Bienvenue sur Apprendre la philosophie !
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Cette citation de Freud est représentative d’une thèse qu’il défend notamment dans son oeuvre Malaise dans la civilisation (1929). Selon lui, il y a dans la nature humaine une pulsion agressive qui est la cause de la violence qui existe entre les humains. Or, pour pouvoir vivre pacifiquement ensemble, les hommes doivent renoncer en grande partie à satisfaire cette pulsion agressive ou la satisfaire d’une manière socialement acceptable. Cela peut prendre la forme d’activités réglementées comme la pratique d’un sport où une certaine forme de violence est permise. On peut penser à la boxe par exemple. Mais, cela peut également prendre la forme d’une insulte qui remplace la violence physique, l’une étant plus socialement acceptable que l’autre.
C’est pourquoi, dans cette citation de freud, l’insulte est paradoxalement un signe de civilisation car la civilisation désigne pour lui ce processus par lequel les hommes font des efforts pour faire taire leurs pulsions et agir bien avec les autres, c’est-à-dire se conduire moralement. C’est le Surmoi (conscience morale) qui en l’homme va s’opposer à ses pulsions pour réduire ou transformer leurs expressions. De cette opposition naît une tension dans chaque être humain, car on peut dire qu’il y a en lui un combat entre pulsions et conscience morale. Ce qui produit un certain malaise selon Freud.
Texte de Freud :
« Il est devenu courant, pour nous, de dire que notre civilisation a été édifiée aux dépens d’aspirations sexuelles qui sont inhibées par la société, en partie refoulées, en partie aussi mises au service de nouveaux buts. Nous avons aussi reconnu que, malgré toute la fierté que nous donnent nos conquêtes culturelles, il ne nous est pas facile de satisfaire aux exigences de cette civilisation, de nous sentir à l’aise en elle, parce que les restrictions pulsionnelles qui nous sont imposées signifient pour nous une lourde charge psychique. Or, ce que nous avons reconnu pour les pulsions sexuelles vaut, dans une mesure égale et peut-être plus grande, pour les autres, les pulsions d’agression. Ce sont elles surtout qui rendent difficile la coexistence des hommes et qui menacent sa continuation ; une limitation de son agressivité : tel est le premier et peut-être le plus dur sacrifice que la société doit exiger de l’individu. »
Freud, Nouvelles conférences d’introduction à la psychanalyse
Une mauvaise façon de commencer une introduction est sans doute de commencer par une liste de définitions des termes du sujet. Commencer à définir les termes du sujet est évidemment nécessaire dans l’introduction. Néanmoins il est beaucoup habile et intéressant d’utiliser ces définitions pour justifier des réponses possibles au sujet. Je vous renvoie sur cette question au troisième épisode de ce podcast où j’ai expliqué comment analyser le sujet et formuler la problématique dans l’introduction de votre dissertation.
Une autre erreur courante consiste à faire une accroche qui introduit la notion générale du sujet mais pas ce sujet en particulier. Par exemple, si vous avez un sujet tel que « Le bonheur dépend-il de nous ? », si vous faites une accroche qui parle simplement du bonheur ou qui définit le bonheur sans répondre au sujet précisément alors vous n’introduisez pas vraiment ce sujet mais la notion de bonheur en général.
Pour que votre accroche introduise vraiment le sujet qui vous est donné, il faut qu’elle permette d’entrevoir une première réponse au sujet. Si on prend le sujet « le bonheur dépend il de nous ? », votre accroche peut consister en un exemple qui vous permet de faire une première hypothèse. Par exemple que le bonheur dépend de nous.
C’est encore mieux si après cette première réponse rapide vous pouvez commencer à montrer le problème et en émettant un doute sur cette première réponse. Par exemple en posant une question qui suggère que la thèse adverse pourrait également être défendue.
Deux manières différentes de faire une bonne accroche pour votre introduction de philosophie.
– Une 1er façon consiste à utiliser une citation. Il est déconseillé d’utiliser des auteurs dans l’introduction car l’introduction est plutôt le moment où vous devez définir les termes et montrer le problème du sujet de manière générale. Néanmoins, il y a une exception à cette règle, vous pouvez utiliser un auteur en accroche en le citant puis en expliquant la citation afin de montrer comment elle pourrait répondre au sujet.
Cette façon de faire est la plus difficile car il est assez rare surtout quand le programme est très varié d’avoir exactement la citation qui va coller au sujet. Cela implique d’avoir appris des citations par coeur et le risque va être de vouloir absolument utiliser une des citations connues même si elle ne correspond pas exactement au sujet. Il est donc préférable de vraiment s’assurer que votre citation peut être une réponse au sujet et si tel n’est pas le cas, envisagez plutôt d’utiliser un exemple. Commencer son devoir par une citation hors sujet est plutôt contreproductif.
Pour que cela soit bien clair, je vais vous donner un exemple d’accroche avec une citation sur le sujet « Le bonheur dépend-il de nous ? » : « Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, ce sont les jugements qu’ils portent sur les choses ». Epictète,stoïcien né en 50 après J-C, défend ici que ce qui affecte les hommes et peut les rendre malheureux, ce ne sont finalement pas les événements eux-mêmes, mais la manière dont ils jugent ces événements. Ce faisant, il semble défendre que le bonheur est bien quelque chose qui dépend de nous, puisqu’il dépend de nos jugements. Mais peut-on réellement défendre que notre bonheur dépend seulement de nos jugement sur les événements et sur notre vie ?
L’accroche permet ici de donner une première réponse au sujet et elle introduit le problème en esquissant une objection dans un deuxième temps. A la suite de cela, vous pouvez rappeler le sujet et formuler la problématique puis énoncer votre plan.
– La 2e façon de faire une accroche consiste à utiliser un exemple et à montrer en quoi il permet de donner une première réponse au sujet. Cet exemple peut être un exemple de la vie quotidienne mais évidement des exemples plus recherchés seront valorisés. Vous pouvez par exemple prendre des exemples littéraires si le sujet porte sur la liberté, la morale, le bonheur… ou des exemples plus politiques sur les sujets portant sur l’Etat ou la justice et le droit. Des exemples plus scientifiques seront valorisés si le sujet porte sur la Vérité ou sur les sciences.
