Dans cette vidéo, je vous explique les principales erreurs à éviter pour réussir votre dissertation de philosophie. Retrouvez d’autres vidéos de méthode sur la page Vidéos ou sur la chaine Youtube Apprendre la philosophie.

Découvrir la philosophie pas à pas
Dans cette vidéo, je vous explique les principales erreurs à éviter pour réussir votre dissertation de philosophie. Retrouvez d’autres vidéos de méthode sur la page Vidéos ou sur la chaine Youtube Apprendre la philosophie.
Podcast: Play in new window | Download
Cliquez ici pour l’écouter sur Spotify ou sur Itunes.
Bonjour, bienvenue dans cette vidéo dans laquelle nous allons voir les 8 erreurs que vous devez éviter pour réussir votre dissertation de philosophie.
Je vais commencer par les erreurs que vous devez absolument éviter car elles risquent de vous conduire au hors sujet jusqu’aux erreurs moins dommageables mais qu’il faut chercher à éviter néanmoins.
Première erreur très courante et pourtant très dommageable :
La problématique est vraiment l’élément essentiel de votre introduction de dissertation. Il faut toujours avoir en tête que la démarche philosophique consiste à remettre en question les opinions communes. Cela signifie que dans votre introduction, vous devez montrer que si la réponse au sujet peut sembler évidente, ça n’est en réalité pas si simple. En d’autres termes, vous devez montrer le problème du sujet c’est-à-dire que ce sujet fait débat et que des réponses opposées peuvent être défendu sur cette question.
Bien formuler la problématique est également très important dans votre dissertation de philosophie car cela vous permet d’éviter le hors sujet. En effet, si vous avez compris quelles grandes réponses peuvent s’opposer sur ce sujet, vous avez déjà une idée de votre plan et vos parties seront sans doute dans le sujet.
Sur la formulation de la problématique dans l’introduction de dissertation, je vous conseille de regarder cette vidéo.
Effectivement, il n’est pas rare que le sujet que l’on vous donne comporte un présupposé. Qu’est-ce qu’un présupposé ? Un présupposé est une thèse ou affirmation que l’on vous demande d’admettre avant de traiter le sujet et qui ne sera donc pas l’objet de la réflexion.
Par exemple, le sujet : « Un homme libre est-il nécessairement heureux ? » comporte un magnifique présupposé.
D’après vous, quelle est la thèse qui est admise dans ce sujet et qui ne doit pas être discutée ici, même si par ailleurs c’est un problème philosophique que l’on peut poser ?
« L’homme peut être libre », en effet, le sujet « un homme libre » suppose que l’homme peut être libre, ce qui n’est pas du tout évident. Néanmoins, si dans ce sujet, vous commencez à dire que l’homme n’est pas libre, vous ne répondez plus au sujet, car « l’homme n’est pas libre » n’est pas une réponse au sujet « un homme libre est-il nécessairement heureux ? ».
On vous demande donc d’admettre l’hypothèse que l’homme peut être libre pour vous concentrer sur le problème de savoir si cette liberté rendra toujours l’homme heureux.
3e erreur très courante et qui cause bien des hors sujets.
Il faut que vous gardiez en tête que votre devoir doit être une argumentation, vous devez défendre d’abord une certaine réponse au sujet dans la première partie puis une autre réponse au sujet en deuxième partie. Dans tous les cas, chacune de vos parties doit répondre au sujet dans son intégralité.
Qu’est-ce que cela signifie ? Reprenons l’exemple du sujet : « un homme libre est-il nécessairement heureux ? »
Si vous vous dites en analysant le sujet, bon il est question de la liberté et du bonheur donc I) la liberté II) le bonheur III) le liberté et le bonheur.
Alors votre première et votre deuxième partie sont hors sujet car vous ne répondez pas directement au sujet. Définir ce qu’est la liberté et vous demandez si l’homme est libre ne répond pas à la question : « un homme libre est-il nécessairement heureux ? » Assurez-vous donc toujours que vous répondez au sujet dans son intégralité.
Définir les termes du sujet est ce que vous devez faire au tout début lorsque vous analysez le sujet au brouillon. C’est une étape très importante car vous devez bien comprendre de quoi il est question dans le sujet pour espérer montrer le problème et ensuite faire un plan cohérent. Par exemple, si le sujet porte sur le devoir est que vous n’avez pas idée de ce que ce terme peut signifier, en dehors d’une disserte à rendre pour demain, c’est mal parti. Il est donc essentiel que vous connaissiez au moins les définitions classiques des grandes notions du programme. Par ailleurs, si pendant votre dissertation vous parlez du devoir en général sans préciser si vous pensez au devoir moral ou encore au devoir civique, il est probable que votre argumentation va rester plutôt vague et imprécise ce qui est à éviter dans une dissertation de philosophie.
Cette erreur peut sembler anodine, mais il n’en est rien, elle peut même être fatale ! Pourquoi ? Le relativisme est une thèse que l’on peut défendre en philosophie. On parlera par exemple de relativisme moral ou encore de relativisme esthétique. Cela signifie que vous défendez que sur telle ou telle question, par exemple, sur la valeur d’une oeuvre d’art, il est impossible d’arriver à un jugement objectif et que donc cela dépend du point de vue ou de la sensibilité de chacun. Sur certains sujets, cela peut être une réponse intéressante. Néanmoins attention, il faut en faire un usage très modéré car si vous défendez sur tout et à tout propos que « cela dépend des points de vue », cela signifie qu’il n’est plus possible d’argumenter sur quelque sujet que ce soit. En d’autres termes, dire « cela dépend des points de vue » est souvent une façon de refuser le débat. Si je simplifie : Etre constamment relativiste dans votre copie revient à dire au correcteur, cette question n’a pas lieu d’être discutée ou ce sujet est sans intérêt et je ne vois pas pourquoi on en parle puisque cela dépend des points de vue. Cela revient presque à dire que la philosophie ne sert à rien, puisque tout est relatif ! Indépendamment du fait que cette affirmation est très contestable, je crois que vous commencez à voir le problème. Autant vous dire que le prof de philo n’aime pas particulièrement que l’on nie l’utilité de la philosophie. Essayez donc plutôt de montrer en quoi ce sujet est particulièrement intéressant et pose un réel problème.
Si vous faites référence à un philosophe c’est pour développer sa thèse et vous appuyez sur ses arguments. Si vous ne faites que le nommer sans prendre la peine de développer sa pensée, ça ne sert à rien car alors ce que vous dites de l’auteur ne vous permet pas de justifier réellement votre réponse au sujet. Sur ce point, vous pouvez regarder ma vidéo sur comment formuler un bon argument. J’y explique notamment ce qu’est un argument d’autorité et à quelles conditions il peut être intéressant en philosophie.
