Episode 8 : Une citation de Schopenhauer sur la difficulté d’atteindre le bonheur

Episode 8 : Une citation de Schopenhauer sur la difficulté d’atteindre le bonheur

Cliquez ici pour l’écouter sur Spotify ou sur Itunes.

Bonjour, bienvenue dans ce nouveau podcast d’Apprendre la philosophie, dans cet épisode nous allons nous demander s’il faut rechercher le bonheur et je vais vous expliquer une citation de Schopenhauer extraite de son oeuvre Le Monde comme volonté et comme représentation. Pour davantage de références sur le bonheur, vous pouvez consulter cette page.

Dans cette citation de Schopenhauer, « La vie oscille, comme un pendule, de la souffrance à l’ennui »

Que veut-il dire par là ?

Schopenhauer peut être considéré comme un philosophe plutôt pessimiste quant à notre capacité à être heureux. Paradoxalement, selon lui, c’est notamment parce que nous recherchons constamment le bonheur que nous ne l’atteignons jamais. En d’autres termes, le désir apparaît pour Schopenhauer comme un obstacle au bonheur.

Et ce, parce que le désir nous rend constamment insatisfaits.

En effet, Schopenhauer, inspiré en cela par le bouddhisme, considère que le désir est cause de souffrance et que désirer être heureux nous garantit de ne jamais l’être en réalité. Pourquoi cela ? Car tout désir est inquiétude et manque, si nous désirons quelque chose c’est que nous ne l’avons pas ou craignons de le perdre, alors on peut considérer que le désir est souffrance. Schopenhauer dit « la vie oscille comme un pendule de la souffrance à l’ennui ». Cela signifie que dans notre vie nous sommes constamment soit en train de désirer c’est-à-dire de souffrir pour Schopenhauer, soit en train de nous ennuyer car finalement nous avons tendance à être rapidement lassés de ce que nous avons obtenu. Cet ennui laisse alors place à un nouveau désir qui nous fait souffrir jusqu’à ce qu’il soit satisfait et alors rapidement nous retombons dans l’ennui. C’est ce qu’il explique plus longuement dans un texte dont je vais vous lire un extrait.

« Tout vouloir procède d’un besoin, c’est-à-dire d’une privation, c’est-à-dire d’une souffrance. La satisfaction y met fin ; mais pour un désir qui est satisfait, dix au moins sont contrariés ; de plus le désir est long et ses exigences tendent à l’infini ; la satisfaction est courte et elle est parcimonieusement mesurée.   Mais ce contentement suprême n’est lui-même qu’apparent ; le désir satisfait fait place aussitôt à un nouveau désir ; le premier est une déception reconnue, le second est une déception non encore reconnue. La satisfaction d’aucun souhait ne peut procurer de contentement durable et inaltérable. C’est comme l’aumône qu’on jette à un mendiant : elle lui sauve aujourd’hui la vie pour prolonger sa misère jusqu’à demain. – Tant que notre conscience est remplie par notre volonté, tant que nous sommes asservis à la pulsion du désir, aux espérances et aux craintes continuelles qu’il fait naître, tant que nous sommes sujets du vouloir, il n’y a pour nous ni bonheur durable, ni repos. ».

Alors faut-il désirer ou rechercher le bonheur pour Schopenhauer ? Si notre désir est d’être heureux, alors nous allons nous dire que nous serons heureux quand nous aurons ce travail ou cette maison ou rencontré la bonne personne… Dans tous les cas, nous reportons le moment d’être heureux à plus tard quand nous aurons ceci ou cela et une fois que nous l’avons, nous n’en sommes plus satisfait et il nous faut encore autre chose pour être heureux.

 Si bien que finalement désirer le bonheur ou espérer atteindre plus tard le bonheur, est un leurre qui nous garantit de ne jamais l’atteindre. Il faudrait sans doute mieux pour Schopenhauer se satisfaire de ce que nous avons et trouver des raisons d’être heureux aujourd’hui. Mais là encore c’est une chose difficile, selon Schopenhauer, car nous avons tendance à sentir beaucoup plus la douleur que le bonheur. Pourquoi défend-il cette idée ?

Selon Schopenhauer, notre organisme est conçu pour sentir la douleur car elle est une alerte qui nous maintient en vie. En revanche, le bonheur passe rapidement inaperçu car il doit plutôt être défini négativement comme une absence de douleur. Cette absence nous ne la remarquons plus très rapidement. C’est pourquoi nous nous rendons souvent compte que nous étions heureux quand nous perdons ce bonheur. Alors la douleur que nous ressentons est d’autant plus grande que nous nous étions habitués à ce bonheur.

Il le dit notamment dans ce texte : « Que notre vie était heureuse, c’est ce dont nous ne nous apercevons qu’au moment où ces jours heureux ont fait place à des jours malheureux. Autant les jouissances augmentent, autant diminue l’aptitude à les goûter : le plaisir devenu habitude n’est plus éprouvé comme tel. Mais par là même grandit la faculté de ressentir la souffrance ; car la disparition d’un plaisir habituel cause une impression douloureuse. Ainsi la possession accroit la mesure de nos besoins, et du même coup la capacité de ressentir la douleur. – Le cours des heures est d’autant plus rapide qu’elles sont agréables, d’autant plus lent qu’elles sont plus pénibles ; car le chagrin, et non le plaisir, est l’élément positif, dont la présence se fait remarquer. De même nous avons conscience du temps dans les moments d’ennui, non dans les instants agréables. Ces deux faits prouvent que la partie la plus heureuse de notre existence est celle où nous la sentons le moins. » SCHOPENHAUER

Ainsi, pour Schopenhauer, nous ne pouvons pas réellement atteindre le bonheur d’une part car le désir est plutôt un obstacle au bonheur et d’autre part, car notre nature même nous incline à ne pas ressentir réellement la satisfaction quand nous l’avons.

Néanmoins, il pense qu’il est possible de rendre sa vie moins pénible en suivant certaines règles qui nous garantissent de limiter les souffrances que nous infligeons aux autres et à nous-mêmes.

Ces carnets contenaient 50 règles, en voici quelques unes :

Il conseille dans la règle 2 d’éviter d’être jaloux et de susciter la jalousie. « Tu ne seras jamais heureux tant que tu seras torturé par un plus heureux. ». La jalousie est un poison qui nous rend toujours malheureux.

Schopenhauer conseille ensuite dans la règle 3 de faire ce que nous avons naturellement envie de faire. On ne peut pas longtemps forcer sa nature, mieux vaut se consacrer à un domaine dans lequel nous avons des facilités et un certain enthousiasme. « En effet, de même que les poissons ne sont bien que dans l’eau, l’oiseau seulement dans l’air, la taupe uniquement sous terre, ainsi chaque homme ne se sent bien que dans l’atmosphère appropriée pour lui. ».

Règle 6 : « Faire de bon cœur ce qu’on peut et souffrir de bon cœur ce qu’on doit. »

Règle 8 : « Limiter le cercle de ses relations : on offre ainsi moins de prise au malheur. »

Règle 48 : « Le bonheur appartient à ceux qui se suffisent à eux-mêmes. »

Voilà pour cet épisode j’espère qu’il vous aura aidé à comprendre cette citation de Schopenhauer , si vous voulez davantage de contenu sur le thème du bonheur, je vous invite à vous rendre sur mon blog apprendre la philosophie.

