La notion de travail en philosophie

La notion de travail est une des dix-sept notions du programme de philosophie en terminale.

Je vais d’abord faire un point sur la manière dont on peut définir cette notion en la distinguant d’autres notions proches ou opposées. Puis, je vais passer en revue quelques grandes questions possibles sur le travail en philosophie en montrant comment on pourrait y répondre à l’aide d’auteurs classiques.

On peut définir le travail en philosophie comme l’ensemble des activités effectuées par l’homme pour satisfaire ses besoins et transformer le monde qui l’entoure. Le travail est productif et il possède une fin extérieure à lui-même contrairement au jeu, par exemple, qui a sa fin en lui-même c’est-à-dire que lorsque l’on joue on joue pour jouer et pas pour obtenir  quelque chose d’autre. Si vous jouez pour obtenir quelque chose d’autre alors cela devient un travail. Lorsque l’on travaille on vise un résultat utile pour nous et/ou pour les autres.

Par exemple, l’agriculteur transforme la nature pour produire de la nourriture et gagner sa vie, l’architecte construit des bâtiments pour que nous puissions nous loger, l’enseignant transforme ses élèves pour les rendre meilleurs dans une matière, plus avisés, plus cultivés.

Ce que l’on appelle un métier c’est la forme sociale et réglementée du travail.

On oppose souvent le travail et le loisir car le travail est souvent considéré comme une activité subie que l’on fait par nécessité c’est-à-dire parce que nous devons satisfaire nos besoins (gagner de quoi vivre).

Au contraire, le loisir qui vient  du terme grec Skholè désigne une activité libre. Dans l’antiquité c’est ce qu’un citoyen pouvait faire car il n’était pas contraint de travailler pour vivre. Aujourd’hui, le loisir désigne plus généralement le temps libre qu’un individu peut consacrer à des occupations personnelles qui relèvent du divertissement, de la culture ou encore du délassement.

Voilà pour les définitions, j’en profite pour vous rappeler que si vous voulez apprendre à faire une dissertation ou une explication de texte pas à pas, vous pouvez télécharger tous mes conseils de méthodes via le lien juste en dessous de cette article. Vous retrouverez notamment dans cet ebook  gratuit toutes les définitions à bien connaître pour analyser finement un sujet de dissertation.

Bien, à présent, quels sont les grands problèmes philosophiques qui peuvent être posés sur la question du travail en philosophie ? Je vais vous en donner quelques uns parmi les plus importants avec quelques réponses classiques.

– Premier sujet : « Sommes-nous condamnés à travailler ? »

Vous voyez qu’il y a dans cet intitulé l’idée que le travail serait une condamnation donc à la fois quelque chose que l’on n’a pas choisi et quelque chose de vraiment pénible. Peut-on alors dire que le travail est une punition ?

Une fois n’est pas coutume, je vais utiliser essentiellement sur ce sujet un auteur vraiment centrale sur la question du travail j’ai nommé Marx. Marx, philosophe allemand du 19e siècle, a notamment écrit le Capital. Dans ses Écrits économiques, il décrit ce qui est, selon lui, un travail réellement humain.

« Supposons que nous produisions comme des êtres humains : chacun de nous s’affirmerait doublement dans sa production, soi-même et l’autre.

1. Dans ma production, je réaliserais mon individualité, ma particularité : j’éprouverais, en travaillant, la jouissance d’une manifestation individuelle de ma vie, et dans la contemplation de l’objet, j’aurais la joie individuelle de reconnaître ma personnalité comme une puissance réelle, concrètement saisissable et échappant à tout doute.

2. Dans ta jouissance ou ton emploi de mon produit, j’aurais la joie spirituelle de satisfaire par mon travail un besoin humain, de réaliser la nature humaine et de fournir, au besoin d’un autre, l’objet de sa nécessité. »

Pour Marx, le travail permet donc à l’homme en affrontant la dure résistance des choses de prendre conscience de ce qu’il est et de ce qu’il peut. En travaillant, il développe ses capacités et prend conscience de ce qu’il est au travers des produits de son travail. Il tire du résultat de son travail à la fois fierté et satisfaction et ce, d’autant plus qu’en travaillant, il aide à satisfaire les besoins des autres et obtient ainsi la reconnaissance de ses semblables.

En ce sens, le travail en philosophie n’est pas une punition, mais plutôt un bienfait.

Pourtant, ça n’est pas le cas, selon lui, de tous les types de travail. Il montre ainsi dans les Manuscrits de 1844, combien le travail à la chaîne aliène l’homme.

Selon lui, l’homme est mutilé par la division des tâches excessive c’est-à-dire quand il est amené à effectuer dans son travail un très petit nombre de tâches ou de mouvements de manière répétitive et mécanique. Or, cette spécialisation des tâches ne fait que s’accentuer avec les progrès de la mécanisation. On est passé de l’artisanat où un artisan réalise un objet du début à la fin, à la manufacture où le travailleur ne fait plus qu’un ou deux éléments de l’objet final. Cette progression de la division des tâches culmine avec le travail à la chaîne où le travailleur effectue un seul geste répétitif entouré de machines qui amènent à lui l’objet. La tâche est de plus en plus simple, les gestes de plus en plus décomposés et mécaniques. L’homme est alors intégré à la machine et il perd ici son humanité. C’est alors que Marx parle d’aliénation du travail car alors l’homme devient « autre ». Etre aliéné ou subir une aliénation c’est devenir étranger à soi-même. Pour Marx, dès lors que le travailleur ne peut plus développer et épanouir ses capacités proprement humaines telles que l’imagination, la raison, le libre arbitre, dans son travail, alors il devient une machine. Cette forme de travail rend l’homme tel un automate, il le rend stupide.