Si on compare l’accroche citation et l’accroche exemple, l’accroche exemple est sans doute une manière plus simple de procéder, car si vous n’avez pas d’exemple il est toujours possible d’en inventer un. L’essentiel est de prendre un exemple qui vous permet de donner une première réponse au sujet puis d’envisager une objection afin de montrer que le sujet va faire débat. En d’autres termes qu’il pose un problème qu’il vous faudra discuter pendant tout votre devoir.
Pour finir je vais vous donner un exemple d’accroche utilisant un exemple avec le sujet « La recherche du bonheur peut-elle être un devoir ? » :
Dans la tragédie Le Cid de Corneille, le personnage principal Don Rodrigue est face à un dilemme : choisir entre son devoir de sauvegarder l’honneur de sa famille et le fait de poursuivre son bonheur. Il choisit finalement de faire son devoir en tuant le père de Chimène mais renonce alors à son bonheur. Nous pouvons remarquer que dans Cette histoire, rechercher le bonheur n’est pas un devoir et même qu’au contraire faire son devoir va être plutôt un obstacle à la recherche du bonheur. Pourtant, faut-il toujours opposer la recherche du bonheur et le devoir ?
Voilà pour cet épisode sur l’accroche de dissertation de philosophie, j’espère qu’il vous aidera à bien commencer votre dissertation, si vous voulez davantage de précisions ou d’exemples, je vous invite à aller lire mon article sur l’accroche sur mon blog apprendre la philosophie.
Il y a deux types d’exercices qui vous sont proposés au bac : la dissertation et l’explication de texte en philosophie. Le jour du bac cela prend cette forme là, vous avez le choix entre deux sujets de dissertation et un texte à expliquer.
Que faire pour bien expliquer un texte de philosophie ? Il est d’abord nécessaire de le lire plusieurs fois en essayant de repérer des éléments important – c’est normal si vous ne comprenez pas tout au début, cela va s’éclairer en allant. Lors vos premières lectures vous devez chercher le thème du texte, c’est-à-dire que vous devez chercher de quoi parle ce texte en général.
Très souvent le thème du texte correspond à une des 17 notions du programme de philosophie. Vous pouvez ainsi avoir un texte dont le thème est « la liberté ». Il peut arriver néanmoins que cela ne corresponde pas exactement à une grande notion du programme, mais plutôt à un sous-thème, par exemple, « la différence entre l’homme et l’animal » dont il peut être question dans le cours sur la nature.
Si l’on prend le début de ce texte de Schopenhauer, » Que notre vie était heureuse, c’est ce dont nous ne nous apercevons qu’au moment où ces jours heureux ont fait place à des jours malheureux. ». Il semble très vite qu’il va être question du bonheur, en effet la notion de bonheur apparaît plusieurs fois, dans le début du texte ici ici et ici. Il est néanmoins toujours important de bien lire tous le texte pour déterminer le thème, car parfois les premières lignes ne permettent pas d’identifier le thème avec certitude.
Une fois que vous avez trouvé ce dont par le texte en générale donc le thème. Il faut chercher la thèse du texte c’est-à-dire ce que défend l’auteur dans le texte à propos du thème que vous avez identifié. Par exemple, si le thème est « la différence entre l’homme et l’animal », la thèse du texte pourrait être « l’homme est un être doué de raison et de langage contrairement à l’animal ».
Attention, Il est absolument essentiel de trouver la thèse du texte et je vous déconseille de prendre l’explication de texte au bac si au bout de quelques lectures vous n’avez pas trouvé la thèse du texte car vous risquez alors de faire de nombreux contresens.
Un autre problème que rencontrent souvent les étudiants pour trouver la thèse vient du fait que souvent l’auteur affirme plusieurs choses dans un même texte. Il y a plusieurs idées. alors comment savoir laquelle de ces idées est la thèse ? En effet très souvent, il y a dans le texte, la thèse centrale que défend l’auteur et des arguments qui viennent justifier et soutenir cette thèse. Une erreur peut alors consister à prendre un argument ou une idée secondaire pour la thèse du texte, ce qui va vous faire manquer une partie du texte et sa cohérence globale.
Je m’explique, par exemple on peut imaginer un texte où la thèse de l’auteur est qu’il est moralement mal de faire souffrir les animaux. Dans ce texte l’auteur pourrait également défendre que les animaux sont des êtres sensibles, qui peuvent souffrir. Mais là il faut voir que l’idée que les animaux sont sensibles est un argument pour justifier qu’il est mal de les faire souffrir. C’est un argument qui justifie la thèse.
Comment peut on le savoir ? et bien il est impossible de faire l’inverse. L’idée qu’il est mal de faire souffrir les animaux n’est pas une idée qui justifie qu’ils sont des êtres sensibles. Cela n’a pas de sens. ça n’est pas parce qu’il est mal de les faire souffrir qu’ils sont sensibles, mais plutôt l’inverse c’est parce qu’ils sont sensibles que l’on peut défendre qu’il est mal de les faire souffrir.
L’explication de texte en philosophie c’est du gâteau !
Il faut donc avoir en tête qu’il y a une hiérarchie à trouver dans un texte de philosophie. J’aime bien dire que l’on peut voir un texte de philosophie comme une pyramide ou encore si la métaphore pâtissière vous plaît davantage comme un gros gâteau à étages.
La thèse c’est à dire l’idée principale qui est défendue est au sommet de la pyramide car c’est cette idée que l’auteur va chercher à justifier. Pour cela il va devoir donner des arguments et des exemples pour soutenir son idée. Ainsi dans un texte de philosophie vous allez trouver en premier lieu une thèse, soutenue par un ou des arguments, parfois des exemples et également des concepts ou notions qu’il faudra expliciter.
Néanmoins pour le moment nous en sommes au début du travail au brouillon.Vous avez donc trouvé le thème et la thèse du texte. Il faut à présent trouver le problème auquel l’auteur répond dans ce texte ou si vous voulez la question qu’il s’est posé avant d’écrire son texte et à laquelle il répond avec le texte. Donc le plus souvent le problème n’est pas formulé dans le texte et il va falloir le trouver. Comment faire ?