Ou encore une phrase très vague et générale du même genre qui a toutes les chances d’être une banalité ou une idée reçue. Il ne s’agit pas, vous le comprenez, d’une erreur aussi dommageable que d’oublier de faire une problématique dans votre introduction. Néanmoins, il est dommage de commencer votre dissertation par une banalité, cela fait plutôt mauvais effet et dispose mal votre correcteur pour la suite. Je vous suggère donc de plutôt faire une accroche en prenant un exemple ou en citant un auteur. Sur cette question, vous pouvez regarder ma vidéo sur l’accroche où j’explique tout cela en détails.
Le problème n’est pas de se référer à un philosophe dans votre copie et au contraire il vaut quand même mieux qu’il y ait des philosophes dans votre dissertation de philosophie. Mais votre devoir doit néanmoins rester votre argumentation. Il faut donc éviter de juxtaposer simplement des références dans votre copie et il faut vous approprier les auteurs. Cela signifie par exemple que vous pouvez formuler un argument avec vos propres termes pour ensuite seulement faire référence à un auteur qui développe cet argument et apporte son propre vocabulaire pour justifier sa thèse. Par ailleurs, vous pouvez également développer des arguments sans référence philosophique. Il vaut bien mieux formuler un argument précis sans référence philosophique que de réciter la doctrine d’un auteur sans montrer comment il peut répondre au sujet.
Voilà pour cette vidéo j’espère qu’elle vous aidera à réussir votre dissertation de philosophie, si vous voulez davantage de conseils je vous invite à aller lire mes articles qui traitent de la méthode de la dissertation sur mon blog apprendre la philosophie et si la vidéo vous a aidé, n’oubliez pas de vous abonner à la chaine pour être informé des prochaines.
Alexis de Tocqueville est un philosophe très connu pour avoir mis en garde sur les risques que la démocratie ne devienne finalement une nouvelle forme de despotisme. Il s’inquiète notamment que les citoyens ne se désintéressent de la vie commune et en viennent à se refermer sur leur cercle privé sans prendre le temps de s’assurer que les politiques prennent des décisions dans le but de servir le bien commun. Il y revient plus précisément dans cette citation de Tocqueville que je vous ai déjà présenté où il parle du despotisme doux. Il reproche également aux citoyens des démocratie leur tendance à l’individualisme.
Dans la citation de Tocqueville ci-dessus, il insiste sur un autre aspect qui n’est pas moins important. Pour que le peuple continue de s’intéresser au bien commun, pour qu’il continue de participer aux votes, il faut qu’il ait le sentiment qu’il a encore effectivement le pouvoir. En d’autres termes, si quelque soit la manière dont le peuple vote, les décisions politiques de ses représentants restent toujours les mêmes. Si quelque soit son vote, sa situation ne change pas et ne s’améliore pas, alors c’est que sans doute il n’y a plus là que de « vains semblants de la liberté » selon Tocqueville.
Ainsi, selon Tocqueville, la crise de la démocratie ne vient pas réellement des citoyens qui se désintéressent du politique, mais leur désintérêt n’est que la conséquence du fait qu’on leur a, en réalité, confisqué le pouvoir. Ce qui peut être le cas, par exemple, si les représentants du peuple ne le représentent plus, mais ne servent plus que leurs propres intérêts. Alors les citoyens n’étant pas des sots, ils cessent de voter. Mais le pouvoir politique, lui, cherche à maintenir l’illusion de la liberté en continuant à leur proposer de voter.
« Le peuple, qui ne se laisse pas prendre aussi aisément qu’on se l’imagine aux vains semblants de la liberté, cesse alors partout de s’intéresser aux aires de la commune et vit dans l’intérieur de ses propres murs comme un étranger. Inutilement ses magistrats essayent de temps en temps de réveiller en lui ce patriotisme municipal qui a fait tant de merveilles dans le Moyen Âge: il reste sourd. Les plus grands intérêts de la ville ne semblent plus le toucher. On voudrait qu’il allât voter, là où on a cru devoir conserver la vaine image d’une élection libre : il s’entête à s’abstenir. Rien de plus commun qu’un pareil spectacle dans l’histoire. Presque tous les princes qui ont détruit la liberté ont tenté d’abord d’en maintenir les formes. »
Bonjour, bienvenue dans cette vidéo dans laquelle nous allons voir comment bien formuler un argument dans votre dissertation de philosophie.
En effet, Une dissertation de philosophie est d’abord une argumentation. Il va donc être essentiel de savoir bien argumenter pour la réussir. Or, c’est aussi ce qui pose souvent problème aux élèves. Vous pouvez avoir tendance à confondre argument et exemple ou encore à énoncer des idées sans réellement les justifier c’est-à-dire donner des arguments pour les soutenir.
Je vais d’abord rappeler la distinction essentielle entre un exemple et un argument puis je vous présenterai différents types d’arguments qui peuvent être utiles dans une dissertation.
Une erreur courante que l’on fait en philosophie consiste à confondre argument et exemple. Un argument est toujours général, il va justifier une thèse de manière générale alors qu’un exemple est un cas particulier. Par exemple, si vous aviez un sujet tel que « Les révolutions sont-elles toujours un facteur de libertés ? », une mauvaise façon d’argumenter serait de dire « les révolutions sont bien un facteur de liberté car la révolution française a finalement apporté davantage de libertés aux français ». Vous voyez ici que la déduction est invalide car ça n’est pas parce qu’une révolution singulière a apporté des libertés que l’on peut en déduire que les révolutions en général sont facteurs de libertés. Pour que la réponse au sujet soit véritablement justifiée il faut que l’argument soit également général. Par exemple, vous pourriez utiliser un argument définition et défendre que dans la mesure où les révolutions sont des ruptures souvent brutales avec l’ordre politique établi (définition), alors elles produisent par nature de l’instabilité, du désordre, ce qui rend les conséquences d’une révolution très incertaine. Or, si les conséquences sont incertaines, il n’est pas possible d’affirmer que les révolutions sont toujours facteur de libertés.
Ceci étant dit, les exemples sont très utiles et pertinents quand ils viennent par exemple après un argument général pour l’illustrer.
Un argument est donc une justification rationnelle et générale de la thèse que vous allez défendre. Utiliser un argument n’est d’ailleurs pas réservé à la dissertation de philosophie, vous utilisez également des arguments dans votre vie quotidienne, dès lors que vous cherchez à convaincre quelqu’un.
Dans votre dissertation de philosophie, vous allez utiliser des arguments pour justifier les différentes réponses au sujet. Comme vous faites un plan dialectique en trois parties, il vous faudra à chaque fois au moins deux arguments par partie soit au minimum 6 arguments dans votre copie. Ce sont les arguments qui vont soutenir votre thèse dans chaque partie et il faut qu’il y ait au moins un argument par sous partie.
