller ses actions dans différents projets sans jamais se fixer sur un et l’amener à terme.

Vivre et non simplement exister

Comment alors bien vivre ? Pour Sénèque mener une vie véritable consiste à entreprendre des actions qui ne sont pas gratuites et irréfléchies, mais au contraire réfléchies et conscientes. Des actions que nous avons donc réellement choisies et qui sont maîtrisées. C’est ainsi que l’homme peut réellement vivre au lieu de simplement « passer du temps ». La métaphore du bateau qui se laisse emporter est ici éclairante. Si ce bateau sans direction se laisse emporter et tourne sans cesse en rond, pourra-t-on dire qu’il a beaucoup navigué ? On pourrait dire qu’il a navigué longtemps, mais pas beaucoup navigué car il n’est arrivé nul part.

De même, pour Sénèque, un individu qui n’a pas de projet précis, vagabonde sans cesse ou perd son temps est peut-être âgé, mais, pour autant, on ne peut pas dire qu’il a beaucoup vécu. Seul celui qui utilise son temps intelligemment a beaucoup vécu.

Par ailleurs, cette métaphore illustre bien aussi le côté néfaste des passions qui nous détournent de nos projets réfléchis : plus il y a eu de vent, moins le bateau a pu accomplir sa fonction, sa mission. Il importe donc de retenir la distinction de cet ouvrage entre vie et existence, entre vivre et passer du temps. « Rien n’est moins le fait d’un homme occupé que de vivre » car si ce à quoi il s’occupe, il ne l’a pas réellement choisi de manière éclairé alors en réalité il s’agite et perd son temps.

Autre philosophe stoïcien très célèbre : Epictète dont vous pouvez trouver une idée maîtresse ici.