Les personnes qui ont lu cet article ont aussi lu  Marx : Le travail rend-il heureux ?

– Deuxième sujet : « Peut-on opposer le loisir au travail en philosophie ? »

Chez les grecs, le terme loisir se dit Skholè et désigne la liberté que nous avons de ne pas avoir à assurer notre subsistance. C’est donc un temps où nous n’avons pas à travailler pour assurer la satisfaction de nos besoins et où nous pouvons faire autre chose.

Or, pour un grec, ce autre chose c’est essentiellement se consacrer aux études. D’ailleurs, vous remarquez que Skholè donne école en français et school en anglais. En ce sens, le loisir pour les Grecs ça n’est pas le divertissement ou la distraction comme on peut le définir aujourd’hui.

Selon Aristote, dans l’Éthique à Nicomaque, le loisir permettait la réflexion philosophique et le développement intellectuel. C’est, à ses yeux, l’activité la plus haute et la plus proprement humaine car ainsi l’homme n’est plus comme l’animal soumis à la nécessité de travailler pour subvenir à ses besoins vitaux. Il s’arrache de ces basses préoccupations reliées au corps pour se consacrer aux choses élevées de l’esprit et développer ainsi ses facultés proprement humaines.

On peut alors dire que pour les Grecs travail et loisir s’opposent diamétralement, mais ils ont une conception bien spécifique du loisir et du travail.

A cette première réponse, on pourrait ajouter la thèse du philosophe français Baudrillard qui montre combien dans nos sociétés le loisir tout comme le travail doit être productif.

Marx avait déjà dit que le loisir était en réalité une condition du travail car il est le temps nécessaire pour reprendre des forces et retourner travailler. Il montrait en ce sens que loisir et travail ne s’opposait pas tant que ça.

Baudrillard va un peu plus loin. Selon Baudrillard, dans nos sociétés occidentales, la logique du travail a contaminé le loisir. Nous sommes tellement modelés par l’idée qu’il faut rentabiliser son temps et être productif que même lorsque nous avons des loisirs nous allons chercher rentabiliser notre temps. Il faut que nos loisirs soient bien organisés, efficaces, que nous ne perdions pas notre temps, que nous fassions un maximum de choses.

En ce sens, à ses yeux, le loisir et le travail en philosophie ne s’opposent pas.

– Troisième sujet : « Travailler moins, est-ce vivre mieux ? »

Sujet très intéressant et néanmoins difficile, car, vous le remarquez, il contient une expression : « Vivre mieux ».

L’erreur serait ici de ne pas y prêter attention sous prétexte que ça n’est pas une notion du programme. Mais en faisant cela vous risquez de passer à côté de beaucoup d’idées intéressantes  pour le sujet et encore pire, de manquer le problème du sujet.

Donc, au brouillon, il faut se poser la question : qu’est-ce que l’on peut comprendre par « vivre mieux » ?. Et le but va être d’avoir plusieurs sens différents que vous pourrez traiter et envisager tout au long de  votre devoir.

Par exemple : Vivre mieux cela pourrait signifier vivre plus humainement ou vivre plus heureux ou encore vivre plus libre etc

Si vivre mieux c’est vivre humainement en développant nos facultés proprement humaines, en exerçant notre liberté, notre créativité, en réfléchissant et pas simplement en exécutant alors si l’on a un travail aliénant au sens de Marx, il est évident que travailler moins ce serait vivre mieux.

Mais, le travail quelque soit, par ailleurs, sa forme n’a-t-il pas certains avantages ? N’était-ce pas une victoire pour les femmes en 1965 d’avoir désormais l’autorisation d’exercer une profession sans l’autorisation de leur mari ?

On pourrait dire qu’en ce sens le travail libère parce qu’il permet d’être indépendant. N’est-ce pas vivre mieux que d’être indépendant plutôt que dépendant ?

Par ailleurs, travailler c’est aussi parfois atteindre une forme d’excellence dans son domaine. Nietzsche dans Humain, trop humain, remarque qu’on a beaucoup trop tendance à penser que le grand artiste a un don naturel. En réalité, les grands artistes sont, selon lui, surtout de grands travailleurs,  ils se sont beaucoup exercés et y atteignent ainsi l’excellence. N’est-ce pas là une manière de vivre mieux ?

Voilà pour la présentation de cette notion de travail en philosophie, j’espère qu’elle vous permettra de mieux cerner les grandes questions que vous allez rencontrées sur la notion de travail.

Pour d’autres cours de philosophie vous pouvez cliquez ici et pour découvrir les notions du programme de philosophie en vidéos cliquez ici !

Très bonne journée à vous

Si vous avez aimé, n'hésitez pas à partager !

Laissez un commentaire