Une bonne manière de trouver le problème du texte peut consister à prendre la thèse du texte et à chercher la thèse adverse. Par exemple, si la thèse du texte est : « l’homme est un être à part dans la nature » la thèse adverse peut être : « l’homme n’est pas à part dans la nature, c’est un animal comme un autre». Une fois que vous avez identifié thèse et antithèse vous pouvez formuler le problème sous forme d’alternative. Par exemple : « l’auteur s’est demandé si les hommes étaient à part dans la nature ou bien si l’humain n’était pas plutôt un animal comme un autre ? ».
Enfin, pour finir le travail au brouillon, il faut trouver ce qu’on appelle le plan du texte. Vous devez faire une explication linéaire c’est-à-dire expliquer le texte dans l’ordre un phrase après l’autre. Il faut découper le texte en 2 à 4 parties pas plus.
Comment bien découper le texte ?
Votre découpage doit être logique et correspondre à des étapes de l’argumentation de l’auteur. Vous devez pouvoir dire dans cette première partie des lignes tant à tant l’auteur énonce sa thèse ou bien développe un argument ou bien propose un exemple, ou bien formule une objection et y répond etc. Dans un texte vous allez toujours trouver une thèse et au moins un argument, parfois il y aura plutôt deux ou trois arguments, parfois un exemple ou deux. Parfois l’auteur formulera une objection, parfois il fera une conclusion Il faut ensuite vous adapter à ce que vous trouvez dans le texte.
Une fois que vous avez trouvé le thème, la thèse, les différentes parties du texte et formulé le problème auquel répond le texte, il ne vous reste plus qu’à rédiger votre introduction.
Voilà pour cette première vidéo sur la méthode de l’explication de texte en philosophie, j’espère qu’elle vous aidera à bien commencer votre explication.
Le philosophe Alain défend une thèse qui peut sembler paradoxale : nous aurions le devoir d’être heureux. Cette thèse ne semble pas évidente car la notion de devoir et notamment de devoir moral est à l’époque moderne plutôt opposée à l’idée de bonheur. En effet, ce que nous devons faire pour bien agir, apparaît généralement comme quelque chose de contraignant qui peut s’opposer à notre intérêt particulier. Par exemple, si je trouve un portefeuille par terre, mon devoir est de le rendre à son propriétaire, néanmoins cela peut sembler contraire à mon intérêt particulier et à mon bonheur (ce qu’il faudrait discuter). Ainsi, faire son devoir ce serait quelque part sacrifier son bonheur. En bon philosophe Alain prend le contrepied de cette thèse et défend qu’au contraire on peut avoir le devoir moral d’être heureux car c’est notre bonheur qui peut rendre les autres heureux.
Ainsi, pour Alain, on peut défendre que c’est faire le bien de tous que d’être soi-même heureux car alors on adoucit et rend plus belle la vie de ceux qui nous entourent. Comme il le dit « le malheur, l’ennui et le désespoir sont dans l’air que nous respirons », ce qui signifie que quelqu’un de malheureux va en quelques sortes contaminer les autres et leur transmettre son désespoir car il est, selon Alain, difficile d’être heureux au côté de quelqu’un qui est sans cesse malheureux. Notre propre bonheur favorise celui des autres et ainsi il n’est pas juste d’opposer mon bonheur avec mon devoir moral, au contraire ils peuvent se rejoindre.
Texte du philosophe Alain :
« Il est toujours difficile d’être heureux ; c’est un combat contre beaucoup d’événements et contre beaucoup d’hommes ; il se peut que l’on y soit vaincu ; il y a sans doute des événements insurmontables et des malheurs plus forts que l’apprenti stoïcien ; mais c’est le devoir le plus clair peut-être de ne point se dire vaincu avant d’avoir lutté de toutes ses forces. Et surtout, ce qui me paraît évident, c’est qu’il est impossible que l’on soit heureux si l’on ne veut pas l’être ; il faut donc vouloir son bonheur et le faire. Ce que l’on n’a point assez dit, c’est que c’est un devoir aussi envers les autres que d’être heureux. On dit bien qu’il n’y a d’aimé que celui qui est heureux ; mais on oublie que cette récompense est juste et méritée ; car le malheur, l’ennui et le désespoir sont dans l’air que nous respirons tous ; aussi nous devons reconnaissance et couronne d’athlète à ceux qui digèrent les miasmes, et purifient en quelque sorte la commune vie par leur énergique exemple. Aussi n’y a-t-il rien de plus profond dans l’amour que le serment d’être heureux. Quoi de plus difficile à surmonter que l’ennui, la tristesse ou le malheur de ceux que l’on aime ? Tout homme et toute femme devraient penser continuellement à ceci que le bonheur, j’entends celui que l’on conquiert pour soi, est l’offrande la plus belle et la plus généreuse. J’irais même jusqu’à proposer quelque couronne civique pour récompenser les hommes qui auraient pris le parti d’être heureux. Car, selon mon opinion, tous ces cadavres, et toutes ces ruines, et ces folles dépenses, et ces offensives de précaution, sont l’œuvre d’hommes qui n’ont jamais su être heureux et qui ne peuvent supporter ceux qui essaient de l’être. »
Alain, Propos sur le bonheur, 1923, Chapitre XCII : Devoir d’être heureux, éditions Gallimard, 1928, pp. 269-271
Dans ce nouvel épisode consacré à la méthodologie, je vais vous expliquer comment construire votre plan de dissertation en philosophie. Dans le précédent épisode, nous avons vu comment analyser le sujet et formuler la problématique. Cette étape est importante car si vous avez bien formulé la problématique, vous avez déjà un début de plan.
En effet, en montrant le problème du sujet, c’est-à-dire en montrant qu’il y a au moins deux réponses qui s’opposent sur ce sujet, vous avez déjà la première et la deuxième partie de votre plan. Par exemple, sur le sujet « le bonheur est-il un idéal inaccessible ? », vous pouvez d’abord défendre dans une première partie qu’effectivement le bonheur semble difficilement accessible. Puis dans une seconde partie, vous développerez une argumentation qui défendra au contraire que le bonheur est bien un idéal accessible. Vous commencerez alors un plan de dissertation que l’on nomme plan dialectique.
