Le désir

Quelques textes centraux sur le désir

La notion de désir est une notion qui peut être abordée en lien avec la notion de bonheur. Des questions classiques peuvent être alors de déterminer si le désir est un obstacle au bonheur ou non, ou encore s’il faut recherche le bonheur. Vous pouvez voir la réponse de Schopenhauer à ce dernier sujet ici. Vous trouverez ci-dessous quatre textes qui donnent une bonne idée des différentes thèses que les philosophes peuvent avoir sur le désir. Vous remarquerez qu’ils ne sont pas d’accord, les uns voient le désir plutôt comme une source de souffrance, les autres plutôt comme une source de bonheur.

Texte de Platon sur le désir comme manque :

« SOCRATE : Tout ce que je veux savoir, c’est si Eros éprouve ou non le désir de ce dont il est amour.
  AGATHON : Assurément, il en éprouve le désir.
  – Est-ce le fait de posséder ce qu’il désire et ce qu’il aime qui fait qu’il le désire et qu’il l’aime, ou le fait de ne pas le posséder ?
  – Le fait de ne pas le posséder, cela du moins est vraisemblable.
  – Examine donc si au lieu d’une vraisemblance il ne s’agit pas d’une nécessité : il y a désir de ce qui manque, et il n’y a pas désir de ce qui ne manque pas ? Il me semble à moi, Agathon, que cela est une nécessité qui crève les yeux ; que t’en semble-t-il ?
  – C’est bien ce qu’il me semble.
  – Tu dis vrai. Est-ce qu’un homme qui est grand souhaiterait être grand, est-ce qu’un homme qui est fort souhaiterait être fort ?
  – C’est impossible, suivant ce que nous venons d’admettre.
  – Cet homme ne saurait manquer de ces qualités, puisqu’il les possède.
  – Tu dis vrai.
  – Supposons en effet qu’un homme qui est fort souhaite être fort, qu’un homme qui est rapide souhaite être rapide, qu’un homme qui est en bonne santé souhaite être en bonne santé, car quelqu’un estimerait peut-être que, en ce qui concerne ces qualités et toutes celles qui ressortissent au même genre, les hommes qui sont tels et qui possèdent ces qualités, désirent encore les qualités qu’ils possèdent. C’est pour éviter de tomber dans cette erreur que je m’exprime comme je le fais. Si tu considères, Agathon, le cas de ces gens-là, il est forcé qu’ils possèdent présentement les qualités qu’ils possèdent, qu’ils le souhaitent ou non. En tout cas, on ne saurait désirer ce que précisément on possède. Mais supposons que quelqu’un nous dise : « Moi, qui suis en bonne santé, je n’en souhaite pas moins être en bonne santé, moi, qui suis riche, je n’en souhaite pas moins être riche ; cela même que je possède, je ne désire pas moins le posséder. » Nous lui ferions cette réponse : « Toi, bonhomme, qui es doté de richesse, de santé et de force, c’est pour l’avenir que tu souhaites en être doté, puisque, présentement en tout cas, bon gré mal gré, tu possèdes tout cela. Ainsi, lorsque tu dis éprouver le désir de ce que tu possèdes à présent, demande-toi si ces mots ne veulent pas tout simplement dire ceci : « Ce que j’ai à présent, je souhaite aussi l’avoir dans l’avenir. » » Il en conviendrait, n’est-ce pas ? […] Dans ces conditions, aimer ce dont on n’est pas encore pourvu et qu’on ne possède pas, n’est-ce pas souhaiter que, dans l’avenir, ces choses-là nous soient conservées et nous restent présentes ?
  – Assurément.
  – Aussi l’homme qui est dans ce cas, et quiconque éprouve le désir de quelque chose, désire ce dont il ne dispose pas et ce qui n’est pas présent ; et ce qu’il n’a pas, ce qu’il n’est pas lui-même, ce dont il manque, tel est le genre de choses vers quoi vont son désir et son amour. »

Platon, Le Banquet, 200a-200e, tr. Luc Brisson modifiée, GF, 2018, p. 132-134.

Texte de Schopenhauer sur le désir comme souffrance :

« Tout désir naît d’un manque, d’un état qui ne nous satisfait pas ; donc il est souffrance, tant qu’il n’est pas satisfait. Or, nulle satisfaction n’est de durée ; elle n’est que le point de départ d’un désir nouveau. Nous voyons le désir partout arrêté, partout en lutte, donc toujours à l’état de souffrance ; pas de terme dernier à l’effort ; donc pas de mesure, pas de terme à la souffrance […] Mais que la volonté vienne à manquer d’objet, qu’une prompte satisfaction vienne à lui enlever tout motif de désirer, et les voilà tombés dans un vide épouvantable, dans l’ennui ; leur nature, leur existence, leur pèse d’un poids intolérable. La vie donc oscille, comme un pendule, de droite à gauche, de la souffrance à l’ennui ; ce sont là les deux éléments dont elle est faite, en somme. »

Schopenhauer, Le monde comme volonté et comme représentation.

Texte de Rousseau sur le désir comme bonheur de l’imagination :

« Tant qu’on désire on peut se passer d’être heureux ; on s’attend à le devenir : si le bonheur ne vient point, l’espoir se prolonge, et le charme de l’illusion dure autant que la passion qui le cause. Ainsi cet état se suffit à lui-même, et l’inquiétude qu’il donne est une espèce de jouissance qui supplée à la réalité, qui vaut mieux peut-être. Malheur à qui n’a plus rien à désirer ! Il perd pour ainsi dire tout ce qu’il possède. On jouit moins de ce qu’on obtient que de ce qu’on espère, et l’on est heureux qu’avant d’être heureux. En effet, l’homme avide et borné, fait pour tout vouloir et peu obtenir, a reçu du ciel une force consolante qui rapproche de lui tout ce qu’il désire, qui le soumet à son imagination, qui le lui rend présent et sensible, qui le lui livre en quelque sorte, et pour lui rendre cette imaginaire propriété plus douce, le modifie au gré de sa passion. Mais tout ce prestige disparaît devant l’objet même ; rien n’embellit plus cet objet aux yeux du possesseur ; on ne se figure point ce qu’on voit ; l’imagination ne pare plus rien de ce qu’on possède, l’illusion cesse où commence la jouissance. Le pays des chimères est en ce monde le seul digne d’être habité et tel est le néant des choses humaines, qu’hors l’Être existant par lui-même, il n’y a rien de beau que ce qui n’est pas. »

Jean-Jacques Rousseau, La Nouvelle Héloïse (1761).