Mais comment trouver et formuler de bons arguments ? Je vais vous donner plusieurs façons possibles d’argumenter en philosophie.
Il s’agit d’utiliser une définition pour en déduire logiquement une thèse ou une réponse au sujet. C’est un type d’argument que vous pouvez commencer à utiliser lors de la formulation de la problématique, je vous conseille d’ailleurs de regarder ma vidéo sur comment bien commencer sa dissertation si vous ne l’avez pas vu.
L’argument définition consiste alors à justifier une réponse au sujet en utilisant la définition ou un aspect de la définition d’un des termes du sujet. Par exemple, si vous avez le sujet « un homme libre est-il nécessairement heureux ? », vous pouvez partir de la définition de liberté comme libre arbitre et en déduire qu’un individu qui a le choix peut sans doute être plus heureux qu’un individu qui n’a pas le choix car il sera alors libre de choisir de faire plutôt ce qui, selon lui, le rendra heureux.
Cela donnera donc : « Nous pouvons d’abord penser qu’un homme libre est nécessairement heureux car si par libre, on entend qu’il possède la capacité de choisir alors il peut sans doute utiliser cette capacité pour faire les meilleurs choix pour lui. Un homme libre sera donc heureux. »
Vous voyez qu’ici la réponse au sujet ou thèse que vous défendez est justifiée notamment par une certaine définition de la liberté comme libre arbitre.
Vous le remarquez peut-être, ici il s’agit d’un argument plutôt naïf qui ne va pas résister très longtemps car ça n’est pas parce qu’on a le choix que l’on fait toujours les bons choix. Néanmoins cela peut être un bon argument pour une première partie de dissertation et il est de toute façon possible de faire des arguments très convaincants en utilisant des définitions.
2 façon d’argumenter : Argumenter en utilisant l’argument de fait ou d’expérience
Cela consiste à justifier une thèse en vous appuyant sur une observation des faits. Par exemple, dans le sujet le « le bonheur est-il un idéal inaccessible ? », il est possible de défendre que le bonheur ne semble pas inaccessible puisque dans les faits on observe que bien des gens sont heureux. Pour autant, ce type d’argument est à privilégier en début de réflexion car il ne s’agit pas d’un argument très élaboré et il sera facile de lui trouver des limites. En effet, même si de nombreuses personnes se disent heureuses, on pourra par exemple se demander ce qu’elles entendent par heureuse et s’il s’agit réellement du bonheur.
C’est un des types d’argument les plus classiques, il consiste notamment à enchainer des propositions de manière la plus logique possible. Par exemple, si l’on prend à nouveau le sujet : « un homme libre est-il nécessairement heureux ? », il est possible d’argumenter en enchaînant logiquement des propositions. Par exemple on pourra défendre
qu’un homme libre n’est pas nécessairement heureux car même si cet homme a alors la capacité de faire des choix, cela ne signifie pas pour autant qu’il est omniscient ou qu’il sait tout, il va donc potentiellement se tromper et faire de mauvais choix même s’il souhaite faire ce qui est dans son intérêt.
Si j’écris ce raisonnement de manière logique cela pourrait donner :
– un homme libre a la capacité de faire des choix
– or être libre n’est pas équivalent à tout savoir
– donc un homme libre peut très bien se tromper et être malheureux.
Vous voyez qu’il s’agit dans cet argument de tirer une conclusion des propositions précédentes.
Un argument d’autorité consiste à s’appuyer sur l’expertise reconnue d’une personne dans un domaine pour défendre une thèse. Il est possible d’utiliser ce type d’argument en philosophie à condition de développer les arguments de l’expert. Il n’est pas suffisant de dire « cet expert dit cela donc c’est vrai ». Il faut quand même donner ses arguments. Dans votre dissertation vous allez y recourir quand vous développez la pensée d’un auteur.
Néanmoins, attention votre dissertation doit rester votre argumentation et pas simplement une juxtaposition d’arguments de différents auteurs, il est donc nécessaire d’introduire les auteurs dont vous allez parler. Je vous conseille de formuler, par exemple, l’argument avec vos propres termes d’abord puis de faire référence à l’auteur ensuite pour développer.
Voilà pour cette vidéo j’espère qu’elle vous aidera à réussir le développement de votre dissertation, si vous voulez davantage de conseils je vous invite à aller lire mes articles sur la page Méthode ici
Très bonne journée à vous
Peut-on considérer qu’il y a une égalité homme femme dans la famille ? Selon Pierre Bourdieu dans la Domination masculine, nous vivons dans des sociétés organisées sur le principe de la domination masculine, c’est-à-dire que la société est avant tout organisée par, autour et pour l’homme. Cette domination est dite symbolique dans la mesure où il ne s’agit pas d’un pouvoir qui s’exercerait physiquement sous forme de contrainte ou consciemment en requérant un consentement par exemple, mais inconsciemment à travers ce que Bourdieu nomme « l’incorporation de la domination ».
Selon Bourdieu, l’égalité homme femme n’est pas acquise. Les femmes sont dominées dans la société parce qu’elles sont éduquées d’une manière qui tend à les diminuer, elles font notamment l’apprentissage des « vertus » négatives d’abnégation, de résignation, de silence et de dispositions dites « féminines ». Elles intériorisent cette perception d’elles-mêmes et cela influence ensuite leurs pensées, leurs actions, leurs manières de se comporter et leurs habitudes. Si bien qu’elles adoptent « d’elles-mêmes » des positions subalternes dans leurs familles comme dans leurs vies professionnelles. Ainsi, une femme pourra avoir le sentiment d’avoir une vocation pour prendre soin des enfants ou pour les métiers ayant trait au soin des autres, alors qu’il ne s’agit pas réellement d’un choix, mais plutôt du résultat de l’intégration de la domination masculine.
Cette domination symbolique va ainsi avoir des effets importants au sein des familles dans la mesure où les épouses vont alors se trouver en situation d’infériorité vis-à-vis de leurs époux. Susan Moller Okin, dans Justice, Genre et Famille, montre notamment que les femmes parce qu’elles ont choisi de s’occuper de leurs familles à temps plein ou ont choisi un métier à faible revenu pour avoir plus de temps, dépendent de leurs conjoints et ne sont donc pas en position de force pour négocier un partage des tâches domestiques plus équitable ou vont hésiter à se séparer d’un conjoint quand bien même serait-il violent, car elles se trouveraient alors sans ressource.