Alors qu’est-ce qu’un plan dialectique ? Et avec quoi ne faut-il pas le confondre ?
Le principe du plan dialectique est que votre devoir doit être organisé comme un débat. Votre plan va alors prendre la forme suivante : thèse/antithèse/thèse. Cela signifie que par exemple si le sujet est « Faut-il rechercher le bonheur ? », votre première partie doit répondre soit oui, il faut rechercher le bonheur, soit non il ne faut pas recherche le bonheur. Et si votre première partie défend plutôt oui, alors la deuxième partie doit s’y opposer et défendre plutôt que non. Enfin si vous avez défendu le non en deuxième partie, votre troisième partie devrai plutôt s’y opposer et défendre que oui.
Il est aujourd’hui déconseillé de faire une synthèse en troisième partie, car cela entraîne très souvent des troisièmes parties peu intéressantes où l’étudiant finit sur un « peut-être que oui, peut-être que non ». Or, le but de la dissertation est tout de même d’arriver à une réponse argumentée relativement solide. En d’autres termes, il faut que vous preniez position sur le sujet dans un sens ou dans un autre. Le correcteur doit pouvoir dire à la fin si vous avez répondu plutôt oui ou plutôt non au sujet.
Par ailleurs, il faut vous assurer que chacune de vos parties réponde au sujet dans son intégralité et éviter le plan thématique qui justement risque de ne pas répondre au sujet. Le pire consiste à découper le sujet selon les différentes notions du sujet et à les traiter séparément dans les parties. Par exemple, sur le sujet « un homme libre est-il nécessairement heureux ? » où il y a deux grandes notions du programme la liberté et le bonheur, si vous faites : Première partie le bonheur, deuxième partie la liberté, troisième partie le bonheur et la liberté, alors vos deux premières parties sont hors sujet car elles ne répondent pas au sujet. En effet, expliquer ce qu’est le bonheur dans une première partie ne répond pas à la question de savoir si un homme libre est nécessairement heureux.
Donc point très important, chacune de vos parties doit répondre au sujet de manière claire sinon vous risquez de faire un hors sujet.
Alors comment construire son plan de dissertation concrètement ?
Je vais vous donner d’abord une méthode à suivre si vous êtes totalement débutant en philosophie. Disons que c’est un bon point de départ si vous êtes en terminale. Le but est de construire un plan qui fasse thèse/antithèse/thèse : si je simplifie cela signifie que vous devez arriver à quelque chose comme oui/non/oui ou non/oui/non.Il faut alors que vous commenciez par déterminer quelle est la position que vous voulez défendre pour finir c’est-à-dire en troisième partie car vous allez construire votre plan en fonction de cela. La thèse que vous défendez en troisième partie doit être celle qui vous semble la plus juste.
Une fois que vous avez déterminé la réponse que vous voulez défendre pour finir, il vous faut construire vos parties 1 et 2 en conséquences. Si vous voulez finir en défendant non alors votre deuxième partie devra défendre le oui et la première le non.
Il y a deux cas de figures possibles :
– soit vous n’avez pas d’avis particulier sur le sujet et ne voulez pas défendre une thèse en particulier, alors vous allez simplement vous demandez pour quelle réponse au sujet vous avez le plus d’arguments. Par exemple, si vous avez d’avantage d’arguments pour défendre que le bonheur est inaccessible alors vous ferez un plan en Non/oui/Non. Vous veillerez évidemment à ce que les arguments les plus forts soient dans la troisième partie car ce sont ceux qui ont résisté aux objections de la deuxième partie.
– soit vous voulez défendre une réponse en particulier, alors vous allez organiser votre plan de manière à finir en troisième partie par la réponse que vous voulez défendre. Ceci car dans un discours ou une argumentation, les éléments qui arrivent en dernier sont souvent les plus forts et ceux qui vont rester en mémoire. Dans ce cas, si vous voulez finir par la thèse selon laquelle le bonheur est bien un idéal accessible, alors vous allez faire un plan en Oui/Non/Oui.
A présent je vais vous expliquer comment faire une très bonne troisième partie. Chose que vous pourriez arriver à faire avec un peu de pratique de la philosophie et qui correspond à un niveau plus confirmé.
Il y a plusieurs façons de faire une bonne troisième partie dans un plan de dissertation. Le mieux est de faire en sorte que la troisième partie apporte réellement quelque chose et fasse progresser l’argumentation ou la définition des termes du sujet. Une façon de faire encore facile consiste à s’appuyer sur un élément secondaire du sujet comme l’adverbe. Par exemple, si le sujet est : « un homme libre est-il nécessairement heureux ? » alors vous pouvez vous appuyer sur le « nécessairement » pour montrer qu’un homme libre peut souvent être heureux mais pas nécessairement.
Néanmoins les deux formes de troisième partie les plus habiles sont les suivantes :
– 1er façon de faire : Faire une troisième partie en s’appuyant sur une distinction conceptuelle. Qu’est-ce que c’est ? Dans votre devoir, vous devez gagner en précision dans la définition des termes du sujet et notamment distinguer de plus en plus le terme principal des autres termes qui semblent d’abord proches mais n’ont cependant pas exactement le même sens. Par exemple, si vous avez le terme bonheur dans le sujet, les termes proches sont plaisir et joie. Ainsi, si le sujet est « le bonheur est-il un idéal inaccessible ? », vous pourriez faire une troisième partie qui défend que le bonheur entendu comme état de satisfaction durable et global est sans doute inaccessible, mais que ça n’est peut-être pas le cas de la joie entendue comme état de satisfaction plus éphémère et plus intense ressenti lorsque l’on réussit quelque chose qui a demandé des efforts. Vous pourriez alors finir en défendant que le bonheur est inaccessible mais pas la joie.
– 2e façon de faire : Faire une troisième partie en « dépassant » le sujet. Il n’est pas rare d’entendre que la troisième partie doit opérer un dépassement du sujet. Qu’est-ce que cela veut dire ? Cela signifie, par exemple, que l’on va montrer qu’il y a peut-être une manière plus satisfaisante et intéressante de poser le problème. Le risque néanmoins ici est de changer complètement le sujet et de faire un hors sujet. Faire une troisième partie de ce type demande donc une très bonne compréhension du sujet.