Texte de Spinoza sur le désir comme force vitale :

« Toute chose s’efforce – autant qu’il est en son pouvoir – de persévérer dans son être. L’effort par lequel toute chose s’efforce de persévérer dans son être n’est rien d’autre que l’essence actuelle de cette chose. Cet effort, en tant qu’il a rapport à l’âme seule, s’appelle : Volonté. Mais lorsqu’il a rapport en même temps à l’Âme et au Corps, il se nomme : Appétit. L’appétit, par conséquence, n’est pas autre chose que l’essence même de l’homme, de la nature de laquelle les choses qui servent à sa propre conservation résultent nécessairement ; et par conséquent, ces mêmes choses, l’homme est déterminé à les accomplir. En outre, entre l’appétit et le désir il n’existe aucune différence, sauf que le désir s’applique, la plupart du temps, aux hommes lorsqu’ils ont conscience de leur appétit et, par suite, le désir peut être ainsi défini : « Le désir est un appétit dont on a conscience. » Il est donc constant, en vertu des théorèmes qui précèdent, que nous ne nous efforçons pas de faire une chose, que nous ne voulons pas une chose, que nous n’avons non plus l’appétit ni le désir de quelque chose parce que nous jugeons que cette chose est bonne ; mais qu’au contraire nous jugeons qu’une chose est bonne parce que nous nous efforçons vers elle, que nous la voulons, que nous en avons l’appétit et le désir ».

Spinoza, Éthique (1675)

Citation d’Arthur Schopenhauer

Arthur Schopenhauer a une vision plutôt pessimiste sur le bonheur. A ses yeux, nous ne sommes pas fait pour ressentir le bonheur.

Arthur Schopenhauer a une vision plutôt pessimiste sur le bonheur. A ses yeux, nous ne sommes pas fait pour ressentir le bonheur. Il explique cela par la nature de notre physiologie. Selon lui, nous ressentons beaucoup plus la douleur que l’absence de douleur. Or, pour lui, le bonheur est plutôt une absence de douleur ou une absence d’inquiétude. De ce fait, nous avons tendance à ne pas ressentir et prêter attention à cette absence. En revanche, lorsque nous commençons à souffrir, là nous nous rendons compte que nous étions heureux avant, c’est-à-dire que nous prenons conscience de notre bonheur quand nous l’avons perdu, selon lui.

Pour autant, Arthur Schopenhauer ne renonce pas totalement au bonheur, il ne cherche pas un bonheur absolu et chimérique, mais il considère que si la vie est faite de souffrances et de frustrations, le but du sage est de gérer sa vie au mieux afin d’éviter les souffrances inutiles.

Texte d’Arthur Schopenhauer :

Que notre vie était heureuse, c’est ce dont nous ne nous apercevons qu’au moment où ces jours heureux ont fait place à des jours malheureux. Autant les jouissances augmentent, autant diminue l’aptitude à les goûter : le plaisir devenu habitude n’est plus éprouvé comme tel. Mais par là même grandit la faculté de ressentir la souffrance ; car la disparition d’un plaisir habituel cause une impression douloureuse. Ainsi la possession accroit la mesure de nos besoins, et du même coup la capacité de ressentir la douleur. – Le cours des heures est d’autant plus rapide qu’elles sont agréables, d’autant plus lent qu’elles sont plus pénibles ; car le chagrin, et non le plaisir, est l’élément positif, dont la présence se fait remarquer. De même nous avons conscience du temps dans les moments d’ennui, non dans les instants agréables. Ces deux faits prouvent que la partie la plus heureuse de notre existence est celle où nous la sentons le moins.

SCHOPENHAUER

Locke se demande notamment ce qui fait l'identité personnelle d'un individu. Est-ce son corps ? Aujourd'hui, peut-on considérer que ce qui fait l'identité d'un être humain c'est sa carte d'identité ou ses données biométriques ?

Locke : Qu’est-ce qui fait mon identité ?

Locke se demande notamment ce qui fait l’identité personnelle d’un individu. Est-ce son corps ? Aujourd’hui, peut-on considérer que ce qui fait l’identité d’un être humain c’est sa carte d’identité ou ses données biométriques ? Suis-je encore la même personne si je n’ai plus aucun souvenir ?

Pour Locke, il faut distinguer l' »homme » et la « personne », par l’homme, il entend dans le texte ci-dessous, le tout organisé, le corps. Même si un individu perd la mémoire, il reste le même homme c’est-à-dire le même ensemble de parties organisées. Mais est-il encore la même personne ? Aux yeux de Locke, ce qui fait l’identité d’une personne n’est pas de l’ordre du physique. Pour qu’une personne ait une identité et dise « Je », il faut qu’elle ait d’abord conscience d’elle-même et conscience d’être la même personne qui a vécu ces diverses expériences dans le passé. La conscience qui étymologiquement vient du latin « cum scientia » signifiant avec savoir, est pour Locke ce qui rend possible l’identité car sans cela nous ne saurions même pas qu’il existe un « Je » qui vit une succession d’expériences.