Selon Susan Moller Okin, la famille structurée par le genre, c’est-à-dire composée d’un homme et d’une femme ayant des rôles traditionnellement distincts, est profondément injuste et il est erroné de considérer qu’il n’est pas nécessaire d’y faire régner la justice. L’égalité homme femme est ici inexistante. Cette conception d’une famille idéale cache en réalité, à ses yeux, les rapports de domination qui s’exercent au sein de la famille et empêche une véritable interrogation sur la manière dont on pourrait rendre la famille plus juste.
Moller Okin s’intéresse particulièrement à l’institution du mariage et montre qu’il est à l’origine le plus souvent d’une plus grande vulnérabilité des femmes. En effet, elle montre que les femmes envisagent d’emblée de par leur éducation qu’elles vont être dans le mariage le parent qui s’occupera principalement des enfants, elles font donc moins d’études ou s’orientent vers des métiers spécifiques aux horaires compatibles avec l’éducation d’enfants, ce qui les rend donc par la suite plus dépendantes de leurs conjoints et plus vulnérables car elles n’ont que peu ou pas de revenu. Moller Okin met alors en évidence le cercle vicieux dans lequel sont prises les femmes : au sein de la famille, elles ont le revenu le plus faible, c’est donc tout naturellement qu’elles mettent leur vie professionnelle de côté quand des enfants arrivent, renforçant ainsi le partage traditionnel des tâches qu’elles ne remettent même pas en question puisqu’il semble fait en bonne logique.
Les injustices dans la famille s’expliquent également par le fait que c’est aux femmes que revient traditionnellement le travail domestique non rémunéré, ce qui nuit à leur indépendance économique et à la reconnaissance de leur rôle social. Or, cette division du travail structurée par le genre dans la famille a des conséquences importantes sur les opportunités de vie des femmes. Selon Christine Delphy, dans L’Ennemi Principal, la famille est un lieu d’oppression pour les femmes dans la mesure où dans nos sociétés patriarcales où l’autorité est détenu par le père, le travail des femmes au sein de la famille est approprié sans contrepartie par les hommes qui en profitent et n’y participent pas. Les femmes sont exploitées, selon elle, car elles effectuent la majorité des tâches domestiques et familiales (ménage, cuisine, soins aux enfants etc) alors que ces tâches ne sont pas considérées comme un réel travail productif et donc pas rémunérées. Au contraire, le travail des femmes au sein de la famille est ignoré et méprisé alors qu’il est absolument essentiel et producteur de richesse.
Dominique Méda, dans Le temps des femmes,montre notamment que si la société a changé dans la mesure où les femmes travaillent beaucoup plus hors de la maison, cela n’a pas eu d’effets sur la division du travail. Une enquête appelée « Emploi du temps » montre ainsi qu’en France au début du XXIe siècle, 80% des tâches domestiques et des soins aux enfants reposent toujours sur les femmes. Ceci car il continue à aller de soi dans la société qu’un certain nombre de tâches incombent aux femmes naturellement, mais également parce que les réformes institutionnelles qui permettraient aux femmes de travailler tout en ayant des enfants n’ont pas été faites. Or, Méda montre que cela a des conséquences importantes sur la vie des femmes. Dans le cas des femmes au foyer, le travail domestique équivaut à un emploi non rémunéré, qui peut les occuper à toute heure, qu’elles ne peuvent pas abandonner, qui n’est absolument pas reconnu socialement et qui les rend dépendantes. Dans le cas des femmes qui travaillent et s’occupent de l’essentiel du travail domestique, cela a nécessairement des conséquences importantes sur leurs carrières professionnelles dans la mesure où elles ont « une double journée ».
Pour davantage de contenus sur la notion de justice, vous pouvez consulter cette page : Cours de philosophie
Descartes, philosophe français du 17e siècle, prend conscience qu’il possède finalement peu de connaissances absolument certaines et que beaucoup se révèlent fausses alors qu’il les pensait vraies. Il va donc entreprendre de trouver une certitude indubitable, dont il sera impossible de douter. Mais comment faire ? Pour être sûr de ne pas laisser passer une erreur, Descartes va se forcer à douter même de ce qui lui paraît évident. C’est ce que l’on appelle le doute méthodique chez Descartes. Il va douter méthodiquement de tout. Il va ainsi d’abord douter du monde extérieur car nos sens nous trompent parfois. Puis il va douter de son corps, car il nous arrive de croire que nous sommes en train de bouger alors même que nous sommes dans notre lit. C’est l’argument du rêve. Enfin, il va douter même des mathématiques, en faisant l’hypothèse qu’un malin génie pourrait nous tromper et nous pousser à faire des erreurs même pour les calculs les plus simples.
Descartes a donc réussi à douter du monde extérieur, de son corps, et même des mathématiques. Que reste-t-il alors ? De quoi ne peut-on absolument pas douter ? C’est alors que Descartes va constater : même si ce que je pense est faux, il y a une chose dont je ne peux douter c’est que je pense et si je pense, je suis. Ce que l’on appelle le cogito (je pense en latin) de Descartes est donc la première certitude indubitable à partir de laquelle il veut ensuite refonder toutes les sciences.
Texte de Descartes :
« J’avais dès longtemps remarqué que, pour les mœurs, il est besoin quelquefois de suivre des opinions qu’on sait être fort incertaines, tout de même que si elles étaient indubitables, ainsi qu’il a été dit ci-dessus, mais, pour ce [parce] qu’alors je désirais vaquer seulement à la recherche de la vérité, je pensai qu’il fallait que je fisse tout le contraire, et que je rejetasse, comme absolument faux, tout ce en quoi je pourrais imaginer le moindre doute, afin de voir s’il ne resterait point, après cela, quelque chose en ma créance, qui fût entièrement indubitable. Ainsi, à cause que nos sens nous trompent quelquefois, je voulus supposer qu’il n’y avait aucune chose qui fût telle qu’ils nous la font imaginer. Et pour ce qu’il y a des hommes qui se méprennent en raisonnant, même touchant les plus simples matières de géométrie, et y font des paralogismes, jugeant que j’étais sujet à faillir, autant qu’aucun autre, je rejetai comme fausses toutes les raisons que j’avais prises auparavant pour démonstrations. Et enfin, considérant que toutes les mêmes pensées, que nous avons étant éveillés, nous peuvent aussi venir quand nous dormons, sans qu’il y en ait aucune, pour lors, qui soit vraie, je me résolus de feindre que toutes les choses qui m’étaient jamais entrées en l’esprit n’étaient non plus vraies que les illusions de mes songes.
Mais, aussitôt après, je pris garde que, pendant que je voulais ainsi penser que tout était faux, il fallait nécessairement que moi, qui le pensais, fusse quelque chose. Et remarquant que cette vérité: je pense donc je suis, était si ferme et si assurée, que toutes les plus extravagantes suppositions des sceptiques n’étaient pas capables de l’ébranler, je jugeai que je pouvais la recevoir, sans scrupule, pour le premier principe de la philosophie que je cherchais.»