Comment faire pour éviter un hors sujet dans votre plan de dissertation ?
D’abord, il faut être conscient que cette forme de troisième partie ne sera pas toujours possible ou ne conviendra pas toujours à la direction qu’a prise votre argumentation. Ne cherchez donc pas à faire ainsi à toute force. Souvent, une bonne manière de dépasser le sujet consiste à reposer le sujet non pas en terme de possibilité mais en terme de légitimité ou de valeur. Par exemple, si le sujet est « Peut-on échapper au temps ? », après avoir fait les deux premières parties en traitant de la possibilité ou non d’échapper au temps, vous pouvez en troisième partie, vous demandez si la question ne serait pas plutôt de savoir s’il est souhaitable de vouloir échapper au temps. est-ce légitime ? est-ce bien ? Alors votre troisième partie défendra par exemple que même s’il était possible d’échapper au temps ce n’est peut-être pas souhaitable.
Voilà pour cet épisode j’espère qu’il vous aidera à bien réussir votre plan de dissertation, si vous voulez davantage de précisions je vous invite à aller lire mes articles qui traitent de la méthode de la dissertation sur le site apprendre la philosophie.
Si finalement notre identité dépend de notre conscience et de ce dont nous nous souvenons comme le dit Locke, alors il y a lieu de se demander dans quelles mesures nous ne sommes pas les auteurs de notre identité à la manière d’un écrivain. C’est ce que défend Paul Ricoeur dans Soi-même comme un autre.
En effet, notre mémoire est partielle, nous ne nous souvenons pas de tout ce qui nous arrive et même nous pouvons choisir d’oublier certaines choses si cela ne nous convient pas ou si nous ne nous identifions pas à ces actes ou événements. Par exemple, j’ai pu manquer de prudence mais je ne me définis pas comme imprudente donc je vais avoir tendance à occulter ces actions imprudentes de ma mémoire.
C’est pourquoi Paul Ricoeur, philosophe du 20e siècle, parle d’une identité narrative. Selon lui, mon moi, mon identité n’existe que dans la mesure où je m’en fais le récit et en fais le récit aux autres. Le moi n’est pas quelque chose qui existerait déjà dont je devrais prendre connaissance, c’est moi qui le crée parce que je fais deux choses qui sont propre à la narration. De quoi s’agit-il ?
SelonRicoeur, notre identité est une histoire
En effet, selon Ricoeur, quand nous voulons dire qui nous sommes, ou quand nous nous demandons qui nous sommes, nous allons, sélectionner certains souvenirs, certaines expériences qui nous semblent significatives. Nous le faisons nécessairement car, d’une part, nous ne nous souvenons pas de tout, d’autre part, même dans ce dont nous nous souvenons il faut choisir car il y a trop de souvenirs pour que cela fasse un tout cohérent.
La deuxième chose que nous faisons, consiste à donner une unité à ces souvenirs. Nous avons même sans doute sélectionné nos souvenirs en vue de leur donner une cohérence et une unité. Ainsi, si je m’identifie à quelqu’un de courageux, je vais sélectionner tout ce qui dans ma mémoire va dans le sens de cette idée. De même, si je me considère comme nul en maths, je vais retrouver tous les souvenirs qui me confirmeront que j’ai toujours été nul en maths. Mais il est vraisemblable que faisant cela j’occulte d’autres expériences qui pourraient ne pas aller dans le sens de cette histoire que je me raconte.
Sommes-nous prisonniers de notre passé ?
Il est courant d’envisager notre passé comme quelque chose qui nous détermine car certains événements ou circonstances auraient eu une influence déterminante sur notre vie et sur la personne que nous sommes au présent. Mais la thèse de Ricoeur nous permet d’envisager une autre réponse à cette question. Nous pourrions, en effet, considérer au contraire que ça n’est pas mon passé qui me détermine mais mon présent qui détermine mon passé. Car, c’est moi aujourd’hui qui fait une relecture de mon passé afin qu’il soit cohérent avec le présent. Alors, si je pense aujourd’hui que je n’ai jamais eu de chance, je vais pouvoir retrouver dans ma mémoire tous les souvenirs qui confirment cette idée et il y a en forcément. Cela ne signifie pas que c’est la réalité. C’est simplement l’histoire que je me raconte, l’identité narrative qui est la mienne aujourd’hui.