Très bonne journée à vous

bienvenu dans cette nouvelle vidéo, dans laquelle nous allons voir comment bien réussir le développement de l’explication de texte en philosophie.

Réussir le développement de l’explication de texte en philosophie

Bonjour, bienvenue dans cet article dans lequel nous allons voir comment bien réussir le développement de l’explication de texte en philosophie. L’explication de texte est une des deux épreuves de philosophie au baccalauréat en Terminale.

Tout d’abord, je vous conseille si vous ne l’avez pas fait de regarder la première vidéo où j’explique comment bien réussir son introduction d’explication de texte.

Le problème que rencontrent beaucoup d’étudiants quand ils font une explication de texte de philosophie est qu’ils ont tendance à seulement répéter le texte. Nous allons donc voir comment éviter cet écueil. Afin de clarifier la méthode, je vais distinguer trois opérations principales que vous devez apprendre à faire pour bien réaliser votre explication de texte. Ce sont trois opérations qui permettent d’expliquer véritablement.

D’abord l’étape de clarification du texte.

La première chose à faire est de montrer que vous avez compris le sens de la phrase ou de l’expression que vous expliquez. Cela signifie que si c’est une phrase un peu difficile à comprendre (comme cela peut être souvent le cas dans un texte de philosophie), vous avez le droit de faire de la bonne paraphrase, c’est-à-dire reformuler le passage de manière plus claire.

Une bonne manière de faire de la bonne paraphrase est de reformuler ce que dit l’auteur en définissant les termes importants qui apparaissent dans le passage.  Par exemple, si vous avez un texte qui commence ainsi : « La principale raison, selon moi, qui peut nous persuader que les bêtes sont privées de raison, est que »

Vous remarquez au passage que j’ai coupé la phrase. Vous pouvez et même souvent devez ne pas reformuler les phrases en entier quand elles sont trop longues, sans quoi cela ne clarifie rien. Dans le cas d’une phrase longue comme c’est le cas ici puisque Descartes fait une phrase de 11 lignes pour commencer, il faut reformuler des segments de phrases.

Une fois un segment découpé vous devez donc reformuler en définissant les termes importants, ici il faut évidemment définir le terme raison car c’est l’une des 17 notions centrale du programme. Cela peut donner ceci : « Dans ce début du texte, Descartes annonce qu’il va donner un argument en faveur de sa thèse selon laquelle les animaux n’ont pas la capacité d’ordonner leurs pensées de manière logique et d’émettre des jugements sur le bien et le mal ».

Vous comprenez que j’ai reformulé la phrase en définissant le terme raison. La raison est la capacité d’ordonner ses pensées de manière logique et d’émettre des jugements sur le bien et le mal. Selon Descartes, les animaux sont privés de cette capacité. Je vous conseille donc de reformuler les différents passages en définissant les termes important. C’est là bien évidement qu’il faut utiliser votre cours puisque vous avez vu dû y voir ces définitions.

Toujours dans l’étape de clarification du texte vous pouvez parfois prendre un exemple pour illustrer ce que dit l’auteur. Ainsi vous montrez que vous avez bien compris ce dont il est question.

Donc première opération clarifier

Deuxième opération à réaliser : mettre en évidence la structure du texte.

Quand vous expliquez un texte de philosophie, un des objectifs est de faire ressortir clairement ce que fait l’auteur, c’est-à-dire la manière dont il construit son argumentation afin de justifier la validité de sa thèse. Il est donc très important de préciser régulièrement à quel élément du texte nous avons affaire ici. Est-ce la thèse, un exemple, un premier argument, une objection, l’opinion commune ou sa réfutation ? Il s’agit essentiellement de montrer comment chaque élément du texte permet à l’auteur d’avancer dans l’argumentation de sa thèse.

Au passage vous pouvez remarquer que j’avais déjà fait cette opération dans l’exemple que j’ai pris juste avant, puisque je disais : « dans ce début du texte, Descartes annonce qu’il va donner un argument en faveur de sa thèse selon laquelle les animaux n’ont pas la capacité d’ordonner leurs pensées de manière logique et d’émettre des jugements sur le bien et le mal »

Vous comprenez ici que vous pouvez souvent  faire ces différentes opérations simultanément dans le développement de l’explication de texte en philosophie.

Enfin dernière opération que vous devez réaliser pour bien expliquer un texte. Je vais l’appeler la justification.

Vous devez montrer pourquoi l’auteur affirme ce qu’il affirme, c’est-à-dire justifier, argumenter ses propos, montrer pourquoi il a raison de dire ce qu’il dit notamment à l’aide de connaissances acquises en cours. Il s’agit donc en quelque sorte de prendre sa défense face à des objections éventuelles que l’on pourrait lui faire.  Vous pouvez même formuler une éventuelle objection et montrer comment l’auteur y répond déjà dans son texte.

Enoncer les objections que l’on pourrait lui faire nécessite que vous ayez en tête des éléments de votre cours et que vous connaissiez par exemple la thèse d’un auteur qui ne serait pas d’accord avec l’auteur du texte que vous avez à expliquer.

Trois étapes pour bien expliquer dans le développement de l’explication de texte en philosophie :

– clarifier le texte c’est à dire reformuler les passages du texte en définissant les termes importants et en prenant des exemples

– préciser la structure du texte c’est-à-dire ce que fait l’auteur aux différentes étapes du texte.

– et justifier les propos de l’auteur.

La différence entre un commentaire et une explication de texte en philosophie

Faire un commentaire de texte en philosophie, c’est également clarifier le texte, en préciser la structure et justifier ce que dit l’auteur, mais en plus on attend de vous que vous connaissiez la doctrine de l’auteur du texte. Cela signifie que vous devez être capable de faire référence à d’autres textes ou oeuvres de l’auteur pour commenter ce texte. Vous devez également connaître un peu la biographie de l’auteur.

Ce n’est pas cela que l’on vous demande de faire en classe de terminale pour les épreuves écrites (c’est différent si vous devez passer l’épreuve oral du rattrapage). L’Épreuve du bac se nomme « Explication de texte », qu’il faut bien distinguer de « Commentaire de texte ».

Faire une explication de texte, c’est clarifier le texte, préciser la structure et justifier ce que dit l’auteur, mais, on n’attend pas de vous que vous connaissiez bien l’auteur. En d’autres termes, vous n’avez pas à connaître sa biographie ou ses autres œuvres. Le programme de philosophie est vraiment très vaste, vous ne pouvez pas avoir vu tous les auteurs du programme durant l’année scolaire, c’est le professeur qui choisit des auteurs qu’il va utiliser pour aborder les différentes notions du programme. C’est pour cette raison qu’on n’attend pas de vous aux épreuves écrites du bac de philo que vous connaissiez tel ou tel auteur en particulier.

Pour davantage de conseils vous pouvez consulter ces pages : Cours de philosophieMéthode

Retrouvez moi également sur Youtube

Episode 7 : Comment bien argumenter dans sa dissertation de philosophie

Episode 7 : Comment bien argumenter dans sa dissertation de philosophie

Cliquez ici pour l’écouter sur Spotify ou sur Itunes.