René Descartes (1596-1650), Discours de la méthode, IV
Retrouvez davantage de cours de philosophie sur cette page.
Podcast: Play in new window | Download
Cliquez ici pour l’écouter sur Spotify ou sur Itunes.
Bonjour, bienvenue dans ce nouveau podcast d’Apprendre la philosophie, dans cet épisode je vais envisager la réponse de Marx au sujet : « le travail rend-il heureux ?
Marx est un philosophe, historien et économiste allemand du 19e siècle particulièrement connu comme l’auteur du Manifeste du parti communiste qu’il rédige avec Friedrich Engels. Il est également l’auteur d’une oeuvre très riche dont une des pièces centrales est sans doute Le Capital.
Pour Marx le travail n’est pas une mauvaise chose en soi, il reconnait même que c’est quelque chose qui distingue les hommes des animaux. Un travail qui permet à l’humain de développer et d’utiliser ses facultés humaines comme sa raison, son imagination ou son libre arbitre est un travail qui améliore l’homme ou du moins qui lui permet d’être réellement humain.
Le problème vient du type de travail et des conditions de travail qui sont données aux êtres humains. Marx écrit au 19e siècle au moment de la révolution industrielle notamment et il critique le travail à l’usine ou à la chaîne car il s’agit d’un travail qui déshumanise l’homme.
Selon Marx, l’homme est mutilé par la division des tâches excessive c’est-à-dire s’il est amené à effectuer dans son travail un très petit nombre de tâches ou de mouvements de manière répétitive et mécanique. Or, cette spécialisation des tâches ne fait que s’accentuer avec la mécanisation. Nous sommes en effet passés de l’artisanat où un artisan réalise un objet du début à la fin, au modèle de l’usine où le travailleur ne fait plus qu’un ou deux éléments de l’objet final. Cette progression de la division des tâches culmine avec le travail à la chaîne où le travailleur effectue un seul geste répétitif entouré de machines qui amènent à lui l’objet. La tâche est de plus en plus simple, les gestes de plus en plus décomposés et mécaniques. L’homme est alors intégré à la machine et il perd ici son humanité.
C’est alors que Marx parle d’aliénation du travail car alors l’homme devient « autre ». Le terme aliénation est construit à partir du latin alienus qui signifie l’autre ou l’étranger. Alors être aliéné ou subir une aliénation c’est devenir étranger à soi-même. Pour Marx, dès lors que le travailleur ne peut plus développer et épanouir ses capacités proprement humaines telles que l’imagination, la raison, le libre arbitre, dans son travail, alors il devient une machine. Cette forme de travail rend l’homme tel un automate, il le rend stupide. On voit un bon exemple de cette folie que le travail à la chaîne produit dans les Temps modernes de Charlie Chaplin.
Par ailleurs, comme les tâches à effectuer sont de plus en plus standardisées et répétitives, le travailleur ne se sent plus l’auteur de son ouvrage, il perd la satisfaction de son travail car il n’en a fait qu’une infime partie et n’y a pas mis de créativité ou d’habileté particulière. C’est pourquoi Marx dit que l’ouvrier est également dépossédé du fruit de son travail. Il n’en tire plus de fierté d’une part et d’autre part, il n’en est plus le propriétaire. En effet, les propriétaires du résultat de son travail sont ceux qui possèdent les moyens de production c’est-à-dire les machines et le capital.
Le travailleur est alors pour finir exploité car comme son travail est peu qualifié et demande peu d’expertise, il est rémunéré un minimum c’est-à-dire selon Marx, juste assez pour qu’il puisse reconstituer sa force de travail et retourner au travail le lendemain. L’ouvrier touche alors juste assez pour avoir un toit et se nourrir. C’est pourquoi, selon Marx, tout ce qui faisait l’humanité du travailleur disparaît. Il est réduit à l’état animal non seulement pendant son travail qu’il subit mais aussi dans sa vie hors de son travail qui se réduit pour une bonne part à être la reconstitution de sa force de travail.
La valeur d’échange du travail diminue car il requiert de moins en moins de compétence et le produit du travail est tellement morcelé que le travailleur ne peut plus ni y imprimer quoi que ce soit de lui-même, ni s’y reconnaître. Non seulement il ne l’humanise plus mais il l’abrutit. Il n’est plus une manifestation de la vie mais un simple moyen d’existence, un travail forcé que l’on fait uniquement pour gagner sa vie.
Il est évident que dans ces conditions le travailleur ne peut pas tirer son bonheur de son travail, c’est plutôt le contraire, son travail fait son malheur.
Voilà pour cet épisode j’espère qu’il vous aura aidé à comprendre un peu la pensée de Marx sur le travail, si vous voulez davantage de contenu sur le thème du travail ou du bonheur, je vous invite à vous rendre sur mon blog apprendre la philosophie.
Thomas Kuhn, dans son œuvre Structure des révolutions scientifiques publiée en 1962, considère que l’idée de révolution scientifique est une idée qui permet de mieux comprendre comment le savoir scientifique est produit. Selon lui, la science est essentiellement une activité de résolution d’énigmes qui se développe en suivant un schéma en quatre étapes : science normale, crise, science extra-ordinaire, révolution scientifique et finalement retour à la science normale.
Il distingue ainsi les périodes de science normale et les périodes de science extraordinaire qui sont les périodes où ont lieu les révolutions scientifiques. Pour comprendre ce qui se joue dans ces différentes périodes il faut d’abord comprendre ce que Kuhn entend par paradigme dans les sciences. En effet, pour lui, on peut légitimement parler de révolution scientifique quand a lieu dans la science concernée un changement de paradigme.
Pour Kuhn, il ne s’agit pas simplement d’un exemple ou d’un cas qui peut servir de modèle, mais plus précisément les paradigmes sont, selon lui, des « découvertes scientifiques universellement reconnues qui, pour un temps, fournissent à une communauté de chercheurs des problèmes types et des solutions ». (Structure des révolutions scientifique, p.11). En d’autres termes, il s’agit donc d’un ensemble de principes théoriques et méthodologiques qui ne sont pas forcément très précis mais qui font consensus dans la communauté scientifique du moment parce qu’ils permettent de résoudre des problèmes que le paradigme précédent ne permettait pas de résoudre. En effet, à l’origine du changement de paradigme il y a ce que Kuhn appelle des anomalies. Ce sont des faits qui ne vérifient pas la théorie. Quand des anomalies se multiplient, cela ne signifie pas que le paradigme va être abandonné tout de suite.
