Quelques citations sur le bonheur pour introduire cette notion.

Citations sur le bonheur

Quelques citations sur le bonheur pour introduire cette notion. La citation peut notamment être utilisée pour faire une accroche, je vous renvoie à cet article sur la méthode de l’accroche. Par ailleurs, vous pouvez citer des auteurs dans votre devoir, mais cela doit rester mesuré. Une citation ne remplace pas un argument et il faut toujours expliquer une citation.

  • « Le bonheur est un idéal, non de la raison, mais de l’imagination » Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs.

Selon Kant, il faut distinguer deux facultés intellectuelles, la raison et l’imagination. La raison est la faculté d’enchainer des propositions de manières logique, elle fait des raisonnements. Au contraire, l’imagination va créer des images à partir de ce que nous avons déjà senti, mais de manière imprécise et vague. Dire que le bonheur est une idée de l’imagination signifie donc que nous n’en avons pas une idée claire mais plutôt fantasmée et qu’il va donc être difficile pour nous d’atteindre ce bonheur. Cela serait beaucoup plus simple si le bonheur était une idée de la raison car nous aurions alors une méthode logique pour atteindre le bonheur.

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  • « Carpe Diem » Horace (65-8 av JC), Odes

« Cueille le jour » recommande le poète latin Horace à la jeune Leuconoé. Ce vers, qui fait du jour un fruit à croquer est devenu célèbre. Pourtant on le comprend souvent mal. Horace est un admirateur d’Epicure et loin d’encourager l’hédonisme c’est-à-dire la recherche perpétuelle de petits plaisirs, il nous encourage ici à éviter les désirs susceptibles de nous rendre inquiets et malheureux. Le véritable bonheur implique de savourer l’instant présent certes mais dans le cadre d’une discipline de vie exigeante qui suit la prudence et la modération.

  • « La vie oscille, comme un pendule, de droite à gauche, de la souffrance à l’ennui ». Schopenhauer, Le Monde comme Volonté et comme Représentation, Livre IV, §56-57

Selon Schopenhauer, le bonheur est impossible à atteindre réellement à cause du désir. En effet, quand nous désirons nous souffrons de ne pas avoir encore ce que nous voulons et quand nous avons ce que nous désirons, nous sommes finalement très rapidement habitué et nous sombrons donc dans l’ennui. Une citation sur l’impossibilité du bonheur dans les citations sur le bonheur.

  • « Nous ne vivons jamais, mais espérons de vivre ; et, nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais ». Pascal (1623–1662), Pensées

Une des citations sur le bonheur parmi les plus connues. Selon Pascal, les hommes ne sont pas heureux quand ils laissent leurs pensées se focaliser sur le passé ou le futur. Il remarque que nous avons tendance à ne jamais vivre dans le moment présent, mais à être toujours dans la nostalgie ou le regret du passé (qui ne peut pas revenir) ou dans l’inquiétude ou l’espoir pour le futur (mais alors nous n’y sommes pas encore). Or quand nous ne faisons qu’espérer être heureux dans le futur, nous oublions complètement d’être d’abord heureux au présent et c’est le seul temps où nous pouvons effectivement l’être.

  • « Nul bonheur, nulle sérénité, nulle espérance, nulle fierté, nulle jouissance de l’instant présent ne pourrait exister sans la faculté d’oubli » Nietzsche, Seconde considération inactuelle.

Selon Nietzsche, il est important pour espérer être heureux de ne pas vivre constamment dans le passé. Il considère que si nous ne n’oublions rien, nous serions alourdi par le poids des souvenirs et des regrets. Il est donc nécessaire selon lui d’oublier afin de pouvoir vraiment être libre et heureux dans le moment présent.

  • « Ce qui trouble les hommes, ce ne sont pas les choses, ce sont les jugements qu’ils portent sur les choses ». Epictète, Manuel, V

Epictète est un stoïcien et en bon stoïcien, il développe une philosophie qui a pour but de nous aider à être indépendant des circonstances et événements qui ont lieu dans notre vie. Selon lui, ce qui nous affecte et peut nous faire perdre le contrôle, ce ne sont pas réellement les événements tragiques de notre vie mais la manière dont nous jugeons ces événements. Si nous disons « c’est une catastrophe, je ne m’en remettrai jamais », ça n’est pas du tout la même chose que si nous considérons que « cet événement est dans le cours des choses et j’irai mieux bientôt ».

  • « Il n’y a qu’une route vers le bonheur, c’est de renoncer aux choses qui ne dépendent pas de notre volonté. » Épictète (50–125), Entretiens

Epictète, stoïcien, enseigne comment ne pas être atteint par les événements. Une bonne manière d’y arriver consiste d’abord à ne pas essayer de contrôler ce qui ne dépend pas de nous, il faut ainsi renoncer à contrôler notre corps qui vieillira nécessairement ou encore notre réputation qui dépend des autres. En revanche, nos pensées et nos désirs, eux, dépendent de nous et nous pouvons apprendre à les contrôler.

  • « C’est un grand bien à notre avis que de se suffire à soi-même, non qu’il faille toujours vivre de peu, mais afin que si l’abondance nous manque, nous sachions nous contenter du peu que nous aurons. » Epicure,  Lettre à Ménécée

Pour Epicure, le désir peut être considéré comme un manque de quelque chose que l’on a pas encore, mais que l’on souhaite obtenir. Alors, le désir apparaît d’abord comme un manque, une douleur et si l’on désire quelque chose de difficile à obtenir cela sera plus douloureux encore car nous ne sommes pas sûrs de l’atteindre ou cela va prendre du temps. C’est pourquoi, pour Epicure, le bonheur c’est l’absence de troubles dans l’âme. Si nous sommes perpétuellement inquiets car nous voulons absolument des biens de luxe et n’y arrivons pas alors nous ne sommes pas heureux. Atteindre le bonheur c’est donc d’abord limiter ses désirs pour ne garder que les désirs les plus simples à satisfaire.

  • « La santé du corps, la tranquillité de l’âme sont la perfection de la vie heureuse. » Epicure, Lettre à Ménécée

Epicure, dans la Lettre à Ménécée, donne plusieurs recommandations pour atteindre le bonheur. A ses yeux, le bonheur c’est le plaisir, mais il faut ici faire attention aux contresens, car par plaisir Epicure entend la suppression de la douleur. Il ne s’agit donc pas de dire qu’il faut multiplier les plaisirs et que cela rendra heureux comme peut le faire un hédoniste. Au contraire, pour Epicure, on est heureux quand on ne souffre pas ! Il le dit en ces termes : « La santé du corps, la tranquillité de l’âme sont la perfection de la vie heureuse ». La question est donc de déterminer comment ne pas souffrir ni dans son corps ni dans son âme.

Le programme de philosophie en terminale se compose de 17 notions que le professeur peut aborder en choisissant les auteurs et problèmes qui lui semblent les plus pertinents. Le programme est également constitué d'une liste d'auteurs non exhaustive, l'enseignant peut choisir de traiter d'autres auteurs en complément et il n'est pas obligatoire d'avoir traité de tous les auteurs de la liste. La seule contrainte consiste à choisir l'oeuvre suivie à lire pendant l'année parmi les auteurs mentionnés ci-dessous. Le programme comprend également une liste de repères qui doivent être vu au cours de l'année.

Le Programme de philosophie en Terminale

Le programme de philosophie en terminale se compose de 17 notions que le professeur peut aborder en choisissant les auteurs et problèmes qui lui semblent les plus pertinents. Le programme est également constitué d’une liste d’auteurs non exhaustive, l’enseignant peut choisir de traiter d’autres auteurs en complément et il n’est pas obligatoire d’avoir traité de tous les auteurs de la liste. La seule contrainte consiste à choisir l’oeuvre suivie à lire pendant l’année parmi les auteurs mentionnés ci-dessous. Le programme comprend également une liste de repères qui doivent être vu au cours de l’année.

Un programme de philosophie en dix-sept notions :

Le bonheur, la liberté, le devoir, la conscience, l’inconscient, le temps, la nature, le travail, la technique, l’art, le langage, la religion, l’Etat, la justice, la raison, la science, la vérité.

Les auteurs :

Cette liste d’auteurs du programme de philosophie en terminale n’est pas une limite, il est possible de traiter d’autres auteurs pendant l’année. De même, il n’est pas obligatoire de le avoir tous vus, l’élève de terminale n’est pas censé connaître absolument l’auteur qui tombe en explication de texte au bac. Il doit pouvoir expliquer le texte sans avoir une connaissance approfondie de l’auteur.

Platon, Aristote, Zhuangzi, Epicure, Cicéron, Lucrèce, Sénèque, Epictète, Marc Aurèle, Nagarjuna, Sextus Empiricus, Plotin, Augustin, Avicenne, Anselme, Averroès, Maïmonide, Thomas d’Aquin, Guillaume d’Occam, Machiavel, Montaigne, Bacon, Hobbes, Descartes, Pascal, Locke, Spinoza, Malebranche, Leibniz, Vico, Berkeley, Montesquieu, Hume, Rousseau, Diderot, Condillac, Smith, Kant, Bentham, Hegel, Schopenhauer, Comte, Cournot, Feuerbach, Tocqueville, Mill, Kierkegaard, Marx, Engels, James, Nietzsche, Freud, Durkheim, Bergson, Husserl, Weber, Alain, Mauss, Russell, Jaspers, Bachelard, Heidegger, Wittgenstein, Benjamin, Popper, Jankélévitch, Jonas, Aron, Sartre, Arendt, Lévinas, Beauvoir, Lévi-Strauss, Merleau-Ponty, (S) Weil, Hersch, Ricoeur, Anscombe, Murdoch, Rawls, Simondon, Foucault, Putnam.

Les Repères dans le programme de philosophie :

Le programme de philosophie en terminale comporte également un ensemble de repères. Ce sont des notions importantes pour mener à bien une réflexion. Elles sont souvent présentées par deux, mais pas toujours. Il est alors important d’apprendre à les différencier, elles ont souvent des sens opposés.

Absolu / Relatif

Absolu: ce qui ne dépend que de soi-même pour exister, ce qui dans la pensée comme dans la réalité ne dépend d’aucune autre chose et porte en soi-même sa raison d’être.
Relatif : ce qui dépend d’un point de vue, d’une situation ou d’un autre terme en l’absence duquel ce dont il s’agit serait inintelligible, impossible ou incorrect.