Bonjour, bienvenue dans ce nouveau podcast d’Apprendre la philosophie, je suis Caroline et dans cet épisode nous allons voir comment bien argumenter dans sa dissertation de philosophie. En effet, Une dissertation de philosophie est d’abord une argumentation. Il va donc être essentiel de savoir bien argumenter pour la réussir. Or, c’est aussi ce qui pose souvent problème aux élèves.  Vous pouvez avoir tendance à confondre argument et exemple ou encore à énoncer des idées sans réellement les justifier c’est-à-dire donner des arguments pour les soutenir.

Alors comment bien argumenter ?

Je vais ici vous présenter les principaux types d’arguments et les distinguer de ce que l’on appelle un exemple. Bien argumenter en philosophie, cela signifie développer un raisonnement (ensemble organisé d’arguments) dans le but de convaincre son interlocuteur de la validité de sa thèse. On peut, pour ce faire, utiliser différents types d’arguments.

Il faut absolument distinguer l’argument et l’exemple

Une erreur courante que l’on fait en philosophie consiste à confondre argument et exemple. Un argument est toujours général, il va justifier une thèse de manière générale alors qu’un exemple est un cas particulier. Par exemple, si vous aviez un sujet tel que « Les révolutions sont-elles toujours un facteur de libertés ? », une mauvaise façon d’argumenter serait de dire « la révolution française a finalement apporté davantage de libertés aux français donc on peut dire que les révolutions sont facteurs de libertés ». Vous voyez ici que la déduction est invalide car ça n’est pas parce qu’une révolution singulière a apporté des libertés que l’on peut en déduire que les révolutions en général sont facteurs de libertés. Pour que la réponse au sujet soit véritablement justifiée il faut que l’argument soit également général. Par exemple, vous pourriez utiliser un argument définition et défendre que dans la mesure où les révolutions sont des ruptures souvent brutales avec l’ordre politique établi (définition), alors elle produise par nature de l’instabilité, du désordre, ce qui rend les conséquences d’une révolution très incertaine. Or, si les conséquences sont incertaines, il n’est pas possible d’affirmer que les révolutions sont toujours facteur de libertés.

Ceci étant dit, les exemples sont très utiles et pertinents quand ils viennent par exemple après un argument général pour l’illustrer.

A présent que vous avez bien compris la différence entre un argument et un exemple, je vais vous donner quelques types d’argument pour que vous ayez une idée de comment argumenter.

1er façon , vous pouvez argumenter en utilisant ce que je vais appeler l’argument définition

Il s’agit de partir d’une définition pour en déduire logiquement une thèse ou réponse au sujet. C’est un type d’argument que vous pouvez commencer à utiliser lors de la formulation de la problématique. Vous allez ainsi répondre au sujet en utilisant la définition ou un aspect de la définition d’un des termes du sujet. Par exemple, si vous avez le sujet « un homme libre est-il nécessairement heureux ? », vous pouvez partir de la définition de liberté comme libre arbitre et en déduire qu’un individu qui a le choix peut sans doute être plus heureux qu’un individu qui n’a pas le choix car il sera alors libre de choisir de faire plutôt ce qui, selon lui, le rendra heureux.

2 façon d’argumenter : Argumenter en utilisant l’argument de fait ou d’expérience

cela consiste à justifier une thèse en vous appuyant sur une observation des faits. Par exemple, dans le sujet le « le bonheur est-il un idéal inaccessible ? », il est possible de défendre que le bonheur ne semble pas inaccessible puisque dans les faits on observe que bien des gens sont heureux. Pour autant, ce type d’argument est à privilégier en début de réflexion car il ne s’agit pas d’un argument très élaboré et il sera facile de lui trouver des limites. En effet, même si de nombreuses personnes se disent heureuses, on pourra par exemple se demander ce qu’elles entendent par heureuse et s’il s’agit réellement du bonheur.

3e façon d’argumenter ou type d’argument : Argumenter en utilisant l’argument logique

C’est un des types d’argument les plus classiques, il consiste notamment à enchainer des propositions de manière la plus logique possible. Par exemple, si l’on prend à nouveau le sujet : « un homme libre est-il nécessairement heureux ? », il est possible de dire que d’une part un homme libre aura la capacité de faire des choix (car il a le libre arbitre) et que par ailleurs, il semble que le bonheur est quelque chose que les hommes recherchent tous, ce qui peut laisser penser qu’un homme libre fera plutôt des choix dans le but d’atteindre le bonheur.

Mais dans le même temps, vous pouvez remarquer que l’homme est un être aux facultés de compréhension et de réflexion limitées, donc même en étant libre il pourrait faire les mauvais choix et être finalement malheureux. Vous voyez qu’il s’agit de tirer une conclusion des propositions précédentes et qu’il est possible de réfuter un raisonnement en montrant par exemple qu’une des propositions est fausse ou qu’il manque un élément important. Dans le raisonnement précédent, il manquait l’idée que les hommes sont limités et donc sujets à faire des erreurs. Ce qui change beaucoup de choses.

4e type d’argument : Argumenter en utilisant l’argument d’autorité

Un argument d’autorité consiste à s’appuyer sur l’expertise reconnue d’une personne dans un domaine pour défendre un propos. Il est possible d’utiliser ce type d’argument en philosophie à condition de développer les arguments de l’expert. Il n’est pas suffisant de dire « cet expert dit cela donc c’est vrai ». Il faut quand même donner ses arguments. Dans votre dissertation vous allez y recourir quand vous développez la pensée d’un auteur.

Néanmoins, attention votre dissertation doit rester votre argumentation et pas simplement une juxtaposition d’arguments de différents auteurs, il est donc nécessaire d’introduire les auteurs dont vous allez parler, de formuler l’argumenter avec vos propres termes d’abord puis de faire référence à l’auteur ensuite pour développer.

Voilà pour cet épisode j’espère qu’il vous aidera à bien argumenter dans votre dissertation de philosophie, si vous voulez davantage de conseils je vous invite à aller lire mes articles qui traitent de la méthode de la dissertation sur le site apprendre la philosophie ou à vous abonner à ma chaine Youtube  Apprendre la philosophie.

Très bonne journée à vous

Henri Bergson : le bonheur ou la joie de s’accomplir ?

Quand on parle du bonheur, on a communément tendance à l’envisager comme un état de satisfaction stable et durable qu’aucune peine de ne viendrait gâcher. Le problème qui se pose pourrait alors être : cet état est-il vraiment atteignable ? C’est la question que peuvent par exemple se poser Kant ou encore Epicure. Mais une autre question peut être posée : le bonheur est-il vraiment ce que nous recherchons le plus ? Ou encore est-ce qu’être constamment satisfait est réellement ce que nous recherchons ? Henri Bergson, dans L’Energie spirituelle, semble défendre une autre proposition.