« Décider de rejeter un paradigme est toujours simultanément décider d’en accepter un autre, et le jugement qui aboutit à cette décision implique une comparaison des deux paradigmes par rapport à la nature et aussi de l’un par rapport à l’autre »(Structure des révolutions scientifiques, p.115).
Les scientifiques ne vont en effet abandonner un paradigme que s’ils en ont un autre qui leur paraît plus efficace pour expliquer le réel. Néanmoins s’ils ne disposent pas encore d’un autre paradigme suffisamment convaincant, ils peuvent décider de garder le paradigme actuel encore très longtemps en tolérant les anomalies. Ainsi le passage du paradigme géocentrique au paradigme héliocentrique peut s’expliquer par le fait que les scientifiques relevaient de nombreuses anomalies et notamment observés des irrégularités inexplicables dans la trajectoire des planètes. Avec le changement de paradigme, ce qui était inexplicable devient explicable et c’est parce que le nouveau paradigme permet cela qu’il va finalement être adopté.
En biologie, on peut prendre l’exemple du passage du transformisme de Lamarck à la théorie de l’évolution de Darwin comme exemple d’un changement de paradigme. Au 18e siècle, Lamarck défend en effet le transformisme, théorie selon laquelle les différentes espèces s’expliquent par l’adaptation des animaux à leur milieu. Les milieux étant parfois différents, les animaux auraient tendance à évoluer différemment. Cette théorie est profondément remise en question par Darwin dans son œuvre L’origine des espèces par la sélection naturelle. Selon lui, les différentes espèces s’expliquent plutôt par un double processus : d’abord toutes les espèces vivantes ont un ancêtre commun mais elles se distinguent peu à peu du fait de mutations génétiques aléatoires. Ensuite, certaines mutations sont mieux adaptées à l’environnement et donc les individus mutés survivent davantage et transmettent donc leurs gènes.
Il y a donc bien, aux yeux de Thomas Kuhn, des révolutions scientifiques car on observe des changements de paradigmes à l’occasion desquels certaines théories et principes fondamentaux sont abandonnés pour être remplacés par d’autres. Il accepte néanmoins que ces révolutions ne sont pas des événements uniques mais qu’elles prennent parfois du temps et ne font pas table rase de tout ce qui les précède. On peut par exemple observer que lors du passage à l’héliocentrisme par une majorité de la communauté scientifique, certains comme Tycho Brahe sont néanmoins restés attachés à l’astronomie géocentrique de Ptolémée. Les révolutions prennent donc du temps et ne sont pas aussi brutales que l’on peut parfois l’imaginer.
Un point important de la théorie des révolutions scientifiques de Thomas Kuhn tient au fait qu’elle rend compte de deux moments différents dans les sciences, l’un où il n’y a pas de révolution et l’autre où une révolution scientifique devient possible. C’est ce qu’il appelle science normale et science extraordinaire. Selon lui, les périodes de science normale sont les périodes où une science dispose d’un paradigme stable qui n’est pas ou peu contesté (peu d’anomalies). Les scientifiques font alors les expériences et produisent les résultats qui sont en quelque sorte attendue par le cadre théorique et les méthodes prescrites par le paradigme. Ils ne font par exemple que valider la théorie de l’évolution de Darwin par des expériences diverses sans remettre en question l’idée fondamentale de Darwin, ni les méthodes qui ont alors cours en biologie. On peut alors dire que les scientifiques accumulent des connaissances et progressent dans le déploiement du paradigme sans rencontrer de réels problèmes ou incompatibilités entre les résultats de leurs expériences et la théorie de départ.
Mais survient, selon Thomas Kuhn, un moment où les anomalies par rapport au paradigme se multiplient, il parle alors d’une période de science extraordinaire. C’est alors que si un autre paradigme plus efficace est défendue par d’autres scientifiques et si une majorité de la communauté scientifique décident d’adopter le nouveau paradigme alors a lieu une révolution scientifique c’est-à-dire un changement de paradigme. A ces conditions, on peut ajouter, selon lui, que souvent des facteurs sociaux et culturels influent sur le changement de paradigme ou sa conservation. On peut penser par exemple au fait que la révolution copernicienne a été d’autant plus difficilement adoptée qu’elle remettait en question des croyances religieuses.
Selon Thomas Kuhn, les paradigmes sont incommensurables au sens où ils n’ont pas de communes mesures car les règles, les critères d’évaluation, les méthodes, les croyances les questions que l’on va se poser changent profondément d’un paradigme à l’autre. Il est alors tentant de tomber dans le relativisme car comment dire qu’un paradigme est meilleur qu’un autre si on ne dispose plus de règles communes pour juger les différents paradigmes ? Or, si on ne peut plus dire que le paradigme qui a pris la place de l’autre lui est supérieur alors il semble difficile d’affirmer le progrès scientifique et on semble condamné au relativisme, la valeur d’un paradigme dépendant des règles variables de ce même paradigme. Il semblerait alors que l’idée de révolution scientifique soit plutôt un obstacle à l’idée d’un progrès dans les sciences.
Néanmoins Kuhn refuse totalement l’idée d’un relativisme des paradigmes et insiste sur le fait que l’incommensurabilité des paradigmes ne signifie pas qu’on ne peut pas comparer la valeur des théories concurrentes.
« les théories scientifiques de date récente sont meilleures que celles qui les ont précédées, sous l’aspect de la résolution des énigmes (…). Ce n’est pas là une position de relativiste, et elle précise en quel sens je crois fermement au progrès scientifique ». (Structure des révolutions scientifiques, p. 279)
Ainsi, selon Kuhn, lors des périodes de « science normale », on peut tout à fait parler de progrès dans les sciences puisque les scientifiques sont dans une phase de confirmation du paradigme et d’accumulation des connaissances. Comme il y a croissance des connaissances, on peut donc y voir un progrès.
Mais il est, selon Thomas Kuhn, également possible de parler de progrès scientifique dans les périodes de « science extraordinaire » où ont lieu les révolutions scientifiques car le consensus qui finit par s’établir pour un paradigme l’est selon ses mots pour « de bonnes raisons ». En d’autres termes, si un paradigme l’emporte sur un autre et convainc la majorité de la communauté scientifique c’est parce que le paradigme victorieux est effectivement plus performant dans la résolution d’énigmes et de problèmes. Kuhn admet donc finalement pour éviter le relativisme que c’est la compétence des scientifiques qui est garante du progrès des sciences de révolution en révolution.
Pour davantage de contenus de philosophie, vous pouvez visiter ma chaîne Youtube Apprendre la philosophie et si vous préparez le Bac, consultez la méthode de la dissertation et de l’explication de texte ici.
Podcast: Play in new window | Download
Cliquez ici pour l’écouter sur Spotify, Deezer ou Itunes.