Texte de Ricoeur :
Ricoeur répond à des objections à sa thèse :
» Qu’en est-il, d’abord, du rapport entre auteur, narrateur et personnage, dont les rôles et les discours sont bien distincts au plan de la fiction ? Quand je m’interprète dans les termes d’un récit de vie, suis-je à la fois les trois, comme dans le récit auto-biographique ? Narrateur et personnage, sans doute, mais d’une vie dont, à la différence des êtres de fiction, je ne suis pas l’auteur, mais au plus, selon le mot d’Aristote, le coauteur […] Il faut que la vie soit rassemblée pour qu’elle puisse se placer sous la visée de la vraie vie. Si ma vie ne peut être saisie comme une totalité singulière, je ne pourrai jamais souhaiter qu’elle soit réussie, accomplie. Or, rien dans la vie réelle n’a valeur de commencement narratif ; la mémoire se perd dans les brumes de la petite enfance ; ma naissance et, à plus forte raison, l’acte par lequel j’ai été conçu appartiennent plus à l’histoire des autres, en l’occurrence celle de mes parents, qu’à moi-même. Quant à ma mort, elle ne sera racontée que dans le récit de ceux qui me survivront ; je suis toujours vers ma mort, ce qui exclut que je la saisisse comme fin narrative. A cette difficulté fondamentale s’en joint une autre, qui n’est pas sans rapport avec la précédente ; sur le parcours connu de ma vie, je peux tracer plusieurs itinéraires, tramer plusieurs intrigues, bref raconter plusieurs histoires, dans la mesure où, à chacune, manque le critère de la conclusion, ce « sense of an ending » sur lequel Kermode insiste tant. Allons plus loin: alors que chaque roman déploie un monde du texte qui lui est propre, sans que l’on puisse le plus souvent mettre en rapport les intrigues en quelque sorte incommensurables de plusieurs oeuvres (à l’exception peut-être de certaines séries comme celles des romans de générations : Buddenbrook de Thomas Mann, des Hommes de bonne volonté de Jules Romains sur le modèle du bout-à-bout des histoires des patriarches dans la Bible), les histoires vécues des uns sont enchevêtrées dans les histoires des autres. Des tranches entières de ma vie font partie de l’histoire de la vie des autres, de mes parents, de mes amis, de mes compagnons de travail et de loisir. Ce que nous avons dit plus haut des pratiques, des relations d’apprentissage, de coopération et de compétition qu’elles comportent, vérifie cet enchevêtrement de l’histoire de chacun dans l’histoire de nombreux autres […] Tous ces arguments sont parfaitement recevables : équivocité de la notion d’auteur; inachèvement « narratif » de la vie ; enchevêtrement des histoires de vie les unes dans les autres ; inclusion des récits de vie dans une dialectique de remémoration et d’anticipation. Ils ne me semblent pas, toutefois, susceptibles de mettre hors jeu la notion même d’application de la fiction à la vie. Les objections ne valent que contre une conception naïve de la mimèsis, celle même que mettent en scène certaines fictions à l’intérieur de la fiction, tels le premier Don Quichotte ou Madame Bovary. Elles sont moins à réfuter qu’à intégrer à une intelligence plus subtile, plus dialectique, de l’appropriation. C’est dans le cadre de la lutte, évoquée plus haut, entre le texte et le lecteur qu’il faut replacer les objections précédentes. Équivocité de la position d’auteur ? Mais ne doit-elle pas être préservée plutôt que résolue ? En faisant le récit d’une vie dont je ne suis pas l’auteur quant à l’existence, je m’en fais le coauteur quant au sens. Bien plus, ce n’est ni un hasard ni un abus si, en sens inverse, maints philosophes stoïciens ont interprété la vie elle-même, la vie vécue, comme la tenue d’un rôle dans une pièce que nous n’avons pas écrite et dont l’auteur, par conséquent, recule au-delà du rôle.
L’enchevêtrement des histoires de vie les unes dans les autres est-il rebelle à l’intelligence narrative que nourrit la littérature ? Ne trouve-t-il pas plutôt dans l’enchâssement d’un récit dans l’autre, dont la littérature donne maints exemples, un modèle d’intelligibilité’? Et chaque histoire fictive, en faisant affronter en son sein les destins différents de protagonistes multiples, n’offret-elle pas des modèles d’interaction où l’enchevêtrement est clarifié par la compétition des programmes narratifs ? La dernière objection repose sur une méprise qu’il n’est pas toujours facile de déjouer. On croit volontiers que le récit littéraire, parce qu’il est rétrospectif, ne peut instruire qu’une méditation sur la partie passée de notre vie. Or le récit littéraire n’est rétrospectif qu’en un sens bien précis : c’est seulement aux yeux du narrateur que les faits racontés paraissent s’être déroulés autrefois. Le passé de narration n’est que le quasi-passé de la voix narrative’. Or, parmi les faits racontés à un temps du passé, prennent place des projets, des attentes, des anticipations, par quoi les protagonistes du récit sont orientés vers leur avenir mortel : en témoignent les dernières pages puissamment prospectives de la Recherche, déjà évoquée plus haut au titre de la clôture ouverte du récit de fiction. Autrement dit, le récit raconte aussi le souci. En un sens, il ne raconte que le souci. C’est pourquoi il n’y a pas d’absurdité à parler de l’unité narrative d’une vie, sous le signe de récits qui enseignent à articuler narrativement rétrospection et prospection. Il résulte de cette discussion que récits littéraires et histoires de vie, loin de s’exclure, se complètent, en dépit ou à la faveur de leur contraste. Cette dialectique nous rappelle que le récit fait partie de la vie avant de s’exiler de la vie dans l’écriture ; il fait retour à la vie selon les voies multiples de l’appropriation et au prix des tensions inexpugnables que l’on vient de dire ».
Paul Ricoeur, Le soi et l’identité narrative in Soi-même comme un autre, (1990)
Olympe de Gouges est l’auteure de la « Déclaration des droits de la femme et de la citoyenne » publiée en 1791. Elle revendique la stricte égalité entre les hommes et les femmes. Son oeuvre est en cela calquée sur le Déclaration des droits de l’homme et du citoyen qui ne concerne que les hommes et pas les êtres humains, puisqu’elle exclut les femmes de la citoyenneté. Olympe de Gouges revendique des droits égaux pour tous. Elle fût à travers ses écrits une avocate des pauvres, des esclaves et des femmes. On peut considérer Olympe de Gouges comme une des premières figures du féminisme libéral qui revendique l’égalité entre hommes et femmes dans les textes c’est-à-dire dans le droit. Elle milite pour changer la loi et donner des droits égaux aux femmes. Elle termine ses jours sur l’échafaud le 2 novembre 1793.
Homme, es-tu capable d’être juste ? C’est une femme qui t’en fait la question ; tu ne lui ôteras pas moins ce droit. Dis-moi ? Qui t’a donné le souverain empire d’opprimer mon sexe ? Ta force ? Tes talents ? Observe le créateur dans sa sagesse ; parcours la nature dans sa grandeur, dont tu sembles vouloir te rapprocher, et donne-moi, si tu l’oses, l’exemple de cet empire tyrannique. Remonte aux animaux, consulte les éléments, étudie les végétaux, jette enfin un coup d’œil sur toutes les modifications de la matière organisée ; et rends-toi à l’évidence quand je t’en offre les moyens. Cherche, fouille et distingue, si tu le peux, les sexes dans l’administration de la nature. Partout, tu les trouveras confondus, partout ils coopèrent avec un ensemble harmonieux à ce chef-d’œuvre immortel. L’homme seul s’est fagoté un principe de cette exception. Bizarre, aveugle, boursouflé de sciences et dégénéré, dans ce siècle de lumières et de sagacité, dans l’ignorance la plus crasse, il veut commander en despote sur un sexe qui a reçu toutes les facultés intellectuelles ; il prétend jouir de la Révolution, et réclamer ses droits à l’égalité, pour ne rien dire de plus.