Abstrait / Concret

Abstrait : l’abstraction est une opération de l’esprit qui consiste à séparer ce que nos sens présentent comme non séparés.
Concret : l’objet concret est l’objet global, le tout sensible composé de tous les éléments.

Exemples : rouge est une abstraction car une couleur ne se présente jamais seule à ma vue. Je vois une pomme rouge, une tomate rouge mais jamais du rouge seul.

Analyse / Synthèse

Analyse : opération de l’esprit qui consiste à décomposer un phénomène ou un concept en ses parties en montrant comment elles s’enchaînent. Analyser, c’est expliquer.
Synthèse : organisation dans un nouvel ensemble d’éléments jusque là séparés ou associés différemment. La synthèse permet de comprendre.
Exemples : quand je lui fais faire une analyse de sang, le biologiste décompose mon sang en ses différents constituants : plasma, globules rouges, globules blancs etc.

Contingent / Nécessaire

Contingent : ce qui pourrait ne pas être.
Nécessaire : ce qui ne peut pas ne pas être.

Croire / Savoir

Croire c’est être persuadé de la vérité d’une proposition sans preuve, sans démonstration. La foi (croyance en une proposition qui n’est ni évidente ni démontrable) est un cas particulier de croyance. On peut en effet croire en une proposition dont certes on ignore la démonstration mais qui, néanmoins, est démontrable.
Savoir c’est affirmer avec la certitude de celui qui peut avancer des preuves. Savoir, c’est être capable de rendre raison de ce qu’on affirme.

Essentiel / Accidentel

Essentiel : ce qui relève de l’essence c’est-à-dire de la définition. Appartient à l’essence d’une chose ce qui ne peut être ôté d’une chose sans faire disparaître en même temps la chose.
Accidentel : on appelle accidentelle toute qualité fortuite d’un objet qu’on pourrait lui retirer sans le modifier fondamentalement.
Exemple : il fait partie de l’essence de l’homme d’être bipède ou d’être doué de raison. En revanche avoir les yeux bleus est un accident.

En fait / En droit

Le fait est ce qui est.
Le droit est ce qui est légitime, ce qui devrait être.
Exemples : le viol est un fait mais non un droit.

Idéal / Réel

Idéal : ce qui n’existe qu’à titre d’idée, que dans et par la pensée.
Réel : ce qui est effectivement par opposition à l’apparence.
Mais exister à titre d’idée est, d’une certaine façon, être. Il est d’autres façons d’être que matériellement.
Exemple : un nombre est une idéalité puisque, hors de l’idée, dans l’expérience, on ne rencontre pas les nombres.

Légal / Légitime

Légal : ce qui est conforme au droit positif, c’est-à-dire au droit établi dans un État. La légalité, ce sont les lois, les codes tels qu’on les enseigne dans les facultés de droit. Le droit positif n’a rien d’universel et la légalité varie d’un État à l’autre.
Légitime : ce qui est conforme au droit idéal (la morale), ce qui doit être pour que la justice soit respectée.
Exemples : dans un État despotique, la torture peut être légale c’est-à-dire autorisée par la loi. Cela ne la rend pas légitime c’est-à-dire juste. Inversement, la liberté d’expression n’est pas reconnue légalement dans certains États. Elle est pourtant légitime.

Médiat / Immédiat

Médiat : avec intermédiaire.
Immédiat : sans intermédiaire

Objectif / Subjectif

Objectif : Est objectif ce qui ne dépend pas de mon point de vue particulier. Tout le monde peut donc être d’accord sur ce récit ou jugement car il rend compte du fait de manière neutre.

Subjectif : Est subjectif ce qui dépend de la conscience du sujet. Cela dépend de mon point de vue et mon jugement sera donc partial.

Obligation / Contrainte

Obligation : qui découle d’un devoir.
Contrainte : lien ou règle qui limite, entrave ou empêche l’action.
L’obligation est donc un cas particulier de contrainte, à savoir la contrainte morale. Ce qui la caractérise est d’être tout à fait compatible avec la liberté. C’est en effet librement que je consens à suivre mon devoir. Être obligé n’est pas être forcé. La distinction obligation / contrainte nous montre donc que, parmi les différentes formes de contraintes, existent des contraintes libératrices.

Persuader / convaincre

Dans les deux cas, il s’agit d’obtenir l’accord de l’autre.
Persuader c’est faire appel aux émotions, à l’affectivité de l’autre. Nous sommes dans l’ordre de la manipulation.
Convaincre c’est faire appel à la raison d’autrui, donner des preuves, lui démontrer la vérité d’une proposition.

En théorie / En pratique

Théorie connaissance contemplative pure et désintéressée chez les Grecs. En science, ensemble lié d’énoncés qui rendent compte rationnellement d’un groupe de phénomènes.
Pratique : ce qui concerne l’action morale et politique.
Si dans l’Antiquité, l’opposition entre la théorie et la pratique est franche, dans le sens moderne au contraire la théorie explique le réel et permet donc, par la connaissance de ses lois, de le transformer.

Universel / Général / Particulier / Singulier

Universel : qui vaut pour tous les individus d’une classe d’objets dans aucune exception.
Général : qui vaut dans la majorité des cas mais peut admettre quelques exceptions. Qui vaut pour tous les éléments d’un genre.
Particulier : qui vaut pour quelques cas.
Singulier : qui vaut pour un seul cas.
Exemples : « tous les hommes sont mortels » est une proposition universelle.
Les lois d’un État sont générales. Elles ne valent pas pour d’autres États.
Dire que quelques hommes sont chauves c’est énoncer une proposition particulière.
Enfin, si j’affirme que Flaubert a écrit Mme Bovary, j’énonce une proposition singulière puisqu’elle ne vaut que pour Flaubert

Le problème que rencontrent beaucoup d'étudiants quand ils font une explication de texte de philosophie est qu'ils ont tendance à seulement répéter le texte au lieu de faire une véritable explication de texte de philosophie.

Comment faire une bonne explication de texte de philosophie ?

Tout d’abord, je vous conseille si vous ne l’avez pas vu de commencer par cet article sur l’introduction de l’explication de texte philosophique ou par cette vidéo sur l’introduction. Le problème que rencontrent beaucoup d’étudiants quand ils font une explication de texte de philosophie est qu’ils ont tendance à seulement répéter le texte. Nous allons donc voir comment faire une bonne explication de texte. Pour cela je vais prendre l’exemple du texte ci-dessous.

Exemple d’explication de texte de philosophie à partir du texte ci-dessous :

« Nous ne nous tenons jamais au temps présent. Nous anticipons l’avenir comme trop lent à venir, comme pour hâter son cours ; ou nous rappelons le passé, pour l’arrêter comme trop prompt : si imprudents que nous errons dans les temps qui ne sont pas nôtres, et ne pensons point au seul qui nous appartient : et si vains que nous songeons à ceux qui ne sont rien, et échappons sans réflexion le seul qui subsiste.  C’est que le présent, d’ordinaire, nous, blesse. Nous le cachons à notre vue parce qu’il nous afflige et s’il nous est agréable, nous regrettons de le voir échapper. Nous tâchons de le soutenir par l’avenir, et pensons à disposer les choses qui ne sont pas en notre puissance, pour un temps où nous n’avons aucune assurance d’arriver. Que chacun examine ses pensées, il les trouvera toutes occupées au passé et l’avenir. Nous ne pensons presque point au présent ; et, si nous y pensons, ce n’est que pour en prendre la lumière pour disposer de l’avenir. Le présent n’est jamais notre fin : le passé et le présent sont nos moyens ; le seul avenir est notre fin. Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre ; et, nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais. »Pascal, Pensées, Brunschvicg 172 / Lafuma 47.

Les différentes opérations de l’explication :

Afin de clarifier la méthode, je vais distinguer quatre opérations principales que vous devez apprendre à faire pour bien réaliser votre explication de texte de philosophie.

1- On peut appeler cette première opération, l’étape de clarification du texte. La première chose à faire est de montrer que vous avez compris le sens de la phrase ou de l’expression que vous expliquez. Cela signifie que si c’est une phrase un peu difficile à comprendre (comme cela peut être souvent le cas dans un texte de philosophie), vous avez le droit de faire de la bonne paraphrase, c’est-à-dire reformuler le passage de manière plus claire. Il ne faut pas en rester là néanmoins, il est également très important de définir les termes importants du texte et c’est absolument nécessaire si ce sont des notions du programme comme temps, bonheur etc… Enfin, il est bienvenu afin de rendre le texte plus clair et de montrer que vous l’avez bien compris de prendre un exemple pour illustrer ce que dit l’auteur. Vous retrouverez des exemples de ces différentes opérations dans l’exemple d’explication un peu en dessous, les passages concernés sont suivis de : (bonne paraphrase-1), (définition-1), (Exemple-1).

2- Il faut ensuite montrer pourquoi l’auteur affirme ce qu’il affirme, c’est-à-dire justifier, argumenter ses propos, montrer pourquoi il a raison de dire ce qu’il dit notamment à l’aide de connaissances acquises en cours, et donc en quelque sorte prendre sa défense face à des objections éventuelles (là, on est sûr de ne pas faire de paraphrase, mais il faut veiller à ne pas trop s’éloigner du texte). Vous pouvez même formuler une éventuelle objection et montrer comment l’auteur y répond déjà dans son texte. Les passages qui correspondent à cette opération sont suivis de (justification-2) dans l’exemple rédigé ci-dessous.

3- Quand vous expliquez un texte de philosophie, un des objectifs est de faire ressortir clairement ce que fait l’auteur, c’est-à-dire la manière dont il construit son argumentation afin de justifier la validité de sa thèse. Il est donc très important de préciser régulièrement à quel élément du texte nous avons affaire ici. Est-ce la thèse, un exemple, un première argument, l’opinion commune et sa réfutation ? Il s’agit essentiellement de montrer comment chaque élément du texte permet à l’auteur d’avancer dans l’argumentation de sa thèse. Dans l’exemple d’explication de texte de philosophie ci-dessous, cette opération est notée : (étape du raisonnement-3)

4- Enfin, dans l’explication de texte, vous avez la possibilité de faire un paragraphe d’objection qui peut être appuyé sur la référence à un autre auteur qui soutient une thèse ou une argumentation différente. Il n’est pas nécessaire de faire une objection dans chaque partie, mais il est nécessaire qu’il y ait au moins une objection dans tout le devoir. Bien entendu, cette objection doit être argumentée et il faut absolument éviter de dire que l’auteur n’a rien compris, ou se contredit, car cela montre en général que c’est l’étudiant qui n’a pas compris le texte. Cette opération est notée ci-dessous : (Objection-4) même si dans le cas présent il ne s’agit pas d’un paragraphe objection, mais d’une simple objection à laquelle il est possible de répondre avec l’auteur.