La première condition pour que l’on puisse parler de l’identité d’une personne est donc la conscience. La deuxième condition est la mémoire, car si nous ne nous souvenions pas du passé alors nous ne serions qu’une pure conscience qui fait des expériences et porte son attention sur telle ou telle chose, sans qu’aucune de ces expériences ne laissent une trace sur nous. Ainsi, pour Locke, ce qui fait notre identité c’est nos souvenirs, ce sont les souvenirs que nous avons de nos expériences. Alors, on peut considérer que quelqu’un qui perd la mémoire perd du même coup son identité. Locke envisage même que si nos esprits pouvaient changer de corps alors nous serions la même personne dans un corps différent.

Les conséquences de cette thèse peuvent être importantes car cela signifie que quelqu’un qui devient fou et ne se souvient pas de ce qu’il a fait, ne peut être tenu pour responsable de ses actes car en un sens, ça n’est pas lui qui les a commis. Il n’était pas clairement conscient à ce moment là et il n’en a aucun souvenir. Cette thèse de Locke peut notamment être intéressante pour traiter du sujet « Peut-on ne pas être soi-même ? »

Texte de Locke :

Supposé que je perde entièrement le souvenir de quelques parties de ma vie, sans qu’il soit possible de le rappeler, de sorte que je n’en aurai peut-être jamais aucune connaissance ; ne suis-je pourtant pas la même personne qui a fait ces actions, qui a eu ces pensées, desquelles j’ai eu une fois en moi-même le sentiment positif, quoique je les aie oubliées présentement ? Je réponds à cela que nous devons prendre garde à quoi ce mot « je » est appliqué dans cette occasion. Il est visible que dans ce cas, il ne désigne pas autre choses que l’homme. Et comme on présume que le même homme est la même personne, on suppose aisément qu’ici le mot « je » signifie aussi la même personne. Mais s’il est possible à un même homme d’avoir en différents temps une conscience distincte et incommunicable, il est hors de doute que le même homme doit constituer différentes personnes en différents temps, et il paraît par des déclarations solennelles que c’est là le sentiment du genre humain. Car les lois humaines ne punissent pas l’homme fou pour les actions que fait l’homme de sens rassis [l’homme calme], ni l’homme de sens rassis pour ce qu’a fait l’homme fou, par où elles en font deux personnes. Ce qu’on peut expliquer en quelque sorte par une façon de parler dont on se sert communément en français, quand on dit, un tel n’est plus le même [one is not himself], ou il est hors de lui-même [beside himself]. Expressions qui donnent à entendre en quelque manière que ceux qui s’en servent présentement, ou du moins qui s’en sont servis au commencement, ont cru que le soi était changé, que ce soi, dis-je, qui constitue la même personne, n’était plus dans le même homme.

  John LOCKE, Essai sur l’entendement humain, Livre 2, ch. 27, § 20. (1690)

Citation de Rousseau

Rousseau a une conception du désir à l'opposé de philosophes comme Platon ou Epicure qui voient dans le désir une source de souffrance.

Rousseau a une conception du désir à l’opposé de philosophes comme Platon ou Epicure qui voient dans le désir une source de souffrance, surtout quand les désirs sont difficiles à satisfaire ou incessants. Rousseau, au contraire, défend que l’on est véritablement heureux que lorsque l’on désire car alors on est dans l’illusion. Celui qui désire imagine ce qu’il désire, il imagine comme cela sera bien d’obtenir ce qu’il veut et ce rêve le rend heureux. Rousseau a ici une vision du désir qui s’oppose totalement à l’idée que finalement désirer c’est souffrir, car manquer de ce que l’on désire. Il semble plutôt insister sur la satisfaction que peut donner la rêverie et l’insatisfaction relativement rapide que l’on a une fois que l’on obtient réellement ce que l’on veut.

Texte de Rousseau :

Tant qu’on désire on peut se passer d’être heureux ; on s’attend à le devenir : si le bonheur ne vient point, l’espoir se prolonge, et le charme de l’illusion dure autant que la passion qui le cause. Ainsi cet état se suffit à lui-même, et l’inquiétude qu’il donne est une espèce de jouissance qui supplée à la réalité, qui vaut mieux peut-être. Malheur à qui n’a plus rien à désirer ! Il perd pour ainsi dire tout ce qu’il possède. On jouit moins de ce qu’on obtient que de ce qu’on espère, et l’on est heureux qu’avant d’être heureux. En effet, l’homme avide et borné, fait pour tout vouloir et peu obtenir, a reçu du ciel une force consolante qui rapproche de lui tout ce qu’il désire, qui le soumet à son imagination, qui le lui rend présent et sensible, qui le lui livre en quelque sorte, et pour lui rendre cette imaginaire propriété plus douce, le modifie au gré de sa passion. Mais tout ce prestige disparaît devant l’objet même ; rien n’embellit plus cet objet aux yeux du possesseur ; on ne se figure point ce qu’on voit ; l’imagination ne pare plus rien de ce qu’on possède, l’illusion cesse où commence la jouissance. Le pays des chimères est en ce monde le seul digne d’être habité et tel est le néant des choses humaines, qu’hors l’Être existant par lui-même, il n’y a rien de beau que ce qui n’est pas.

Jean-Jacques Rousseau, La Nouvelle Héloïse (1761).

Le langage trahit-il la pensée ?

Bergson : Le langage trahit-il la pensée ?

Selon Bergson, le langage a un défaut important. Certes, il permet de s’exprimer et de communiquer, mais il trahit ce que nous voulons dire.

Selon Bergson, le langage a un défaut important. Certes, il permet de s’exprimer et de communiquer, donc de dévoiler aux autres, en le rendant public, ce qu’il y a de plus personnel et individuel, nos pensées, nos désirs etc. Mais, selon lui, ce n’est néanmoins pas sans transformer, appauvrir, falsifier ce qui est à transmettre.

Loin d’être une indispensable traduction de nos pensées, le langage ne ferait que trahir ce que nous voulons dire véritablement.