Olympe de Gouges, Début de la déclaration des droits de la femme et de la citoyenne, 1791
Notion du programme concernée : La justice et le droit
La question de savoir quelle est l’origine de notre conscience morale fait problème en philosophie. Faut-il se fier à nos sentiments pour déterminer ce que nous devons faire ? Ou bien faut-il au contraire se fier à sa raison ? Rousseau s’interroge, si les hommes ont une conscience morale, comment se fait-il que si peu semblent l’écouter et faire le bien ?
Pour essayer de comprendre l’homme civilisé, Rousseau commence par essayer de revenir à la nature humaine. Pour cela, il imagine ce que serait l’homme à l’état naturel. Il ne s’agit pas d’une réalité historique pour Rousseau, il ne sait pas si un tel homme naturel a déjà existé, mais il fait une hypothèse. Il imagine ce que serait l’homme à l’état de nature. Or, à ses yeux, à l’état naturel, l’homme a deux caractéristiques importantes. D’une part, il est indépendant, c’est-à-dire qu’il n’a pas besoin des autres et peut vivre seul. D’autre part, il est capable de pitié c’est-à-dire qu’il ressent spontanément les souffrances des autres êtres humains et ne souhaite donc pas les faire souffrir car alors s’il ressent leur souffrance, il souffre également.
L’homme est naturellement bon
Rousseau s’oppose donc complètement à l’idée que les hommes seraient naturellement méchants, au contraire pour lui, on peut considérer que l’homme est naturellement bon. Il ne cherche pas le conflit car il répugne à faire souffrir autrui. C’est ce sentiment naturel de pitié qui est à l’origine de notre conscience morale et de nos jugements moraux selon Rousseau. En effet, si quelque chose fait souffrir l’autre nous allons dire c’est mal, si au contraire une action le rend heureux nous dirons que c’est bien. Cela signifie que, pour Rousseau, ce qui est à l’origine de nos idées du bien et du mal, c’est finalement notre sensibilité ou encore notre capacité de pitié.
Pourquoi faut-il se méfier de la raison dans le domaine de la morale ?
Pour Rousseau, la société corrompt l’homme car, en société, les hommes vivant ensembles, ils sont donc en concurrence pour obtenir des biens en quantité réduite et leurs intérêts commencent à s’opposer. Ils vont alors utiliser et développer leur raison prise au sens de capacité à calculer ce qui est le plus avantageux pour eux. Les hommes ne voient alors plus que leur intérêt égoïste et pour servir leur intérêt deviennent hypocrites, menteurs, manipulateurs, vicieux. Ils font taire le sentiment de pitié naturel en eux qui les poussait à porter secours à autrui et c’est leur raison qui les pousse à ne pas écouter ce sentiment naturel. Il décrit ainsi des situations qui lui semblent bien représenter les effets du développement de la raison sur les individus. Les enfants qui se montrent aimant devant leurs parents âgés souhaitent en réalité leur mort le plus rapidement possible pour hériter de leurs biens.
Rousseau va alors défendre que nous connaissons bien mieux ce que nous devons faire en écoutant notre sensibilité qu’en écoutant notre raison. C’est aussi pour cet raison que Rousseau admet que l’on puisse mentir pour ne pas faire souffrir autrui contrairement à Kant qui considère que ça n’est jamais moral de mentir. J’ai déjà traité de la question du mensonge ici.
Texte de Rousseau :
Il est donc au fond des âmes un principe inné de justice et de vertu, sur lequel, malgré nos propres maximes, nous jugeons nos actions et celles d’autrui comme bonnes ou mauvaises, et c’est à ce principe que je donne le nom de conscience. (…) Il ne faut pour [la comprendre] que distinguer nos idées acquises de nos sentiments naturels ; car nous sentons avant de connaître ; et comme nous n’apprenons point à vouloir notre bien et à fuir notre mal, de même l’amour du bon et du mauvais nous sont aussi naturels que l’amour de nous-mêmes. Les actes de conscience ne sont pas des jugements, mais des sentiments. (…)
Conscience ! Conscience ! instinct divin, immortelle et céleste voix ; guide assuré d’un être ignorant et borné, mais intelligent et libre ; juge infaillible du bien et du mal, qui rends l’homme semblable à Dieu, c’est toi qui fais l’excellence de sa nature et la moralité de ses actions ; sans toi je ne sens rien en moi qui m’élève au-dessus des bêtes, si ce n’est le triste privilège de m’égarer d’erreurs en erreurs à l’aide (…) d’une raison sans principe.
Baruch Spinoza ne pense pas comme Platon que le désir est quelque chose qui nous éloigne de notre nature d’être humain rationnel. Au contraire, à ses yeux, l’homme est par nature un être de désir c’est-à-dire un être qui vise « à persévérer dans son être » ou encore qui cherche à croître constamment. Pour Spinoza, l’homme désire devenir plus fort, créer, s’améliorer, ceci est dans sa nature. Il affirme que c’est là son essence ou sa nature car alors l’homme ressent la joie.
Texte de Baruch Spinoza :
Toute chose s’efforce – autant qu’il est en son pouvoir – de persévérer dans son être. L’effort par lequel toute chose s’efforce de persévérer dans son être n’est rien d’autre que l’essence actuelle de cette chose. Cet effort, en tant qu’il a rapport à l’âme seule, s’appelle : Volonté. Mais lorsqu’il a rapport en même temps à l’Âme et au Corps, il se nomme : Appétit. L’appétit, par conséquence, n’est pas autre chose que l’essence même de l’homme, de la nature de laquelle les choses qui servent à sa propre conservation résultent nécessairement ; et par conséquent, ces mêmes choses, l’homme est déterminé à les accomplir. En outre, entre l’appétit et le désir il n’existe aucune différence, sauf que le désir s’applique, la plupart du temps, aux hommes lorsqu’ils ont conscience de leur appétit et, par suite, le désir peut être ainsi défini : « Le désir est un appétit dont on a conscience. » Il est donc constant, en vertu des théorèmes qui précèdent, que nous ne nous efforçons pas de faire une chose, que nous ne voulons pas une chose, que nous n’avons non plus l’appétit ni le désir de quelque chose parce que nous jugeons que cette chose est bonne ; mais qu’au contraire nous jugeons qu’une chose est bonne parce que nous nous efforçons vers elle, que nous la voulons, que nous en avons l’appétit et le désir. Spinoza, Éthique (1675).