Exemple rédigé d’explication de texte :

Je vous montre dans l’exemple suivant, comment il est possible de réaliser une explication de texte de philosophie en suivant les quatre opérations. Pour chaque opération différente, je précise de quelle opération il s’agit juste après entre parenthèses et en gras. Il y a trois paragraphes qui sont nettement séparés pour plus de clarté. Il s’agit de l’explication de la première moitié du texte seulement.

Dans ce texte, Pascal commence par énoncer sa thèse (étape du raisonnement-3), il nous dit “nous ne tenons jamais au temps présent” c’est-à-dire que l’homme ne vit pas le moment présent mais regarde le futur ou le passé (bonne paraphrase-1). Ici par temps, on peut entendre le temps objectif c’est-à-dire la durée qui est mesurée par l’horloge ou la montre de la même manière pour tous (définition-1). Le temps présent est le temps où nous sommes en train de vivre, car c’est en réalité le seul qui existe objectivement (définition-1). En effet, le passé n’existe plus et le futur n’existe pas encore si ce n’est dans notre esprit (définition-1). Ainsi, on peut observer que nombre de voyageurs passent beaucoup de temps à prendre des photos de leurs voyages au lieu de profiter des paysages directement. Ils semblent plus préoccupés par le fait de garder des souvenirs du passé plutôt que de vivre pleinement au présent (Exemple-1). Ensuite l’auteur remarque que nous considérons le futur avec espoir et nous voulons qu’il arrive plus vite. Il semble dire implicitement que nous ne sommes pas satisfaits du présent et que donc nous voulons que le futur arrive. Il remarque qu’ils veulent hâter le futur or il est impossible de faire venir le futur plus vite objectivement (justification-2). Et si l’on considère le temps subjectif c’est-à-dire le temps vécu et que nous percevons singulièrement, alors regarder le futur ne le fait pas passer plus vite, au contraire il faudrait s’amuser au présent et y vivre pleinement pour que le futur arrive plus vite (justification-2). De même, selon lui, nous avons tendance à vouloir retenir le passé car nous regrettons qu’il disparaisse, peut-être pensons que nous étions mieux dans le passé (Bonne paraphrase-1). Les nostalgiques ont ainsi ce regret du passé et ils ne sont pas très heureux au présent. Ainsi, dans Midnight in Paris de Woody Allen, le personnage principal déménage à Paris et il n’est pas heureux dans le présent car il considère le 19e siècle à Paris comme l’âge d’or de la culture humaine. Un événement fantastique a lieu et il se trouve conduit dans le passé et à cette époque il rencontre une femme qui, elle, est nostalgique de la Belle époque. Elle ne se trouve alors pas bien dans l’époque où elle est et qu’admire tant le personnage principal. (Exemple-1) On voit donc que souvent les hommes ont tendance à ne pas se satisfaire de leur époque même si elle est de valeur et à vouloir le passé sans vivre dans le moment présent. L’auteur a donc montré que nous ne vivons pas bien au présent et espérons le futur ou regrettons le passé (étape du raisonnement-3). 

Il remarque que de ce fait “nous errons dans des temps qui ne sont pas nôtres”. Il qualifie cela d’imprudent. Il veut dire par là que le présent est tout ce que l’on possède, c’est le seul temps dont nous pouvons disposer car le passé n’existe plus et le futur n’est pas encore (bonne paraphrase-1). Nous pourrions néanmoins dire qu’il est possible de faire nôtre le futur en essayant de l’influencer de manière indirecte en agissant sur le présent (Objection-4). Néanmoins, cette thèse semble avoir des limites car les personnes qui cherchent à contrôler le futur y arrivent rarement car le futur a de nombreuses causes autre que nous, nous ne pouvons pas être certain qu’un ou des événements imprévus ne vont pas venir déjouer nos plans. L’auteur a donc raison de nous dire imprudents car délaisser le présent est la meilleure manière d’être malheureux dans le présent et dans le futur.(Justification-2) Il nous dit ensuite que nous oublions le temps que nous pouvons contrôler mais pensons seulement à ceux qui n’existent pas. De ce fait, nous n’agissons pas sur le seul temps sur lequel nous avons une influence car nous ne pouvons influer que sur ce qui existe. (Bonne paraphrase-1) C’est une attitude irréfléchie car cela peut nous conduire à ne rien faire au présent si bien que nous n’obtiendrons rien dans le futur malgré nos espoirs.(Justification-2) Ainsi dans cette partie l’auteur a énoncé sa thèse et a montré que vivre dans le futur ou le passé était imprudents. Il va ensuite donner un argument pour soutenir sa thèse et montrer pourquoi nous avons tendance à fuir le présent. (étape du raisonnement-3)

A présent l’auteur va développer un argument pour justifier sa thèse principale (étape du raisonnement-3). Il dit “c’est que le présent d’ordinaire nous blesse”. En effet, selon lui, il est plus facile de s’imaginer un futur satisfaisant que de vivre le présent tel qu’il est, car l’imagination embellit souvent les choses rendant le présent plus difficile à vivre et terne (justification-2). L’imagination est cette faculté intellectuelle qui fabrique des images mentales à partir de nos expériences sensibles et grâce à laquelle nous pouvons souvent embellir le réel (définition-1). Nous avons tendance à ne pas vouloir voir notre présent car il nous fait souffrir ou nous déçoit donc nous préférons concentrer notre attention sur le futur qui pourrait être meilleur. Donc nous pourrions dire que penser au futur est une forme de distraction au sens où on cherche à ne pas penser au présent. (justification-2) Mais et si le présent est un présent heureux ? Car tous les moments présents ne peuvent pas être tous malheureux ? (Objection-4) Et bien là encore selon Pascal, les hommes gâchent leur bonheur présent car ils ont tendance à craindre de ne pas pouvoir reproduire leur bonheur dans le futur alors paradoxalement alors qu’ils sont heureux ils continuent de regarder le futur au lieu de se concentrer sur le présent. (justification-2)

J’espère que cet exemple d’explication de texte de philosophie vous aura aidé à mieux comprendre ce que l’on attend de vous dans cet exercice.

Pour bien commencer son explication de texte en philosophie, il faut d'abord prendre conscience qu'un texte de philosophie n'est pas un texte que l'on va comprendre immédiatement et simplement.

Comment réussir son introduction d’explication de texte en philosophie ?

L’explication de texte est l’un des deux exercices qui sont proposés au baccalauréat en philosophie, le deuxième étant la dissertation. Sur le programme de philosophie en terminale, je vous conseille de regarder cet article. Pour bien commencer son explication de texte en philosophie, il faut d’abord prendre conscience qu’un texte de philosophie n’est pas un texte que l’on va comprendre immédiatement et simplement. Il va donc être nécessaire de le lire plusieurs fois d’abord, puis de s’arrêter précisément sur chaque phrase ou chaque expression pour en expliquer le sens.

Pour voir la méthode de l’introduction en Vidéo c’est ici.

Il n’est pas anormal de ne pas tout comprendre au début, il faut persévérer et s’appuyer sur les passages que l’on comprend pour essayer de comprendre le reste du texte.

Préparer son explication de texte en philosophie : thème et thèse

Les premières lectures du texte vont d’abord permettre d’identifier le thème du texte, c’est-à-dire que vous devez chercher de quoi parle ce texte en général. Très souvent le thème du texte correspond à une des 17 notions du programme de philosophie. Vous pouvez ainsi avoir un texte dont le thème est « la liberté ». Il peut arriver néanmoins que cela ne corresponde pas exactement à une grande notion du programme, mais plutôt à un sous-thème, par exemple, « la différence entre l’homme et l’animal » dont il peut être question dans le cours sur la nature.

Il faut ensuite chercher la thèse du texte c’est-à-dire l’affirmation centrale de l’auteur dans le texte. L’enjeu est ici de trouver que ce l’auteur défend à propos du thème. Par exemple, si le thème est « la différence entre l’homme et l’animal », la thèse du texte pourrait être « l’homme est un être doué de raison et de langage contrairement à l’animal ». Il est absolument essentiel de trouver la thèse du texte et je vous déconseille de prendre l’explication de texte au bac si au bout de quelques lectures vous n’avez pas trouvé la thèse du texte car vous risquez alors de faire de nombreux contresens.

Un problème que rencontrent souvent les étudiants vient du fait que souvent l’auteur affirme plusieurs choses dans un même texte. C’est que très souvent, il y a dans le texte, la thèse centrale que défend l’auteur et des arguments qui viennent justifier et soutenir cette thèse. Une erreur peut alors consister à prendre un argument ou une idée secondaire pour la thèse du texte, ce qui va vous faire manquer une partie du texte et sa cohérence globale.

Déterminer le plan du texte et le problème auquel le texte répond.

Une fois que vous avez identifié la thèse du texte, il faut trouver le problème auquel l’auteur répond dans ce texte. Le problème n’est donc pas le plus souvent formulé dans le texte lui-même. Il faut imaginer le problème que s’est posé l’auteur avant d’écrire son texte. Une bonne manière de trouver le problème du sujet peut consister à prendre la thèse du texte et à chercher la thèse adverse. Par exemple, si la thèse du texte est : « l’homme est constamment tourné vers le passé ou le futur », la thèse adverse est : « l’homme est tourné vers le présent ». Une fois que vous avez identifié thèse et antithèse vous pouvez formuler le problème sous forme d’alternative. Par exemple : « l’auteur s’est demandé si les hommes étaient plutôt tourné vers le futur et le passé ou bien vers le présent ».

Enfin, pour finir le travail au brouillon il faut découper le texte, c’est-à-dire identifier différentes parties dans le texte et justifier ce découpage en précisant ce que l’auteur y fait à chaque fois. Il peut par exemple, formuler sa thèse, développer un argument, proposer un exemple, formuler la thèse de l’opinion commune et y répondre etc

Une fois que vous avez trouvé le thème, la thèse, les différentes parties du texte et formulé le problème auquel peut répondre le texte, il ne vous reste plus qu’à rédiger.

Exemple d’introduction d’explication de texte

Je prends pour l’exemple le texte de Pascal ci-dessous.