A ses yeux, il faut plutôt rechercher la joie que le bonheur. Qu’entend-il par « joie » ? La joie est, selon lui, un sentiment d’intense satisfaction qu’un être humain ressent quand il parvient à s’augmenter lui-même ou encore à créer quelque chose ou quelqu’un dont il est fier. Henri Bergson fait du sentiment de joie un signe que nous avons réussi à progresser et à nous améliorer. Or quand nous nous améliorons, on peut considérer que nous nous créons nous-mêmes soit parce que par exemple nous développons nos compétences soit parce que nous devenons le créateur d’une oeuvre, d’une entreprise etc …Nous voyons donc que pour Bergson ce qui est peut-être plus important que la satisfaction constante c’est la progression. Nous devons progresser pour atteindre la joie. Or, est-il réellement possible de progresser sans jamais souffrir ?

L’effort est nécessaire pour atteindre la joie

Pour Bergson ça n’est qu’en faisant des efforts que nous nous accomplissons. L’effort est pénible, mais il est aussi très précieux car il nous amène à nous dépasser. Selon lui, nous ressentons une joie intense quand nous réussissons quelque chose qui nous à demandé beaucoup d’efforts. La joie est un état profond qui survient lorsque l’individu parvient à surmonter des épreuves. Elle est le signe que l’individu est capable de se dépasser lui-même dans un élan créateur qui lui a donné l’énergie de transformer le monde et de se transformer. Nous voyons ici qu’Henri Bergson est loin de défendre l’idée qu’il faudrait rechercher un bonheur constant et durable, au contraire, il semble défendre que le seul sentiment qui nous donne une véritable satisfaction est la joie, mais c’est un sentiment qui est éphémère. En ce sens, on pourrait défendre que le bonheur n’est pas accessible à l’être humain mais que la joie l’est.

Texte d’Henri Bergson :

« L’effort est pénible, mais il est aussi précieux, plus pré­cieux encore que l’œuvre où il aboutit, parce que, grâce à lui, on a tiré de soi plus qu’il n’y avait, on s’est haussé au-dessus de soi-même. […] Les philosophes qui ont spéculé sur la signification de la vie et sur la destinée de l’homme n’ont pas assez remarqué que la nature a pris la peine de nous renseigner là-dessus elle-même. Elle nous avertit par un signe précis que notre destination est atteinte. Ce signe est la joie. Je dis la joie, je ne dis pas le plaisir. Le plaisir n’est qu’un artifice imaginé par la nature pour obtenir de l’être vivant la conservation de la vie ; il n’indique pas la direction où la vie est lancée. Mais la joie annonce toujours que la vie a réussi, qu’elle a gagné du terrain, qu’elle a remporté une victoire : toute grande joie a un accent triomphal. Or, si nous tenons compte de cette indication et si nous suivons cette nouvelle ligne de faits, nous trouvons que partout où il y a joie, il y a création : plus riche est la création, plus profonde est la joie. La mère qui regarde son enfant est joyeuse, parce qu’elle a conscience de l’avoir créé, phy­siquement et moralement. Le commerçant qui développe ses affaires, le chef d’usine qui voit prospérer son industrie, est-il joyeux en —raison de l’argent qu’il gagne et de la notoriété qu’il acquiert ? Richesse et considération entrent évidemment pour beaucoup dans la satisfaction qu’il ressent, mais elles lui apportent des plaisirs plutôt que de la joie, et ce qu’il goûte de joie vraie est le sentiment d’avoir monté une entreprise qui marche, d’avoir appelé quelque chose à la vie. Prenez des joies exceptionnelles, celle de l’artiste qui a réalisé sa pensée, celle du savant qui a découvert ou inventé. […]  Si donc, dans tous les domaines, le triomphe de la vie est la création, ne devons-nous pas supposer que la vie humaine a sa raison d’être dans une création qui peut, à la différence de celle de l’artiste et du savant, se poursuivre à tout moment chez tous les hommes : la création de soi par soi, l’agrandissement de la personnalité par un effort qui tire beaucoup de peu, quelque chose de rien, et ajoute sans cesse à ce qu’il y avait de richesse dans le monde ? »

Bergson, L’Énergie spirituelle, « La conscience et la vie »

Le Nouvel an avec Nietzsche

Pour la nouvelle année : Je vis encore, je pense encore : je dois vivre encore, car je dois encore penser. Nietzsche

Un extrait de Nietzsche pour la nouvelle année !

« Pour la nouvelle année : Je vis encore, je pense encore : je dois vivre encore, car je dois encore penser. Sum, ergo cogito : cogito ergo sum. Aujourd’hui chacun s’autorise à exprimer son voeu et sa pensée la plus chère : eh bien, je veux dire moi aussi ce que je me suis souhaité à moi-même et quelle pensée m’est venue à l’esprit la première de l’année, – quelle pensée doit être pour moi le fondement, la garantie et la douceur de toute vie à venir ! Je veux apprendre toujours plus à voir dans la nécessité des choses le beau : je serai ainsi l’un de ceux qui embellissent les choses. Amor fati : que ce soit dorénavant mon amour ! Je ne veux pas faire la guerre au laid. Je ne veux pas accuser, je ne veux même pas accuser les accusateurs. Que regarder ailleurs soit mon unique négation ! Et somme toute, en grand : je veux même, en toutes circonstances, n’être plus qu’un homme qui dit oui ! »

Nietzsche, Le Gai savoir, IV, § 276.

Bertrand Russell : ce qu’est la philosophie

Dans ce texte, Bertrand Russell fait un éloge de la philosophie en commençant par une affirmation qui peut paraître paradoxale.

Dans ce texte, Bertrand Russell fait un éloge de la philosophie en commençant par une affirmation qui peut paraître paradoxale. La valeur de la philosophie ne vient pas essentiellement de sa capacité à répondre aux questions quelle pose, comme cela peut être le cas de la science. La valeur de la philosophie vient notamment de sa capacité à susciter l’incertitude. Cela peut sembler étonnant car, en tant qu’humain, nous avons plutôt tendance à fuir l’incertitude et à chercher des certitudes. Pourquoi pourrait-on alors dire que l’incertitude est une bonne chose ?

Pour Bertrand Russell, l’incertitude n’est pas la seule valeur de la philosophie, mais elle est essentielle car être incertain c’est être travaillé par le doute, c’est refuser d’adhérer à une idée sans s’interroger. En somme, c’est donc être le contraire d’un esprit dogmatique qui accepte les idées sans les remettre en question. Ainsi, pour Russell, un homme qui ne fait pas de philosophie aura tendance à être aveuglé et prisonnier des préjugés et croyances de son époques et de son pays. Ne pas faire de philosophie c’est donc ne pas être libre car c’est être conditionné par les opinions communes et rester toujours dans les mêmes idées et les mêmes habitudes.

A ses yeux, la philosophie a une grande valeur car elle nous sort de l’habitude et l’habitude est un grand mal. Selon lui, une âme habituée est une âme morte, c’est une âme où il ne se passe plus rien de nouveau, où tout ce qui nous entoure a toujours le même sens et n’a rien de surprenant. Au contraire, faire de la philosophie c’est questionner le réel pour tenter de le voir différemment, c’est peut-être refuser ce qui est pour dire ce qui devrait être, c’est envisager les possibles.