Ainsi, selon Bergson, la langue déforme la pensée car elle consiste en un ensemble de mots, donc d’idées générales, qui appauvrissent nécessairement ce que nous voulons dire. Pourquoi peut-il parler d’un appauvrissement ? Car les mots que nous utilisons sont généraux, ils renvoient à une idée générale. Par exemple, le mot « chat » renvoie à une idée générale de chat, un petit mammifère de type félin. Si je parle donc de « mon chat », ce à quoi je pense est très précis, je pense à mon chat singulier avec ses caractéristiques, sa couleur, ses rondeurs … mais je ne dis que « mon chat » mon interlocuteur ne reçoit pas toute la singularité de ce que je mets derrière ces mots, il a simplement à l’esprit une idée générale de chat. De la même façon si je parle de ma colère, de mon amour, de ma tristesse, il s’agit toujours d’un ressenti singulier qui peut être très différent de la colère d’une autre personne ou de ma tristesse d’il y a 15 jours. Pourtant, quand nous parlons nous utilisons un terme générique « colère », « amour », « tristesse » pour qualifier ce que nous ressentons. De ce fait notre interlocuteur comprend vaguement ce que nous ressentons, mais pas précisément. Le langage ne nous permet pas de transmettre la singularité de nos pensées et de nos ressentis.

Selon Bergson, le langage dresse sur notre vie une simplification pratique qui ampute le réel de toute sa complexité et de sa pluralité pour n’en laisser qu’une vision superficielle et générale qui est la négation des choses elles-mêmes.

Pourquoi le langage est-il simplificateur ?

En effet, les différences spécifiques propres à chaque objet ou ressenti sont niées et vouées à être inaperçues en raison d’un impératif pratique qui impose d’en rester à des vues générales. Bergson parle d’impératif pratique parce que le langage n’a pas pour objectif premier de transmettre la singularité de nos pensées ou émotions, son objectif premier est de nous permettre de communiquer, de nous comprendre. Or, pour que nous puissions nous comprendre et parfois nous comprendre vite, il faut que les mots renvoient à des idées simples et comprises de tous. Si je veux prévenir quelqu’un d’un danger imminent, il faut que je puisse le lui dire vite et que cette personne me comprenne vite, sans cela je serai encore en train de préciser ma pensée et le danger sera sur nous. Il y a donc effectivement un objectif pratique du langage c’est-à-dire que le langage sert l’action, il nous permet d’agir et de faire agir les autres rapidement.

Bergson comprend cette fonction du langage mais il regrette que, de ce fait, le langage ne fasse que déposer des « étiquettes sur le monde entier ». Par étiquette, il entend des idées générales collées sur des choses singulières.

Cet argument de Bergson peut être utilisé dans un sujet sur le langage comme « le langage trahit-il la pensée ? » ou encore « Peut-on tout exprimer ? ». Vous pouvez retrouver ce sujet avec quelques autres sujets classés par thème ici.

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Texte de Bergson :

Nous ne voyons pas les choses mêmes; nous nous bornons, le plus souvent, à lire des étiquettes collées sur elles. Cette tendance, issue du besoin, s’est encore accentuée sous l’influence du langage. Car les mots (à l’exception des noms propres) désignent des genres. Le mot, qui ne note de la chose que sa fonction la plus commune et son aspect banal, s’insinue entre elle et nous, et en masquerait la forme à nos yeux si cette forme ne se dissimulait déjà derrière les besoins qui ont créé le mot lui-même.

Et ce ne sont pas seulement les objets extérieurs, ce sont aussi nos propres états d’âme qui se dérobent à nous dans ce qu’ils ont de personnel, d’originellement vécu. Quand nous éprouvons de l’amour ou de la haine, quand nous nous sentons joyeux ou tristes, est-ce bien notre sentiment lui-même qui arrive à notre conscience avec les mille nuances fugitives et les mille résonances profondes qui en font quelque chose d’absolument nôtre ? Nous serions alors tous romanciers, tous poètes, tous musiciens. Mais le plus souvent, nous n’apercevons de notre état d’âme que son déploiement extérieur. Nous ne saisissons de nos sentiments que leur aspect impersonnel, celui que le langage a pu noter une fois pour toutes parce qu’il est à peu près le même, dans les mêmes conditions, pour tous les hommes. Ainsi, jusque dans notre propre individu, l’individualité nous échappe. Nous nous mouvons parmi des généralités et des symboles […], nous vivons dans une zone mitoyenne entre les choses et nous, extérieurement aux choses, extérieurement aussi à nous-mêmes.

Bergson (1859-1941), Le rire.

Citation d’Elisabeth Badinter

Selon Elisabeth Badinter, loin d'être un instinct naturel, l'amour maternel est en réalité un fait culturel.

Selon Elisabeth Badinter, loin d’être un instinct naturel, l’amour maternel est en réalité un fait culturel. Dans l’Amour en plus, elle soutient que l’idée d’un amour maternel est une idée relativement récente dans nos pays occidentaux. Cette idée daterait des environs de 1760. Avant cela, un trop grand nombre d’enfants mourraient en bas âge ce qui n’invitait pas à s’y attacher trop. De plus, les femmes n’avaient pas beaucoup de temps pour s’y consacrer car elle devait subvenir aux besoins de la famille. Si l’on ajoute à cela que les enfants étaient alors considérés comme une ébauche d’être humain sans réel intérêt, on comprend que l’attention que les femmes portaient aux enfants n’était pas si grande. Dans les faits, on sait que les enfants abandonnés ou laissés en nourrice étaient très nombreux, ce qui semble prouver que les mères n’étaient pas attachées plus que cela à leurs enfants. Selon Elisabeth Badinter, ça n’est que vers la fin du XVIIIe siècle que le rôle de mère devient valorisé socialement et que le regard sur l’enfance commence à changer. C’est à partir de ce moment, que l’on commence à enfermer les femmes dans le rôle de la mère nourricière qui doit se dévouer totalement à ses enfants. Elle montre ainsi, combien l’idée d’un instinct maternel est une illusion, dénonçant du même coup l’obligation faite aux femmes d’avoir des enfants et de les aimer au nom de la nature.