« Nous ne nous tenons jamais au temps présent. Nous anticipons l’avenir comme trop lent à venir, comme pour hâter son cours ; ou nous rappelons le passé, pour l’arrêter comme trop prompt : si imprudents que nous errons dans les temps qui ne sont pas nôtres, et ne pensons point au seul qui nous appartient : et si vains que nous songeons à ceux qui ne sont rien, et échappons sans réflexion le seul qui subsiste. C’est que le présent, d’ordinaire, nous, blesse. Nous le cachons à notre vue parce qu’il nous afflige et s’il nous est agréable, nous regrettons de le voir échapper. Nous tâchons de le soutenir par l’avenir, et pensons à disposer les choses qui ne sont pas en notre puissance, pour un temps où nous n’avons aucune assurance d’arriver. Que chacun examine ses pensées, il les trouvera toutes occupées au passé et l’avenir. Nous ne pensons presque point au présent ; et, si nous y pensons, ce n’est que pour en prendre la lumière pour disposer de l’avenir. Le présent n’est jamais notre fin : le passé et le présent sont nos moyens ; le seul avenir est notre fin. Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre ; et, nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais. » Pascal, Pensées, Brunschvicg 172 / Lafuma 47.

Exemple d’introduction d’explication de texte en philosophie, pour plus de clarté je précise les différents éléments de l’introduction entre parenthèses avant :

(Présentation du texte) Dans ce texte de Pascal, extrait des Pensées, il est question de (thème du texte, ici deux notions) notre rapport au temps et des effets de ce rapport au temps sur notre bonheur. (Formulation du problème auquel le texte répond sous forme d’alternative) Pascal s’est demandé si la tendance des hommes à se focaliser le plus souvent sur le passé et sur le futur les rend plutôt heureux ou plutôt malheureux. (Formulation de la thèse c’est-à-dire de la réponse que fait l’auteur au problème dans ce texte) Dans ce texte, Pascal défend l’idée selon laquelle nous avons tendance à toujours nous tourner vers le futur (pour espérer) et vers le passé (pour regretter ce que nous avons fait ou ce que nous avons perdu) et ainsi à ne jamais vivre pleinement au présent ce qui nous rend finalement malheureux. (Formulation du plan du texte en insistant sur ce que fait l’auteur dans ce passage d’un point de vue argumentatif) Dans la première partie du texte des lignes 1 à 6, l’auteur énonce sa thèse selon laquelle les hommes ont tendance à ne pas s’intéresser au présent mais uniquement au futur et au passé. Puis dans une deuxième partie des lignes 6 à 10, il donne de raisons qui selon lui justifient que les hommes se détournent du présent. Enfin des lignes 10 à la fin, il donne d’abord un argument de fait pour justifier sa thèse puis il énonce la deuxième partie de sa thèse selon laquelle cette tendance que nous avons à nous détourner du présent nous rend malheureux.

Vous remarquez que l’introduction de l’explication de texte n’a pas besoin d’être très longue, il suffit que les éléments essentiels y soient et elle sera très réussie.

Sujets du bac de philosophie 2021 pour la série générale ??

Sujets du bac philo 2021

Quelques éléments de corrigé sur les sujets du bac philo 2021. Pour plus de précisions sur la méthode de la dissertation philosophique, je vous renvoie à ces articles sur l’introduction, les définitions, le plan dialectique et l’argumentation.

Sujet 1 du bac de philo : Discuter, est-ce renoncer à la violence ?

Notions du programme à mobiliser : le langage, la raison, l’Etat

Il faut ici comme pour chaque sujet, définir précisément les termes du sujet. Discuter renvoie d’abord à la notion de langage comme système de signes puis de discours comme utilisation ponctuel d’un système de signes. On peut lier le discours à la raison comme peut le faire Aristote. Alors discuter cela pourrait signifier échanger des arguments ou des raisons, chercher à se convaincre et donc ne pas simplement chercher à exercer une domination sur l’autre. La violence peut être définie ainsi : « Force exercée par une personne ou un groupe de personnes pour soumettre, contraindre quelqu’un ou pour obtenir quelque chose ». Alors, à première vue, si l’on échange des arguments, nous n’exerçons pas une force sur l’autre.

Mais pour que discuter ce soit renoncer à la violence, il faudrait que le discours ne permette pas d’instaurer également un rapport de force, voire de dominer son interlocuteur. On peut alors défendre que le discours lui-même peut être considéré comme violent ou donner ensuite lieu à des violences physiques.

Quelques références possibles : Aristote, Hobbes, Platon, Bourdieu

Quelques repères utiles pour la réflexion : Abstrait/Concret, Persuader/Convaincre

Sujet 2 : L’inconscient échappe-t-il à toute forme de connaissance ?

Notions du programme à mobiliser : L’inconscient, la connaissance

Dans ce sujet, il faudra évidemment définir ce que l’on peut attendre par l’inconscient. Vous pouvez et c’est attendu faire référence à l’inconscient de Freud. Vous pouvez également envisager d’autres formes d’inconscient comme l’inconscient des petites perceptions de Leibniz ou l’inconscient entendu comme cette partie de notre esprit qui analyse les données des sens et gère les actions automatiques comme peut le définir Bergson. Il faut également définir la notion secondaire, ici connaissance. Qu’est-ce que connaître ou avoir connaissance de quelque chose ? Dans un premier sens, on peut entendre par là : Avoir présente à l’esprit l’idée plus ou moins précise ou complète d’un objet abstrait ou concret, existant ou non.

Dès lors, il semble d’abord que la connaissance et la conscience sont très liées, voir même qu’il ne peut y avoir de connaissance sans conscience. Alors il serait possible de défendre que l’inconscient échappe par définition à toute forme de connaissance si cela suppose d’avoir présent à l’esprit une idée. L’inconscient étant précisément ce qui n’est pas présent à l’esprit et échappe à la conscience. Néanmoins, si vous cherchez à formuler la problématique, il faut envisager la réponse adverse (cf comment faire une bonne problématique). Il est alors possible de s’appuyer sur une analyse plus précise du sujet qui parle plus spécifiquement de « forme de connaissance ». Il est alors possible d’envisager que l’inconscient puisse être connu parce qu’il est possible de rendre conscient ce qui est d’abord inconscient. Mais est-ce alors encore l’inconscient ? Il est également possible d’envisager que ce qui est inconscient puisse être connu par les effets qu’il produit.

Ce sujet permet donc un traitement assez large car vous pouvez à la fois traiter en détails de ce qu’est l’inconscient et de ce qui peut en être connu ou non en mobilisant le cours sur la conscience et l’inconscient. Mais il est également possible de traiter du sujet de manière plus épistémologique en prenant « connaissance » au sens plus large de science et en utilisant votre cours sur la raison et la science. La question serait alors l’inconscient peut-il être un objet de science. Une référence par exemple à la thèse de Karl Popper sur l’inconscient serait alors pertinente.

Quelques références possibles : Freud, Popper, Bergson, Leibniz

Repères utiles pour la réflexion : Objectif/Subjectif,

Sujet 3 : Sommes-nous responsables de l’avenir ? (bac philo 2021)

Notions du programme à mobiliser : la liberté, le temps

Ce sujet est assez général et peut donner lieu à des traitements divers. Je vais envisager ici deux manières possibles de problématiser le sujet. La notion de responsabilité est centrale et doit être défini. Etre responsable c’est être en capacité de répondre de ses actes, c’est-à-dire qu’on est capable de les justifier. En ce sens, l’idée de responsabilité est liée à l’idée de raison et de liberté car répondre de ses actes c’est donner des raisons, justifier un acte que nous avons choisi de faire. Si on nous demande de nous justifier c’est parce que l’on considère que nous avons fait le choix d’agir ainsi librement. L’idée d’avenir quant à elle fait ici référence à la notion du temps dans le programme et l’on peut déjà avoir en tête que l’avenir est ce qui n’existe pas encore objectivement.

Quelle problématique ? On peut d’abord remarquer que l’on ne peut, semble-t-il, être tenu pour responsable que de ce qui a déjà eu lieu. Si l’avenir est ce qui n’existe pas encore, comment pourrais-je en être tenu pour responsable ? Comment pourrais-je répondre et justifier ce qui n’existe pas encore ? A première vue, il semble donc que nous ne sommes pas responsables de l’avenir. Et pourtant, on ne peut pas nier que le présent est ce qui cause l’avenir. Ne devons nous alors pas être conscients que nous aurons à répondre de nos actes présents quand leurs effets seront connus ?

Deuxième problématique possible et complémentaire : Le sujet pose la question de savoir si nous sommes responsables de l’avenir, si nous répondons par l’affirmative, cela suppose que nous nous considérons comme les auteurs de l’avenir. En d’autres termes, si nous sommes responsables de l’avenir c’est que nous avons fait des choix libres qui sont causes de l’avenir. La question pourrait alors être : sommes-nous réellement libres au point de pouvoir être dits responsables de l’avenir ? Ou bien faudrait-il au contraire défendre l’idée que nous sommes plutôt déterminés par tout ce qui a précédé nos décisions. Nos choix et nos comportements, ne sont-ils pas eux-mêmes des effets inscrits dans une longue chaîne de causes à effets ? Alors, il semble difficile de dire que nous devrions répondre de ces actes dont nous ne sommes pas réellement les auteurs.

Quelques références possibles : Spinoza, Hans Jonas, Kant, Saint-Augustin

Quelques repères utiles pour la réflexion : Nécessaire/contingent, Essentiel/Accidentel

Le mensonge peut-il être moral si c’est pour une bonne raison ? Ou bien doit-on dire que mentir est toujours moralement condamnable quelque soit la raison pour laquelle nous pourrions être amené à mentir ? Mais si l’on admet que mentir est toujours immoral, en est-il de même du mensonge par omission ou plus généralement du fait de cacher la vérité sans pour autant dire le faux ?

Le mensonge peut-il être moral ?

La question du mensonge et de sa moralité est une question philosophique abordée notamment par des auteurs comme Kant, Rousseau ou Benjamin Constant. Je vais ici vous présenter certains éléments du problèmes et arguments sur cette question.

Le mensonge peut-il être moral  si c’est pour une bonne raison ? Ou bien doit-on dire que mentir est toujours moralement condamnable quelque soit la raison pour laquelle nous pourrions être amené à mentir ? Mais si l’on admet que mentir est toujours immoral, en est-il de même du mensonge par omission ou plus généralement du fait de cacher la vérité sans pour autant dire le faux ? Pour plus de précisions sur la manière de formuler une problématique en philosophie, je vous renvoie à cet article sur le sujet.