Texte de Bertrand Russell :

« En fait, c’est dans son incertitude même que réside largement la valeur de la philosophie. Celui qui ne s’y est pas frotté traverse l’existence comme un prisonnier : prisonnier des préjugés du sens commun, des croyances de son pays ou de son temps, de convictions qui ont grandi en lui sans la coopération ni le consentement de la raison. Tout dans le monde lui paraît aller de soi, tant les choses sont pour lui comme ceci et pas autrement, tant son horizon est limité; les objets ordinaires ne le questionnent pas, les possibilités peu familières sont refusées avec mépris. Mais nous l’avons vu dès le début de ce livre : à peine commençons-nous à philosopher que même lés choses de tous les jours nous mettent sur la piste de problèmes qui restent finalement sans réponse. Sans doute la philosophie ne nous apprend-elle pas de façon certaine la vraie solution aux doutes qu’elle fait surgir : mais elle suggère des possibilités nouvelles, elle élargit le champ de la pensée en la libérant de la tyrannie de l’habitude. Elle amoindrit notre impression de savoir ce que sont les choses; mais elle augmente notre connaissance de ce qu’elles pourraient être; elle détruit le dogmatisme arrogant de ceux qui n’ont jamais traversé le doute libérateur, et elle maintient vivante notre faculté d’émerveillement en nous montrant les choses familières sous un jour inattendu. »

Bertrand Russell, Problèmes de philosophie

Emmanuel Kant : Qu’est-ce que les Lumières ?

Dans cet opuscule, Emmanuel Kant définit le progrès des Lumières. Selon lui, accéder aux Lumières c'est réussir à penser par soi-même.

Dans cet opuscule, Emmanuel Kant définit le progrès des Lumières. Selon lui, accéder aux Lumières c’est réussir à penser par soi-même. On pourrait croire que penser par soi-même est chose aisée, mais Kant explique au contraire que c’est une chose fort difficile et que peu de personnes réussissent à faire. Or, si l’on ne pense pas par soi-même, cela signifie que l’on pense par les autres ou en suivant les autres.

Les hommes ont tendance à rester « mineurs »

Emmanuel Kant explique les Lumières à partir de la distinction entre la minorité et la majorité : c’est « la sortie de l’homme de sa minorité dont il est lui-même responsable ». La minorité et la majorité ont un sens juridique, en France un mineur a moins de 18 ans et un majeur plus de 18 ans. Mais, ici, Kant prend mineur et majeur dans un sens un peu différent. La minorité c’est « l’incapacité de se servir de son entendement (pouvoir de penser) sans la direction d’autrui » qui doit être distinguée de la bêtise (privation de faculté). Ainsi, on peut très bien avoir plus de 18 ans et rester mineur selon Emmanuel Kant, si l’on continue à suivre seulement ce que l’on nous dit de faire sans penser par nous-mêmes. La devise des lumières est empruntée au poète Horace : « Sapere aude » : « ose savoir », ou « ose te servir de ton propre entendement ». Etre majeur intellectuellement, c’est donc faire usage de ses facultés intellectuelles pour prendre ses propres décisions sans suivre constamment les règles d’un autre. Ce que Kant qualifie d’hétéronomie, être hétéronome c’est recevoir ses lois (nomos) d’un autre (hétéro). Au contraire être autonome c’est recevoir ses lois ou règles (nomos) de soi-même (auto).

Selon Emmanuel Kant, penser par soi-même demande efforts et courage

Le courage est nécessaire pour passer de l’hétéronomie à l’autonomie de la pensée car les deux principales causes de la minorité selon Emmanuel Kant sont « la paresse et la lâcheté ». Selon lui, beaucoup d’hommes sont paresseux et refusent de faire des efforts. Ils préfèrent se laisser guider par facilité. Le mineur est donc celui qui se met sous tutelle par facilité. Cela signifie par exemple que nous allons préférer suivre de prétendus experts plutôt que de chercher à savoir pour prendre nos décisions. La paresse est donc la première cause et la lâcheté est la deuxième. En effet, il faut du courage pour penser par soi-même car bien sûr on va alors commencer par se tromper. Comme un enfant qui apprend à marcher commence par tomber, se relève, tombe à nouveau et recommence. De même, penser par soi-même c’est prendre le risque de se tromper et ne pouvoir en vouloir qu’à soi-même. Il peut alors être plus confortable de suivre les conseils des autres car en cas d’erreurs il est possible de dire que c’est de leur faute. Il faut donc du courage pour entreprendre de penser par soi-même.

Ces deux obstacles au progrès des Lumières (paresse et lâcheté) sont intégrés à un cercle vicieux qui rend très difficile et exceptionnel la sortie de la minorité. En effet, les tuteurs (prêtres, hommes politiques, chef, etc) ont intérêt à ce que les hommes restent mineurs car ainsi ils peuvent les diriger à leur guise, et dans le même temps, les mineurs eux-mêmes trouvent confortable de le rester. C’est pourquoi il est finalement très difficile de sortir de l’état de minorité.

Selon Emmanuel Kant, il est difficile de s’affranchir seul, c’est pourquoi il pense que la propagation des lumières se fera grâce à quelques hommes éclairés qui se sont affranchis. Cela suppose que ces hommes éclairés puissent s’exprimer. La liberté d’expression est la condition d’accès aux Lumières. Mais il faut penser des limites à cette liberté d’expression pour ne pas menacer la paix civile et l’ordre et retomber dans le règne de la violence. C’est pourquoi Kant va proposer une solution nuancée et subtile qui va concilier l’obéissance civile et le droit illimité à la critique. Il s’oppose tant à ceux qui veulent reconnaître un droit de résistance qu’à ceux qui prônent l’absence de tout raisonnement critique. Cette conciliation se fait grâce à la distinction entre l’usage public de la raison et l’usage privé de la raison.

Deux usages de la raison selon Emmanuel Kant

  • L’usage public de la raison : c’est l’usage fait en tant que savant pour le public éclairé ou à éclairer. Le savant, pour Kant n’est pas l’érudit mais l’homme éclairé qui pense par lui-même et qui contribue à la diffusion des Lumières. L’usage public de la raison doit être totalement libre car quand on pense en tant qu’être raisonnable pour toute la communauté d’êtres raisonnables, on peut dénoncer les injustices et les abus. Il présuppose donc l’universalité de la raison présente en chaque homme.
  • l’usage privé de la raison : c’est celui qui se fait dans l’exercice d’une fonction sociale (son travail par exemple). Il doit être limité. Le citoyen n’est alors qu’un rouage de la machine. La comparaison du fonctionnement de la société avec celui de la machine souligne la nécessité de la coopération de tous les éléments à des fins communes. Chacun doit remplir la fonction qui lui est imposée par un supérieur. C’est à la condition d’obéir passivement, que l’on peut agir ensemble en vue du tout comme s’il y avait une seule volonté. Si cet usage est limité et non pas supprimé, c’est parce que la raison est nécessaire à l’exécutant pour appliquer correctement l’ordre. S’il doit user de sa raison pour trouver les moyens les plus adaptés à la fin, elle ne doit en aucun cas lui servir à contester la légitimité de l’ordre. « Là il n’est donc pas permis de raisonner ; il s’agit d’obéir » afin d’empêcher tout  scrupule qui ferait naître un doute sur la conduite à tenir et serait source de conflit potentiel entre la conscience morale et l’ordre reçu.