Bonjour, bienvenue dans ce nouveau podcast d’Apprendre la philosophie, dans cet épisode je vais expliquer la citation de Sénèque extraite de De la brièveté de la vie. « Nous n’avons point reçu une vie brève, nous l’avons faite telle ». Cette thèse de Sénèque pourrait notamment être intéressante sur un sujet comme « Peut-on maîtriser le temps ? »
Sénèque est un philosophe latin né en -4 av. J-C et mort en 65 ap. J-C. Il appartient à l’école stoïcienne fondée par Zénon de Citium. Il a écrit notamment Des Bienfaits, De la brièveté de la vie, De la clémence, Lettres à Lucilius, De la tranquillité de l’âme et De la vie heureuse. De la Brièveté de la vie date de 49 ap. J-C environ. Sénèque écrit alors au préfet Paulinus. Il s’agit d’une oeuvre sur la manière de se réapproprier le temps qui semble nous échapper et sur le sens que l’on donne à sa vie.
Le titre peut laisser penser que Sénèque énonce une évidence : la vie est brève. Mais c’est précisément le contraire que va défendre Sénèque. « Nous n’avons point reçu une vie brève, nous l’avons faite telle » dit-il. Pour lui, notre vie est brève ou non en fonction de la manière dont nous vivons. Soit nous arrivons à maitriser le temps que nous avons et alors ce temps est suffisant, soit nous ne le maitrisons pas et alors notre vie nous semble effectivement brève. L’enjeu est donc de savoir ce que nous faisons de notre temps. Sénèque critique notamment la manière de vivre des « gens occupés » qui dilapident leur temps et s’activent sans cesse sans réelle raison, tout en ignorant que leur temps est compté. Pour ces personnes là, la vie est effectivement brève, mais c’est parce qu’ils perdent beaucoup de leur temps. Sénèque considère que ça n’est pas parce qu’on est sans cesse occupé ou que l’on agit beaucoup que l’on utilise bien son temps. On peut très bien s’agiter beaucoup et pourtant perdre son temps car on ne fait rien qui a du sens pour nous.
Sénèque, dans De la Brièveté de la vie, commence par regretter deux erreurs humaines très courantes. D’abord les hommes ont tendance à considérer que la nature leur donne une vie trop courte. Pour Sénèque c’est une folie de se plaindre d’avoir reçu trop peu de temps et d’accabler l’injuste nature car ce temps que la nature nous donne ne dépend pas de nous. Il est donc vain de vouloir changer cela et de s’en plaindre. Pour les stoïciens, il est inutile de vouloir que les choses arrivent comme nous le désirons, dans les domaines où cela ne dépend pas de nous, il faut vouloir ce qui arrive.
Sénèque relève ensuite une deuxième erreur. Les hommes se plaignent d’avoir reçu une vie courte mais, en réalité, ils vivent comme s’ils étaient immortels, c’est-à-dire qu’ils dilapident leur temps comme s’il n’était pas précieux. Il va alors énumérer les façons diverses dont les hommes peuvent perdre leur temps, cela va de celui qui perd son temps en s’abrutissant par l’alcool ou la nourriture, à celui qui uniquement soucieux du regard des autres cherche à réussir à leurs yeux à tous prix sans réaliser quoi que ce soit de vraiment important pour lui-même. Perdre son temps pour Sénèque, cela peut donc être par exemple, s’inquiéter constamment de sa beauté ou de celle des autres, chose qui de toute façon ne dure pas, ou encore éparpiller ses actions dans différents projets sans jamais se fixer sur un et l’amener à terme.
Comment alors bien vivre ? Pour Sénèque mener une vie véritable consiste à entreprendre des actions qui ne sont pas gratuites et irréfléchies, mais au contraire réfléchies et conscientes. Des actions que nous avons donc réellement choisies et qui sont maîtrisées au sens où nous savons pourquoi nous les faisons et elles sont importantes pour nous. C’est ainsi que l’homme peut réellement vivre au lieu de simplement « passer du temps ».
La métaphore du bateau qui se laisse emporter est ici éclairante. Si ce bateau sans direction se laisse emporter et tourne sans cesse en rond, pourra-t-on dire qu’il a beaucoup navigué ? On pourrait dire qu’il a navigué longtemps, mais pas beaucoup navigué car il n’est arrivé nul part.
De même, pour Sénèque, un individu qui n’a pas de projet précis, vagabonde sans cesse ou perd son temps, devient peut-être une personne âgé, mais, pour autant, on ne peut pas dire qu’il a beaucoup vécu. Seul celui qui utilise son temps intelligemment a beaucoup vécu.
Par ailleurs, cette métaphore illustre bien aussi le côté néfaste des passions qui nous détournent de nos projets réfléchis : plus il y a eu de vent ( le vent est alors symbole des passions qui peuvent nous emporter), moins le bateau a pu accomplir sa fonction, sa mission. Il importe donc de retenir la distinction de cet ouvrage entre vivre et passer du temps. « Rien n’est moins le fait d’un homme occupé que de vivre » dit Sénèque car si ce à quoi il s’occupe, il ne l’a pas réellement choisi de manière éclairé alors en réalité il s’agite et perd son temps.
Voilà pour cet épisode j’espère qu’il vous aura aidé à comprendre un peu la pensée de Sénèque sur le temps, si vous voulez davantage de contenu sur le thème du temps, je vous invite à vous rendre sur la page Cours de Philosophie.
Très bonne journée à vous
A quoi sert l’art ? A quoi bon dépenser tant d’énergie et de moyen pour se faire peur ? Pourquoi donner une telle place à la peur dans l’art ? Et si l’art a une utilité quelle est-elle ? Aristote dans sa Poétique, défend que la première fonction de la tragédie est de faire naître des émotions de peur et de pitié et ce, dans le but de soumettre ces émotions à la purgation.
« Donc la tragédie est l’imitation d’une action de caractère élevée et complète, (…) imitation qui est faite par des personnages en action et non au moyen d’un récit, et qui, suscitant pitié et crainte, opère la purgation propre à pareilles émotions ». Aristote parle, en effet, de catharsis en Grec qui peut signifier purification ou purgation. Les interprétations sur le sens de ce terme de catharsis sont nombreuses, néanmoins l’une des hypothèses les plus solides considère qu’Aristote, fils de médecin, voit dans l’art et notamment dans la tragédie le moyen de susciter la peur et la pitié chez le spectateur dans le but de les aider à contrôler leurs émotions. Aristote insiste, par ailleurs, dans l’Ethique à Nicomaque sur l’importance pour les citoyens d’avoir de justes émotions c’est-à-dire des émotions qui s’expriment pour les bonnes raisons, au bon moment et avec l’intensité qui convient. Or, quel meilleur moyen que l’art pour s’exercer à avoir ces émotions dans les bonnes conditions ? Ainsi, pour Aristote, susciter la peur chez le spectateur est un bon moyen d’éduquer cette émotion et de l’apaiser si elle est excessive. Il y voit également un moyen de purger l’individu, « d’éliminer la substance pathogène ». On voit ici que se faire peur grâce à l’art serait donc une forme de médecine visant à libérer l’individu d’un excès de cette émotion. Cette façon d’envisager l’art et son rôle thérapeutique est également présente des siècles plus tard dans la psychanalyse.