Le mensonge est traditionnellement condamné

Le mensonge est généralement très largement condamné dans notre culture judéo-chrétienne qui suit en cela les principes de Saint Augustin d’Hippone, philosophe et théologien du IIIe-IVe siècle après J-C. En effet, Saint Augustin contre Saint Jérôme, condamne dans Du mensonge toute idée qu’il pourrait y avoir de « bons mensonges». A ses yeux, le mensonge est mauvais par nature quelque soit la situation ou la fin du mensonge car il consiste à « parler contre sa pensée avec l’intention de tromper ». Ce faisant, le menteur est donc un homme au cœur double qui sait le vrai et dit le faux. Ainsi, pour Augustin, le menteur pèche contre Dieu du fait de sa duplicité et pèche contre son semblable par son désir de le tromper. 

Néanmoins, si Saint Augustin condamne le mensonge sans équivoque, il distingue le mensonge du secret au sens strict car « cacher la vérité n’est pas mentir ». Ainsi, quand le devoir de dire vrai et la charité chrétienne entrent en conflit le devoir est de déclarer : « Je sais mais je ne parlerai pas ». Il admet néanmoins que cette solution est extrêmement risquée et coûteuse pour celui qui garde le secret et indique donc qu’il est possible d’avoir recours à des expressions équivoques afin d’induire l’interlocuteur malintentionné en erreur sans que cela soit un mensonge franc. Ce procédé peut être utilisé dès lors que ce qui est dit est en partie vrai. Saint Augustin prend ainsi l’exemple d’Abraham qui craignant pour la vie de Sarah déclare au Pharaon que Sarah est sa sœur et non sa femme. La réponse n’est pas fausse car Sarah est bien sa demi-sœur, mais elle est aussi son épouse. Saint Augustin distingue ainsi le mensonge franc du fait de garder un secret en utilisant l’ambiguïté.

Le mensonge met en danger la société

La question de savoir si l’on peut ou non ne pas dire toute la vérité à un homme est traitée notamment dans une controverse qui oppose Emmanuel Kant à Benjamin Constant.

Kant condamne tout mensonge délibéré. Selon lui, il n’est absolument pas moral de mentir même pour garder un secret. L’homme a pour devoir de dire la vérité ou plus exactement de dire ce qu’il croit vrai. Si le Sujet vient à mentir alors il enfreint le premier impératif catégorique exposé en ces termes  par Kant dans les Fondements de la métaphysique des mœurs : « Agis de telle sorte que la maxime de ton action puisse être érigée en loi universelle de la nature ». Cela signifie que l’individu doit pouvoir rationnellement vouloir que chacun agisse comme lui de telle sorte que cela devienne la norme. Or, selon Kant, nous ne pouvons pas rationnellement vouloir que tout le monde mente car cela rendrait toute vie en société impossible. Il n’y aurait, en effet, plus aucun lien entre des personnes qui se mentent constamment et mutuellement. De plus, selon Kant, celui qui ment doit ensuite endosser la responsabilité morale de tout ce qui peut arriver du fait de son mensonge car il est intervenu dans le cours des événements.

« Si je dis quelque chose de faux dans des affaires d’importance où le mien et le tien sont en jeu, dois-je répondre de toutes les conséquences qui peuvent suivre de mon mensonge ? Par exemple, un maître a donné l’ordre de répondre, si quelqu’un le demandait, qu’il n’est pas à la maison. Le domestique suit la consigne reçue, mais il est cause par-là que son maître, après être sorti, commet un grand crime, ce qui aurait été empêché par la force armée envoyée pour l’appréhender. Sur qui retombe ici la faute, selon les principes de l’éthique ? A n’en pas douter sur le domestique également qui, par le mensonge a enfreint un devoir envers lui-même : sa propre conscience doit lui reprocher les conséquences. » (Kant ; Doctrine de la vertu Ch. 1, Art. 1 Du mensonge, 1797)

Aux yeux de Kant, il n’est donc pas moral de mentir pour garder un secret même si cela semble être dans l’intérêt d’autrui. C’est sur ce point notamment que Benjamin Constant s’oppose à la thèse de Kant dans ses Réactions politiques.

Doit-on mentir à un assassin ?

Le débat entre Kant et Constant porte notamment sur la situation suivante : si un assassin vient vous demander si votre ami s’est réfugié chez vous, n’est-il pas moral de lui mentir ? Un ami ne peut-il pas attendre légitiment de vous que vous gardiez son secret si sa vie est menacée ? Pour Kant, le mensonge est toujours condamnable car vous prenez alors la responsabilité de ce qui va se passer ensuite. Si vous mentez en disant que votre ami n’est pas là, et que l’assassin retournant dans la rue y trouve votre ami qui était sorti de la maison entre temps, alors c’est votre faute. Constant remarque lui, au contraire, que le lien social et la moralité même se trouvent menacés si l’on ne peut faire confiance à personne même pas à un ami pour garder un secret vital. Il va donc chercher à trouver une règle qui permette de justifier le mensonge dans ce cas.

« Dire la vérité est un devoir. Qu’est-ce qu’un devoir ? L’idée de devoir est inséparable de celle de droits : un devoir est ce qui, dans un être, correspond aux droits d’un autre. Là où il n’y a pas de droits, il n’y a pas de devoirs. Dire la vérité n’est donc un devoir qu’envers ceux qui ont droit à la vérité. Or nul homme n’a droit à la vérité qui nuit à autrui. » (Benjamin Constant, Des réactions politiques, Paris, Flammarion, 2013)

Benjamin Constant voit donc les conséquences terribles que pourrait avoir l’obligation morale de toujours dire la vérité et cherche à montrer que l’idée qu’il y aurait un devoir de dire la vérité est infondée car il n’existe pas de droit à la vérité dès lors que cette vérité peut nuire à autrui. En effet, dans un Etat de droit, chaque individu peut faire usage de sa liberté dès lors que celle-ci ne menace pas la liberté d’autrui. En d’autres termes, chacun a des libertés garanties par l’Etat que l’on appelle des droits et donc des devoirs car il doit respecter les droits des autres. Par exemple, si un individu a le droit de s’exprimer alors les autres ont le devoir de le laisser s’exprimer et s’ils ne le font pas, ils peuvent être sanctionnés par la loi. Ainsi, avoir un droit c’est avoir l’autorisation de faire quelque chose que les autres n’ont pas le droit de m’empêcher de faire. Constant défend ici l’idée que ce système de droits et devoirs ne peut fonctionner et être respecté que si les droits qui sont donnés aux individus sont des droits qui ne nuisent pas à autrui. En effet, l’objectif du droit en général est bien la coexistence pacifique des individus. Or, si l’on donne des droits à certains qui sont nuisibles pour les autres alors il semble légitime d’en dénoncer l’injustice.

Pour conclure, on pourrait en suivant Constant défendre que garder un secret en mentant est même un devoir moral si la personne qui demande la vérité a pour but de nuire à autrui et n’a donc pas droit à la vérité. On pourrait alors nous objecter avec Saint Augustin qu’il est préférable de refuser de répondre plutôt que de mentir ou de donner une réponse équivoque qui trompe l’interlocuteur, mais comme lui-même l’admet c’est là s’exposer soi-même à biens des risques sans certitude d’aider notre ami car notre interlocuteur peut interpréter notre silence comme un aveu. Ainsi, par notre silence, nous pouvons aussi trahir autrui. En revanche, mentir délibérément à autrui si la réponse ne présente pas de danger pour les autres, reste sans nul doute une faute morale.

Doit-on redouter ou se réjouir de l’avènement de la démocratie ? Le premier tome de De la démocratie en Amérique est publié en 1835. Il s’agit du compte rendu réfléchi du voyage aux Etats-Unis qu’accomplit Alexis de Tocqueville de mai 1831 à février 1832.

Tocqueville : De la démocratie en Amérique

Doit-on redouter ou se réjouir de l’avènement de la démocratie ? Le premier tome de De la démocratie en Amérique est publié en 1835. Il s’agit du compte rendu réfléchi du voyage aux Etats-Unis qu’accomplit Alexis de Tocqueville de mai 1831 à février 1832. Officiellement Tocqueville et son ami Beaumont doivent y examiner les institutions pénitentiaires américaines. C’est ce qu’ils feront, mais les questions qui occupent Tocqueville sont bien plus vastes. Ce voyage est d’abord le voyage d’un citoyen français qui voit son pays déchiré entre ceux qui redoutent l’avancée de la démocratie en France et ceux qui espèrent que la démocratie continue à progresser. Or, paradoxalement, aux yeux de Tocqueville, l’avènement de la démocratie et l’égalisation des conditions sont inévitables. L’enjeu n’est pas tant de déterminer si la démocratie adviendra que de savoir si celle-ci est compatible avec la liberté. Il part animé de cette question centrale : la démocratie peut-elle être un danger pour la liberté et notamment pour la liberté politique ? A première vue, cette interrogation semble paradoxale. Comment un régime que l’on peut définir comme le type d’organisation politique où c’est le peuple qui détient, ou qui contrôle, le pouvoir politique pourrait-il ne pas être compatible avec la liberté des citoyens ?

Il s’agit alors pour Tocqueville de montrer comment la démocratie, entendue d’abord d’un point de vue sociale dans le sens d’un état social où les conditions s’égalisent, pourrait, dans certaines conditions, conduire à une nouvelle forme de tyrannie ou à un genre nouveau de despotisme. Il se définit comme un éducateur politique qui doit montrer ce que l’on doit craindre de l’égalisation des conditions et du régime démocratique. Il entend précisément montrer à quelles conditions la démocratie restera compatible avec la liberté et cela implique de s’intéresser particulièrement aux institutions américaines et aux mœurs (idées, croyances, sentiments, habitudes) des américains. Néanmoins, il ne s’agit pas pour lui de proposer un modèle qu’il faudrait imiter scrupuleusement, mais de proposer une réflexion sur la démocratie dans le but d’instruire ses concitoyens français.

La nature de la démocratie

Dans l’œuvre de Tocqueville, le terme « démocratie » a deux significations différentes. Dans un premier sens, plus courant, il désigne par démocratie un type d’organisation politique dans laquelle c’est le peuple qui détient ou qui contrôle le pouvoir politique. Il s’agit donc du régime démocratique. En un second sens, beaucoup plus original, Tocqueville désigne par « démocratie » une certaine condition sociale ou un certain état de la société caractérisé par ce qu’il appelle « l’égalisation des conditions ». En effet, pour Tocqueville, on peut même dire que la démocratie c’est avant tout l’égalisation des conditions avant d’être un régime spécifique. Tout son propos dans De la démocratie en Amérique vise à étudier quelles sont les conséquences de l’égalisation des conditions sur les institutions politiques, les coutumes, les mœurs et les habitudes intellectuelles des citoyens. Il s’agit notamment de montrer que l’égalisation des conditions, donc la démocratie entendue comme état social, ne conduit pas nécessairement à l’instauration d’un régime démocratique où le peuple détient la souveraineté et où il se trouve donc libre politiquement.

