Citation de Rousseau

Rousseau a une conception du désir à l'opposé de philosophes comme Platon ou Epicure qui voient dans le désir une source de souffrance.

Rousseau a une conception du désir à l’opposé de philosophes comme Platon ou Epicure qui voient dans le désir une source de souffrance, surtout quand les désirs sont difficiles à satisfaire ou incessants. Rousseau, au contraire, défend que l’on est véritablement heureux que lorsque l’on désire car alors on est dans l’illusion. Celui qui désire imagine ce qu’il désire, il imagine comme cela sera bien d’obtenir ce qu’il veut et ce rêve le rend heureux. Rousseau a ici une vision du désir qui s’oppose totalement à l’idée que finalement désirer c’est souffrir, car manquer de ce que l’on désire. Il semble plutôt insister sur la satisfaction que peut donner la rêverie et l’insatisfaction relativement rapide que l’on a une fois que l’on obtient réellement ce que l’on veut.

Texte de Rousseau :

Tant qu’on désire on peut se passer d’être heureux ; on s’attend à le devenir : si le bonheur ne vient point, l’espoir se prolonge, et le charme de l’illusion dure autant que la passion qui le cause. Ainsi cet état se suffit à lui-même, et l’inquiétude qu’il donne est une espèce de jouissance qui supplée à la réalité, qui vaut mieux peut-être. Malheur à qui n’a plus rien à désirer ! Il perd pour ainsi dire tout ce qu’il possède. On jouit moins de ce qu’on obtient que de ce qu’on espère, et l’on est heureux qu’avant d’être heureux. En effet, l’homme avide et borné, fait pour tout vouloir et peu obtenir, a reçu du ciel une force consolante qui rapproche de lui tout ce qu’il désire, qui le soumet à son imagination, qui le lui rend présent et sensible, qui le lui livre en quelque sorte, et pour lui rendre cette imaginaire propriété plus douce, le modifie au gré de sa passion. Mais tout ce prestige disparaît devant l’objet même ; rien n’embellit plus cet objet aux yeux du possesseur ; on ne se figure point ce qu’on voit ; l’imagination ne pare plus rien de ce qu’on possède, l’illusion cesse où commence la jouissance. Le pays des chimères est en ce monde le seul digne d’être habité et tel est le néant des choses humaines, qu’hors l’Être existant par lui-même, il n’y a rien de beau que ce qui n’est pas.

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Jean-Jacques Rousseau, La Nouvelle Héloïse (1761).

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