Extrait d’un entretien entre Elisabeth Badinter et Claude Habib

« Les magazines dissertent sur notre instinct maternel, les pédopsychiatres nous découvrent de nouvelles responsabilités, les nouveaux courants féministes font de la maternité l’expérience cruciale autour de laquelle se cristallise notre identité, des philosophes américaines font de notre aptitude au soin et à la sollicitude le socle d’une éthique spécifique. Je ne vois pas là un interdit qui se lève, mais une régression intellectuelle. À l’origine de ce retour en arrière, je constate une triple crise : la crise économique, qui a renvoyé les femmes chez elles ; la crise de l’égalité, qui fait qu’elles continuent d’assumer les tâches ménagères et de gagner moins ; la crise identitaire, qui a miné la différence des rôles et ouvert la question d’une redéfinition du féminin. Face à ces incertitudes, la tentation était grande d’en revenir à la nature. (…) Comme l’a montré Philosophie magazine dans un sondage très instructif consacré à la question « Pourquoi fait-on des enfants ? », la motivation première relève du plaisir, plutôt que du devoir ou de l’amour. On ne fait pas des enfants par obligation sociale, familiale ou religieuse, mais parce que c’est censé rendre la vie « plus belle et plus joyeuse ». Nous sommes dans une société hédoniste et individualiste. « Moi d’abord ! » comme le clame la romancière Katherine Pancol. Mais, en face de cela, il y a les devoirs maternels… S’ils sont surmontables, la contradiction s’effrite. Mais si on allonge la liste de ces devoirs en demandant aux mères de se consacrer à leurs enfants les premières années – une tendance depuis trente ans –, alors la contradiction devient invivable. Plus les devoirs maternels sont élevés, plus la grève du ventre risque de s’étendre. D’autant plus qu’on choisit, aujourd’hui, de faire des enfants. On décide consciemment d’arrêter la contraception. Du coup, une responsabilité nouvelle surgit. Puisqu’on désire des enfants, on se doit à eux. On est passé du don de la vie à la dette. Cela change la donne. » Elisabeth Badinter

Sartre : « L’homme est condamné à être libre »

Selon Sartre, l’homme est fondamentalement libre, c'est-à-dire choix et il ne peut pas ne pas choisir, même refuser de choisir est un choix.

Sartre a une thèse sur la liberté qui semble d’abord paradoxale : « Nous sommes une liberté qui choisit mais nous ne choisissons pas d’être libres : nous sommes condamnés à la liberté ». Autrement dit, l’homme est fondamentalement libre, c’est-à-dire choix et il ne peut pas ne pas choisir. Aux yeux de Sartre, la liberté constitue la condition de l’homme à laquelle il ne peut pas échapper c’est pourquoi il dit que « l’homme est condamnée à être libre » car il ne choisit pas de naître mais une fois au monde, il ne peut pas ne pas choisir. En effet, même refuser de choisir est un choix. Donc paradoxalement pour Sartre, nous ne choisissons pas d’être libre. Mais est-il évident que nous soyons libres ? Ne sommes-nous pas au contraire déterminés par des facteurs biologiques, psychologiques ou sociologiques ?

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Sartre : « chez l’homme l’existence précède l’essence ».

Selon Sartre, l’homme fait nécessairement des choix dans sa vie et ce sont ses choix qui le définissent c’est-à-dire qui donnent un sens, une direction à sa vie. Il exclut ainsi l’idée que l’homme aurait un destin décidé par un Dieu qui aurait ainsi déterminé son essence (sa définition) avant qu’il ne vienne au monde. Sartre pense qu’il n’y a pas de Dieu et que de ce fait l’homme est seul et peut se définir lui-même, personne n’a pensé sa vie avant lui. C’est pourquoi il dit que l’homme est un projet, il décide de comment il va évoluer, de ce qu’il va devenir. C’est pourquoi pour l’homme « l’existence précède l’essence ». L’homme n’est pas comme un objet qui va d’abord être pensé par l’artisan pour ensuite être réalisé. Dans le cas de l’homme, il existe avant d’avoir une définition stricte et c’est ce qu’il fait dans sa vie qui va ensuite permettre de dire ce qu’il a été.

Contre la thèse du déterminisme

Sartre s’oppose à la thèse du déterminisme. Il s’oppose à ceux qui nous disent impuissants car nous ne pourrions pas nous changer, car nous ne pourrions pas échapper à notre classe, à notre famille, à notre passé ou vaincre nos désirs, ou changer nos habitudes. L’homme semble être fait par les circonstances plutôt que se faire si l’on accepte tous ces déterminismes.

Or, selon Sartre, nous croyons que certaines choses sont des obstacles, qu’elles nous limitent, nos origine, nos expériences passées, notre biologie, mais, en réalité, ce ne sont des limites à notre liberté que parce que nous avons choisi des les voir comme telle. Il prend l’exemple du rocher : un rocher n’est pas en soi un obstacle : « Le coefficient d’adversité des choses, en particulier, ne saurait être un argument contre notre liberté, car c’est par nous, c’est-à-dire par la position préalable d’une fin (d’un but), que surgit ce coefficient d’adversité. Tel rocher, qui manifeste une résistance profonde si je veux le déplacer, sera, au contraire une aide précieuse si je veux l’escalader pour contempler le paysage ». Que veut-il dire par là ? Ce qui fait que telle ou telle circonstance est un obstacle c’est le but que nous visons. En fonction de l’objectif c’est un obstacle ou une aide. Selon Sartre, nous ne sommes pas déterminés par ce qui nous arrive ou notre passé parce que c’est nous qui décidons du sens que nous allons donner à un événement. Nous pouvons considérer nos origines comme un obstacle mais aussi choisir de les voir comme un atout ou d’en faire un atout selon la fin visée.

Etre libre rend-il heureux ?