L’égalisation des conditions n’est pas toujours compatible avec la liberté, elle peut aussi mener à la tyrannie, tel est l’enjeu. Selon lui, l’égalisation des conditions est inévitable et il suffit d’observer le mouvement de l’histoire pour constater qu’elle va en progressant constamment si bien que Tocqueville aperçoit dans ce triomphe de l’égalité l’expression d’une volonté divine. Mais, selon lui, l’homme reste néanmoins libre et il est de sa responsabilité de faire en sorte que l’égalité ne conduise pas à l’esclavage, mais à la liberté. Cela suppose de s’intéresser à certaines caractéristiques notables de l’état social démocratique qui sont des conséquences de l’égalisation des conditions : l’individualisme, la soif de conforts matériels et l’adoucissement des mœurs.


L’individualisme selon Tocqueville

Dans la société démocratique, les relations hiérarchiques fixes entre les classes (noblesse, bourgeoisie, ouvriers) et les fortes inégalités caractéristiques de la société aristocratique ont disparu. La propriété a été divisée et égalisée. Cela a des conséquences extrêmement positives, car chaque individu sans distinction de classe peut prétendre à se réaliser socialement, intellectuellement ou encore politiquement. Chaque individu cherche en lui-même ses opinions et croyances et refuse de se soumettre à un autre. Mais, selon Tocqueville, cela a aussi des conséquences plus ennuyeuses, car, paradoxalement, l’égalisation des conditions dissout le lien entre les individus au lieu de les rapprocher.

« L’individualisme est un sentiment réfléchi et paisible qui dispose chaque citoyen à s’isoler de la masse de ses semblables et à se retirer à l’écart avec sa famille et ses amis ; de telle sorte que, après s’être ainsi crée une petite société à son usage, il abandonne volontiers la grande société à elle-même. […] L’individualisme est d’origine démocratique, et il menace de se développer à mesure que les conditions s’égalisent. » (DA, II, 2, chap.2, p. 125)

En effet, chaque individu se considère comme l’égal de son voisin et n’a pas de compte social et politique à rendre à un membre d’une classe hiérarchiquement supérieure ou inférieure. De ce fait les liens sociaux du Moyen Âge sont rompus. Une des tâches majeures de la société démocratique est donc de recréer des liens entre les individus afin de remplacer les liens hiérarchiques perdus, car sans cela il n’y a plus une société, mais une multitude de petites sociétés privées. Nous verrons que cette tendance à l’individualisme peut devenir un danger pour la démocratie aux yeux de Tocqueville. 

La soif pour le confort matériel

Dans la société démocratique, on voit également apparaître selon Tocqueville, un attrait prononcé pour les conforts matériels. En effet, dans la société aristocratique, les différences de bien-être matériel n’étaient pas mises en question, chacun en fonction de sa classe trouvait sa situation normale, car c’était là un ordre social solidement ancré dans les mentalités. Au contraire, dans la société démocratique, chacun sait pouvoir améliorer sa condition et s’en préoccupe presque exclusivement car il n’a plus d’obligation envers les nobles ou l’église. Si l’on peut se féliciter de cette égalisation des conditions, dans le même temps, Tocqueville craint que les individus adoptent ce qu’il appelle un « matérialisme honnête », c’est-à-dire qu’ils en viennent à ne plus se préoccuper que des plaisirs matériels et à se désintéresser de toutes affaires politiques par exemple. Plus encore, il redoute que ces plaisirs restent de petits plaisirs dénués de passion et d’ambition.

« Ce que je reproche à l’égalité, ce n’est pas d’entraîner les hommes à la poursuite de jouissances défendues ; c’est de les absorber entièrement dans la recherche des jouissances permises. Ainsi il pourrait bien s’établir dans le monde une sorte de matérialisme honnête qui ne corromprait pas les âmes, mais qui les amollirait et finirait par détendre sans bruit tous leurs ressorts. » (DA, II, 2, chap.XI, p. 167)

En un sens, Tocqueville regrette qu’avec l’égalisation des conditions les grandes âmes au passions excessives et aux grandes idées ne disparaissent pour ne laisser qu’une masse de petits individus aux préoccupations médiocres. Ce faisant, il montre clairement sa préférence pour le caractère de l’homme aristocratique sur celui de l’homme démocratique et s’inquiète que le goût de l’homme démocratique pour le bien-être ne le pousse à accepter que l’on limite sa liberté pour peu qu’on ne mette pas en danger ses possessions matérielles. Néanmoins, il ne s’agit pas là d’une fatalité et nous verrons qu’il est possible, selon Tocqueville, de limiter ce penchant des peuples démocratiques.

Tocqueville produit donc une description détaillée de l’état social démocratique des américains. Il montre quelles sont les conséquences de l’égalisation des conditions sur les mœurs, habitudes, idées des américains. Or, ces nouvelles habitudes si elles ne sont pas néfastes en elles-mêmes peuvent néanmoins si on n’y prend pas garde présenter un risque pour la liberté et le maintien effectif d’un régime démocratique. L’égalisation des conditions pourrait, en définitive, présenter un danger pour la démocratie.

Les problèmes de la démocratie

Aux yeux de Tocqueville, la démocratie américaine ne parvient pas à éviter l’écueil de la tyrannie de la majorité. En effet, un des dangers de la démocratie consiste à croire qu’en donnant la souveraineté au peuple, on se garantit contre toute forme de tyrannie. Or, selon Tocqueville, la démocratie, si elle est le règne d’une majorité toute puissante, n’est rien d’autre qu’un régime tyrannique. Si la majorité peut tout imposer à la minorité alors il ne s’agit plus d’un régime libéral, c’est-à-dire respectueux de la liberté et des droits de chaque individu que celui-ci fasse partie de la majorité ou de la minorité.

« Lors donc que je vois accorder le droit et la faculté de tout faire à une puissance quelconque, qu’on appelle peuple ou roi, démocratie ou aristocratie, qu’on l’exerce dans une monarchie ou dans une république, je dis : là est le germe de la tyrannie, et je cherche à aller vivre sous d’autres lois. Ce que je reproche le plus au gouvernement démocratique, tel qu’on l’a organisé aux Etats-Unis, ce n’est pas sa faiblesse, mais au contraire sa force irrésistible. Et ce qui me répugne le plus en Amérique ce n’est pas l’extrême liberté qui y règne, c’est le peu de garantie qu’on y trouve contre la tyrannie. » (DA, I, 2, chap.VII, p. 350)

C’est pourquoi, pour Tocqueville, il faut que le gouvernement du peuple soit limité. Or, tel n’est pas le cas aux Etats-Unis car tous les pouvoirs émanent d’une manière ou d’une autre de la majorité. Non seulement le corps législatif représente la majorité, mais le pouvoir exécutif est lui aussi nommé par la majorité et les juges eux-mêmes sont, dans certains Etats, élus par la majorité. Afin de remédier à cela, Tocqueville, en fidèle lecteur de Montesquieu, suggère de distribuer les pouvoirs, c’est-à-dire de donner davantage d’indépendance au pouvoir exécutif et au pouvoir judiciaire vis-à-vis de la majorité. Il faudrait, selon lui, que ceux-ci ne soient pas dépendants de la majorité afin de pouvoir éventuellement s’opposer au pouvoir législatif si celui-ci prend des décisions néfastes pour les minorités.

Tocqueville s’inquiète donc du peu de garantie contre la tyrannie dans le système démocratique des Etats-Unis, mais plus encore, il redoute que les citoyens ne renoncent finalement à l’exercice de leurs droits politiques.


Les risques pour la liberté politique

Pour Tocqueville, la passion de l’homme démocratique pour l’égalité l’emporte sur toute autre, même sur celle pour la liberté. Ceci tient au fait que la liberté demande des efforts et de la vigilance alors que dans le même temps ses bienfaits peuvent passer inaperçus. En revanche, les bienfaits de l’égalité se font immédiatement sentir et n’exigent aucun effort. Les individus sont libres de se soucier de leurs affaires particulières et si les affaires communes demandent trop de leur temps, ils les abandonnent volontiers au soin de l’Etat.

« Lorsque le goût des jouissances matérielles se développe chez un de ces peuples plus rapidement que les lumières et que les habitudes de la liberté, il vient un moment où les hommes sont emportés et comme hors d’eux-mêmes, à la vue de ces biens nouveaux qu’ils sont prêts à saisir. Préoccupés du seul soin de faire fortune, ils n’aperçoivent plus le lien étroit qui unit la fortune particulière de chacun d’eux à la prospérité de tous. Il n’est pas besoin d’arracher à de tels citoyens les droits qu’ils possèdent; ils les laissent volontiers échapper eux-mêmes.

L’exercice de leurs devoirs politiques leur paraît un contretemps fâcheux qui les distrait de leur industrie. S’agit-il de choisir leurs représentants, de prêter main-forte à l’autorité, de traiter en commun la chose commune, le temps leur manque; ils ne sauraient dissiper ce temps si précieux en travaux inutiles. Ce sont là jeux d’oisifs qui ne conviennent point à des hommes graves et occupés des intérêts sérieux de la vie. Ces gens-là croient suivre la doctrine de l’intérêt, mais ils ne s’en font qu’une idée grossière, et, pour mieux veiller à ce qu’ils nomment leurs affaires, ils négligent la principale qui est de rester maîtres d’eux-mêmes. » (D.A. II, p.176)

C’est en ce sens, que l’individualisme est un danger pour la liberté politique, aux yeux de Tocqueville, car les hommes oublient que leur liberté n’est jamais totalement acquise et qu’elle doit être défendue. Les devoirs politiques des hommes démocratiques sont ce qui garantit la pérennité de la souveraineté du peuple et par devoirs politiques, Tocqueville n’entend pas seulement le fait de voter de temps à autre pour un représentant, mais le fait de participer à la vie commune par la participation aux institutions citoyennes : les jurys, les associations, la force publique…

En définitive, si les hommes démocratiques se désintéressent de la vie politique, Tocqueville prédit l’avènement d’une nouvelle forme de despotisme : un despotisme doux.