🚀🚀🚀 Pour plus de conseils de méthode et des fiches sur les grandes notions suivez-moi sur Instagram ici.

La liberté d’expression est nécessaire pour penser véritablement :

« A la liberté de penser s’oppose, en premier lieu, la contrainte civile. On dit, il est vrai, que la liberté de parler ou d’écrire peut nous être ôtée par une puissance supérieure, mais non pas la liberté de penser. Mais penserions-nous beaucoup, et penserions-nous bien, si nous ne pensions pas pour ainsi dire en commun avec d’autres, qui nous font part de leurs pensées et auxquels nous communiquons les nôtres ? Aussi bien, l’on peut dire que cette puissance extérieure qui enlève aux hommes la liberté de communiquer publiquement leurs pensées, leur ôte également la liberté de penser — l’unique trésor qui nous reste encore en dépit de toutes les charges civiles et qui peut seul apporter un remède à tous les maux qui s’attachent à cette condition. », Kant, Qu’est-ce que s’orienter dans la pensée, 1786

Texte d’Emmanuel Kant : Début de Qu’est-ce que les Lumières ? (1784)

« Les «Lumières» se définissent comme la sortie de l’homme hors de l’état de tutelle dont il est lui-même responsable. L’état de tutelle est l’incapacité de se servir de son entendement sans être dirigé par un autre. Elle est due à notre propre faute lorsqu’elle résulte non pas d’une insuffisance de l’entendement, mais d’un manque de résolution et de courage pour s’en servir sans être dirigé par un autre. Sapere aude! Aie le courage de te servir de ton propre entendement! Telle est la devise des Lumières.

Paresse et lâcheté sont les causes qui expliquent qu’un si grand nombre d’hommes, alors que la nature les a affranchis depuis longtemps de toute tutelle étrangère, restent cependant volontiers, leur vie durant, mineurs; et qu’il soit si facile à d’autres de les diriger. Il est si commode d’être mineur. Si j’ai un livre pour me tenir lieu d’entendement, un directeur pour ma conscience, un médecin pour mon régime… je n’ai pas besoin de me fatiguer moi-même. Je n’ai pas besoin de penser, pourvu que je puisse payer; d’autres se chargeront à ma place de ce travail fastidieux. Et si la plupart des hommes finit par considérer comme dangereux le pas – en soi pénible – qui conduit à la majorité, c’est que s’emploient à une telle conception leurs bienveillants tuteurs, ceux-là mêmes qui se chargent de les surveiller. Après avoir rendu stupide le bétail domestique et soigneusement pris garde que ces paisibles créatures ne puissent faire un pas hors du parc où ils les ont enfermés, ils leur montrent ensuite le danger qu’il y aurait à marcher seuls. Or le danger n’est sans doute pas si grand, car après quelques chutes ils finiraient bien par apprendre à marcher, mais de tels accidents rendent timorés et font généralement reculer devant toute nouvelle tentative.

Il est donc difficile pour l’individu de s’arracher tout seul à la tutelle, devenue pour lui presque un état naturel. Il y a même pris goût, et il se montre incapable, pour le moment, de se servir de son propre entendement, parce qu’on ne l’a jamais laissé s’y essayer. Préceptes et formules – ces instruments mécaniques d’un usage ou, plutôt, d’un mauvais usage raisonnable de ses dons naturels – sont les entraves qui perpétuent la minorité. Celui qui s’en débarrasserait ne franchirait pourtant le fossé le plus étroit qu’avec maladresse, puisqu’il n’aurait pas l’habitude d’une pareille liberté de mouvement. Aussi n’y a-t-il que peu d’hommes pour avoir réussi à se dégager de leur tutelle en exerçant eux-mêmes leur esprit, et à avancer tout de même d’un pas assuré.

En revanche, la possibilité qu’un public s’éclaire lui-même est plus réelle; cela est même à peu près inévitable, pourvu qu’on lui en laisse la liberté. Car il y aura toujours, même parmi les tuteurs attitrés de la masse, quelques hommes qui pensent par eux-mêmes et qui, après s’être personnellement débarrassé du joug de la minorité, répandront autour d’eux un état d’esprit où la valeur de chaque homme et sa vocation à penser par soi-même seront estimées raisonnablement. Il faut cependant compter avec une restriction; c’est que le public, placé auparavant sous ce joug par les tuteurs attitrés, force ces derniers à y rester eux-mêmes, influencé alors par d’autres, incapables, quant à eux, de parvenir aux lumières. Preuve d’à quel point il est dommageable d’inculquer des préjugés, puisqu’ils finissent par se retourner contre ceux qui, contemporains ou passés, en furent les auteurs. C’est pourquoi un public ne peut accéder que lentement aux lumières. Une révolution entraînera peut-être le rejet du despotisme personnel et de l’oppression cupide et autoritaire, mais jamais une véritable réforme de la manière de penser. Au contraire, de nouveaux préjugés surgiront, qui domineront la grande masse irréfléchie tout autant que les anciens.

Or, pour répandre ces lumières, il n’est besoin de rien d’autre que de la liberté; de fait, de sa plus inoffensive manifestation, à savoir l’usage public de sa raison et ce, dans tous les domaines. Mais j’entends crier de tous côtés: «Ne raisonnez pas!». Le militaire dit: «Ne raisonnez pas, faites vos exercices!». Le percepteur: «Ne raisonnez pas, payez!». Le prêtre: «Ne raisonnez pas, croyez!». (Il n’y a qu’un seul maître au monde qui dise: «Raisonnez autant que vous voudrez et sur tout ce que vous voudrez, mais obéissez!») Dans tous ces cas il y a limitation de la liberté. Mais quelle limitation fait obstacle aux lumières? Et quelle autre ne le fait pas, voire les favorise peut-être? Je réponds: l’usage public de notre raison doit toujours être libre, et lui seul peut répandre les lumières parmi les hommes; mais son usage privé peut souvent être étroitement limité, sans pour autant gêner sensiblement le progrès des lumières. J’entends par «usage public de notre raison» celui que l’on fait comme savant devant le public qui lit. J’appelle «usage privé» celui qu’on a le droit de faire alors qu’on occupe telle ou telle fonction civile. »

L’homme prodige et chaos selon Blaise Pascal

Dans cette pensée, Blaise Pascal met en avant le caractère contradictoire ou bizarre de l'homme. Il le qualifie de chimère c'est-à-dire d'animal bizarre composé de parties disparates.

Dans cette pensée, Blaise Pascal met en avant le caractère contradictoire ou bizarre de l’homme. Il le qualifie de chimère c’est-à-dire d’animal bizarre composé de parties disparates. Dans la mythologie, la chimère est un animal fabuleux ayant la tête et le poitrail d’un lion, le ventre d’une chèvre et la queue d’un serpent. Il veut ici insister sur le caractère composite de l’homme qui en fait un monstre au sens mythologique. Pourquoi l’homme est-il une chimère selon lui ?