Les représentants de la psychanalyse, et notamment Freud, voient également une forme de catharsis dans l’art. Mais il faut préciser ce qu’ils entendent par là. Pour eux, la cure psychanalytique a pour objectif d’opérer une catharsis au sens où il s’agit en faisant parler le patient de l’amener à se souvenir d’événements ou de désirs traumatiques refoulés dans l’inconscient. Pour la psychanalyse c’est au moment où le patient se souvient et revit cet événement traumatique qu’il peut en être libéré s’il devient capable d’en parler avec son thérapeute. Un des enjeux de ce processus est donc que le patient puisse verbaliser ce qui s’est passé et ce qu’il a ressenti. Peut-on voir dans l’art un processus similaire ? L’art parce qu’il peut être l’occasion de faire revivre des émotions est-il également un moyen pour les spectateurs de se libérer de traumatismes ? Pour le psychiatre Serge Tisseron, il est effectivement possible de faire ce travail également par le biais des arts que cela soit au théâtre, au cinéma ou devant une oeuvre picturale même s’il y a des différences.
Les représentants de la psychanalyse, et notamment Freud, voient également une forme de catharsis dans l’art. Mais il faut préciser ce qu’ils entendent par là. Pour eux, la cure psychanalytique a pour objectif d’opérer une catharsis au sens où il s’agit en faisant parler le patient de l’amener à se souvenir d’événements ou de désirs traumatiques refoulés dans l’inconscient. Pour la psychanalyse c’est au moment où le patient se souvient et revit cet événement traumatique qu’il peut en être libéré s’il devient capable d’en parler avec son thérapeute. Un des enjeux de ce processus est donc que le patient puisse verbaliser ce qui s’est passé et ce qu’il a ressenti. Peut-on voir dans l’art un processus similaire ? L’art parce qu’il peut être l’occasion de faire revivre des émotions est-il également un moyen pour les spectateurs de se libérer de traumatismes ? Pour le psychiatre Serge Tisseron, il est effectivement possible de faire ce travail également par le biais des arts que cela soit au théâtre, au cinéma ou devant une oeuvre picturale même s’il y a des différences.
De même, si l’art peut être un moyen de revivre des événements traumatiques particuliers, il est intéressant de remarquer que la représentation de certaines grandes peurs revient de manière très récurrente dans l’art à toutes les époques. C’est le cas, par exemple, de la peur d’être mangé.
La peur d’être mangé par l’autre hante l’humanité depuis la nuit des temps. Les ogres et autres créatures anthropophages peuplent les mythologies, les contes, les récits des premiers voyageurs et les oeuvres d’art. Certains artistes aiment représenter des ogres ou des êtres humains dévorants ou s’apprêtant à dévorer leur enfant. On peut penser ici au tableau de Francisco Goya, Saturne dévorant un de ses fils, ou encore à la sculpture Ugolin et ses fils de Jean-Baptiste Carpeaux qui représente Ugolin enfermé dans une tour avec ses fils, condamné à y mourir de faim et qui commence à se manger les doigts. La légende dit qu’Ugolin serait mort en dernier après avoir mangé les corps de ses enfants morts. Nul doute que de tels récits ou représentations sont propres à susciter chez le spectateur un certain effroi. Mais pourquoi le cannibalisme produit-il chez l’homme à la fois répulsion et curiosité ? Comment expliquer le succès d’exposition comme « Tous cannibales » à Paris en 2011 ?
Selon le sociologue Mondher Kilani, auteur de « Du goût de l’autre. Fragments d’un discours cannibale », cela tient sans doute au fait que le cannibalisme est vu comme un stade primitif de l’humanité. Le cannibale c’est le sauvage, le non civilisé, l’étranger ou l’autre dont on soupçonne qu’il est un primitif. Le sociologue raconte un fait amusant à cet égard, certains autochtones qu’il a rencontrés en Afrique le considéraient lui-même comme un anthropophage, preuve que cette peur d’être mangé par l’autre est très largement partagée. Dans notre imaginaire d’Européen, le cannibalisme est une pratique qui apparaît comme bestiale et inhumaine. Alors pourquoi représenter des actes de cannibalisme ? Pourquoi aller voir des oeuvres qui montrent des actes de cannibalisme ? Du point de vue l’artiste, on peut faire l’hypothèse qu’ainsi il exorcise une peur en l’exprimant et en la partageant avec le spectateur. Le spectateur, quant à lui, pourrait également apaiser cette peur inconsciente en la ressentant et en mettant des mots dessus. L’art, ici, pourrait donc bien être envisagé comme une forme de thérapie.
En effet, le spectateur qui regarde un film ou une pièce de théâtre, s’identifie au personnage et, ce faisant, il ressent également de la peur si le personnage a peur. Il est alors possible que le spectacle provoque le retour à la conscience d’émotions, de pensées ou d’images qui étaient inconscientes. En ce sens, l’art peut avoir le même rôle cathartique d’une thérapie, à ceci près, que le spectacle n’est pas toujours suivi d’un moment où l’on parle de ce que l’on a ressenti. C’est pourquoi, pour le psychiatre, le fait de revivre une peur par le biais d’une oeuvre d’art ne peut être véritablement libérateur que si cela est suivi d’un moment d’échange avec des amis ou un groupe de proches. A cet égard, on pourrait interpréter le film Utoya d’Erik Poppe comme s’inscrivant dans cette démarche. Par la forme très réaliste qu’il prend, le film ne cherche pas à idéaliser des personnages ou à réfléchir sur les raisons de l’acte Anders Behring Breivik. Il s’agit plutôt de conduire le spectateur a faire l’expérience pour ainsi dire brute de cette peur au plus près. On a reproché au réalisateur de livrer le spectateur sans recul à la peur et à la violence. Mais, si l’art a notamment pour fonction de faire naître des émotions, et notamment de faire ressentir la peur, on peut considérer que voir ce film et en parler ensuite est une manière pour les Norvégiens de dépasser le traumatisme collectif que ce massacre a entrainé. Alors nous pouvons envisager ici que se faire peur et parler de cette peur participe d’une thérapie collective.
Pour davantage d’éléments de cours, vous pouvez visiter la page Cours de philosophie.