Un nouveau despotisme : le despotisme doux que craint Tocqueville

Le nouveau despotisme que redoute Tocqueville n’est pas le despotisme tel que Montesquieu le définissait. Il ne s’agit pas d’un pouvoir arbitraire faisant régner l’ordre par la crainte et la violence, mais d’un pouvoir absolu et doux. Le despotisme que doivent craindre les démocraties est celui d’un État qui petit à petit, profitant du désintérêt des citoyens pour la vie politique et de leur penchant à centraliser le pouvoir, étenderait son administration de manière à contrôler absolument tout.

« Je veux imaginer sous quels traits nouveaux le despotisme pourrait se produire dans le monde : je vois une foule innombrable d’hommes semblables et égaux qui tournent sans repos sur eux-mêmes pour se procurer de petits et vulgaires plaisirs, dont ils emplissent leur âme. […] Au-dessus de ceux-là s’élève un pouvoir immense et tutélaire, qui se charge seul d’assurer leur jouissance et de veiller sur leur sort. Il est absolu, détaillé, régulier, prévoyant et doux. Il ressemblerait à la puissance paternel si, comme elle, il avait pour objet de préparer les hommes à l’âge viril ; mais il ne cherche au contraire qu’à les fixer irrévocablement dans l’enfance. » (D.A. II, p. 385)

Selon Tocqueville, les citoyens des démocraties ont tendance à donner le pouvoir à l’Etat, car soucieux avant tout d’égalité, ils n’aiment pas avoir des supérieurs et préfèrent s’en remettre à l’Etat, seul apte à diriger des individus égaux. Ce nouveau despotisme est d’autant plus dangereux pour Tocqueville que n’étant pas violent, on ne le voit pas advenir et qu’on ne peut donc se révolter contre lui. L’Etat organiserait alors tout dans l’intérêt des citoyens, organisant à leur place leur bonheur, décourageant leurs actions par une multitudes de règles contraignantes, allant presque finalement, selon la formule de Tocqueville  jusqu’à leur « ôter entièrement le trouble de penser et la peine de vivre ». Ainsi, Tocqueville met en garde les citoyens des sociétés démocratiques contre leur amour de la tranquillité, s’ils ne restent pas vigilants, s’ils n’exercent pas effectivement leurs droits politiques alors ils risquent de se trouver tels des mineurs sous la tutel d’un Etat bienveillant, mais liberticide.

Néanmoins, si Tocqueville envisage qu’un tel despotisme puisse avenir, il ne s’agit pas d’une fatalité. Des solutions existent et c’est précisément dans le but de mettre au jour ces solutions que Tocqueville écrit De la démocratie en Amérique.

Solutions des problèmes selon Tocqueville

Si les sociétés démocratiques sont susceptibles de devenir despotiques pour Tocqueville, c’est notamment à cause de l’individualisme. En effet, le despotisme profite du désintéressement des citoyens pour les affaires communes pour les isoler. Une fois seul, le citoyen se trouve faible et démuni devant un Etat tutélaire et ne peut lui résister.

« L’égalité place les hommes à côté les uns des autres, sans lien commun qui les retienne. Le despotisme élève des barrières entre eux et les sépare. Elle les dispose à ne point songer à leurs semblables et il leur fait une sorte de vertu publique de l’indifférence. » (D.A. II, p. 131)

La grande sagesse des américains, aux yeux de Tocqueville, tient donc au fait qu’ils ont su lutter contre l’individualisme en forçant d’une certaine manière les citoyens à s’occuper des affaires communes. Il faut que les citoyens soient de temps à autre arrachés de leurs préoccupations strictement individuelles et amenés à sentir qu’ils dépendent aussi des autres. C’est pourquoi on a confié aux citoyens l’administration des petites affaires communes afin que chacun se rende compte qu’il existe un rapport entre les petites affaires publiques et ses plus grandes affaires privées. L’intérêt particulier et l’intérêt général sont liés. Ainsi, les américains ont de multiples façons fait en sorte que les citoyens développent des habitudes et des idées politiques et ce, en les incitant ou en les obligeant à prendre part à des institutions politiques.

Les habitudes politiques des américains

Si les américains sont encore libres, pour Tocqueville, c’est parce qu’ils ont su créer des liens entre les citoyens. Ceux-ci ne sont plus liés hiérarchiquement certes, mais ils s’unissent artificiellement dans des associations pour défendre des idées ou des pratiques. Le rôle des associations, qu’elles soient politiques ou civiles, est très important, aux yeux de Tocqueville, car d’une part elles permettent le développement d’intérêts communs et d’autre part, elles sont un contre-poids nécessaire au pouvoir de l’Etat. 

« Ce sont les associations qui, chez les peuples démocratiques, doivent tenir lieu des particuliers puissants que l’égalité des conditions a fait disparaître. Sitôt que plusieurs des habitants des États-Unis ont conçu un sentiment ou une idée qu’ils veulent produire dans le monde, ils se cherchent, et, quand ils se sont trouvés, ils s’unissent. Dès lors, ce ne sont plus des hommes isolés, mais une puissance qu’on voit de loin, et dont les actions servent d’exemple qui parle, et qu’on écoute. » (D.A. II, p.140-141)

Par ailleurs, selon Tocqueville, il faut absolument encourager le développement des associations notamment politiques car elles sont la condition du pluralisme et donc du maintien d’une démocratie effective. Ainsi, loin de considérer comme Rousseau que les associations peuvent être dangereuses, Tocqueville considère qu’elles sont nécessaires. Enfin, la pratique du jury permet d’inspirer aux citoyens l’habitude de se soucier de leurs droits et de les défendre. Chaque citoyen est susceptible d’être convoqué pour faire partie d’un jury et cette expérience participe à sa formation de citoyen.

« Le jury, et surtout le jury civil, sert à donner à l’esprit de tous les citoyens une partie des habitudes de l’esprit du juge; et ces habitudes sont précisément celles qui préparent le mieux le peuple à être libre. Il répand dans toutes les classes le respect pour la chose jugée et l’idée du droit. Ôtez ces deux choses, et l’amour de l’indépendance ne sera plus qu’une passion destructive. » (D.A. II, p.101)

Ces diverses institutions sont ainsi autant de moyens d’éduquer les citoyens afin qu’ils se sentent concernés par les affaires publiques et détenteurs de droits précieux garants de leur liberté.

A travers son étude de la démocratie en amérique, Tocqueville montre donc que l’égalisation des conditions et la disparition des rapports hiérarchiques de classes, ne va pas nécessairement de pair avec l’instauration d’un régime politique libre et démocratique. Les américains ne vivent en démocratie que parce qu’ils ont été capables de lutter contre certains effets de l’égalisation des conditions tels que l’individualisme et la soif de biens matériels. Pour Tocqueville, la démocratie ne saurait être réduite à une procédure comme l’élection, un peuple n’est pas libre parce qu’il élit des représentants ponctuellement, mais parce qu’il participe aux décisions, parce qu’il s’intéresse à l’intérêt général, parce qu’il a une vie politique. Sans cette vie politique, les citoyens ne sont que des individus isolés et faibles face à un Etat bientôt despotique. 

Epicure, dans La lettre à Ménécée, entend montrer que le bonheur dépend de nous et que l'on peut l'atteindre grâce à la philosophie.

Epicure : Le bonheur dépend-il de nous ?

Si l’on se réfère à l’étymologie, le bonheur semble d’abord lié à la chance. En effet, bonheur, vient de « heur » en ancien français qui signifie la chance ou la fortune. Le terme français « heur » vient lui-même du latin augurium qui signifie « augure », « présage ». Alors avoir le bon heur c’est avoir une bonne chance, être favorisé par les circonstances. En ce sens, le bonheur, que l’on peut d’abord définir comme un état durable de satisfaction, semble d’abord dépendre du hasard plutôt que de nous-mêmes et des actions que nous pourrions entreprendre pour y arriver. Cependant, Epicure, dans La lettre à Ménécée, s’oppose à cette thèse et entend montrer que le bonheur dépend de nous et que l’on peut l’atteindre grâce à la philosophie.

Le bonheur c’est le plaisir

Epicure, dans la Lettre à Ménécée, donne plusieurs recommandations pour atteindre le bonheur. A ses yeux, le bonheur c’est le plaisir, mais il faut ici faire attention aux contresens, car par plaisir Epicure entend la suppression de la douleur. Je vous rappelle qu’en philosophie préciser en quel sens on prend tel ou tel mot est très important (voir cet article) . Il ne s’agit donc pas de dire qu’il faut multiplier les plaisirs et que cela rendra heureux comme peut le faire un hédoniste. Au contraire, pour Epicure, on est heureux quand on ne souffre pas ! Il le dit en ces termes : « La santé du corps, la tranquillité de l’âme sont la perfection de la vie heureuse ». La question est donc de déterminer comment ne pas souffrir ni dans son corps ni dans son âme.

Epicure propose de limiter ses désirs pour être heureux

Pour Epicure, le désir peut être considéré comme un manque de quelque chose que l’on a pas encore, mais que l’on souhaite obtenir. Alors, le désir apparaît d’abord comme un manque, une douleur. Si l’on désire quelque chose de difficile à obtenir cela sera plus douloureux encore car nous ne sommes pas sûrs de l’atteindre ou cela va prendre du temps. C’est pourquoi, pour Epicure, le bonheur c’est l’absence de troubles dans l’âme. Si nous sommes perpétuellement inquiets car nous voulons absolument des biens de luxe et n’y arrivons pas alors nous ne sommes pas heureux. Atteindre le bonheur c’est donc d’abord limiter ses désirs pour ne garder que les désirs les plus simples à satisfaire. Il dit ainsi dans la Lettre à Ménécée : « C’est un grand bien à notre avis que de se suffire à soi-même, non qu’il faille toujours vivre de peu, mais afin que si l’abondance nous manque, nous sachions nous contenter du peu que nous aurons ».