Selon Blaise Pascal, les hommes sont des êtres étranges car, à la fois, ils prétendent juger de tout et leur esprit puissant leur permet d’espérer comprendre l’univers, mais dans le même temps ce sont des êtres misérables. Ils sont misérables car, d’une part, ils sont très petits et très faibles physiquement, mais également car, d’autre part, ils ne sont pas omniscients et peuvent se tromper lourdement dans leurs jugements. Il y a donc une contradiction entre leur soif de découvrir la vérité et les limites de leur esprit.

Texte extrait de De L’esprit de géométrie.

« Cette véritable méthode, qui formerait les démonstrations dans la plus haute excellence, s’il était possible d’y arriver, consisterait en deux choses principales l’une, de n’employer aucun terme dont on n’eût auparavant expliqué nettement le sens; l’autre, de n’avancer jamais aucune proposition qu’on ne démontrât par des vérités déjà connues; c’est-à-dire, en un mot, à définir tous les termes et à prouver toutes les propositions. […]

Certainement cette méthode serait belle, mais elle est absolument impossible: car il est évident que les premiers termes qu’on voudrait définir, en supposeraient de précédents pour servir à leur explication, et que de même les premières propositions qu’on voudrait prouver en supposeraient d’autres qui les précédassent; et ainsi il est clair qu’on n’arriverait jamais aux premières. Aussi, en poussant les recherches de plus en plus, on arrive nécessairement à des mots primitifs qu’on ne peut plus définir, et à des principes si clairs qu’on n’en trouve plus qui le soient davantage pour servir à leur preuve. D’où il paraît que les hommes sont dans une impuissance naturelle et immuable de traiter quelque science que ce soit, dans un ordre absolument accompli. »

Pascal, De l’esprit géométrique (1658).

Texte de Blaise Pascal :

[Fragment 113-348] […] Par l’espace l’univers me comprend et m’engloutit comme un point : par la pensée je le comprends.

[Fragment 114-397] La grandeur de l’homme est grande en ce qu’il se connaît misérable ; un arbre ne se connaît pas misérable. C’est donc être misérable que de (se) connaître misérable, mais c’est être grand que de connaître qu’on est misérable.

[Fragment 200-347] L’homme n’est qu’un roseau, le plus faible de la nature, mais c’est un roseau pensant. Il ne faut pas que l’univers entier s’arme pour l’écraser ; une vapeur, une goutte d’eau suffit pour le tuer. Mais quand l’univers l’écraserait, l’homme serait encore plus noble que ce qui le tue, puisqu’il sait qu’il meurt et l’avantage que l’univers a sur lui, l’univers n’en sait rien. Toute notre dignité consiste donc en la pensée. C’est de là qu’il nous faut relever et non de l’espace et de la durée, que nous ne saurions remplir. Travaillons donc à bien penser, voilà le principe de la morale.

Pascal, Pensées et opuscules.

Citation de Sartre

Episode 6 : Citation de Sartre : Nous sommes condamnés à la liberté

Cliquez ici pour l’écouter sur Spotify ou sur Itunes.

Dans ce nouvel épisode, je vais vous expliquer une citation de Sartre sur le thème de la liberté extraite de son oeuvre l’Etre et le Néant.

Selon Sartre, je cite « Nous sommes une liberté qui choisit mais nous ne choisissons pas d’être libres : nous sommes condamnés à la liberté ». Autrement dit, l’homme est fondamentalement libre, c’est-à-dire choix et il ne peut pas ne pas choisir. Aux yeux de Sartre, la liberté constitue la condition de l’homme à laquelle il ne peut pas échapper c’est pourquoi il dit que « l’homme est condamnée à être libre » car il ne choisit pas de naître mais une fois au monde, il ne peut pas ne pas choisir. En effet, même refuser de choisir est un choix. Donc paradoxalement pour Sartre, nous ne choisissons pas d’être libre. Néanmoins, est-il évident que nous soyons libres ? Ne sommes-nous pas au contraire déterminés par des facteurs biologiques, psychologiques ou sociologiques ?

Selon Sartre, l’homme fait nécessairement des choix dans sa vie c’est pourquoi il est condamné à être libre et ce sont ses choix qui le définissent c’est-à-dire qui donnent un sens, une direction à sa vie. Il exclut ainsi l’idée que l’homme aurait un destin décidé par un Dieu qui aurait ainsi déterminé son essence (sa définition) avant qu’il ne vienne au monde. Sartre pense qu’il n’y a pas de Dieu et que de ce fait l’homme est seul et peut se définir lui-même, en d’autres termes, personne n’a pensé sa vie avant lui. C’est pourquoi il dit que l’homme est un projet, il décide de comment il va évoluer, de ce qu’il va devenir. C’est pourquoi selon Sartre, chez l’homme je cite « l’existence précède l’essence ». L’homme n’est pas comme un objet qui va d’abord être pensé par l’artisan pour ensuite être réalisé. Dans le cas de l’homme, il existe avant d’avoir une définition stricte et c’est ce qu’il fait dans sa vie qui va ensuite permettre de dire ce qu’il a été.

Sartre s’oppose à la thèse du déterminisme selon laquelle nous serions pris et tous nos choix et actions avec, dans des chaines de causes à effets. Si bien qu’en réalité ce que nous pensons être nos choix seraient en fait causés par des expériences ou événements passés . Il s’oppose à ceux qui nous disent impuissants car nous ne pourrions pas nous changer, car nous ne pourrions pas échapper à notre classe, à notre famille, à notre passé, vaincre nos désirs, ou changer nos habitudes.

En effet, selon Sartre, nous croyons que certaines choses sont des obstacles, qu’elles nous limitent, nos origine, nos expériences passées, notre biologie, mais, en réalité, ce ne sont des limites à notre liberté que parce que nous avons choisi des les voir comme telle. Il prend l’exemple du rocher : un rocher n’est pas en soi un obstacle : je cite « Le coefficient d’adversité des choses, en particulier, ne saurait être un argument contre notre liberté, car c’est par nous, c’est-à-dire par la position préalable d’une fin (d’un but), que surgit ce coefficient d’adversité. Tel rocher, qui manifeste une résistance profonde si je veux le déplacer, sera, au contraire une aide précieuse si je veux l’escalader pour contempler le paysage ». Que veut-il dire par là ? Ce qui fait que telle ou telle circonstance est un obstacle c’est le but que nous visons. En fonction de l’objectif c’est un obstacle ou une aide. Selon Sartre, nous ne sommes pas déterminés par ce qui nous arrive ou notre passé parce que c’est nous qui décidons du sens que nous allons donner à un événement en fonction du but visé. Nous pouvons considérer nos origines comme un obstacle mais aussi choisir de les voir comme un atout ou d’en faire un atout selon notre objectif.

Nous avons bien vu pourquoi, selon Sartre, nous sommes libres, mais pourquoi dire que nous sommes condamnés à l’être ? Cela semble plutôt pénible et négatif. Pour Sartre, notre liberté est absolue et c’est aussi une situation difficile. En effet, si nous sommes libres, cela signifie également que nous sommes totalement responsables de ce que nous devenons. Nous ne pouvons pas nous abriter derrière des excuses, dire que nous avons été déterminé… De ce fait, nous pouvons ressentir de l’angoisse quand nous avons à faire des choix car être libre ne signifie pas que nous n’allons pas nous tromper, au contraire. Comment être sûr de faire le bon choix quand on n’est pas omniscient ? La liberté peut donc aller de pair avec la peur de se tromper et l’angoisse ressentie face à notre immense responsabilité.