Pour Sartre, notre liberté est absolue et c’est aussi une situation difficile. En effet, si nous sommes libres, cela signifie également que nous sommes totalement responsables de ce que nous devenons. Nous ne pouvons pas nous abriter derrière des excuses, dire que nous avons été déterminé… De ce fait, nous pouvons ressentir de l’angoisse quand nous avons à faire des choix car être libre ne signifie pas que nous n’allons pas nous tromper, au contraire. Comment être sûr de faire le bon choix quand on n’est pas omniscient ? La liberté peut donc aller de pair avec la peur de se tromper et l’angoisse ressentie face à notre immense responsabilité.

Néanmoins, nous pouvons parfois oublier notre liberté, ne plus la sentir car nous n’avons, par exemple, pas le sentiment de faire des choix importants ou de prendre des risques. C’est pourquoi Sartre dit : « Jamais nous n’avons été plus libres que sous l’occupation allemande ». Cela semble paradoxal car dans cette situation, les français avaient perdu beaucoup de liberté et devaient subir des contraintes nombreuses. Mais dans le même temps, les choix qu’ils faisaient avaient davantage d’importance et étaient davantage ressentis car un choix pouvait leur coûter la vie. C’est dans des situations extrêmes que l’homme prend le plus intensément conscience de ses choix et donc de sa liberté.

L’homme est condamné à inventer l’homme selon Sartre

Sartre élargit la responsabilité humaine à un niveau collectif : « l’homme est condamné à chaque instant à inventer l’homme ». L’homme n’est pas seulement responsable de son être mais aussi de l’humanité en général. En choisissant, je donne non seulement consistance à ce que je suis mais j’invente l’homme. Mon choix n’est pas seulement personnel, il n’engage pas seulement ma propre personne mais l’humanité entière. Quand je choisis, je crée l’homme que je veux être mais aussi l’homme en général tel que je crois qu’il doit être et par mon exemple je montre que l’homme peut être ainsi et donne l’idée à d’autres de me suivre et de m’imiter.

Texte de Sartre :

Dostoïevski avait écrit : « Si Dieu n’existait pas, tout serait permis. » C’est là le point de départ de l’existentialisme. En effet, tout est permis si Dieu n’existe pas, et par conséquent l’homme est délaissé, parce qu’il ne trouve ni en lui, ni hors de lui une possibilité de s’accrocher. Il ne trouve d’abord pas d’excuses. Si, en effet, l’existence précède l’essence, on ne pourra jamais expliquer par référence à une nature humaine donnée et figée ; autrement dit il n’y a pas de déterminisme, l’homme est libre, l’homme est liberté. Si d’autre part, Dieu n’existe pas, nous ne trouvons pas en face de nous des valeurs ou des ordres qui légitiment notre conduite. Ainsi, nous n’avons ni derrière nous, ni devant nous, dans le domaine lumineux des valeurs, des justifications ou des excuses. C’est ce que j’exprimerai en disant que l’homme est condamné à être libre. Condamné, parce qu’il ne s’est pas créé lui-même, et par ailleurs cependant libre, parce qu’une fois jeté dans le monde, il est responsable de tout ce qu’il fait.

Jean-Paul Sartre, L’existentialisme est un humanisme, 1946.

Citation de Kant sur l’autonomie

Kant, philosophe allemand, reprend ainsi la devise des Lumières. Dans son texte, il remarque que bien qu’ayant atteint l’âge adulte beaucoup d’hommes restent fixés dans l’enfance c’est-à-dire qu’ils ne se servent pas de leur raison et continuent à écouter et suivre ce que d’autres leur disent de faire. Ils restent alors des mineurs et Kant explique cela par la paresse des hommes car réfléchir et acquérir les connaissances pour pouvoir prendre ses propres décisions demande beaucoup plus d’efforts que de se contenter de faire ce que le religieux ou l’homme politique conseille de faire.

L’esprit des Lumières est expliqué à partir de la distinction entre la minorité et la majorité : c’est « la sortie de l’homme de sa minorité dont il est lui-même responsable ». La minorité et la majorité sont empruntées au vocabulaire juridique mais Kant opère un déplacement de sens pour qualifier une attitude par rapport à la pensée. La minorité c’est « l’incapacité de se servir de son entendement (pouvoir de penser) sans la direction d’autrui » qui doit être distinguée de la bêtise (privation de faculté). La devise de la lumière est empruntée au poète Horace : « Sapere aude » : « ose savoir », ou « ose te servir de ton propre entendement ». Etre majeur intellectuellement, c’est donc faire usage des facultés intellectuelles qui sont à notre disposition sans être dépendantes d’une personne extérieure (hétéronomie) qui les dirige à notre place.

Le courage est nécessaire pour passer de l’hétéronomie à l’autonomie de la pensée car les deux principales causes de la minorité sont des conditions éthiques, « la paresse et la lâcheté ». La paresse refuse de faire des efforts et on préfère se laisser guider par facilité. Le mineur est donc celui qui se met sous tutelle par facilité. La minorité implique la mise sous tutelle (par exemple la compétence des prétendus « experts » nous sert de refuge pour ne pas penser par nous-mêmes). Cette prolongation de la minorité semble contre-nature et la majorité intellectuelle au sens kantien rentre alors en conflit avec la majorité naturelle : on a atteint l’âge adulte où l’on n’est plus soumis à une autorité étrangère car on dispose de toutes nos capacités et pourtant on reste mineur car on ne pense pas par soi-même. Si ces efforts ne sont pas faits, n’est-ce pas par lâcheté ? En effet, il faut du courage et vaincre la peur de la liberté qui nous fait souvent préférer la sécurité pour penser par soi-même. La comparaison entre l’apprentissage de la marche et celui de la pensée montre que l’autonomie est une affaire de volonté et de persévérance : puisque tous les hommes ont appris à marcher après plusieurs tentatives, ils peuvent aussi apprendre à penser.