Le bonheur c’est aussi l’absence de souffrance dans le corps

Par ailleurs, Epicure considère que pour être heureux, nous devons également atteindre l’absence de souffrance dans le corps (aponie en grec). Cela n’est possible que si nous menons une vie réglée sans faire trop d’excès. C’est donc faire un contresens sur Epicure que de penser qu’il invite à multiplier les plaisirs et désirs de toutes sortes et à vivre dans la débauche. Les plaisirs excessifs et l’intempérance conduisent à des douleurs et à des maladies. Ainsi, il dit : « Quand donc nous disons que le plaisir est le but de la vie, nous ne parlons pas des plaisirs des voluptueux inquiets, ni de ceux qui consistent dans les jouissances déréglées, ainsi que l’écrivent des gens qui ignorent notre doctrine, ou qui la combattent et la prennent dans un mauvais sens. Le plaisir dont nous parlons est celui qui consiste, pour le corps, à ne pas souffrir et, pour l’âme, à être sans trouble. »  

La classification des désirs d’Epicure

Epicure fût un ascète, il mène une vie austère en se contentant de peu. Il défend que le bonheur peut s’atteindre ainsi car celui qui ne souffre pas de ses excès et n’a pas l’âme troublée par des désirs futiles vit paisiblement. Cela suppose de distinguer entre les bons désirs qui vont pouvoir être satisfaits aisément et répondent à un besoin naturel et les mauvais désirs qui vont nous rendre malades et sont difficiles à satisfaire. Epicure considère alors qu’il nous faut renoncer à tous les désirs non naturels et non nécessaires comme par exemple manger des mets luxueux, pour préférer les désirs naturels et nécessaires, par exemple, manger simplement, boire, avoir un toit, philosopher…

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Le bonheur est-il un idéal inaccessible ?

Le bonheur est-il un idéal inaccessible ?

Qui n’a pas déjà eu le sentiment de vouloir le bonheur, de le rechercher mais sans savoir précisément ce qui le rendrait heureux ? Selon Kant, le bonheur est un idéal inaccessible car c’est une idée indéterminée c’est-à-dire que les hommes ont en général une idée très vague de ce qui pourrait faire leur bonheur si bien qu’ils n’ont aucun plan ni aucune méthode pour y parvenir.

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Pour Kant, le bonheur désigne « un maximum de bien-être dans mon état présent et dans toute ma condition future », le problème étant de déterminer ce qui nous permettra d’atteindre ce maximum de bien-être. Or, la tâche n’est pas simple car, selon lui, il n’y a pas de méthode générale que l’on pourrait appliquer pour être heureux. C’est en ce sens qu’il dit que « le bonheur est un idéal non de la raison, mais de l’imagination », nous n’avons pas de définition précise du bonheur et de la manière dont n’importe quel humain pourrait l’atteindre.

On pourrait lui objecter que pourtant de grandes sagesses comme par exemple le stoïcisme ou l’épicurisme donnent des règles de vie qui ont précisément pour but d’aider les hommes à être plus heureux. Limiter ses désirs et ne pas tomber dans la consommation à outrance n’est-ce pas une règle de vie intéressante quand on souhaite être heureux ?  Contrôler ses pensées et ne plus être négatif n’est-ce pas une bonne manière d’atteindre le bonheur ? A cela Kant répond que ces conseils et ces règles peuvent effectivement participer à nous rendre heureux mais qu’on ne peut pas être absolument sûr que nous serons heureux si nous les suivons car seule l’expérience pourra nous dire ce qui nous rendra réellement heureux.

Le bonheur est difficile à atteindre

En somme, pour Kant, il est très difficile d’atteindre le bonheur avec certitude car même si nous imaginons que quelque chose nous rendra heureux, il se pourrait que dans les faits cela nous procure plutôt de la souffrance.

On peut prendre comme exemple le personnage de Christopher dans le film Into The Wild. Christopher sait très bien ce qu’il ne veut pas, en l’occurrence, vivre dans le même bonheur matérialiste et consumériste que ses parents. Il considère que leur bonheur est une illusion et qu’ils ne sont pas réellement heureux car ils ne font que se conformer à l’idée que la société dans laquelle ils vivent se fait du bonheur et de la réussite. Ils sont donc uniquement préoccupés de renvoyer une image de réussite aux autres.

Mais sait-il pour autant ce qui le rendra heureux ? Il croit le savoir et choisit de partir loin de la société en pleine nature pour trouver le bonheur. Mais finalement il se rend compte que la vie en pleine nature qu’il avait idéalisée n’est pas complètement le bonheur non plus et finalement il meurt empoisonné car il a consommé des baies non comestibles.

L’argument de Kant est donc qu’en réalité l’homme étant un être fini et non omniscient, il ne peut pas prévoir toutes les conséquences qu’auront ses choix. De même, Chris ne pouvait pas prévoir que partir vivre seul dans la nature, le conduirait finalement à la mort.

On ne peut donc pour Kant être absolument sûr d’atteindre le bonheur. Néanmoins, même si l’on admet que nous ne pouvons pas être certains d’atteindre le bonheur, nous pouvons du moins chercher à l’atteindre en suivant les règles de vie qui font le bonheur du plus grand nombre des hommes le plus souvent. Ce que proposent de faire notamment des stoïciens comme Sénèque, Epictète, Marc Aurèle ou d’autres sages comme Epicure.

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Texte de Kant :

«  Le concept de bonheur est un concept si indéterminé, que, malgré le désir qu’a tout homme d’arriver à être heureux, personne ne peut jamais dire en termes précis et cohérents ce que véritablement il désire et il veut. La raison en est que tous les éléments qui font partie du concept du bonheur sont dans leur ensemble empiriques, c’est-à-dire qu’ils doivent être empruntés à l’expérience, et que cependant pour l’idée du bonheur un tout absolu, un maximum de bien-être  dans mon état présent et dans toute ma condition future, est nécessaire. Or il est impossible qu’un être fini, si  perspicace et en même temps si puissant qu’on le suppose, se fasse un concept déterminé de ce qu’il veut ici véritablement. Veut-il la richesse ? Que de soucis, que d’envie, que de pièges ne peut-il pas par là attirer sur sa tête ! Veut-il beaucoup de connaissance et de lumières ? Peut-être cela ne fera-t-il que lui donner un regard plus pénétrant pour lui représenter d’une manière d’autant plus terrible les maux qui jusqu’à présent se dérobent encore  à sa vue et qui sont pourtant inévitables, ou bien que charger de plus de besoins encore ses désirs qu’il a déjà bien assez de peine à satisfaire. Veut-il une longue vie ? Qui lui répond que ce ne serait pas une longue souffrance ?  Veut-il du moins la santé ? Que de fois l’indisposition du corps a détourné d’excès où aurait fait tomber une santé parfaite, etc… Bref, il est incapable de déterminer avec une entière certitude d’après quelque principe ce qui le rendrait véritablement heureux : pour cela il lui faudrait l’omniscience. On ne peut donc pas agir, pour être heureux, d’après des principes déterminés, mais seulement d’après des conseils empiriques, qui recommandent, par exemple, un régime sévère, l’économie, la politesse, la réserve,  etc…,  toutes choses qui, selon les enseignements de l’expérience, contribuent en thèse générale pour la plus grande part au bien être. Il suit de là que les impératifs de la prudence, à parler exactement, ne peuvent commander en rien, c’est-à-dire représenter des actions de manière objective comme pratiquement nécessaires, qu’il faut les tenir plutôt pour des conseils (consilia) que pour des commandements (praecepta) de la raison : le problème qui consiste à déterminer de façon sûre et générale quelle action peut favoriser le bonheur d’un être raisonnable est un problème tout à fait insoluble ; il n’y a donc pas à cet égard d’impératif qui puisse commander, au sens strict du mot, de faire ce qui rend heureux, parce que le bonheur est un idéal non de la raison mais de l’imagination, fondé uniquement sur des principes empiriques, dont on attendrait vainement qu’ils puissent déterminer une action par laquelle serait atteinte la totalité d’une série de conséquences en réalité infinie. »

Kant, Fondements de la métaphysique de mœurs (1785)

les exemples en philosophie

Bien utiliser les exemples en philosophie

On dit parfois du philosophe qu’il est un peu « perché » ou dans la lune. Il apparaît souvent comme cet intellectuel qui réfléchit trop et n’est pas en phase avec la vie quotidienne. Et pourtant, la philosophie traite le plus souvent de questions importantes pour chacun et c’est une erreur de penser qu’elle ne porte pas sur la vie bien au contraire. La philosophie nous permet de réfléchir sur des choses concrètes et des situations que nous rencontrons effectivement dans notre vie. Il est cependant nécessaire de mettre en évidence ce lien avec la vie en ne restant pas au niveau des arguments généraux mais en explicitant ce que l’on veut dire concrètement en prenant des exemples en philosophie. Ce passage par l’exemple est souvent nécessaire à la fois pour celui qui réfléchit qui est ainsi assuré de rester en prise avec le réel, mais également pour le lecteur qui peut ainsi mieux comprendre à quels cas particuliers l’argument général peut correspondre.

Usages de l’exemple

L’exemple peut être placé en tout début de dissertation, on parle alors d’une accroche. Pour plus de précision sur ce point, je vous renvoie à cet article sur l’accroche dans la dissertation de philosophie. Ensuite les exemples en philosophie sont bienvenus dans le développement pour illustrer des arguments généraux. Néanmoins attention, il ne faut pas que les exemples remplacent les arguments.

Bien distinguer argument et exemple

D’abord un petit rappel, car c’est un point très important et une erreur que font beaucoup d’étudiants. Argumenter consiste à justifier une thèse en utilisant des propositions générales. Pour plus de précision sur les différentes façons d’argumenter vous pouvez vous référer à cet article. Cela signifie que par exemple sur vous voulez justifier la thèse selon laquelle il ne nous est pas possible d’échapper au temps, alors vous pouvez argumenter en rappelant le caractère mortel des êtres humains qui sont nécessairement inscrits dans le temps et vieillissent. Si vous faites cela vous donnez un argument général. En revanche, si vous justifiez la thèse en disant que tel individu particulier vieillit et se rend alors compte qu’il ne peut échapper au temps, c’est un exemple et pas un argument.

Qu’est-ce qu’un bon exemple ?

Enfin, il est important de noter qu’il n’est pas intéressant de multiplier les exemples. Mieux vaut illustrer un argument avec un exemple bien choisi et bien exploité que d’énoncer rapidement et sans développer plusieurs exemples. Il faut absolument développer l’exemple et préciser très clairement en quoi il illustre l’argument et en quoi il permet de répondre au sujet. Il faut également qu’il illustre effectivement et le plus précisément possible l’idée que vous défendez. Par ailleurs, il est possible de prendre pour exemples des situations de la vie quotidienne, néanmoins des exemples qui témoignent de votre culture générale seront évidemment plus valorisés. N’hésitez pas à prendre des exemples littéraire sur les sujet qui traitent de la morale, de la liberté, du bonheur. Il est également intéressant de pouvoir mobiliser des exemples scientifiques ou artistiques si vous avez un sujet qui traite de la vérité ou de l’art.