Néanmoins, nous pouvons parfois oublier notre liberté, ne plus la sentir car nous n’avons, par exemple, pas le sentiment de faire des choix importants ou de prendre des risques. C’est pourquoi Sartre dit : « Jamais nous n’avons été aussi libres que sous l’occupation allemande ». Cela semble paradoxal car dans cette situation, les français avaient perdu beaucoup de liberté et devaient subir des contraintes nombreuses. Mais dans le même temps, les choix qu’ils faisaient avaient davantage d’importance et étaient davantage ressentis car un choix pouvait leur coûter la vie. Selon Sartre, C’est dans des situations extrêmes que l’homme prend le plus intensément conscience de ses choix et donc de sa liberté.

Voilà pour cet épisode j’espère qu’il vous aura aidé à mieux comprendre cette citation de Sartre, si vous voulez plus de précision ou si vous voulez apprendre à réussir votre dissertation, vous pouvez demander ma méthode juste en dessous.

Marx : Le travail rend-il heureux ?

Pour Marx, le travail n'est pas une mauvaise chose en soi, il reconnait même que c'est quelque chose qui distingue les hommes des animaux.

Pour Marx, le travail n’est pas une mauvaise chose en soi, il reconnait même que c’est quelque chose qui distingue les hommes des animaux. Un travail qui permet à l’humain de développer et d’utiliser ses facultés humaines comme sa raison, son imagination ou son libre arbitre est un travail qui améliore l’homme ou du moins qui lui permet d’être réellement humain.

Le problème vient du type de travail et des conditions de travail qui sont données aux êtres humains. Marx écrit au 19e siècle au moment de la révolution industrielle notamment et il critique le travail à l’usine ou à la chaîne car il s’agit d’un travail qui déshumanise l’homme.

Marx parle d’aliénation du travail

Selon Marx, l’homme est mutilé par la division des tâches excessive c’est-à-dire s’il est amené à effectuer dans son travail un très petit nombres de tâches ou de mouvements de manière répétitive et mécanique. Or, cette spécialisation des tâches ne fait que s’accentuer. On est d’abord passé de l’artisanat où un artisan réalise un objet du début à la fin, à la manufacture où le travailleur ne fait plus qu’un ou deux éléments de l’objet final. Cette progression de la division des tâches culmine avec le travail à la chaîne où le travailleur effectue un seul geste répétitif entouré de machines qui amènent à lui l’objet. La tâche est de plus en plus simple, les gestes de plus en plus décomposés et mécaniques. L’homme est alors intégré à la machine et il perd ici son humanité.

C’est alors que Marx parle d’aliénation du travail car alors l’homme devient « autre ». Le terme aliénation est construit à partir du latin alienus qui signifie l’autre ou l’étranger. Alors être aliéné ou subir une aliénation c’est devenir étranger à soi-même. Pour Marx, dès lors que le travailleur ne peut plus développer et épanouir ses capacités proprement humaines telles que l’imagination, la raison, le libre arbitre, dans son travail , alors il devient une machine. Cette forme de travail rend l’homme tel un automate, il le rend stupide. On voit un bon exemple de cette folie que le travail à la chaîne produit dans les Temps modernes de Charlie Chaplin.

Le travailleur est dépossédé du fruit de son travail

Par ailleurs, comme les tâches à effectuer son de plus en plus standardisées et répétitives, le travailleur ne se sent plus l’auteur de son ouvrage, il perd la satisfaction de son travail car il n’en a fait qu’une infime partie et n’y a pas mis de créativité ou d’habileté particulière. C’est pourquoi Marx dit que l’ouvrier est également dépossédé du fruit de son travail. Il n’en tire plus de fierté d’une part et d’autre part, il n’en est plus le propriétaire. En effet, les propriétaires du résultat de son travail sont ceux qui possèdent les moyens de production c’est-à-dire les machines et le capital.

Le travailleur est alors pour finir exploité car comme son travail est peu qualifié et demande peu d’expertise, il est rémunéré un minimum c’est-à-dire selon Marx, juste assez pour qu’il puisse reconstituer sa force de travail et retourner au travail le lendemain. L’ouvrier touche alors juste assez pour avoir un toit et se nourrir. C’est pourquoi, selon Marx, tout ce qui faisait l’humanité du travailleur disparaît. Il est réduit à l’état animal non seulement pendant son travail qu’il subit mais aussi dans sa vie hors de son travail qui se réduit pour une bonne part à être la reconstitution de sa force de travail.

La valeur d’échange du travail diminue car il requiert de moins en moins de compétence et le produit du travail est tellement morcelé que le travailleur ne peut plus ni y imprimer quoi que ce soit de lui-même, ni s’y reconnaître. Non seulement il ne l’humanise plus mais il l’abrutit. Il n’est plus une manifestation de la vie mais un simple moyen d’existence, un travail forcé que l’on fait uniquement pour gagner sa vie.

Il est évident que dans ces conditions le travailleur ne peut pas tirer son bonheur de son travail, c’est plutôt le contraire, son travail fait son malheur.

Texte de Marx :

En quoi consiste la dépossession du travail ?

D’abord, dans le fait que le travail est extérieur à l’ouvrier, c’est-à-dire qu’il n’appartient pas à son être ; que, dans son travail, l’ouvrier ne s’affirme pas, mais se nie ; qu’il ne s’y sent pas satisfait, mais malheureux ; qu’il n’y déploie pas une libre énergie physique et intellec­tuelle, mais mortifie son corps et ruine son esprit. C’est pourquoi l’ouvrier n’a le sentiment d’être à soi qu’en dehors du travail; dans le travail, il se sent extérieur à soi-même. Il est lui quand il ne travaille pas et, quand il travaille, il n’est pas lui. Son travail n’est pas volon­taire, mais contraint. Travail forcé, il n’est pas la satisfaction d’un besoin, mais seulement un moyen de satisfaire des besoins en dehors du travail. La nature aliénée du travail apparaît nettement dans le fait que, dès qu’il n’existe pas de contrainte physique ou autre, on fuit le travail comme la peste. Le travail aliéné, le travail dans lequel l’homme se dépossède, est sacrifice de soi, mortification. Enfin, l’ouvrier ressent la nature extérieure du travail par le fait qu’il n’est pas son bien propre, mais celui d’un autre, qu’il ne lui appartient pas, que dans le travail l’ouvrier ne s’appartient pas à lui-même, mais à un autre (…).

On en vient donc à ce résultat que l’homme (l’ouvrier) n’a de spontanéité que dans ses fonctions animales, le manger, le boire et la procréation, peut-être encore dans l’habitat, la parure, etc ; et que, dans ses fonctions humaines, il ne sent plus qu’animalité : ce qui est animal devient humain, et ce qui est humain devient animal.

Karl Marx, Ébauche d’une critique de l’économie politique. (Manuscrit de 1844.)