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Quelques grandes questions philosophiques par thème

Je vous présente ici quelques questions philosophiques classées par thème du programme. Pour voir le programme de philosophie de terminale en détails c’est ici. Une nouveauté du bac de philosophie est notamment qu’il peut désormais y avoir au bac des sujets dans lesquels la notion principale n’est pas explicitement. C’est le cas par exemple pour deux des trois sujets de dissertation tombés au bac 2021. J’ai donc ici sélectionné exprès une majorité de sujets où la notion du programme n’apparait pas explicitement dans l’intitulé. C’est donc normalement à vous de faire le travail de retrouver la ou les notions concernées. Pour vous aider, j’ai ici classé les sujets par notion. Pour un certain nombre de sujet, je vous explique ci-dessous pourquoi cela renvoie à telle ou telle notion. Les formulations peuvent sembler difficiles mais, en réalité, on peut souvent rapprocher ces sujets d’autres intitulés qui sont classiques et moins impressionnants.

La Conscience :

Quelques questions philosophiques qui renvoient à la notion de conscience sans que celle-ci apparaisse explicitement.

– Peut-on se connaître soi-même ?

Dans ce sujet, vous serez amené à vous demander si nous avons conscience de tout ce que nous sommes car si tel n’est pas le cas, il va être difficile de se connaître soi-même parfaitement. Ce sujet fait donc référence à la notion de conscience mais également d’inconscient.

– Peut-on ne pas être soi-même ?

Ce sujet fait notamment référence à la notion d’identité qui est souvent traitée avec la notion de conscience et d’inconscient car on peut défendre comme le fait Locke que notre identité dépend de notre conscience de nous-mêmes et des souvenirs que nous avons. La question pourrait alors être si nous agissons inconsciemment, est-ce encore nous qui agissons ? Par ailleurs, le sujet peut également renvoyer à la notion de raison. Sommes-nous encore nous-mêmes quand nous agissons sous l’emprise d’une passion et sans écouter notre raison ?

– Peut-on se mentir à soi-même ?

L’inconscient :

  • – Suis-je responsable de ce dont je n’ai pas conscience ?

Dans ce sujet, le terme « responsable » doit vous faire penser au cours sur la liberté. Etre responsable c’est être capable de répondre de ses actes donc être doué de raison et être en mesure d’expliquer un choix que l’on a fait. « ce dont je n’ai pas conscience » fait référence notamment à l’idée d’inconscient. Ce sujet est donc assez proche un sujet classique qui serait : « l’hypothèse de l’inconscient est-elle un obstacle à la liberté ? »

  • – Peut-on ne pas savoir ce que l’on fait ?
  • – Peut-on connaître l’inconscient ?

Ce sujet est tombé au bac en 2021, je vous renvoie à l’analyse que j’en ai fait dans cet article.

Le temps :

  • – Peut-on se libérer du passé ?
  • – Qu’est-ce que je perds quand je perds mon temps ?
  • – Le passé a-t-il plus de réalité que l’avenir ?

Le bonheur :

  • – L’imagination est-elle la cause de notre malheur ?
  • – Faut-il rechercher le bonheur ?

Pour ce sujet la notion de bonheur apparaît clairement néanmoins pour bien comprendre le problème il faut voir que le verbe « rechercher » renvoie implicitement à la notion de désir. J’ai traité en partie de cette question dans cet article sur Schopenhauer.

  • – La recherche du bonheur est-elle nécessairement immorale ?

La liberté :

  • – Sommes-nous responsables de ce que nous sommes ?

Ce sujet est relativement proche du sujet tombé au bac 2021 dont vous trouverez une analyse ici.

  • – Pourquoi veut-on changer le monde ?
  • – Peut-on constituer une science de l’être humain sans nier la liberté humaine ?

Le devoir :

  • – Qui est autorisé à me dire « Tu dois » ?

Dans ce sujet, il est question du devoir et de l’origine de nos devoirs. La difficulté du sujet tient notamment à son caractère ouvert, vous ne voyez pas immédiatement la réponse en oui ou en non. Néanmoins, vous pouvez construire un plan dialectique en proposant des réponses qui s’opposent, par exemple vous pouvez défendre que l’Etat est autorisé à donner des devoirs ou au contraire que vous êtes le seul à pouvoir vous donner un devoir (autonomie).

  • – Le méchant est-il un ignorant ?
  • – Y a-t-il plusieurs morales ?

L’Etat :

  • – Faut-il défendre l’ordre à tout prix ?

Ce sujet fait notamment référence à l’Etat car le garant de l’ordre en société est l’Etat. Il s’agit donc de se poser la question suivante : est-ce que l’on peut sacrifier totalement sa liberté pour que l’ordre soit maintenu ? Ou encore peut-on renoncer à la justice si l’ordre est maintenu ?

  • – Une société sans Etat est-elle possible ?
  • – L’Etat est-il un mal nécessaire ?

La Justice et le droit :

  • – Toute inégalité est-elle une injustice ?
  • – Faut-il parfois désobéir aux lois ?

Ce sujet demande de faire référence notamment à la notion de justice morale. Peut-il être parfois moralement justifié de désobéir à une loi ? Ou bien est-ce toujours injustifié car le danger en désobéissant est plus grand encore pour la société ?

  • – A quoi servent les lois ?

La raison :

  • – D’où vient la force des préjugés ?
  • – Peut-on penser sans préjugés ?

Les philosophes critiquent souvent les préjugés car ils apparaissent comme le contraire d’une pensée rationnelle. Le préjugé c’est cette idée que l’on a admise avant d’y réfléchir réellement, cette idée reçue que le philosophe veut mettre en pièces. Alors il semble souhaitable de penser sans préjugés, mais est-ce possible ? Il semble difficile de n’avoir aucune idée reçue et même pour penser et les remettre en question, il faut d’abord avoir des idées. Est-ce alors si simple ?

  • – Le doute est-il un échec de la raison ?

La science :

  • – Les faits parlent-ils d’eux-mêmes ?