Dans ce troisième épisode consacré à la méthodologie, je vais vous donner quatre étapes à suivre pour bien commencer votre dissertation de philosophie.
Il s’agit des différentes étapes à suivre au brouillon pour réaliser votre introduction de dissertation et votre plan. Tout d’abord première étape, il faut analyser le sujet et définir les termes. Analyser un sujet c’est le découper en partie. Par exemple, si vous avez le sujet : « un homme libre est-il nécessairement heureux ? »
Il va falloir définir les termes qui renvoient aux grandes notions du programme, ici libre et donc liberté, mais également « heureux » qui renvoie à la notion de bonheur. Pour chacune de ces notions vous avez normalement plusieurs définitions dans votre cours. Je vous renvoie sur ce point à cet article sur les définitions essentielles du programme.
La liberté peut par exemple être prise au sens de libre arbitre c’est alors la capacité de choisir entre une chose ou une autre. Mais vous pouvez également penser à la liberté d’action ou encore à l’autonomie qui est la capacité de se donner ses propres règles.
De même, pour le bonheur vous pouvez avoir plusieurs définitions. La plus générale peut être la suivante : le bonheur est un état de satisfaction durable et global qui provient d’un jugement sur notre existence en générale. Mais vous pourriez également envisager la définition d’Epicure qui définit le bonheur comme une absence de douleurs et de troubles dans l’âme. Avoir ces définitions est important car elles vont vous permettre de justifier vos thèses et d’argumenter comme nous allons le voir ensuite.
Par ailleurs, il va être important de distinguer ces notions d’autres notions qui leur sont proches mais ne sont pas exactement semblables. Par exemple, il faudra au cours de votre devoir faire la différence entre le bonheur et la joie ou encore le bonheur et le plaisir. Dans une dissertation de philosophie, vous devez garder à l’esprit que le but est de préciser clairement de quoi vous parlez et donc de préciser les définitions.
Cette étape est très importante pour réussir sa dissertation de philosophie.
Bien définir les termes et envisager les différents sens possibles de ces termes va vous permettre déjà d’envisager les différentes réponses possibles au sujet.
vous allez avoir plusieurs définitions possibles qui parfois s’opposent complètement ou sont très différentes. C’est ce travail d’analyse qui va vous permettre de formuler la problématique et ensuite de construire un plan.
(Etape 2) Il vous faut formuler la problématique.
Comment faire ?
Et Comment formuler une problématique sans simplement répéter le sujet ? car il ne vous aura pas échappé que le sujet de philosophie est déjà une question. Il ne s’agit donc pas comme en lettres ou en histoire géo de transformer une phrase en question, là vous avez déjà une question.
Alors comment faire ? La solution envisagée parfois consiste à reformuler le sujet, mais c’est une solution dangereuse car le risque est alors de mal reformuler le sujet et ainsi de le réduire ou pire de le changer complètement. Vous courrez alors le risque de faire un hors sujet.
La deuxième solution que je recommande consiste à formuler la problématique sous la forme d’une alternative thèse/antithèse argumentée. En effet, l’objectif est de montrer qu’il y a un problème c’est-à-dire des thèses ou réponses argumentées s’opposent. Il faut montrer que la réponse au sujet n’est pas évidente et qu’elle va faire débat. On peut donc par exemple formuler la problématique ainsi :
« A première vue, il semble bien qu’un homme libre est nécessairement heureux (c’est la 1er thèse) car si être libre c’est avoir la possibilité de faire tout ce que l’on souhaite alors on peut penser que la liberté nous permettra d’agir de manière à atteindre le bonheur c’est-à-dire un état de satisfaction global et durable . Mais, (2e thèse) ne pourrait-on dire au contraire qu’un homme libre n’atteint pas toujours le bonheur car nous pouvons très bien être libre de faire des choix et pourtant faire de mauvais choix qui vont nous conduire au malheur. »
Vous l’aurez compris, la problématique doit donc prendre la forme d’un paragraphe dans lequel vous envisagez une première réponse possible (thèse 1) et un argument, puis une deuxième réponse (thèse 2) et son argument. Ce faisant, vous montrez bien que la réponse au sujet n’est pas évidente et que ce sujet pose un véritable problème dont il va falloir débattre dans la suite de votre dissertation de philosophie.
Je reviens à présent sur Deux points importants pour faire une bonne problématique
Il faut, d’une part, que chacune de vos thèses dans la problématique soit justifiée par un argument. Vous remarquerez que dans mon exemple chaque thèse est suivie par un « car ». Il n’est pas suffisant d’affirmer une thèse il faut justifier cette thèse.
D’autre part, il est adroit de justifier vos thèses en utilisant certaines des définitions que vous avez trouvé dans l’étape 1, au moment de l’analyse du sujet. On peut appeler cela des arguments définition. Il s’agit de donner un argument en faveur de votre réponse en montrant qu’elle est justifiée par une définition possible de bonheur ou de liberté.
Prenons le début de la problématique ci-dessous :
« A première vue, (thèse 1) il semble bien qu’un homme libre est nécessairement heureux car si être libre c’est avoir la possibilité de faire ce que l’on souhaite (1er définition plutôt naïve de la liberté comme liberté d’action) alors on peut penser que la liberté nous permettra d’agir de manière à atteindre le bonheur c’est-à-dire un état de satisfaction global et durable (je définis le bonheur pour finir ce premier moment de la problématique).
La première réponse au sujet est donc justifiée par une définition possible de la liberté comme liberté d’action. Cette façon de faire permet de formuler une problématique solide tout en évitant de simplement plaquer les définitions des termes du sujet au début de votre introduction comme s’il s’agissait de décorations. Ici, vous les intégrez en partie dans la problématique, elles sont donc immédiatement utiles.
Voilà pour cet épisode j’espère qu’il vous aidera à bien commencer votre dissertation de philosophie.