Si vous avez eu un cours de philosophie sur les sciences, vous savez que parler de « fait » en science ne va pas de soi du tout car ce que le scientifique observe il l’observe dans un contexte bien particulier, en ayant mis en place une expérience, en suivant une théorie ou en ayant fait une hypothèse. On ne peut donc pas dire qu’il observe de manière neutre des faits qui apparaîtraient d’eux-mêmes. Les faits sont également construits par la théorie et le processus scientifique.

  • – Peut-on connaître ce dont on a pas l’expérience ?
  • – La connaissance scientifique a-t-elle des limites ?

La vérité :

  • – A-t-on parfois le droit de mentir ?
  • – Peut-on douter de tout ?

Ici le verbe est intéressant car il va être possible de le prendre en deux sens distincts. D’abord « peut-on » au sens de est-il possible et ensuite « peut-on » pris dans le sens de « est-ce bien ? ». Il est sans doute possible de douter de tout, c’est ce que cherche à faire Descartes dans le Discours de la Méthode, mais est-il finalement souhaitable de douter de tout ? Cela signifie que l’on admet rien comme vrai ? N’y a-t-il pas des vérités établies dont on ne peut pas douter ?

  • – L’erreur peut-elle être féconde ?

La nature/culture :

  • – Qu’est-ce qu’un être humain civilisé ?

Ce sujet renvoie à la notion de nature et de culture, car parler d’un être humain civilisé c’est d’abord désigner un humain qui a une culture. Qu’est-ce alors qu’être civilisé est-ce s’éloigner de la nature humaine ? Est-ce être faible comme peut le penser Rousseau qui voit dans la culture un amollissement de l’homme ? Ou bien est-ce être au contraire meilleur ? Mais n’y a-t-il pas de nombreuses manières d’être civilisé ? La difficulté de ce sujet en plus de l’absence de notion explicite tient à son caractère ouvert, il faut alors proposer plusieurs réponses possibles en essayant de faire en sorte qu’elles s’opposent.

  • – Puis-je juger la culture à laquelle j’appartiens ?
  • – Faut-il respecter la nature ?

Le travail :

  • – Gagner sa vie, est-ce la perdre ?

Ici l’expression « gagner sa vie » doit vous faire penser au thème du travail car c’est par le travail que les hommes peuvent le plus souvent gagner leur vie c’est-à-dire gagner de quoi subvenir à leurs besoins. Le sujet renvoie donc à la question classique le travail est-il une pure contrainte qui nous fait perdre notre vie ou bien peut-on trouver une satisfaction et une forme d’accomplissement dans le travail ?

  • – Ne travaille-t-on que par intérêt ?
  • – Pourquoi travaillons-nous ?

La technique :

  • – Qu’est-ce qu’une machine ne peut pas faire ?
  • – Serions-nous plus libres sans machine ?

Ces questions philosophiques renvoient à la notion de la technique car la machine appartient au domaine de la technique. La machine est un objet que l’homme invente pour l’aider dans une tâche et qui a une certaine indépendance contrairement à l’outil. Ici la question consiste à se demander si la machine est quelque chose qui nous libère en nous faisant gagner du temps par exemple ou au contraire quelque chose qui nous rend dépendants car alors nous ne pouvons plus nous en passer.

  • – Est-il raisonnable d’avoir peur de la technique ?

L’art :

  • – La beauté s’explique-t-elle ?

Dans ce sujet, la notion de beauté renvoie au domaine de l’art et plus précisément à la question de savoir si le beau est quelque chose que l’on peut expliquer rationnellement en donnant des définitions et des règles à suivre ou si au contraire le beau est quelque chose que l’on ressent uniquement et qui n’est pas explicable rationnellement. Il est possible de mobiliser ici la distinction subjectif/objectif car la question est notamment : Y a-t-il des critères objectifs du beau ? Ou est-ce quelque chose de totalement personnel et subjectif ?

  • – Le plaisir esthétique suppose-t-il une culture esthétique ? / Faut-il être connaisseur pour apprécier une oeuvre d’art ?
  • – L’oeuvre d’art est-elle l’oeuvre d’un génie ?

La langage :

  • – Peut-on tout exprimer ?

L’idée d’expression doit vous faire penser au cours sur le langage. Ici la question est donc le langage permet-il de tout exprimer ? C’est un sujet classique sur les limites du langage qui, parce qu’il vise d’abord la communication, utilise des mots ou signes qui restent très généraux et ne traduisent pas la singularité de nos ressentis par exemple. Une référence utile pour ce sujet : Bergson

  • – La parole est-elle un pouvoir ?
  • – Le discours peut-il abolir la violence ?

La religion :

  • – Entre croire et savoir, faut-il choisir ?
  • – Les croyances religieuses sont-elles par nature irrationnelles ?
  • – Peut-on vivre sans foi ni loi ?

Citation de Martha Nussbaum

Martha Nussbaum est une philosophe américaine qui s’oppose notamment à la disparition des cursus humanités dans les universités. Elle défend que les savoirs qui semblent ne pas être immédiatement utiles comme les arts, l’histoire, la littérature, la philosophie, sont en réalité très importants. Ces savoirs sont, à ses yeux, ce qui permet à un individu de développer empathie et sens de la justice, qualités qui sont nécessaires pour vivre dans une démocratie. Elle a écrit notamment Les émotions démocratiques. Or, les politiques actuelles aux Etats-Unis mais également en Europe ont tendance à ne valoriser à l’université que les filières qui peuvent être immédiatement rentables et qui vont être financées par les entreprises.

Au contraire, les Etats tendent, selon Martha Nussbaum, à négliger ce qui est pourtant essentiel à la formation d’hommes et de citoyens justes et ayant une capacité de jugement. Les hommes ne sont pas seulement des travailleurs compétents, ils doivent également pouvoir choisir leurs représentants judicieusement, voter, être juste et coopérer avec les autres. Ce sont ces choses que développent les Humanités notamment.